Chapitre 1
J'étais couché dans le lit, le visage enfoncé dans l'oreiller depuis je ne sais combien d'heures, mais je n'étouffais pas. C'était à peine si j'avais besoin de respirer.
Plus le temps allait, plus je pouvais faire le point sur ce qui était vrai et ce qui était faux, concernant les mythes. Jusqu'à maintenant, je savais que mon cœur ne battait pas, mes poumons ne fonctionnaient presque plus, et j'étais à peu près sûr que mon estomac rejetterait n'importe quoi que j'essayerais de manger. Je sentais des picotements désagréables sur ma peau, et j'aurais voulu regarder, vérifier si je n'étais pas sur le point de prendre en feux ou je ne sais quoi, mais je gardais toujours la tête enfoncée dans l'oreiller. Car, si je regardais, il y avait, pour sûr, mes yeux qui allaient prendre en feux.
Autre chose de vrai sur les mythes ; la vision nocturne. Ça parait cool, dit comme ça, mais dès qu'il y a trop de lumière, j'ai les yeux qui me brule, je ne vois rien du tout, sauf du blanc et du gris pâle. Ce qui fait que je n'avais aucune idée où j'étais.
Je m'étais réveillé sur ce lit, quelques heures plus tôt. En me réveillant, j'avais, de toute évidence, ouvert les yeux. J'avais disposé de deux secondes pour voir une pièce au mur gris, avec d'autres lits vides. Et c'est tout. La douleur était trop intense.
J'avais essayé un peu plus tard de regarder à nouveau, à la recherche d'un interrupteur pour éteindre la lumière, mais je n'en avais pas eu le temps. Et j'étais trop à plat pour appeler à l'aide.
Ce n'est qu'après ces plusieurs heures que quelqu'un entra dans la pièce et referma la porte. Mais je ne bougeai toujours pas.
- Alors, encore en vie ? demanda une voix de fille, quelque part derrière moi.
- Non, répondis-je d'une voix étouffée, le visage toujours dans mon oreiller.
- Je n'y crois pas, dit un autre gars en riant. Il est en vie. Et t'as quoi, gamin, dix ans ?
- Douze.
Le gars fit un sifflement impressionné, qui ne fit que m'exaspérer.
- Qu'est-ce que ça change, que j'ai douze ans ?
- Eh bien, désolé de te l'annoncer, gamin, mais t'es un vampire, maintenant... Et de ce que j'en sais, personne en dessous de dix-huit ans n'a jamais survécu à une transformation.
- À moins qu'elle ne se soit pas encore faite, dit la fille.
- Depuis le temps, se serait fait, mais, ouais... Lève la tête, gamin.
- Arrête de m'appeler comme ça ! Je m'appelle Jayden !
- C'est ça, comme tu veux. Lève la tête.
Je levais la tête de mon oreiller pour lui lancer le regard le plus menaçant que je pouvais, et j'eus le temps de voir un homme fait en rien d'autre que des muscles, cheveux blonds et yeux bleus qui devait avoir trente ans, et une femme rousse qui semblait ne pas trop savoir quoi penser. Puis je replongeais la tête dans l'oreiller ; j'avais les yeux qui me brulaient trop.
- Vous ne pourriez pas éteindre cette lumière ? demandais-je.
Sans répondre, l'homme éclata de rire, et je serrais les poings. Sérieusement, c'était quoi, ça ? Ma famille était morte, j'étais moi-même (plus ou moins) mort, et lui, il riait. Exactement comme le vampire quand je lui avais tranché la gorge.
- Ouais, t'es un vrai de vrai vampire, gamin !
- Tant mieux pour vous ! dis-je du ton le plus menaçant que je pouvais.
L'homme se remit à rire, sans faire plus attention à moi.
- Ouais, gamin, t'es un vampire, et moi, je tue les vampires !
- Vous devez être vraiment nul, dans votre genre. Vous n'avez même pas réussi à en tuer un avant qu'il ne tue ma famille ! Vous êtes vraiment nul !
Je sentis des mains s'agripper à mes épaules et me forcer à me redresser. Une seconde plus tard, je me retrouvais assis, face à l'homme. J'essayais encore une fois de lui lancer le regard le plus menaçant que je pouvais, alors que lui me souriait, comme si j'étais un petit chiot particulièrement mignon, mais encore une fois, mes yeux se mirent à bruler et je plaquais mes mains contre mes yeux. Quelques secondes de plus, et la peau de mon visage se mit elle aussi à me picoter.
- Ça faisait des semaines qu'on traquait ce vampire, dit l'homme. Hier soir, on l'a coincé. Laura a pu lui tirer une balle dans le ventre avant qu'il s'enfuie. Ça l'avait affaiblie, et il avait besoin de sang au plus vite. Il a foncé droit vers ta maison. Pas de chance pour toi, mais maintenant, il est mort, et c'est ça l'important.
- C'est ça l'important ? répétais-je, presque en hurlant. Ma famille est morte, et toi, c'est tout ce que t'en penses ?
- Sur sept-milliards d'habitants, quatre personnes me passent loin au-dessus de la tête, gamin. Pour moi, l'important, c'est de faire disparaitre les monstres dans ton genre de la terre.
Sans pouvoir résister une seconde de plus, j'attrapais mon oreiller à tâtons et la lui lançait en pleine figure, où j'estimais qu'elle se trouvait. J'entendis un bruit sourd, trop près pour que ce soit le mur ou le plancher, et l'homme se mettre à rire encore une fois. Je ne sais pas trop comment, mais je sais que j'avais manqué mon coup ; c'était la femme qui s'était retrouvée avec l'oreiller en pleine figure.
- Si c'est ce que tu penses, pourquoi je suis encore là, dans ce cas ?
- Parce que t'as dix ans et t'es un vampire...
- J'ai douze ans !
- ... t'es un cas d'exception, tu comprends ? On veut juste essayer de voir ce qui fait de toi un gamin si spécial.
- Allez vous faire foutre !
- Allons, t'es trop jeune pour parler comme ça, dit l'homme en riant. Laura, t'es prête ?
La femme ne répondit rien, mais sans avoir eu le temps de demander ce qu'ils préparaient, je sentis des mains m'attraper et me lancer dans le lit pour que je m'enfonce le visage dans les couvertures. Dans un premier temps, j'en fus heureux ; je commençais à avoir la peau du visage qui me démangeait, en plus de tout le reste de mon corps qui était à découvert. Mais ensuite, je réalisais que ce n'était pas que ça ; je ne sais pas ce qu'ils faisaient, mais ce n'était pas pour mon bien à moi. Je commençais à me débattre, mais je n'arrivais plus à bouger les bras ; cette rousse les avait pris et me tenait fermement, et j'étais assez certain, à ce que je ressentais, qu'elle s'était même assise sur moi pour m'empêcher de me débattre. La seule chose que je pouvais faire, c'était de lancer des coups de pieds qui n'atteignaient personne.
- Lâchez-moi ! m'écriais-je, la voix étouffée par les couvertures du lit.
- Chut, ce ne sera pas long, dit la femme, la bouche tout près de mon oreille. Tu ne sentiras presque rien...
- J'ai dit : LÂCHEZ-M... argh !
- Ne bouge plus, ou ça va te faire mal, gamin !
Ma bonne conscience me disait qu'il avait raison, alors j'arrêtais de me débattre, même si je sentais mon coude qui me brulait. Même sans regarder, j'étais assez certain que, pendant que la femme me retenait pour m'empêcher de bouger, l'homme me prélevait du sang par mon coude.
- Fini, dit l'homme en même temps que je sentais l'aiguille se retirer de mon bras. Ce n'était pas si terrible, non ?
La femme retira son emprise sur moi, lentement, puis je sentis tout son poids se retirer de mon dos. Je levais la tête pour voir l'homme tenir une fiole pleine de mon propre sang, la secouant légèrement pour voir les gouttes éclabousser le verre.
Je détournais la tête encore une fois, commençant à avoir de la difficulté à me retenir de pleurer. J'avais l'impression que, si c'était ça, la vie, maintenant, eh bien j'allais en voir souvent, du sang.
- Oh, pleure pas, gamin, c'est pas si terrible que ça en a l'air, dit l'homme. Tu crois que ta vie part en couille ? Eh bien dis-toi, pour t'encourager, que tu n'en as plus pour longtemps !
- Charlie, il a douze ans ! Ne lui dis pas des choses comme ça ! dit la femme.
- T'es sûr ? Je croyais qu'il avait dit qu'il avait dix ans.
- C'est toi qui l'as dit, soupira-t-elle.
- Peu importe. Tu viens, ou je t'enferme avec ça ?
Elle ne répondit rien, mais je l'entendis tout de même se relever et partir vers le fond de la pièce. J'entendis une porte s'ouvrir, deux personnes passer, la femme chuchoter quelque chose à l'homme, puis un clic et la porte se referma.
Quelques secondes passèrent, et je sentis les picotements sur ma peau diminuer, puis disparaitre complètement. Je levais la tête et vis qu'il n'y avait rien de différent, et pourtant, je sentais la différence. Mes yeux ne me faisaient plus mal, malgré la lumière. Je levais les yeux vers l'ampoule au plafond et je ne vis aucune lueur, et pourtant, la lumière devait être là, quelque part, sinon je ne verrais rien... avant de réaliser que, justement, c'était parce qu'il n'y avait pas de lumière que j'arrivais à voir normalement.
L'interrupteur était près de la porte, et il était incliné vers le bas, qui veut dire éteint. Et il n'y avait aucune fenêtre. Absolument aucune lumière, et je voyais aussi bien que s'il y avait eu un beau soleil d'été, sans aucun nuage, au-dessus de ma tête.
Je sortis du lit et allai droit vers la porte. Je collai mon oreille contre le métal ; je n'entendais rien du tout. Sois qu'il n'y avait personne, soit je n'avais pas de super ouïe... j'essayais de tirer sur la poignée, avant de me rendre compte qu'il n'y en avait pas. J'essayais de la défoncer d'un coup d'épaule, qui m'arracha un cri de douleur. Pas de super force non plus.
Je poussais un long et interminable soupir tout en m'asseyant devant la porte, les yeux rivés à l'ampoule au plafond. Un peu plus loin de l'ampoule, il y avait une bouche d'aération, fermée par un cadenas. Et si j'arrivais à casser le cadenas ? Je serais surement assez petit pour m'y faufiler.
Sans attendre, je grimpais sur les lits superposés, m'approchant du plafond autant que je le pouvais, me tenant à la rambarde d'une main, essayant de toucher le cadenas de l'autre main. Il ne me manquait que quelques petits centimètres pour m'y rendre. Mais, bien sûr, je ne m'y rendais pas. J'essayais de me lever, m'agrippant à la rambarde avec mon pied, l'autre main au plafond. Et je parvins enfin à l'attraper. J'essayais de tirer dessus, de le secouer, de le broyer dans mon poing avec ma superforce – que je n'avais pas. Le cadenas ne voulait pas céder. J'essayais cette fois à deux mains, tirant autant que je le pouvais, et enfin, il y eut du mouvement : je tombais en bas du lit tête première et atterri sur le sol bien dur, et ce fus mon poignet qui eu tout le choc. Je me remis assis, me trainant sur les fesses pour m'adosser au lit le plus proche, et regardais mon poignet, me mordant la lèvre pour ne pas gémir. La douleur était supportable, en fait, mais c'était la vue qui l'était moins. Mon poignet faisait un drôle d'angle, et j'étais à peu près sûr que je l'avais cassé. J'essayais de remuer les doigts, mais rien ne se passait. Apparemment, je n'étais pas superrésistant... À part la vision nocturne, vraiment, il n'y a rien qui pourrait m'aider à sortir d'ici ?!
Et dire que j'étais ce qu'on peut dorénavant appeler une « créature fantastique », je n'étais même pas fichu de casser un cadenas. Mais je peux me casser le poignet, ça, pas de problèmes !
Je pris une grande inspiration, puis tirait d'un coup sec sur mon poignet, les yeux étroitement clos et me mordant les lèvres, mais je ne sentis rien du tout. Quand j'ouvris les yeux, mon poignet ne faisait plus d'angle bizarre. Je remuais les doigts ; je ne sentais rien d'anormal. Ce qui était anormal.
Je poussais un soupir, tout en me relevant. Je regardais encore une fois tout autour de moi ; autre que la porte et la bouche d'aération, je ne voyais pas comment faire pour sortir d'ici. Et visiblement, je n'avais aucun pouvoir surnaturel du fait que j'étais maintenant un vampire. Je pris l'oreiller qui était toujours à terre et le mit sur le lit, et me couchais dedans, me glissant sous les couvertures, fixant le plafond.
Peut-être que la raison pourquoi je ne suis pas fort, c'est parce que je n'ai jamais bu de sang, encore. Donc, s'il y avait une façon de s'échapper d'ici, c'est d'attendre que quelqu'un entre et de me lancer sur lui, de le tuer, et de boire son sang.
Ça faisait plusieurs heures que j'étais réveillé, et tout aussi longtemps que j'avais compris que j'étais un vampire, et pourtant, ce n'était que maintenant que cette partie des informations avait finalement réussi à se frayer un chemin jusqu'à mon cerveau : je vais devoir tuer des gens, et boire leurs sangs.
Je me roulais en boule dans le lit, la tête enfoncée dans l'oreiller.
Je préférais de loin retrouver ma famille de l'autre côté que de devenir ça.
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