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XCI-AUCUNE PERSPECTIVE

Le cœur serré, je me penche au-dessus d'un petit carton posé sur ma table de travail et m'emploie à empiler avec soin mes carnets de notes aux côtés de ma fidèle Calathéa au feuillage bigarré. Juste après le départ d'Edward, dont le téléphone a sonné un peu plus tôt, réclamant son expertise au sujet de plusieurs dossiers et me sauvant par ailleurs de notre conversation embarrassante sur mes rapports avec Gordon, je me suis attelée à trier quelques effets personnels accumulés au fil des ans dans mon cabinet, en vue de mon départ prochain.

Même si mon chef m'a assuré que le congé négocié avec Reece Zhang n'affecterait pas mon contrat de travail et que je pourrais réintégrer les locaux sans encombre à l'issue de mes vacances forcées, je ne puis réfréner le sentiment que des ennuis plus sérieux sont à venir. Edward est parvenu à convaincre le responsable de ne pas user de sanction, mais Reece ne m'a pas semblé satisfait de cette conclusion. Je connais l'homme de réputation, il n'est pas du genre à s'épancher ni à se montrer indulgent lorsque l'on transgresse le réglement intérieur de l'établissement. En outre, d'après ses propos lors de notre entretien, il paraissait résolu à vouloir faire de mon cas un exemple. Et je crains qu'il ne profite de mon éviction pour mener une enquête approfondie auprès du personnel.

Je pousse un soupir. Si c'est le cas, je suppose qu'il n'aura pas grand mal à trouver des détracteurs prêts à calomnier sur mon compte. En effet, dès que j'ai pris en charge le suivi du patient vedette de l'hôpital, une part non négligeable de praticiens avec lesquels je nourrissais des rapports cordiaux s'est mis à me battre froid. Seraient-ils jaloux des rapport privilégiés dont j'ai pu jouir avec la rockstar ? C'est possible. Je soupçonne même certains d'entre eux d'être à l'origine des rumeurs les plus farfelues qui circulent à mon propos.

Le carton déborde déjà, mais je parviens à trouver un espace suffisant pour intercaler le dernier objet que je tiens en main. Je l'ai déjà contemplé des centaines fois depuis qu'il trône sur mon bureau, toutefois je ne peux m'empêcher de le détailler encore avant de le glisser dans le carton ; il s'agit du cadre doré qui contient la photographie de mon couple avec David, prise lors de nos premières vacances ensemble. A sa vue, mon cœur se serre. Nous y posons avec un sourire radieux, tous deux enlacés, ma tête reposant sur l'épaule de mon ex-compagnon. Une scène complice et heureuse qui appartient désormais au passé. Et qui me précipite plus profondément encore dans mes afflictions. Sans que je puisse y opposer la moindre résistance, le visage de Matthew s'impose à moi, vision sublime et accablante. Je suffoque. Un gouffre gigantesque et glacial s'ouvre en moi, aspirant ma raison dans les profondeurs de son abîme, et l'âpre sentiment de désolation qu'il répand à travers mon être m'écrase de sa toute-puissance.

La violence des assauts me terrasse, pareille à un raz-de-marée. Le souffle coupé, je reste ainsi, dépouillée de mes forces, la gorge enflée de lourds sanglots. Est-ce le lot du reste de ma vie, une lutte sans fin contre le fléau de mes tourments ? Ou serais-je un jour capable de surmonter cette douleur et d'afficher à nouveau une joie semblable à celle qui émane de cette photographie ? Rompue sous les affres de ma passion, la simple idée de bonheur me semble inconcevable.

Ravalant ma peine, je referme le carton tant bien que mal et le dépose auprès de mon sac à main, au pied du bureau. Puis je m'installe à ma table et après quelques instants, je trouve le courage d'allumer mon écran et d'afficher le planning des consultations du jour. Par bonheur, mon premier rendez-vous n'est programmé qu'au milieu de l'après midi. Voilà qui va me laisser le temps de reprendre mes esprits. Et surtout de me rendre au bâtiment du docteur Cumberbatch, afin de le raisonner concernant ses inquiétants desseins.

*  *  *

Le nez plongé dans mon dossier, je parcours un rapport diagnostique préliminaire réalisé par les infirmiers urgentistes à propos d'un patient. Il s'agit d'un homme nouvellement admis dans mon unité de soins, et qui souffre manifestement de délire psychotique. D'après les notes, l'individu a agressé plusieurs proches, avant de tenter d'arracher l'oreille de son médécin avec les dents.

Je réajuste mes lunettes. Voilà qui est intéressant. Avec un regain d'intérêt, je me penche sur les détails cliniques. Au bout de quelques minutes, totalement absorbé par le rapport, je n'entends pas le bruit de pas approcher par la porte entr'ouverte de mon cabinet, et les deux coups frappés sur le battant me font sursauter.

- Gordon ! Je dois vous voir au sujet d'un malade qui me pose problème !

Je lève des yeux interloqués. Zoey vient d'entrer en trombe dans le cabinet, suivie de Jodie, ma toute nouvelle assistante, qui accoure en catastrophe dans son sillage.

- Mademoiselle ! glapit cette dernière, tout essouflée. Er ... Veuillez m'excuser docteur, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour la retenir... Je ... Mais cette dame n'a rien voulu entendre, je vous assure !

Un sourire se dessine sur mes lèvres, que je réprime aussitôt.

- J'avais pourtant insisté pour qu'on ne me dérange sous aucun prétexte. fais-je avec une moue contrariée.

Mortifiée, la jeune femme rougit violemment.

- Je ... mais, c'est ...

- C'est bon, laissez tomber, Jodie. coupé-je avec un soupir. Vous pouvez retourner à vos futiles occupations.

Ecarlate, Jodie ne se laisse pas prier et s'éclipse aussitôt. Le regard de Zoey, qui a assisté à la scène sans un mot, s'attarde un instant sur la porte qui vient de se refermer sur la malheureuse.

- Je me trompe, ou vous prenez un malin plaisir à embarrasser cette pauvre fille ? questionne-t-elle, le sourcil levé.

- Oui, je l'avoue ... Lâché-je avec un petit rire, tout en reclassant les pages de mon dossier. Mais que voulez-vous ! Gladys, ma fidèle collaboratrice, est partie en retraite il y a un mois, et on m'a proposé cette jeune personne sans aucune expérience pour la remplacer ! Comme je le craignais, ça n'est pas de tout repos. Dès le premier jour, elle s'est montrée hyper-émotive et empotée. Je me suis tout d'abord armé de patience, songeant qu'elle finirait par s'adapter au fonctionnement de l'unité. Mais après plusieurs semaines sans noter une seule amélioration, je renonce à espérer.

- Si je puis me permettre une suggestion, glisse ma visiteuse. Peut-être devriez-vous essayer de paraître moins ... effrayant ?

Je lève la tête dans sa direction, abasourdi.

- Effrayant ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire ! J'ai été d'une indulgence sans borne avec elle, malgré ses bourdes à répétitions ...

Mon interlocutrice détourne les yeux, dissimulant un sourire. Mais son humeur légère s'évanouit bientôt, et son regard se pare d'un voile de tristesse alors qu'elle s'approche de la fenêtre du cabinet et se perd dans la contemplation des arbres centaines du parc.

- Parlez-moi de ce patient pour lequel vous requérez mon expérience. déclaré-je gravement.

- Oh ! s'écrie-t-elle, surprise. C'était un prétexte pour vous voir, Gordon.

- J'avais compris. fais-je en rangeant soigneusement la chemise cartonnée dans un tiroir du bureau. Mais je suppose que vous n'êtes pas non plus venue pour une conversation mondaine. Cela concerne Matthew ?

Elle hésite un instant, puis lâche dans un soupir :

- Oui. Vous avez sans doute remarqué que nous étions plutôt proches.

Je fais pivoter mon siège dans sa direction et opine du chef.

- Il se trouve qu'il m'a laissé quelque chose juste avant son départ.

- Ah oui ?

- Oui ... la jeune femme m'adresse un regard timide. Une confession. Qui m'a bouleversée.

Je la considère en silence. Ses yeux sont posés sur moi, brillants de passion. Un élan de compassion m'envahit aussitôt. Je ne vois que trop bien où elle veut en venir. Contrairement à ce que notre conversation téléphonique de la veille m'avait laissé entendre, la psychiatre n'a pas encore tourné la page suite au départ du chanteur.

- Zoey, il faut cesser de songer à cela. énoncé-je avec douceur. Vous vous faites du mal inutilement. Matthew a rejoint sa fiancée, comme vous le savez.

- Je le sais bien, grimace-t-elle, visiblement réticente à évoquer celle qui a mené son ex-patient à partir. Mais il m'a écrit une chanson, docteur ! Vous saisissez ? Peut-être tient-il plus à moi qu'il ne voulait bien l'admettre ...

La discussion que Matthew avait provoqué peu avant son départ me revient en tête. Je me souviens de son vif emportement alors que j'avais avancé qu'il était épris de la praticienne. Sans doute Zoey n'a-t-elle pas tort, concernant les sentiments du musicien. Mais cela ne change rien quant à la détermination sans faille de ce dernier pour retrouver sa propre dimension. Et ce n'est pas moi qui lui reprocherais cette vélléité ... Un désir semblable me ronge, issu de la même souffrance.

- Pourquoi vous entêtez-vous à ressasser ce qui appartient au passé ? Je suis désolé de l'exprimer ainsi, mais Matthew a toujours été clair sur ses intentions. Il voulait quitter ce monde qui le faisait souffrir et retrouver sa vie avec sa compagne. C'est désormais chose faite.

- Je suis au courant, merci ! répond-elle sèchement. Si je vous parle de lui, c'est parce que vous-même souhaitez quitter ce monde à la recherche de votre ami !

- Et qu'est-ce que mes souhaits ont à voir la-dedans ?! m'écrié-je, surpris du tour que prend la conversation.

- Je veux vous faire comprendre que Matthew a peut-être fait une erreur en partant si précipitamment ! S'exclame la jeune femme en se cramponnant à mon bureau. Et qu'à votre tour, vous allez possiblement en faire une aussi ! Ces voyages sont terriblement dangereux, vous prenez des risques insensés. Et tout cela parce que vous vous êtes aveuglé en vous persuadant que tout ira mieux ensuite ! Mais ce sont de mauvaises raisons, vous ne retrouverez pas votre vie d'antan pour autant ! Par contre, vous perdrez tout ce que vous avez construit ici et qui fait de vous un éminent professeur. Et puis avez-vous songé aux conséquences ici, une fois que vous serez parti ?

- Comment ça ?

- N'oubliez pas que vous ne faites pas partie de cette dimension, précise-t-elle d'un ton éloquent. Vous ne devez votre présence ici que parce que votre machine vous y a amené, donc il est possible qu'après votre départ, il ne susbsiste aucun sosie de vous et que les choses redeviennent comme avant votre venue dans cet univers, un monde sans Gordon Cumberbatch. Ne croyez-vous pas que votre disparition soudaine suscitera des questions, et même une enquête à votre sujet, si c'est le cas ?

Je l'observe sans mot dire, absorbé par la thèse qu'elle décrit avec conviction.

- Les gens finiront sans doute par découvrir votre secret, caché dans votre sous-sol. Ou du moins penseront-ils que vous meniez des expériences étranges dans votre laboratoire clandestin, un peu comme un savant fou. Tout sera dévoilé au grand jour et votre réputation en sera sérieusement entachée ! Songez aussi à Edward, votre collègue et grand ami que vous laisserez derrière vous, il risque d'être extrêmement déçu de votre fuite !

A court d'argument, la psychiatre se tait. La respiration saccadée, elle me toise d'un air de défi. Visiblement, cette femme tient à ce que je conserve une mémoire irréprochable auprès du grand public après mon départ. Toutefois, plus j'y songe, et plus je trouve étrange qu'elle puisse y accorder autant d'importance ...

- Que me faites vous là, Zoey ? lancé-je au bout d'une minute, les sourcils froncés.

- Eh bien, je viens de vous le dire ! Vos collègues vont vous conspuer et ...

Je secoue la tête, circonspect.

- Non, je ne crois pas que les ragots sur mon compte vous importent tant que cela. Je crois plutôt que vous cherchez à me retenir parce que voulez me garder avec ma machine à portée de main. Je me trompe ?

- Mais ... N- Non ! bégaye la psychiatre.

- Voyons, je suis de presque quarante ans votre aîné, vous ne pensez tout de même pas m'abuser avec vos petits stratagèmes !

Mon interlocutrice pince les lèvres sans mot dire. Manifestement, j'ai touché dans le mille. En dépit de gros efforts pour n'en rien montrer, son regard trahit un profond désarroi.

- Ecoutez-moi. fais-je avec bienveillance. Je comprends vos états d'âme. Je sais combien la perte d'un être cher est douloureuse. Et je sais aussi que l'on est capable d'accomplir les pires sottises pour le retrouver ... Je suis bien placé pour en parler. C'est pourquoi je veux que vous cessiez de vous accrocher à ces espoirs avant que cela ne devienne une obsession et vous empoisonne le coeur.

Zoey soutient mon regard un instant, luttant contre ses émois. Mais bientôt une larme perle à son oeil et elle se détourne légèrement. Le visage à demi-caché, elle s'applique à garder une contenance, laissant s'écouler sa peine en silence.

- Zoey ... J'ôte mes lunettes et me penche vers la jeune femme, attendri. Croyez-moi quand je vous dis que c'est une folie que de vouloir retrouver Matthew.

- J'en ai bien conscience, mais alors ? objecte-t-elle d'une voix chevrotante, les yeux scrutant le linoléum du bureau. Vous comptez bien retrouver Artemus, vous ... Et moi, je ne veux pas rester seule dans ce monde sans avenir, Gordon.

- Mais c'est de votre propre monde dont vous parlez, contrairement à moi !

Le regard toujours perdu au sol, Zoey retrousse les lèvres.

- Peuh ... Plus rien ne m'intéresse, ici. Mon avenir professionnel est plutôt compromis, si vous voulez savoir. Mes exploits aux côtés de Matthew pour forcer l'accès à votre bâtiment sont montés jusqu'aux oreilles de mes supérieurs et j'attends de voir ce qu'il va advenir de moi. Quant à ma vie personnelle ... Je n'en parlerais pas, je ne veux pas vous déprimer avec cela.

- Vous m'en voyez vraiment navré. Murmuré-je avec dépit.

- C'est pourquoi, à l'annonce de vos intentions, j'ai été anéantie. Vous êtes le seul ami qu'il me reste, après ces mésaventures. Le seul à qui je puis tout confier. La praticienne s'arrache à la contemplation du sol et plante ses yeux dans les miens. Alors si vous êtes vraiment résolu à quitter cette dimension, je me dis que je peux peut-être vous accompagner ! Et partir à la recherche de Matthew ...

J'écarquille les yeux, choqué d'une telle requête.

- Je ne vous laisserais pas entreprendre un tel voyage !

- Pourquoi pas ? insiste-t-elle. Vous le faites bien !

- Mais comme vous l'avez dit vous-même, ces voyages interdimensionnels sont périlleux ! Et peut-être ne parviendrais-je jamais à rejoindre la dimension où se trouve Artemus ... Car il faut que vous sachiez une chose très importante, Zoey.

Elle se dresse, une lueur de curiosité perçant dans ses yeux délavés par le chagrin.

- Ainsi que je l'ai expliqué, la machine se base sur nos choix passés sur lesquels nous nous concentrons pour déduire les coordonnées quantiques de la destination à programmer. Mais après que l'individu a quitté l'univers, ses souvenirs s'évanouissent avec lui et il ne reste plus aucune trace de ces coordonnées. Autrement dit, il m'est absolument impossible de les réutiliser ! Donc, si l'on considère le nombre considérable de dimensions qui doivent exister en plus de la nôtre, il est fort possible que malgré tous mes efforts pour me focaliser sur des souvenirs partagés avec Artemus, mes recherches restent vaines. J'en suis conscient et c'est un choix que j'assume pleinement. Mais je refuse d'embarquer quelqu'un d'autre dans un périple aussi aléatoire.

La psychiatre me considère avec effroi, bouche bée.

- Mais alors, souffle-t-elle, si vous ne pouvez récupérer les coordonnées des voyages passés, cela signifie que la dimension de Matthew ...

La voix de la psychiatre se brise, son regard se couvrant d'un voile humide. Je supplée à ses propos.

- Cela signifie que même si j'acceptais de vous laisser utiliser la machine, je n'aurais aucun moyen de vous aider à vous téléporter dans la dimension où s'est rendu votre patient. Les coordonnées de sa destination ont disparu avec lui.

Je marque une pause, puis enchaîne d'un ton las.

- C'est la raison pour laquelle je veux vous empêcher de vous raccrocher à un espoir vain, Zoey. Contrairement à moi, vous avez encore une longue vie devant vous. Je ne tiens pas à ce que vous la sacrifiez en errant sans fin d'un monde à l'autre, et ceci en quête d'un amour que vous savez déjà perdu.

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