Suite des visites
M. Chabouillet vint le troisième jour, heureux et soulagé de voir Javert en aussi bonne santé. Valjean était venu, espérant rencontrer Javert, l'avoir un peu à lui et reprendre leur conversation interrompue. Il allait partir pour laisser la place à M. Chabouillet mais le secrétaire lui intima l'ordre de rester. Valjean obéit et s'assit, sans trop savoir pourquoi on le voulait présent.
« Mon cher Javert, s'écria le vieux secrétaire de la préfecture. Vous nous avez fait une belle peur.
- Je vous prie de me pardonner, monsieur, répondit humblement le policier.
- J'imagine bien que vous n'avez pas fait exprès de vous faire blesser, n'est-ce-pas ? »
Un sourire sans aménité, un regard dur, la parole tranchait trop près de l'os, Javert grimaça.
« J'ai eu affaire à forte répartie, monsieur.
- Forte répartie ? Patrouiller dans votre uniforme, sans armes, dans le quartier Saint-Michel.
- Un moment d'inattention, monsieur. »
Un moment d'inattention... Chabouillet ne répondit pas mais ses yeux brillaient de colère.
« Mais ce n'est même pas cela qui me dérange le plus avec vous, Javert.
- Monsieur ?
- Cela fait un an que je suis dérangé par vous.
- Je sais, monsieur. Ce fut trop long. La prochaine fois, je mettrais les choses bien en ordre avant de...
- Quelle prochaine fois ? Il n'y aura pas de prochaine fois ! Ou alors je vous colle en cellule pour une année ! A la Force !
- Monsieur !!!
- Bougre d'imbécile ! Ne savez-vous pas que vous avez des amis ? Ne pouviez-vous pas venir me parler avant ? Avant de...
- Je ne savais pas quoi faire monsieur... »
Javert baissa la tête. Honteux, il ne savait pas quoi dire, il ne voyait pas quelle issue trouver à cette discussion. Valjean le contemplait, atterré. Il se faisait invisible dans un angle de la pièce, gêné d'être témoin de cette scène.
Puis M. Chabouillet se calma et posa une main apaisante sur l'épaule de l'inspecteur.
« Je vous pardonne, Javert. Grâce à votre ami, M. Valjean, je pense avoir compris ce qui vous est arrivé, même si je ne peux pas tout saisir de votre dilemme.
- Je suis désolé, monsieur...
- Dés que vous serez en état, vous revenez à votre poste. Vous êtes toujours inspecteur de première classe.
- Je ne suis plus bon à cela, monsieur.
- Javert ! Ne recommencez pas ! Vous allez retourner dans la police et vous allez faire votre boulot ! Bon Dieu ! »
Javert ne répondit pas. Les yeux baissés obstinément sur ses doigts. On avait retiré les bandages, les dégâts étaient irréversibles. Il sentait toujours une douleur agonisante dans la poitrine, à chaque souffle, à chaque prise d'air. Il allait vivre avec. Mais redevenir policier ! C'était une gageure...
Valjean était troublé par ce qu'il voyait et entendait. On allait faire payer à l'inspecteur cette année de deuil. D'une manière ou d'une autre.
Cette fois, Valjean quitta la chambre sans avoir eu le temps de saluer l'inspecteur ou d'avoir échangé quelques mots personnels avec lui.
La scène était par trop affligeante.
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