Chapitre 8
J'avais complètement perdu le compte depuis quand j'étais dans cette maison de vampire. Je ne savais plus si ça faisait des semaines ou des mois, mais plus ça allait, plus mes rêves disant de revenir à la maison – ma maison, à Miska – ce faisait plus fréquent, plus insistant. Plus ça allait, et plus il tenait du cauchemar. Pourtant, rien ne changeait, c'était toujours la même chose, commençant par une partie de cache-cache dans la penderie de mes parents, pour qu'ensuite je poursuive les voix de mes sœurs, sans les trouver, et arrivé dans le salon, je ressens plutôt qu'entendre la voix me disant de revenir à la maison.
Finalement, la seule façon de compter le temps passé ici, ce ne fut pas de compter les jours, mais les faits. En gros, j'avais compté deux-cent-trente-six « petit » et « gamin » (je les notais pour être sûr de ne pas en oublier un), vingt-sept regroupements dans le dos de Marcus pour que tout le monde se mettre à rire délibérément de moi (même si Marcus se joignait assez souvent à la partie), et cinq séances de reproduction entre Marcus et Anik (ils avaient le don de trouver les endroits les plus fréquentés de la maison).
En gros, j'en avais marre. Je voulais, par-dessus tout, aller à Miska. Et tant pis si je trouverais des chasseurs sur mon chemin. Depuis que j'étais ici, et grâce – un peu – à Marcus, j'étais plus fort, plus rapide, j'avais de bons réflexes, beaucoup mieux que dans mes débuts. Bon, ce n'était rien d'exceptionnel, comparé aux autres, mais déjà mieux. Et puis, depuis deux jours, Marcus avait commencé à me montrer comment tirer avec un pistolet et, sans vouloir me vanter, j'étais assez bon. Je touchais presque toujours le centre de la cible, mais pour sûr, à chaque fois, je touchais la cible. Et j'en étais très fier.
Ce fut un jour que je me fis réveiller, complètement paniqué, par le même rêve que je faisais maintenant chaque nuit que je me décidais que, cette fois, j'avais passé assez de temps ici.
Je repoussais les couvertures que j'avais au-dessus de la tête et regardais longuement les décors de la chambre. Je l'avais un peu personnalisé depuis que je l'avais – aucun vêtement dans les armoires, mais tout dans le plancher –, mais j'avais toujours cette impression, justifiée, qu'il n'y avait rien, ici, qui ne m'appartenait.
Je me levais du lit, passant mes mains sur mon visage pour essayer de me réveiller un peu, puis allais à la fenêtre pour essayer de voir si nous étions le jour ou la nuit. Je repoussais le rideau tellement épais qu'il pouvait bloquer tous les rayons de soleil, puis regardais dans la cour, tout juste deux secondes, puis remis le rideau en place, les yeux étroitement clos. Depuis le début, j'avais suivis les indications de Marcus, prenant que trop peu de sang, une fois de temps en temps. Du coup, la seule chose que je vis pour me confirmer que nous étions le jour, c'était que j'avais vu du blanc. Pas de gris pâle, où je pouvais toujours voir les formes, mais carrément blanc, et rien de plus. J'étais complètement aveugle. Et la peau en feu, même.
Il n'y avait rien à faire pendant qu'il ferra jour, autre que dormir ou tourner en rond dans ma petite chambre, mais je ne voulais pas dormir. J'avais peur de faire encore une fois ce rêve. J'avais l'impression de l'avoir fait au moins dix-millions de fois en trop, déjà.
Je me retournai et regardai l'horloge au mur, me maudissant de ne pas y avoir pensé plus tôt. Huit heures quarante. Le soleil va se coucher dans peu de temps, pas besoin de se remettre à dormir. Donc, je sortais de ma chambre, sur la pointe des pieds pour ne réveiller personne, puis descendis les escaliers pour me rendre à la cuisine. J'ouvris la porte du frigo, où il y avait tout un tas de poches de sang, rapporté de l'hôpital par Anik. Normalement, c'était ce que Marcus appelait « le cas d'urgence », mais puisque je n'avais pratiquement pas le droit de sortir, c'était la seule chose que je pouvais me permettre de faire. Je pris plusieurs sacs, en attrapant sept avec mes deux mains, fermais la porte du frigo avec mon pied, puis allait m'assoir à la table pour les boires un après l'autre, à toute vitesse. Finalement, c'était une bonne chose que je me sois réveillé avant tout le monde ; Marcus ne me laissait jamais en prendre plus d'un par jour, un jour sur quatre, et de ce fait, j'avais toujours soif. C'était une sensation assez dérangeante, mais, au moins, je comprenais pourquoi il me faisait ça. Même s'il était très sévère. À plusieurs reprises, il m'était arrivé de m'écrouler à terre, n'ayant pratiquement plus aucune force, et même là, Marcus ne me donnait qu'un seul sac, ce qui ne comptait presque rien. Puis il me forçait à continuer à m'entrainer pour devenir plus fort. Une fois, j'étais tellement à bout que, après avoir bu une seule poche de sang, je m'étais lancé sur Marcus et que lui avait mordu l'épaule. En revanche, il m'avait donné un coup de poing tellement fort que j'avais été sonné pour plusieurs jours. De toute façon, j'avais eu ma leçon ; son sang de vampire était dégueulasse. Et ça faisait longtemps déjà, peut-être une semaine ou deux. En plus, j'avais été tellement secoué par ce que je venais de faire que je m'étais mis à pleurer fort et tout le monde avait ri de moi. En gros, je n'avais pas l'intention de recommencer.
Après avoir vidé les sacs, j'allais les jeter à la poubelle, m'essuyai la bouche en coulant de l'eau du robinet dans les mains et m'enfonçant le visage dedans. Puis j'allais à la salle de bain, toujours sur la pointe des pieds pour ne réveiller personne. Arrivé là, je fermais la porte et, avec précaution, écartait le rideau de la fenêtre. J'y vis le champ et la forêt, et la trainée de terre que j'avais creusée autour de la maison, à force de courir toujours au même endroit, sans teinte bizarre. Mes yeux ne me faisaient plus aucun mal, mais pourtant, je ressentais tout de même un petit quelque chose de bizarre avec ma peau. Je me passais la main sur la joue, sans trop comprendre ; ma peau était glacée, ce qui était devenu normal, mais il y avait quelque chose... J'allais au miroir accroché contre la porte, laissant le rideau écarté pour permettre à la lumière d'entrer, et regarda mon reflet. Comme je l'avais espéré et grâce à la lumière que je pouvais enfin me permettre de voir, mes yeux étaient redevenus de couleur noisette, et je n'avais plus de cernes rouges et énormes. Depuis le temps, c'était ça, pour moi, qui était bizarre, mais de bien meilleur gout. Puis je portais mon attention à ma peau, et c'est là que je réalisais le changement. Il s'était fait tellement lentement que je n'avais pas réalisé, mais là, je voyais bien ; ma peau était devenue aussi blanche que tous les autres vampires habitant la maison. J'étais tellement blanc que la moindre tentative de bronzage va me garantir un cancer de la peau en stade terminal en deux minutes... Ouais, ça vaut la peine de boire assez de sang pour supporter le soleil : mes yeux, pas de problèmes. Ma peau... je crois que je vais me prendre de la crème solaire.
Je laissais échapper un grand soupir, puis allais refermer le rideau et montait à ma chambre, fouillant dans les vêtements qu'Anik et Marcus m'avaient donné, puis trouvait ce que je cherchais ; un sweatshirt. Je l'enfilais, mettant la capuche au-dessus de ma tête. Sur la même lancée, je me débarrassais de mon pyjama et mis des jeans et mes souliers. Prêt à partir pour ne jamais revenir.
Je m'assis dans mon lit, repensant à ce que je m'apprêtais à faire. J'allais me faire tuer par le premier chasseur que j'allais croiser, c'est certain. Et j'allais le croiser rapidement ; c'est pourquoi les autres ne sortent jamais seuls. Sinon, eux aussi, ils se feraient tuer... Et les chasseurs ne sortent pas seuls non plus, pour les mêmes raisons.
Non, tant pis. Je reste. C'était une idée en l'air, rien de plus. Je vais me faire disputer grave par Marcus quand il se rendra compte que j'ai pris sept sacs de sangs, il me frappera probablement encore pour me faire la leçon... Depuis que je l'avais mordu à l'épaule, il est devenu incroyablement sévère. Tellement que, la plupart du temps, je me mets à pleurer. Et ça l'énerve encore plus. Parfois, avec lui, j'ai l'impression d'être une petite fille en train de me faire violer. Mais, bien sûr, si je sors, je vais me faire tuer.
Et dire que je trouvais Marcus sympathique, au début...
J'enfonçai mon visage dans mes mains, ne sachant plus quoi penser. J'y vais, ou j'y vais pas... Aller, pas aller...
Reviens à la maison ! me dit pour la millionième fois cette voix de mon rêve.
- Oui, oui, je sais ! marmonnais-je. Bon, si je meurs, c'est de ta faute, stupide voix.
Sûr de moi, je me relevais et refis le chemin, encore une fois sur la pointe des pieds. Rendu à la cuisine, je m'arrêtais, à quelques mètres de la porte d'entrée. Là, à la cuisine, à se servir une poche de sang, il y avait Quirin. C'était, d'une certaine façon, le bras droit de Marcus. Je ne le voyais pas souvent, mais quand c'était le cas, il faisait tout ce que Marcus lui demandait. Si Marcus demandait l'heure, Quirin était le premier à répondre. Et quand Marcus se mettait à me crier dessus, Quirin était derrière à lui donner des idées sur les insultes à employer. C'était lui, notamment, qui avait trouvé : « le nain » et « petit putois ». Oui, les vampires transpirent, et après une nuit entière à courir, c'est un phénomène assez fréquent...
Je comptais m'éclipser avant qu'il ne me remarque, et bien sûr, il me remarqua, alors que je faisais un pas vers la porte.
- Gamin ! s'écria-t-il avec un grand sourire. Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ? T'as fait un cauchemar ?
Il fit la grimace, comme une enfant à deux doigts de se mettre à chialer. Ce n'était pas dans le but de m'énerver, je voyais bien que ce n'était qu'une gentille blague. S'il voulait être méchant, il saurait trouver quelque chose à dire de bien pire. Mais l'effet était quand même là, puisque, en effet, c'était un cauchemar qui m'avait réveillé.
- Je n'arrivais plus à dormir, dis-je en haussant les épaules. Je voulais juste prendre l'air, un peu.
- Oh non, tu ne devrais pas aller dehors. Le soleil est encore là. Il n'est même pas encore neuf heures.
Je hochais la tête, ne sachant quoi répliquer. Il ne faut pas qu'il sache que je pourrais aller en plein soleil, là tout de suite, sinon il irait tout de suite tout raconter à Marcus, quand bien même qu'il dort encore. Mais il fallait que je sorte avant qu'il ne se réveille, ou il m'en empêcherait.
- Oh, eh bien... je croyais qu'il était plus tard. Je sais pas pourquoi, je croyais qu'il était presque dix heures.
- Ouais, bien sûr, dit Quirin, avant d'ajouter tout bas : et crétin, en plus de tout le reste...
Je serrai les poings, commençant à en avoir ma claque de ce Quirin. À cause de lui, j'allais perdre ma chance de partir d'ici. Et malgré ce qu'avait dit Marcus, il ne me laissera jamais sortir d'ici de mon plein gré. Trop dangereux pour la pauvre petite chose que je suis.
- Tout va bien ? demanda Quirin avec un petit sourire en coin, le bout de la paille de son sac de sang coincé entre les lèvres.
- Oui, tout va bien, dis-je les dents serrées. Je t'aime pas, c'est tout.
- Oh, mais c'est réciproque, gamin, dit Quirin avec un autre sourire. Allez, retourne faire un petit dodo, ou papa Marcus sera pas content.
- C'est pas mon père !
- En effet. Ton père a été tué sous tes yeux. C'est tellement triste...
Mon poing me démangeait tellement j'avais envie de le lui enfoncé en pleine figure. Sérieux, qu'est-ce que j'ai fait dans ma vie d'avant pour mériter ça ? Je n'aidais pas assez ma mère à nettoyer la cuisine après les repas ?
Je pris une grande inspiration, puis me retournai et remontai dans ma chambre. S'il fallait que je laisse aller ma colère contre Quirin, il n'allait pas seulement me renvoyer des coups deux fois plus fort que les miens, mais il allait carrément me tuer. Et il ne le regrettera même pas. Non, il serait parfaitement content d'être débarrassé de moi.
De retour dans ma chambre, je fermais la porte et ouvrais les rideaux de la fenêtre. Le soleil était encore là, à l'horizon. Quelques minutes et il sera assez bas pour ne plus courir aucun danger, mais il faudra surement au moins une heure encore avant que tout le monde se réveille.
Je pensais à Quirin, en bas, qui avait foutu en l'air ma tentative de partir loin d'ici. Mais j'aurais dû le prévoir. On est surement mercredi. Le mercredi à neuf heures du soir, il y a à la télé une série qu'il adore et qu'il ne rate jamais. Alors, un peu avant, comme chaque mercredi, il se permet de prendre un sac pour supporter la luminosité de la télé.
De toutes les personnes vivant dans cette maison, Quirin est celui que je déteste le plus. Et à savoir que c'était à cause de lui que je ne pourrais pas partir, j'avais sérieusement envie de le tuer.
Ensuite, c'est à Laura que je pensais. La chasseuse qui m'avait permis de m'enfuir. Elle m'avait permis de vivre, et en échange, elle ne m'avait donné que deux consignes. La première ; strict minimum. Ne pas tuer si je peux l'éviter. La deuxième ; la première consigne ne s'applique pas aux vampires. Les tuer autant que possible. Là, tout de suite, ce n'était pas l'envie qui me manquait...
Mais je ne peux pas tuer Quirin. Je me mettrais tout le reste de la maison à dos, et Marcus me tuerait. Si je pars sans le tuer, Marcus finira par dire tant pis et il m'oubliera. De toute façon, il était déjà prévenu que je partirais un jour.
J'étais toujours en colère. En très grande colère. Et je me sentais téméraire. Cette fois, c'est sûr, je reviens à la maison. Pas question de me le faire dire encore une seule fois par une voix de réincarner dans ma tête.
J'ouvris la fenêtre avec la petite manivelle, puis, quand elle fut assez grande, je m'attaquai à la moustiquaire. Je pourrais la défoncer facilement, mais, du même coup, réveiller toute la maison. Alors, j'y allais coin par coin, avec toutes les précautions du monde. En quelques minutes, j'avais réussi à retirer la moustiquaire, que je déposais sur le lit. Je m'assis sur le rebord de la fenêtre, laissant mes jambes pendre dans le vide. Peut-être trois mètres me séparaient du sol. L'atterrissage me fera peut-être mal au pied... Si j'étais encore humain. Je me laissais tomber et atterris dans la ligne de terre que j'avais creusée en courant autour de la maison. Je n'avais absolument rien ressenti.
Je contournais la maison, vérifiant bien que le rideau était tiré devant la fenêtre du salon et de la cuisine, puis allai jusqu'au garage. Un cadenas retenait la porte fermée, et normalement, je n'aurais certainement pas pu le forcer, mais j'avais bu sept sacs de sangs, quand même. C'était largement suffisant pour avoir la force de, non seulement forcer le cadenas, mais de défoncer la porte, ou de faire un trou dans le mur assez grand pour y passer. J'attrapais le cadenas et serrais mon poing, et il se défit en plusieurs morceaux qui tombèrent dans l'herbe à mes pieds, puis j'entrais dans le garage.
Là, dans le garage, il y avait une voiture, mais ce n'était pas ça que je voulais. Je ne savais pas conduire, de toute façon. J'allais tout au fond de la pièce, où il y avait un grand coffre, et l'ouvris, forçant encore une fois de cadenas. À l'intérieur, il y avait tout un tas de pistolets, des boites de munition et des chargeurs. Je pris le pistolet avec lequel Marcus m'entrainait, puis entrepris de remplir son chargeur, et un autre en rechange. En quelques minutes, j'étais près, pistolet et chargeur cachés dans mon dos, coincé à ma ceinture.
Et quand je sortis du garage, je fis un face à face avec Quirin. Il n'avait pas l'air content.
- Qu'est-ce que tu fais là, morveux ? demanda-t-il, les bras croisés et les sourcils froncés. On se fait la malle ?
- Non. Comme tu peux surement le voir, j'ai pas de malle.
Je levais les mains, montrant que je n'avais rien avec moi. Quirin me fit un grand sourire, qui paraissait atrocement faux.
- Marcus va pas être content.
- Je sais, pourquoi tu crois que j'essaie de partir pendant qu'il n'est pas là ?
- Arrête de faire comme si c'est pas grave, ce que tu fais. Tu vas te faire tuer.
- Et tu serais bien content. De toute façon, où j'en suis rendu, c'est soit que je me fais tuer par les chasseurs, sois Marcus me tue...
- Il va pas te tuer.
- Où j'en suis rendu, répétais-je d'une voix plus forte, ça vient au même, pour moi. C'est vraiment barbant, de vivre ici. Mentalement, je serais quand même mort. Encore plus que je ne le suis présentement, du moins.
- Tu sais, Jay...
- JE M'APPELLE JAYDEN ! Il faudra le dire combien de fois, merde ?!
- Jayden, reprit-il après un grand soupire, on a tous commencé comme toi. On a tous dû s'entrainer pour devenir plus forts. T'es pas un cas à part.
- Oh si, je le suis ! T'as quel âge, toi ? Trois, quatre-cent ans ? En tout cas, à vu d'œil, je te donnerais quelque part entre vingt-cinq et trente. Mais moi, j'ai douze. Douze ans ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse, avec vous ? Votre caniche ? Fait pas semblant, tu sais parfaitement que ce n'est pas seulement l'entrainement. Ma vie ici, ce sera toujours la même chose, pour toujours ! Et toujours parce que je suis trop petit, parce que je peux plus grandir. Alors, s'il te plait, laisse-moi passer. Je sais que tu veux te débarrasser de moi, de toute façon. Tu m'aimes pas, tu l'as dit toi-même.
Quirin m'attrapa par les épaules, me repoussant contre le mur du garage tellement fort que j'y avais surement gravé la forme de mon corps, mais c'est tout juste si je ressentis un petit pincement dans le dos. Quirin était tellement en colère qu'il montrait les dents comme un chien enragé – réflexe que prenaient les vampires qui avaient pour habitude de tuer ses proies, contrairement à moi qui n'avais tué rien de plus qu'une araignée sous mon soulier, depuis que j'étais ici.
- Jayden, je sais que je t'ai laissé croire le contraire, comme à peu près tout le monde ici, mais on t'aime bien, et on ne veut pas que tu meures. Les insultes aussi, ça fait partie de l'entrainement pour te rendre plus fort. Ça aussi, tout le monde est passé par là.
- Et tu crois que je vais croire ça ? demandais-je, commençant à avoir de la difficulté à contrôler ma voix. C'est le truc le plus nul que j'ai jamais entendu de ma vie.
- Je sais... mais reste, et je leur dirais d'arrêter, OK ?
- Non, ça n'arrêtera pas ! Tu dis que ça fait partie de l'entrainement ? Alors ça s'arrêtera quand je serais aussi fort que vous, pas avant ! Et je ne serais jamais aussi fort que vous, c'est pas possible, je suis trop petit !
- Jay...
Je me dégageai de son emprise et lui enfonçai un bon gros coup de pied dans le ventre, style kung-fu. Quirin fut projeté par en arrière à près de six mètres, sur le dos. Il essaya de se relever, mais il était encore assis quand je revenais vers lui, pointant sa tête avec mon pistolet. Il ne fit plus aucun mouvement, me fixant de ses yeux rouges, les mains ouvertes et éloigner pour montrer qu'il ne tenterait rien.
- Je t'ai déjà dit que je m'appelle Jayden, dis-je, ayant de la difficulté à me retenir de pleurer. Souviens-toi de mon nom.
- OK, j'ai compris. Pardonne-moi.
- Oh que non, dis-je dans un rire. Tu le mérites pas.
Je ne savais pas ce qui était en train de se passer exactement, mais j'avais l'impression que je ne contrôlais plus ce que je faisais ni ce que je voulais. Ce que je voulais réellement, c'était abaisser mon arme et de m'excuser. Mais il y avait autre chose, presque une voix dans ma tête, qui disait : « Tire, allez, qu'est-ce que t'attends ? Vas-y ! Allez, tire, il ne mérite que ça ! »
J'avais la main qui tremblait, visant tantôt sa tête, tantôt son épaule, son cou, un peu n'importe où sans parvenir à garder la main droite, encore moins à la baisser. J'avais l'impression que j'étais en train de péter les plombs.
Devant moi, Quirin se releva lentement, très lentement, sans jamais me quitter des yeux.
- Oh non, s'il te plait, marmonna-t-il. C'est pas le moment.
- Quoi ? demandais-je faiblement, arrivant à peine à parler tellement je tremblais et pleurais.
- OK, dit-il comme s'il parlait plus à lui-même qu'à moi. Jayden, pose ton arme. Je ne te veux aucun mal.
- C'est... c'est pas vrai, dis-je en secouant la tête. T'es pas gentil.
- Jayden... dis-moi, t'a pris combien de sacs de sang, dans le frigo ?
- Se... je... sept, dis-je faiblement.
- Oh non, répéta-t-il encore.
Il lança nerveusement un regard vers la maison, comme s'il espérait des renforts. J'avais le cerveau tellement embrouillé que je n'arrivais plus à comprendre quoi se soit. Tout ce que je savais, c'est que je m'appelais Jayden, et lui, il m'appelait Jay... à moins qu'il m'eût vraiment appelé Jayden ? Et puis, surtout, je voulais partir d'ici, mais lui, il m'en empêchait. Il voulait me ramener à la maison, où je me ferais encore insulter et frapper dessus. Je ne voulais pas, oh que je ne voulais pas. Plus jamais.
- Jayden, écoute-moi, OK ? dit lentement Quirin, les mains toujours bien hautes. Le sang, c'est comme de la drogue. Et t'es en surdose, là. Il faut vraiment que tu te calmes, ou tu vas faire quelque chose que tu ne voudrais pas.
- Pas vrai, dis-je en secouant la tête. C'est pas vrai. Je veux juste partir d'ici, s'il te plait. Laisse-moi partir !
Les larmes coulaient tellement de mes yeux que je ne voyais plus rien. Je levais une main tremblante pour m'essuyer les yeux, et Quirin choisit ce moment pour me sauter dessus. Il m'attrapa par les bras, et me repoussa pour que je tombe dos dans l'herbe, et le seul réflexe que j'eus, ce fut de viser sa tête avec mon pistolet et de tirer.
Le bruit avait dû réveiller tout le monde dans la maison. D'ici quelques secondes, ils accourront pour voir ce qui s'est passé, et ils me verront, moi, un pistolet à la main, avec un Quirin mort à mes côtés.
Il faut que je parle d'ici.
Je me relevais, les jambes tremblantes, puis courues à toute vitesse vers le sentier.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro