C'est une grotte ? C'est une crypte ? Non, c'est un chai ! (11)
*Dans le titre, une petite référence cinématographique est à deviner (en commentaire).
Où va-t-il donc m'emmener, je me demande encore. Sa cave sombre et humide ou je vais devoir manger les rats qui passent pour me nourrir et lécher les murs pour m'hydrater ? J'imagine déjà le pire des scénarios mais si cela peut me sentir mieux lotis que ce dont j'imagine, alors c'est déjà ça de gagner. Si vous vous attendez à toucher le gros-lot et que vous n'avez qu'un maigre gain, vous êtes forcément déçu. Alors si vous imaginez tout perdre mais qu'on vous offre le petit gain, vous vous sentez comme le big boss.
Du moins... en théorie. Là même s'il me fout dans une chambre d'hôtel cinq étoiles, je ne me sentirai pas gagnante, en aucun cas. La situation est trop glauque et bien trop étrange pour cela. Pourtant, je n'ai pas envie de me sentir descendre encore plus bas que terre. Alors je m'imagine déjà dévorer des rats encore vivants, de me nourrir de leur sang comme les vampires vagabonds dans les livres. J'imagine toutes sortes de saloperies immondes, même quand il me porte et qu'il traverse la pièce, une sorte de garage ? Il me tient d'une seule main, alors que par désespoir de tomber, je m'accroche à son épaule. Une grosse clef en métal s'enfonce dans un verrou, un bruit sourd résonne et il tire l'ouverture. On pénètre dans un couloir encore moins illuminé que le garage et il referme la porte, alors que je n'en discerne même pas la serrure. Il a l'habitude, sûrement.
Puis il me soutient avec son autre main et m'empêche de glisser. Il s'avance et plus ses pas se multiplient, plus la clarté apparaît. Pas une vraie lumière du jour, non, mais on sent que l'endroit est déjà plus lumineux que son maudit garage. Le couloir se termine et débouche sur une immense pièce toute grise. Partout, je vois du béton. Les murs, le sol, tout. Les plafonds sont vraiment très hauts, aussi.
Je distingue de petites trappes, comme des fenêtres, le long du mur... juste au-dessus du plafond. Les ouvertures font une trentaine de centimètres de hauteur et culminent à pas moins de quatre mètres. Ici, chaque pas résonne immensément. Je ferme les yeux et imagine être arrivée dans une mystérieuse grotte, qui a son charme, son ruisseau et... sa sortie.
Quand je rouvre les paupières, toujours cette maudite salle en béton armé ou le seul décor sont plusieurs colonnes au centre de la pièce, elles aussi en béton, qui semblent soutenir la structure.
— C'est une crypte ? je demande, peu rassurée par l'ambiance de la pièce.
— Non, c'est un ancien chai.
— Un quoi ?
Je suis déboussolée, il vient de dire « Cheh ! » ou je rêve ? J'ai beau être jeune, je traîne principalement avec Ivano et avec des gens dont la moyenne d'âge tourne autour de soixante ans... donc les mots de vocabulaire des jeunes restent plutôt hors de ma portée.
— Avant, ce lieu servait de stockage pour les fûts de vin. On appelle ces lieux des chais.
— Ah... d'accord.
Intéressant, je me trouve à une visite guidée touristique, tout à coup. Maudite soit ma curiosité, car je trouve cette connaissance réellement digne d'intérêt. Quand je sortirai de là, je pourrai dire à ma grand-mère :
— Muguette, tu devineras jamais ! J'ai passé un petit moment dans un chai, on a picolé du vin et c'était fort bien.
Je crois que je suis déjà en train de perdre la raison. J'ai besoin de parler à quelqu'un d'autre que moi-même ou à cet énergumène qui me transporte comme si je ne pesais rien, alors que je dois franchement peser mon poids, comme je ne suis pas mince.
— Je peux marcher, décrété-je.
Maintenant, je suis trop embarrassée et bien trop éveillée pour me laisser porter partout comme une princesse en perdition alors que je suis en réalité avec le méchant sorcier qui veut causer la fin de mon monde.
Le chanteur me laisse glisser jusqu'à ce que mes pieds touchent le sol. Il ne me lâche pas tout de suite, comme s'il avait peur que je sois incapable de tenir debout. Ce qui est peut-être vrai.
Maintenant que je suis sur mes deux jambes, je vois qu'il n'y a vraiment rien dans cette pièce, seulement un vieux tonneau, probablement un vestige du passé du bâtiment.
— Attends... je vais devoir rester là-dedans ?
Il hoche la tête et paraît presque désolé. Je dis bien presque... ou alors mon optimisme incessant me joue un vilain tour.
— Je n'avais pas vraiment prévu d'emmener quelqu'un pour si longtemps... alors il n'y a pas grand chose. Mais il y a une seconde pièce attenante où tu peux te rendre.
Sa manière d'être toujours courtois, poli et civilisé me fait perdre le nord. Quand on est un meurtrier, on se doit d'agir comme tel, non ? A moins qu'il ne soit réellement pas avide de sang et de meurtre... mais véritablement malade.
Si j'ai été enfermée par un malade mental, capable d'être raisonné... alors mes chances de m'en sortir grimperaient en flèche. À moins que je sois celle qui est une extrémiste optimiste, qui voit trop le positif partout ? J'espère sincèrement ne pas me tromper au bout du compte. Sinon ce sera tout simplement la mort qui m'attend.
Et naturellement, mourir ne me tente pas trop.
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