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XCVII- RESSENTIMENTS

Je coupe la communication puis fixe l'écran de mon téléphone d'un oeil hagard. Une souffrance, que le poids des ans avait enseveli et dont je n'avais plus conscience, enfle au creux de mon ventre, si violente qu'elle me paralyse.

La voix qui a résonné à mon oreille il y a un instant vient de réveiller une bien vieille blessure. Je la pensais cicatrisée depuis belle lurette mais je m'étais trompé ; elle se ravive au fond de mon coeur, intacte et d'autant plus brutale qu'elle ne s'était pas manifestée ouvertement, ces dernières années. Elle est comme un monstre resté tapi au creux de mon âme depuis tout ce temps. Une hydre dont les visages difformes brûlent encore aujourd'hui d'un branle-bas d'émotions déchaînées et déversent leur fiel dans mes veines ; la colère ... La jalousie ... La peur ... La rancoeur ... Une somme de tourments mènent un combat éperdu dans mon corps, le mettant à la torture. Suffoqué, je dépose doucement l'appareil sur la table de chevet et demeure immobile au milieu de ma chambre à coucher, enveloppé d'un silence terrible, que même l'agitation de la rue en contrebas ne parvient à troubler.

Deux minutes se succèdent et je nourris déjà des regrets. Je ne veux pas revoir cet homme. En dépit de la forte complicité qui nous unissait jadis, sur la scène comme dans la vie, une voix intérieure m'implore de ne pas lui ouvrir ma porte. Autrefois, j'ai été le témoin malheureux et impuissant de sa lente descente aux enfers, échouant à lui venir en aide en dépit de mes efforts, et j'ai bien cru que je n'y survivrai pas. Mais le temps a fait son oeuvre, et j'ai survécu. J'ai pu panser les blessures qu'il nous avait infligées. Et jusqu'à ce jour, si l'on m'avait interrogé au sujet de cette amitié perdue, je me serais vanté sans hésiter d' avoir tourné la page et refait ma vie loin du passé éprouvant qui nous avait opposé.

Mais tout ceci est faux. Le choc que ce coup de fil provoque en moi le confirme. En vérité, je n'ai rien oublié de cet épisode et j'en garde une amertume vivace. C'est pourquoi je refuse d'entendre l'histoire de Matthew. Aujourd'hui encore, je me sens incapable de lui pardonner ce qu'il nous a fait, à Chris, à moi, comme à lui-même.

- Pourquoi t'ai-je dit oui, bon sang ... grondé-je d'une voix vibrante d'aigreur, les yeux rivés sur le téléphone.

Ce dernier reste muet. Je serre les poings de rage ; comme si l'appareil pouvait me répondre ...

* * *

Je lève une main tremblante et appuie sur le bouton de l'interphone. La peur me tord l'estomac et je garde les yeux braqués sur l'étiquette où s'inscrit le patronyme de mon ancien complice, dont j'épèle mentalement le nom familier afin de taire mes angoisses. J'en suis à la lettre R lorsqu'un grésillement se fait entendre par le haut parleur de l'appareil.

- Hem ... C'est Matt. articulé-je en me penchant près du micro, la gorge nouée par l'émotion.

*Huitième gauche* répond une voix désincarnée que recouvre un crachotis électronique.

Puis de nouveau, le silence. Un ronronnement électrique m'indique que le loquet de la porte d'entrée se déverrouille et le coeur empli d'appréhension, j'en pousse le battant. D'un pas mécanique, je traverse le couloir puis m'engouffre dans le vieil ascenseur de l'immeuble. Après avoir choisi l'étage, je fais volte face en direction de la porte coulissante, dont les grilles de fer forgé se referment dans un vacarme métallique. Mon pouls s'affole ; j'ai l'impression d'être pris dans un piège. La cabine se met en branle brusquement et provoque un vent de panique qui me submerge.

Fuc## ! Qu'est-ce que je fiche ici, il faut que je foute le camp tout de suite !

Un sentiment de couardise incoercible s'empare de moi, et je ne me sens plus du tout prêt à affronter celui qui m'a banni de son existence. Ma raison s'envole et je me surprends à secouer erratiquement la grille de fer dans une tentative de fuite. Mais la cage reste obstinément close. La poitrine cognant à tout rompre, je lâche les barreaux et m'efforce de recouvrer mes esprits avec de profondes inspirations. 

Le rituel m'apaise peu à peu. Rasséréné, je lève les yeux et croise mon reflet dans le miroir qui recouvre le fond de la cabine. L'image provoque un choc ; je ne me reconnais point. Un vagabond en proie à la démence, souffreteux et dénutri, les yeux exorbités par la peur ... Voilà donc ce que je suis devenu ? Et pourquoi cette vision me semble-t-elle si surprenante ? Ne revêts-je pas cette apparence depuis fort longtemps déjà, si je me fie aux sarcasmes récurrents de Carla ?

Un tintement retentit et interrompt ma troublante contemplation. J'entends le fracas de la grille qui se déverrouille et me retourne vers la sortie, libéré de la pénible compagnie de mon double. Une vague d'épouvante me traverse une fois encore à l'idée du face-à-face qui m'attend, mais cette fois-ci, je tiens bon. Après un regard alentour, je pivote sur la gauche du hall et me dirige vers une lourde porte de bois laissée entr'ouverte.

Je marque une pause devant la porte puis me décide à en pousser le battant. Un corridor étriqué apparaît devant moi, ainsi qu'une silhouette qui se découpe dans la pénombre. Le visage de l'individu est plongé dans l'ombre mais je n'ai aucune peine à le reconnaître. Mon coeur s'emballe aussitôt. Ainsi que je le redoutais, nos retrouvailles me bouleversent. Mon hôte éprouve certainement le même sentiment mais si c'est le cas toutefois, il n'en laisse rien paraître ; impassible, il n'a pas bougé d'un pouce et se tient au milieu du couloir, sans un geste pour m'inviter à entrer.

La gorge sèche, je rassemble le courage qu'il me reste et esquisse un sourire timide.

- Hello, Dom. murmuré-je, mal à l'aise. Ca fait un bail.

* * *

Un plateau et deux tasses fumantes en main, je quitte la cuisine et me dirige vers la pièce de séjour. Ainsi que je l'y ai invité, mon visiteur s'est installé dans l'un des fauteuils près de la baie vitrée. Dès le premier coup d'oeil à son arrivée, j'ai constaté qu'il était en proie à une nervosité extrême. Encore maintenant, il ne tient pas en place et s'agite sur son siège comme un diable dans un bénitier. Manifestement, l'idée de notre entrevue le met dans tous ses états. 

Pour être honnête, je n'en mène pas large non plus. Et ma proposition de lui préparer une tasse de thé sitôt qu'il est entré s'apparente plus à une fuite qu'à l'intention de lui être agréable. En effet, dès que Matthew est apparu sur le seuil de ma porte, les vieux souvenirs douloureux ont surgi de ma mémoire et j'ai ressenti le besoin de me refugier dans la cuisine pour évacuer le trop-plein d'émotions qui m'étreignait.

Je tend son breuvage à mon ex-partenaire de scène et m'assieds en face de lui. Profitant d'un instant de distraction tandis qu'il porte le mug à sa bouche, je l'inspecte à la dérobée. Le gaillard n'a pas ôté son manteau et il m'est difficile de juger de son apparence, mais un rapide examen a tôt fait de renforcer mes soupçons le concernant. Son imperméable rapiécé, le trou dans la semelle de la chaussure qu'il m'expose en soulevant une jambe pour la caler sur sa cuisse, témoignent des conditions de vie précaires du jeune homme. En outre, la pâleur de son teint comme ses yeux injectés de sang ne laissent guère de doute sur les rapports qu'il entretient avec sa vieille addiction ; il n'a pas décroché.

Apparemment réticent à prendre les rênes de la discussion, Matthew s'éternise à souffler sur son thé. Un silence mortifère s'est installé entre nous, que nous ne semblons l'un comme l'autre pas prêt à rompre. De mon côté, je me donne une contenance en avalant une gorgée de mon infusion mais le liquide me brûle la gorge et je ne peux retenir une grimace. Tout en essuyant mes lèvres du revers de la main, je risque un coup d'oeil à mon voisin ; ce dernier m'observe en se rongeant les ongles. Embarrassé, je baisse aussitôt les yeux.

- Je suis allé à la boutique où bosse Chris, tout à l'heure. lâche-t-il enfin.

Mon attention toujours portée sur mon thé, j'attends la suite, qui ne tarde pas à arriver.

- Tu sais, le tatoueur qui l'avait l'embauché juste après le clash du groupe ... Mais le gars m'a dit qu'il avait démissionné.

Je considère Matthew en fronçant les sourcils.

- Ca fait sept ans que Chris a pris ce job, Matt ... rétorqué-je froidement. L'eau a coulé sous les ponts depuis. Il a eu largement le temps de revoir ses ambitions, tu ne crois pas ?

- Oh ! les traits de mon interlocuteur se décomposent. Tu as raison, bien sûr ...

N'osant rien ajouter, il plonge à nouveau le nez dans sa tasse. Une part de moi regrette aussitôt la sécheresse de mes propos. Le garçon s'applique à briser la glace, et voilà que je ruine ses efforts en quelques mots. Le malaise qu'il affiche me serre le coeur. Néanmoins, je m'obstine à garder le silence. Une part de moi conserve un fort ressentiment à son égard. Et quoi qu'il s'apprête à dire, je ne tiens pas à lui faciliter la tâche.

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