L'enterrement est fini, j'ai les larmes aux yeux. Julien manquera à ce monde, surtout à son fils, pas encore né. En effet, Marguerite, sa copine, est enceinte. 

Elle, elle ne pleur pas. Elle regarde la pierre tombale de son copain, un sourire figé sur les lèvres. Elle grelotte mais ne semble pas se rendre compte qu'elle a froid...

Je jette un coup d'œil à John qui regarde la tombe de son frère, les joues baignées de larmes. 

Je me retourne vers la pauvre Marguerite et lui pose délicatement ma veste sur les épaules. Elle me remercie d'un regard et reporte son attention sur la pierre. 

Je me recule un peu pour la laisser se recueillir tranquillement. John me fait signe qu'il retourne à la voiture. Je hoche la tête, silencieuse. 

Soudain, un vent froid me fait frissonner de la tête aux pieds. Marguerite pose une main sur la pierre froide en s'asseyant sur le sol mouillé par la pluie. Elle reste quelques instants dans cette position, sans bouger, sans dire un mot. Puis, elle regarde en arrière et croise mon regard désolé. Elle me sourit, se relève en posant une main sur son ventre déjà bien rond. Je vois une unique larme s'échapper de son œil droit et rouler sur sa joue pour finir sa course entre ses lèvres. 

Elle pose sa main qui n'est pas sur son ventre sur la pierre tombale, comme si elle voulait présenter son père à son fils. 

Une boule se forme dans ma gorge tandis que la future mère se détourne de la tombe pour rejoindre John dans la voiture. 

Me voilà seule avec la tombe de Julien. Une rafale souffle, m'envoyant de l'eau à la figure. On dirait que c'est Julien qui exprime sa colère contre moi. La colère qu'il a ressenti à mon départ, quand je n'étais pas là alors qu'il avait besoin de moi, quand il souffrait alors que, moi, je m'amusais comme une folle, sans donner aucune nouvelle.

Des larmes commencent à couler sur mes joues sans même que je ne m'en rende compte. Je murmure :

- Je suis désolée, Julien, tellement désolée...

Je pose, à mon tour, ma main sur la pierre tombale. Son contact froid me refroidit le cœur et je ne peux me retenir d'éclater en sanglots. Ce n'est pas juste ! Pourquoi la maladie est-elle tombée sur lui ?

Je prends une grande bouffée d'air pour essayer de reprendre contenance avant de me diriger vers la voiture de John à mon tour. 

Le trajet du retour à la maison se fait dans un silence de plomb. Personne n'est d'humeur à parler. Malgré le sourire toujours figé sur les lèvres de Marguerite, je sens une immense tristesse émaner d'elle. Elle va vraiment avoir du mal à s'en remettre. John aussi, d'ailleurs. 

Et moi... Je ne sais pas. Je suis perdue. Est-ce que je retourne là-bas en abandonnant à nouveau John ? Ou, est-ce que j'abandonne tout ce que j'ai réussi à construire là-bas pour rester ici, avec John ? Je sais très bien qu'il aura vraiment besoin de moi durant les prochains mois... Mais je ne peux quand même pas me permettre de tout abandonner...

L'heure du repas arrive et on s'installe tous autour de la petite table ronde. Marguerite pose une marmite de pâtes au milieu de la table, toujours dans le silence. Personne n'a dit un mot depuis l'enterrement de Julien.

On mange donc dans le même silence de plomb. Une fois le repas fini, Marguerite nous quitte pour aller se brosser les dents. C'est cet instant que choisi John pour me demander :

- Tu repars quand ?

Je soupire :

- Demain. 

Je vois une lueur d'espoir s'éteindre dans ses yeux vert, ce qui me brise le cœur. Il hoche la tête et déclare :

- D'accord. Je vais aller désactiver ta puce maintenant, comme ça, ce sera fait.

Il fait mine de se lever mais je l'en empêche en posant une main sur son avant-bras. 

- Non. Je veux garder le contact. J'ai une vie là-bas que je ne peux pas abandonner mais, cette puce peut être très utile, encore plus utile qu'un téléphone vu qu'il n'y aura jamais de problème de batterie. Tu t'y connecteras à chaque fois que tu te sentiras mal...

Il me coupe :

- Non, Sophie. Je ne veux pas te déranger...

Je lève les yeux au ciel.

- John, sérieusement ?

Je soupire avant de continuer :

- Je n'ai pas été là pour toi quand ton frère était au plus mal, laisse moi être là pour toi maintenant que tu l'as perdu...

Il baisse les yeux et murmure :

- D'accord...

*** 

Malgré les apparences, j'ai eu du mal à me remettre de la mort de Julien. Je suis retourné dans le Sud, j'ai retrouvé Pamela et je lui ai tout raconté. Sans son soutien, je ne sais pas si j'aurais vraiment réussi à m'en remettre... 

Comme promis, j'ai gardé contact avec John. Au début, ça a été difficile mais, petit à petit, nos rapports sont redevenus comme avant, quand on était frère et sœur. 

Marguerite a accouché d'un fils qu'elle a appelé Clément et John l'aide à l'élever. Je ne sais pas si ces deux-là sont en couple, mais je suis sûre que ça ne dérangerait pas Julien de voir son frère et sa copine enfin heureux. 

Des fois, je reviens quelques jours pour les voir et voir Clément grandir. 

Ce que je me demande, des fois, c'est pourquoi j'ai voulu les quitter autrefois alors qu'ils sont clairement ma famille et que je les aime ?

J'ai gâché mes dernières années avec Julien mais je me rattrape maintenant. Je ne fais pas ça par culpabilité mais juste par amour.

Maintenant, John, Marguerite et Clément sont ma famille. Plus jamais je ne douterais de ça !