Et celui-là de père Noël, il est pas beau ? Un peu plus cool et sexy que le précédent, non ?

;-)

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- Alors Matt, c'est tout ce que ça te fait de revenir chez tonton Dom pour trois jours entiers ?

- Mmmh ... Qu'est-ce que tu dis ?

Tiré de ma rêverie, je lève un regard interrogateur. Dom s'est accoudé au dossier du fauteuil sur lequel je me suis installé un peu plus tôt et il m'observe avec un sourire hésitant.

- Je demandais si tu étais heureux d'être de retour chez moi. Mais manifestement, tes pensées t'ont déjà emmené bien loin d'ici.

- Oh ... Non ... Je bredouille, confus. Je me reposais, c'est tout ...

- Ne te fatigue pas, Matt ! Je vois bien que tu es absent aujourd'hui. Et d'ailleurs, les autres pensent la même chose que moi, on s'inquiète tous pour toi. Dom me secoue l'épaule d'un geste affectueux puis renchérit. Pourtant, je me faisais une joie à l'idée de t'accueillir pour Noël et je pensais que toi aussi ... On a eu beaucoup de mal à négocier ce weekend prolongé hors de l'hôpital avec le docteur Simmons, tu sais. Mais tu t'es montré taciturne pendant tout le repas, c'est à peine si tu as décroché quelques mots. Et maintenant tu t'isoles loin des autres avant même de manger la bûche et te voilà de nouveau parti dans tes rêves !

Je me redresse en m'excusant, décelant le reproche à peine voilé derrière les paroles.

- Bien sûr que ça me fait plaisir d'être parmi vous ! Rassuré-je mon ami. Mais c'est vrai que j'ai un peu de mal, il faut me pardonner. Je crois que je suis fatigué avec l'hospitalisation, les médicaments, les thérapies éprouvantes ... Je n'arrive pas à me concentrer et à participer aux conversations. Au bout d'un moment, la tête me tourne et je ressens le besoin de m'éloigner un peu, tu comprends ?

- Oui, tu as raison ... Excuse-moi. Dom me lance un coup d'œil indécis, l'air soudain plus grave. Nerveux, Il s'éclaircit la gorge puis poursuit d'un ton voilé. Tu me connais, je fais celui qui voit toujours le bon côté des choses, mais en vérité ton hospitalisation qui s'éternise me préoccupe beaucoup. Chris et Tom aussi, on en parle tout le temps et ils se font des cheveux blancs pour toi. Et avec ce que tu me dis maintenant, je me rends compte que je suis vraiment à mille lieux d'imaginer ce que tu subis depuis tout ce temps. Enfin bref, je voulais juste que tu saches que ... j'aimerais pouvoir être plus souvent à tes côtés pour te soutenir.

Le batteur me considère d'un air désolé. Et maintenant que je l'examine en détail, je constate combien l'épreuve que je traverse l'accable lui aussi. Il paraît vieilli et épuisé. Je pivote vers lui et presse la main qu'il a laissé sur mon épaule avec chaleur. Le voir aussi affecté me bouleverse, et je me sens responsable. Je sais qu'il se fait énormément de souci non seulement pour mon état de santé, mais aussi au sujet de notre amitié.

Suite à la découverte de notre conflit passé concernant Chiara, je suis en froid avec lui et il l'a remarqué. Depuis lors, il se démène comme un beau diable pour m'être agréable, au point de perturber l'équilibre de son couple. Tout à l'heure pendant le repas, il s'est empressé de prendre ma défense contre Chiara alors qu'elle me titillait sans réelle méchanceté. Il lui a parlé sèchement, et l'a même fait pleurer à force de l'accabler de reproches.

Pourtant je sais qu'elle n'est pas vraiment la cause de mes humeurs. Maintenant que je connais la vérité sur elle et Dom, je vois les choses honnêtement et j'ai conscience d'avoir un comportement infect vis-à-vis d'elle, n'ayant de cesse de lui chercher querelle. Les réactions épidermiques de la jeune femme ne sont que la conséquence de l'animosité que je manifeste à son égard. Une animosité qui doit se nourrir du ressentiment inconscient que j'éprouve envers l'Italienne, je suppose. Même si je sais désormais que ce n'est pas moi qui ai vécu directement le drame de notre séparation, mais un autre exemplaire de moi ...

Songer à cela est si troublant. Je me remémore les propos de Gordon, lorsqu'il a expliqué que l'accumulation d'expériences interdimentionnelles pouvait altérer l'esprit, provoquant un amalgame de souvenirs et d'émotions provenant de nos diverses vies. Il semblerait bien qu'il soit dans le vrai.

Je reporte mon attention sur Dom qui m'observe toujours d'un air soucieux. J'aimerais pouvoir le rassurer, lui dire que tout va beaucoup mieux maintenant que je connais la cause de mes tourments. Mais je m'abstiens, préférant taire la vérité. Je n'ose imaginer ce qu'il penserait de mon plan de retrouver Carla dans une autre dimension, tout comme le reste de la bande d'ailleurs. Sans doute chercheraient-ils à m'en dissuader, craignant que l'expérience tourne mal ... Ils n'auraient peut-être pas tort, ceci dit. En outre, j'ai promis avec Zoey de ne rien révéler du secret de Gordon à quiconque.

- Bon, je te laisse tranquille alors. Lâche enfin Dom avec un sourire dépité. N'hésite pas à venir nous rejoindre quand tu en auras envie.

- Bien sûr. Opiné-je. Puis alors qu'il s'apprête à me quitter, je l'interpelle. Dom ?

Mon acolyte pose les yeux sur moi, le sourcil levé.

- Er ... Je veux te dire merci, Dom. Je te suis reconnaissant de me dire tout ça. Ca me fait beaucoup de bien de savoir que vous êtes toujours là pour moi. Et puis ne t'inquiètes pas trop. Ca va aller.

Le cœur un peu plus léger, le batteur m'adresse une accolade, avant de retourner à l'autre bout du séjour. Je le suis des yeux jusqu'à ce qu'il rejoigne ses invités, puis mon regard se pose successivement sur chacun d'eux.

Toute la bande est rassemblée autour de la grande table du séjour décorée avec soin. Les convives, aux joues rosies tant par l'excitation que par l'alcool, partagent avec bonne humeur ce moment convivial, le brouhaha de leurs conversations ponctué de tintements de vaisselle s'agitant joyeusement, tandis que chacun se délecte des mets concoctés par leurs hôtes.

Tom, un peu éméché, fait un compte-rendu de ses dernières vacances au ski avec grandiloquence, sous l'œil admiratif de sa petite amie du moment. Assis en face de lui, Chris et Kelly l'écoutent avec un grand sourire, tous deux enlacés. Ma mère, venue pour l'occasion, concentre ses attentions sur le chien de Dom qui lui réclame encore un morceau de son assiette. A leurs côtés, Chiara se penche vers Dom, le visage éclairé alors que son amoureux la rejoint. Les enfants de Chris ont quant à eux déjà déserté la table, occupés un peu plus loin à leurs jeux fraîchement déballés.

Ma gorge se noue devant ce tableau. Mes plus vieux amis, ma famille. Tous sont réunis pour me voir. Je devrais sans doute laisser mes préoccupations de côté et me joindre à eux, profiter de leur compagnie pour me détendre. Mais un sentiment désagréable m'en empêche. La sensation vivace d'être l'intrus parmi notre groupe, la pièce rapportée. De ne pas faire partie de leur histoire. Un trouble semblable m'avait envahi la veille d'ailleurs, lorsque j'étais avec Zoey ...

Zoey.

Ma vision se floute et je pousse un profond soupir. Il faut dire qu'à ce moment-là, les "circonstances" avaient mis tous mes sens en feu et je n'étais plus vraiment en état de penser correctement ... A ce simple souvenir, mon cœur se met à cogner plus fort dans ma poitrine. Je ferme les yeux, troublé et songeant à elle avec nostalgie. Où est-elle aujourd'hui ? Sans doute se réjouit-elle de cette journée avec ses proches.

Cette pensée me rend un peu triste, sa présence me manque ... L'espace d'un instant, je me prends à rêvasser et m'imagine avec elle, tous deux installés à la table de Dom, mon bras tendrement passé autour de la taille de la jeune femme à l'instar de mes camarades avec leurs compagnes ... Un léger sourire flotte sur mes lèvres à cette idée. Tout serait tellement plus simple ainsi. Plus de doute, plus de peur ...

Mais je me force à chasser l'image. Tout cela n'est qu'un mirage, il faut que je me reprenne. Il est illusoire de croire que mon bonheur se trouve dans cet univers. Zoey appartient à ce monde, pas moi. Elle s'y est construit une histoire ; son passé, son présent y sont ancrés. Dans l'ordre logique des choses, son avenir va se tracer ici tout aussi sereinement. Et de toute évidence pas avec moi, ainsi qu'elle l'a confirmé elle-même hier, lorsqu'elle m'a affirmé que notre étreinte n'était qu'un "accident sans importance".

Quant à moi, je n'ai pas ma place ici. Comme Zoey l'a très justement souligné, je ne suis qu'un accident. Une anomalie égarée dans une dimension étrangère qui n'est pas et ne sera jamais mon foyer. Les hallucinations, les cauchemars, le mal-être incessant me le rappellent chaque jour.

En outre, ma présence ici contribue à rendre malheureux tous ceux qui sont importants pour moi. Dom et Chris, ma famille et mes amis qui se rongent les sangs à mon sujet. Mes fans déçus. Chiara à qui je rends la vie impossible. Et même Zoey, dont je bouleverse l'existence. Peut-être même ai-je "abandonné" Carla en quittant son monde alors qu'elle a besoin de moi ? Et qu'en est-il de Dom et de Chris que j'ai "laissé" eux aussi derrière moi de la même façon ? Je veux les revoir et reprendre notre aventure musicale avec eux ... Je me sens plus compris et plus proche d'eux que de leurs homologues qui se trouvent à quelques pas de moi en ce moment-même.

La meilleure solution pour soulager ceux que j'aime des maux que je leur occasionne dans ce monde comme dans l'autre est de retourner là d'où je viens. Je ne veux plus vivre par procuration, je suis las des hallucinations qui me hantent et qui s'amoncellent de plus belle depuis que je connais l'existence de la machine de Gordon. Je veux me réapproprier ma propre histoire, le bonheur construit avec Carla. Et puis si je quitte ceux qui me sont chers ici, c'est pour les retrouver tous là-bas.

Ou presque tous, me corrigé-je, un goût amer dans la bouche.

Le visage de l'être que je suis sur le point de "perdre" me vient à l'esprit et un grand vide se fait en moi. Son image flottant dans ma tête, je porte un regard las au-delà des bâtiments londoniens par la baie vitrée toute proche.

- J'espère que tu passes un beau Noël entourée de ceux que tu aimes, Zoey. M'entends-je murmurer.

C'est peut-être mieux ainsi, après tout. Trop tourmenté moi-même en ce monde, je ne peux être qu'une source de tourments pour elle. Elle sera bien plus heureuse sans moi.