En l'espace de deux minuscules minutes, ma vie avait pris un drôle de tournant.

Avant ces deux minutes, j'écoutais Supernatural à la télévision avec ma mère, couchée sur le canapé, mes pieds sur ses genoux. Mon père était dans le fauteuil un peu plus loin, lisant le journal comme à son habitude. Mes sœurs jouaient à je ne sais quoi, courant dans toute la maison en criant.

Pendant ces deux minutes, mes deux sœurs s'étaient précipitées vers moi, réclamant une partie de cachecache. Il y avait Mélissa, dont tout le monde appelait Mimi, qui avait neuf ans, et Lily, qui en avait sept. Comme moi, elles avaient toutes les deux des cheveux noirs, mais les ressemblances s'arrêtaient là. Enfin, entre elles, elles se ressemblaient beaucoup, mais moi, je ne leur ressemblais pas. Le fait que j'étais un gars devait jouer dans la balance.

À contrecœur, j'avais fini par accepter la partie, et je m'étais précipité pour me cacher dans la salle de lavage, dans le panier de linge sale. C'était Lily qui nous cherchait.

Lily avait déjà retrouvé Mimi et elles étaient à deux à crier mon diminutif (Jay pour Jayden) dans toute la maison, quand quelqu'un cogna à la porte. D'où j'étais, je voyais la porte d'entrée, mais pas qui y était, car mon père était devant. Mais j'avais tout de même un doute qu'il y avait quelque chose de bizarre, car, en le voyant, Lily et Mimi s'étaient remissent à crier. Des cris de peur, cette fois. Elles s'étaient enfuies vers le salon, et mon père s'était écrasé au sol.

Puis j'ai vu l'inconnu qui était devant la porte. Il n'avait pas la peau pâle. Il avait la peau blanche, et des cernes rouges et énormes autour de ses yeux. L'intérieur de ses yeux, aussi, l'iris, était rouge.

Puis il partit vers le salon, où étaient ma mère et mes sœurs. Mais je restais toujors figé, à regarder mon père, toujours au sol.

Rendu là, une minute était passée. Je sortis de ma cachette et allai m'agenouiller à côté de mon père. Malgré mes efforts pour le réveiller, il ne donna aucun signe de vie, tout simplement parce qu'il était mort. L'inconnu lui avait cassé le cou d'une seule main. Et il était là, dans notre salon.

Quand je levais les yeux, cette fois, ce fut le corps de mes sœurs que je vis. Et quand je me levais pour m'approcher, je vis le corps de ma mère. Et l'inconnu, qui était au-dessus d'elle, penché sur son corps. D'où j'étais, c'était à croire qu'il l'embrassait.

J'étais tellement en colère que, la seule chose que je pus faire, ce fut d'aller dans la cuisine chercher le plus grand couteau que je pus trouver. Je savais déjà que j'allais faire quelque chose de mal, je le sentais venir. Comme quand j'avais poussé un élève de mon école dans les escaliers, ou que j'avais lancé mon dessert sur le visage d'un prof. Je ne sais pas pourquoi, mais parfois, c'est plus fort que moi. Et là, je sentais bien que je m'apprêtais à faire quelque chose d'idiot. Mais je m'en fichais bien ; ce type venait de tuer toute ma famille, juste comme ça !

Ensuite, j'étais allé dans le salon, prêt à m'attaquer à ce type. Et c'est là, quand je n'étais plus qu'à un mètre de lui, que je me rendis compte de ce qu'il faisait à ma mère. Ce type était carrément en train de boire le sang de ma mère, sa bouche contre son cou. Du sang coulait d'entre ses lèvres et lui beurrait le menton.

Du coup, je me figeai. Ce type... c'était un putin de vampire !

C'est là qu'il me remarqua, se disant surement « oh non, j'en ai oublié un. Vite, je dois le tuer, lui aussi ! » puis, sans me laisser le temps de réagir, il me sauta dessus, les deux mains autour de ma gorge, et je tombais. Et voilà la plus grande erreur de ma vie : en tombant, j'avais levé le couteau, qui lui avait tranché la gorge bien profond. Ça n'avait réussi qu'à rien d'autre que le distraire. Il avait, sur le coup, oublié qu'il fallait me tuer.

Au lieu de quoi, il avait éclaté de rire, se tenant la gorge qui pissait le sang d'une main et, de l'autre, me tenait la mâchoire, ses doigts et son pouce enfoncé dans mes joues, me forçant à ouvrir la bouche, pendant qu'il riait encore plus fort. Il me tenait trop fort et je n'arrivais plus à bouger ; j'étais incapable de m'empêcher d'avaler le sang du vampire qui m'entrait directement dans la bouche.

Et c'est là, à la toute fin de ces deux minutes, que la tête du vampire avait explosé, me beurrant encore plus de sang. Quelqu'un vint me débarrasser du corps et je pus enfin me retourner pour vomir le sang que j'avais dans la bouche, ou au moins essayer, mais il y en avait beaucoup que je n'avais pu m'empêcher d'avaler. Le gout était tellement dégueulasse que j'en avais des haut-le-cœur, mais rien ne sortait.

Voilà, les deux minutes qui ont changé le cours de ma vie.

Et voilà comment j'avais fait la rencontre avec les chasseurs – ces crétins qui se disent sauveurs de la planète, mais qui n'étaient pas fichus d'arriver deux minutes plus tôt pour tuer ce monstre avant qu'il ne tue toute ma famille, moi compris.

Malgré que, techniquement, j'étais devenu plus fort, à l'intérieur, j'étais mort, dans tous les sens du terme. Mon cœur ne battait même plus. Il fallait que je trouve une autre solution pour me pomper le sang.