Chapitre 4 : Le jour de l'embarquement...
Mon cauchemar allait commencer dans quelques minutes, quand j'aurais posé un pied sur cet imposant bateau. Pour mon plus grand désespoir nous allions embarquer d'un instant à l'autre et je me retrouverais forcée de quitter la terre ferme que je chérissais tant dernièrement, pour le sol de la réalité, si je ne me noyais pas avant.
Pendant ce temps là – alors que je me lamentais intérieurement – à quelques mètres de moi ma sœur semblait soudée à ce pauvre Stéphane. J'entendais d'ici les bruits peu ragoûtants de leurs baisers d'adieux. Enfin, s'ils n'étaient pas plutôt en train de se bouffer la bouche à en juger la couleur rosie de leurs lèvres. J'en avais presque la nausée rien que d'y penser, manquerait plus que mon petit-déjeuner remonte une fois à bord, j'aurais l'air maline tiens !
Alors que mes pensées tournaient au noir, je sentis des mains se coller sur mon visage, de façon à ce que je ne vois plus devant moi.
— Devine qui c'est ! entonna une voix familière et enjouée.
— Qu'est-ce que tu fabriques ici ? Je croyais t'avoir dit que je ne voulais pas d'au revoir...
— Quel accueil !
Je me retournai vers mon amie et avant que je n'ai le temps de répliquer quoique ce soit, elle me prit dans ses bras.
— Jenna, tu exagère... Je ne pars que pour trois semaines ! m'exclamai-je un peu agacée. Mais j'étais tout de même contente d'avoir un certain soutient par le fait qu'elle soit ici, malgré que je lui avais intimé de ne pas venir.
— Mais, tu vas me manquer... Qu'est-ce que je vais faire pendant trois semaines toute seule moi ? se lamenta-t-elle, une moue sur le visage.
— Oh, telle que je te connais tu n'auras aucun mal à trouver de quoi t'occuper.
Un large sourire se forma sur ses lèvres, même si son regard reflétait une certaine tristesse. Elle me prit une nouvelle fois dans ses bras chaleureux. Elle aussi elle allait me manquer, mais je ne m'absentais pas très longtemps, et à mon retour j'aurais certainement de quoi alimenter la conversation. Jenna ne se fera pas prier à mon avis, elle cherchera à connaître tous les détails inimaginables !
— Passe de bonnes vacances.
Nous nous quittâmes sur ces mots d'un signe de la main. Je la regardais partir, se fondre dans la masse, jusqu'à disparaître de mon champ de vision. Je me retrouvais de nouveau seule, et devais affronter ces trois semaines sans plus attendre, je fus prise d'un petit pincement au cœur.
Les gens commençaient à embarquer, j'observais la masse gravir les marches menant sur le pont, puis à l'intérieur du paquebot qui semblait l'engloutir d'une seule bouchée.
Soudain on me tira par le bras doucement et j'entendis la voix de ma mère me dire d'avancer. Je lui souris légèrement avant de me mettre en marche à ses côtés, suivies de mon père et de ma sœur. Que l'aventure commence !
Le voyage commençait. Il commençait et je pensais déjà à sa fin. Mes pensées n'allaient pas en sa faveur, je regrettais mon appartement, avec mes affaires et mes lots de consolation. Je regrettais déjà ma petite routine...
Je me trouvais dans ma cabine allongée sur le lit. Ce n'était ni plus ni moins qu'une chambre de taille moyenne, dotée d'un lit, de placards et autres meubles de rangement. Il n'y avait rien d'autre, à part mes valises entassées dans un coin. Je m'en occuperais plus tard, rien ne pressait.
Je soupirai d'ennui en regardant le plafond, me tournant, me retournant, me levant, m'allongeant. Je décidai de sortir, j'avais l'impression d'étouffer dans cette pièce où seul un hublot laissait entrer la lumière du jour.
Je frappai à la porte de la chambre de ma sœur, à droite de la mienne. Pas de réponse. J'ouvris tout de même la porte et je la vis en train de parler au téléphone. Je supposai alors qu'elle n'avait pas de temps à m'accorder.
Je suis donc allée voir mes parents. Mon père semblait être sorti, je trouvai ma mère seule en train de ranger des affaires.
— Alors ma chérie, comment est ta cabine ?
— Bien. Où est papa ?
— Il repère les lieux, enfin il visite un peu les alentours.
— Je crois que je vais faire la même chose, histoire de passer le temps.
— Bonne idée, vas donc. Il n'y a rien de mieux pour faire des nouvelles connaissances ! s'exclama ma mère. Le mot « connaissances » ne me disait rien qui vaille. Déjà, je n'avais pas envie de connaître des gens, et surtout pas d'hommes. Sinon j'en connais qui vont encore insinuer des choses...
Je croisai des tas de gens, de toutes nationalités. Ce n'était pas comme ça que j'allais faire des rencontres... Je savais à peine aligner trois mots d'anglais, alors avec les langues que j'entendais et qui m'étaient étrangères ça allait être pratique encore ! De toute façon je n'était pas vraiment d'humeur à faire « ami-ami » avec des inconnus.
À force de passer des heures dans le couloir à tourner en rond, finissant par me perdre, avec un mal de tête qui faisait surface, je suis sortie prendre l'air sur le pont.
Dehors, à l'arrière du bateau, je regardais l'océan qui s'offrait à moi. Il n'y avait que ça à perte de vue, de l'eau, de l'eau, encore et encore. On pouvait juste apercevoir au loin, à l'horizon, la ligne de la terre ferme. Les vagues, doucement, dansaient, tourbillonnaient accompagnées de leur ami fidèle, le vent. Je devais avouer qu'on pouvait y voir une certaine beauté, à être ici, seule – surtout que je n'aimais pas la foule – le vent dans les cheveux, et sous mes yeux une eau d'un bleu profond, si profond qu'on ne pouvait pas voir à travers.
J'étais perdue dans mes pensées, je divaguais un peu, cherchant un moyen pour combler l'ennui qui s'installait peu à peu. Je lâchai un bâillement, prête à m'endormir. Je devrais peut être retourner à ma cabine et faire une sieste.
Je jetai un dernier regard vers l'océan avant de me retourner vivement pour retrouver mon lit, lorsque je percutai quelque chose violemment.
Avant de comprendre quoi que ce soit je me retrouvai littéralement le cul par terre et face à moi se tenait un homme l'air tout aussi déconcerté que je l'étais. Nous restâmes un moment ainsi sans rien dire, sans même oser faire un mouvement, et cela avait de quoi être ridicule.
— Oh excusez-moi je ne regardais pas où j'allais ! s'écria t-il soudain.
— Ce n'est pas grave, moi non plus de toute manière... répondis-je timidement en essayant de me relever avec le plus de grâce possible.
— Laissez-moi vous aider, dit-il en me présentant sa main. Cette main que je regardais maintenant avec hésitation, je levai les yeux vers le visage de cet homme et un sourire qui se voulait rassurant se dessina sur ses lèvres.
Je pris alors l'aide qu'il m'offrait. Sa main était chaude et douce, et cela ne me laissa pas indifférente. C'est alors que je remarquai qu'il tenait toujours ma main dans la sienne, et je rompis alors immédiatement ce contact. J'étais maintenant terriblement gênée en repensant à la situation. Mon cœur a eu la bonne idée de s'affoler sans raison. Je n'aurais su dire si c'était réellement les circonstances ou bien l'homme qui se trouvait ici qui me mettait le plus mal à l'aise.
— Vous vous sentez bien mademoiselle ? me demanda alors cet inconnu, pas désagréable à regarder je dois dire...
Il s'inquiétait pour moi ? Il me parlait vraiment à moi ? À part s'il s'adressait à un mur, j'étais la seule personne dans les parages. Mais déjà, ce serait bizarre de parler à un mur et encore plus d'appeler un mur « Mademoiselle » donc il devait forcément s'adresser à moi. Logique me dirait-on.
— Euh... Oui.
— Veuillez m'excuser si je vous ai fait mal en vous bousculant...
— Oh, il n'y a pas de mal, je n'ai pas vraiment fait attention non plus, répondis-je précipitamment.
Il me sourit gentiment, et je tentai de lui rendre un sourire qui ne ressemblait pas à une grimace tant je sentais une boule se former au creux de mon ventre. Si j'avais pu j'aurais pris mes jambes à mon cou sans demander mon reste !
— Est-ce que... je peux vous demander un service ? l'entendis-je alors me dire.
— Un service ? Mais, par exemple ?
— Vous êtes douée avec la nouvelle technologie ?
Je ne saurais dire pourquoi mais sa question me fit sourire. J'avais une tête à travailler dans la nouvelle technologie ? On ne pouvait pas dire qu'on soit toujours d'accord elle et moi. Si je pouvais m'en passer, je le ferais sans hésitation !
— Je ne voudrais pas vous déranger, vous aviez peut-être des choses à faire ? dit-il soudain avant même que je ne puisse lui donner une réponse.
— Oh non ! Et puis vous ne me dérangez absolument pas, bien au contraire, je... essayai-je de dire sans savoir comment terminer ma phrase. Je sentais alors mes joues s'empourprer, et je bouillais intérieurement de honte. On dit que le ridicule ne tue pas, mais qu'est-ce que je n'aurais pas donné pour être fusillée sur place.
Il a encore souri, mais cette fois-ci son regard se faisait insistant, j'ai immédiatement détourné les yeux. Je ne savais plus comment me mettre, comment me tenir, ni quoi faire, sachant qu'il ne cessait de m'observer.
— Vous savez quoi ? Oublions la technologie. Nous n'avons pas besoin de ça pour faire plus ample connaissance...
« Plus ample connaissance » ? Que voulait-il dire exactement par là ? J'aurais presque préféré parler de choses qui me dépassent, comme le fonctionnement d'un ordinateur, plutôt que d'aborder des choses qui risquaient de toucher à ma vie privée.
— Et que proposez-vous pour cela ? demandais-je en ayant peur de la réponse qu'il allait me donner. J'aurais du dire que j'avais pleins de choses à faire, ce qui n'aurait pas été très cohérent je l'avoue, mais j'avais extrêmement peur en vérité. D'ailleurs pourquoi voulait-il que nous fassions connaissance ?
— Vous pourriez commencer par me dévoiler votre prénom...
— Marie.
— Enchanté Marie, quant à moi je me nomme Anthony.
C'était étrange de l'entendre prononcer mon prénom de sa voix grave et douce à la fois, de voir ses lèvres se mettre en forme pour dire à la perfection ces deux syllabes.
J'avais les mains crispées sur la rambarde, et je ne savais pas quoi ajouter de plus. Ok, il s'appelle Anthony et maintenant ?
Je n'osais plus lancer un seul regard dans sa direction. Mes yeux restaient baissés, fixés sur l'océan.
— C'est beau, n'est-ce pas ? entendis-je alors tout près de mon oreille. Il était proche, un peu trop proche. Je n'osais même plus respirer, tant cette proximité me mettait mal à l'aise.
— Oui...
Je n'avais presque pas de voix, je ne savais même pas s'il avait entendu ma réponse. J'ai enfin eu le courage de me retourner vers lui, prenant un air plus détendu, alors qu'en moi c'était la tempête.
Anthony me fixait étrangement, avec une intensité qui me laissait perplexe quant à ce qu'il disait être « beau », parlait-il réellement de l'océan ?
Je me suis surprise en train de le regarder plus en détails. Je croisai son regard, ses yeux si bleus, remplis de mystère. Sa bouche, ses lèvres, ce sourire... il souriait encore. Je me demandais bien pour quelle raison.
— Bon vous avez fini de m'épier du regard ? s'exclama t-il soudain me faisant sursauter.
J'aurais voulu disparaître, me rendre invisible, m'évanouir, courir ou que sais-je encore. Mon visage devait avoir gagné une couleur rouge cerise, si ce n'était pas pire...
Je l'entendis rire un peu. Il était certain que la situation avait de quoi être amusante. Il n'y avait vraiment que moi pour mettre dans ce genre d'embarras.
— Je pourrais en dire autant... murmurais-je sans lever les yeux.
— Effectivement. Mais vous savez il n'y a pas de honte à avoir, ne vous mettez pas dans un tel état pour si peu, d'un côté c'est humain, répondit-il avec une assurance surprenante.
Ce genre de choses ne m'arrivait jamais. Disons que je savais me tenir, je trouvais ça irrespectueux de fixer ainsi une personne. Alors pourquoi cette fois-ci j'avais ouvertement posé mon regard sur cet homme tout en sachant qu'il le voyait ? Je n'avais même pas de réponse à me donner à moi même. Anthony était un bel homme certes, je ne pouvais pas le nier, mais ce n'était pas le premier que j'avais pu croiser. Bon, je n'avais pas non plus l'habitude de me faire bousculer tous les jours, mais je ne voyais pas ce que cela pouvait changer.
Je n'avais plus cette boule au ventre, j'étais toujours extrêmement gênée, mais un autre sentiment avait pris place, un sentiment nouveau, inattendu, quelque chose que je n'avais encore jamais ressenti. Je me sentais bien, avec lui. Pourtant je ne connaissais que son prénom, rien de plus, et nous n'avons échangé que quelques mots. Peut-être était-ce parce qu'il se montrait gentil et rassurant, cherchant d'une certaine façon à détendre l'atmosphère ?
— Aller, détendez-vous un peu... Vous êtes là pour passer du bon temps non ? Pas pour vous prendre la tête pour des enfantillages, ajouta Anthony avec un sérieux qui me laissa sans voix.
Je me suis mise à marcher, j'avais besoin de bouger un peu. Anthony me suivit sans un mot. Ce silence était pesant, bien plus que la honte que je gardais encore en moi. Mais je n'avais pas l'intention de parler. Et puis je ne savais pas quoi dire.
— Alors, vous faites quoi dans la vie ? me demanda-t-il, sûrement pour combler le vide qui c'était installé.
— Je travaille dans une galerie d'Arts, répondis-je en regardant mes pieds. Oui, ils avaient soudain l'air très intéressant ces deux-là.
— Oh... ce doit être passionnant !
— Ne vous emballez pas, je ne fais que rechercher de nouveaux talents pour exposer leurs œuvres.
— Vous croyez que vous pourriez évaluer mon talent ? demanda-t-il avec une expression que je n'aurais pas su définir. Ne me dites pas qu'il était artiste celui-là ?
— Cela dépend de... de ce que vous faîtes exactement... dis-je en fronçant légèrement les sourcils. J'avais l'étrange impression qu'il se moquait de moi.
— De la peinture ! s'exclama Anthony avec un énorme sourire, faisant des grands gestes avec ses bras. Avec tout ça il avait attiré l'attention de quelques passants. Mais oui, tout d'un artiste. Et je m'appelle Jean-Pierre aussi ! Autant dire que je ne le croyais pas du tout.
— Vraiment... ?
— Il m'arrive de repeindre le plafond, ou les murs. C'est bien de la peinture ? répondit-il, un sourire visiblement figé sur ses lèvres. J'avais bien raison de ne pas en croire un mot. Il se moquait complètement de moi.
— Oh comme vous êtes drôle, je suis morte de rire ! dis-je sans le moindre sourire.
— C'est vous qui n'êtes pas drôle... Vous auriez pu vous prendre au jeu.
— Donc vous êtes peintre ? continuais-je ignorant ses plaintes, et essayant tant bien que mal d'oublier qu'il s'était moqué de moi. Oui j'étais susceptible à souhait.
— Non, et ce dans aucun sens du terme. Je suis compositeur de musique.
— Et c'est vrai cette fois-ci ?
— Mais oui ! Puisque je vous le dit.
Je levais les yeux au ciel. Non mais il est marrant lui, il se fiche de moi et après il voudrait que je le crois.
— Cela doit être intéressant...
En réalité je ne savais pas quoi dire. Moi et la musique ça n'avait jamais rien donné. J'appréciais beaucoup la musique, mais avant que je fasse la différence entre un do et un sol, ou un la et un ré, je crois qu'il faudrait vraiment beaucoup de temps, et ne parlons même pas de la différence entre un do grave et d'un do normal.
— Si on veut.
— Quoi, c'est tout ce que vous avez à dire ?
— Il n'y a rien à dire.
Effectivement, il n'y avait rien à dire. Je ne comprenais pas pourquoi il avait soudain changé du tout au tout. Il n'aimait pas parler de lui ? Ce n'était pas comme ça que nous allions faire plus ample connaissance.
Je regardais alors ma montre. Le temps avait passé à une vitesse impressionnante ! Je n'avais pas vraiment d'heure fixe pour faire telle ou telle chose mais à un moment il allait bien falloir que je défasse mes valises. J'avais déjà repoussé le moment à plus tard, ce n'était pas raisonnable d'attendre, car me connaissant j'allais finir par ne pas le faire du tout.
— Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais j'ai des valises qui m'attendent.
— C'est donc là-dessus que nous allons nous quitter ?
— Il faut croire...
— Puis-je avoir votre numéro de téléphone ? Même si à mon avis je ne vais pas trouver le moyen de vous contacter avec cette satanée technologie.
Sans un mot je lui ai pris son téléphone des mains et ai enregistré mon numéro dans son répertoire. Il a sourit, encore une fois.
Nous nous sommes dit au revoir et je suis partie, espérant au passage retrouver le chemin jusqu'à ma cabine.
En rangeant mes affaires je n'ai cesser de repenser à Anthony, et un sourire flottait sur mes lèvres. Ce dernier s'agrandit lorsqu'en jetant un œil à mon écran de téléphone, un message m'attendait. Il disait qu'il espérait me revoir bientôt. Et étrangement moi aussi. J'avais passer un bon moment en sa compagnie aujourd'hui, et ça ne me dérangerait pas le moins du monde de recommencer.
Nous reverrons-nous ?
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