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La Paimpolaise

Un costume vert de qualité. Il y avait longtemps que Jean Valjean n'avait pas fait l'effort de s'habiller. En fait, cela remontait au mariage de Cosette.

Cela faisait étrange à Jean Valjean.

Ce fut étrange aussi d'entrer au Café Suchet habillé ainsi, comme pour un rendez-vous galant. Une rougeur monta à ses joues lorsque le patron Maxime, un subtil sourire sur les lèvres, le fit entrer dans le salon de la dernière fois.

« Il est déjà là. Il est impatient.

- Je ne suis pas en retard pourtant.

- Il doit être jaloux. »

Le patron se tourna vers Valjean et glissa doucement :

« Il a raison de l'être, monsieur. »

Cette fois, Valjean sentit même les pointes de ses oreilles rougir tandis que la porte du salon privé s'ouvrait devant lui. Et Valjean déglutit en voyant Javert.

Quelque part, Javert était toujours le même homme, trop grand, trop maigre, des épaules carrées, et en même temps il y avait quelque chose de différent. D'indéfinissable.

Javert s'était habillé avec recherche. Un costume bleu nuit d'une belle coupe, dont le veston accentuait la finesse de la taille, l'ensemble s'associait à merveille avec la paire de bottines lacées qui finissait bien la jambe longue et fine du policier. Javert n'était ni large, ni épais, il était svelte et nerveux, le corps rendu musclé par quarante ans de patrouille. Cette fois la canne complétait la silhouette bien découpée. Enfin, ses favoris étaient taillés avec soin et ses cheveux étaient retenus par un ruban noir assez long, glissant dans le dos.

« Content de ce que vous voyez ? »

Il lui avait déjà posé cette question. Valjean répondit simplement :

« Vous paraissez insolite.

- Je sais. On me l'a déjà dit. »

Javert avait son regard froid et impersonnel. Comme si quelque chose était éteint quelque part. Valjean aurait voulu faire revenir la lueur derrière ces vitraux de glace.

« Mais vous êtes superbe !, se rattrapa Valjean. »

Un reniflement de mépris et Javert s'assit à table. Valjean le rejoignit.

« Vous êtes très bien comme cela Valjean. Nous ferons bien illusion. Mais si jamais cela devait mal tourner, si jamais vous êtes en danger, vous quittez la Paimpolaise. Vous sauvez votre vie. Vous...

- Javert !, » le coupa Valjean.

Deux yeux transparents, un peu égarés le fixèrent. Javert semblait tellement inquiet. Cela surprit Valjean, se pourrait-il qu'il s'inquiétât pour lui ?

« J'ai confiance !

- Vous êtes bien le seul ! »

Et sans plus de discours, les deux hommes dînèrent. Le silence était pesant. Valjean envia la familiarité que Vidocq avait réussi à créer avec Javert, il aurait voulu discuter ainsi avec le policier et perdre cette distance qui les séparait toujours.

« Vous connaissez Vidocq depuis longtemps ?

- Depuis mes vingt ans, sourit Javert, lorsque j'étais garde-chiourme à Toulon.

- Et moi ?

- Depuis mes seize ans, Valjean. Je vous surveille depuis si longtemps. Depuis Toulon.

- Seize ans ? Dieu du Ciel ! Si jeune ?

- Mangez Valjean. Ce n'est pas bon de remuer le passé. »

Et chacun bénit le silence cette fois.

La Paimpolaise était un bastringue donc un café dans lequel on pouvait manger, boire, danser. Sa seule différence avec les autres cabarets était sa clientèle discriminatoire, rien que des hommes. L'homosexualité n'était plus un délit depuis le Code Napoléon, les hommes pouvaient donc s'aimer sans encourir de peine infamante. Mais être homosexuel restait scandaleux et mal vu dans la société de cette époque. On pouvait s'aimer entre hommes, certes, mais il fallait le faire caché aux yeux du monde. C'était donc pour permettre aux hommes de se retrouver et de s'aimer en tout discrétion que des lieux comme la Paimpolaise avaient vu le jour. La police était au fait et ne cherchait pas à les fermer, sauf lorsqu'un préfet, plus vindicatif que d'autres, plus pieux aussi, donnait des ordres en ce sens à ses brigades. L'inspecteur Javert lui-même avait parfois participé à des expéditions punitives contre tel ou tel établissement marqué du sceau de l'infamie.

Mais Javert avait été jeune, dévoué et stupide. Aujourd'hui, ce que ces hommes faisaient entre eux le laissait indifférent.

Les deux hommes entrèrent dans l'établissement discret en lâchant le nom de leur intermédiaire, Maxime du Café Suchet. On les laissa entrer, on leur prit leur manteau et leur chapeau, on les mena dans la salle principale. Quelques tables, une piste de danse et des musiciens de guinguette. Une musique douce calmait les esprits, on discutait gentiment entre hommes.

On aurait pu se croire dans n'importe lequel des cafés de Paris et de sa banlieue sans les mains entremêlées de ces hommes, sans les têtes posées sur des épaules masculines, sans les bouches quémandant des baisers sous des moustaches bien fournies. Valjean se rappelait qu'il était un bon acteur et lutta pour rester neutre. Javert, lui, était toujours raide et impassible.

Un homme vint les accueillir, le patron sans nul doute, un large sourire aux lèvres.

« Bienvenus à la Paimpolaise, messieurs. Maxime nous a parlé de vous. Vous êtes Jacques, le journaliste ?

- En effet, monsieur... ?

- Appelez-moi Marc. Et voici ?

- Jean. »

Valjean tendit la main, un sourire affable, et salua Marc avec déférence. Javert n'apprécia pas la familiarité du geste et le fit savoir en claquant sa canne sur le sol. Ce geste surprit Valjean mais il fut compris par Marc. Le patron se recula et poliment entraîna les deux hommes jusqu'à une table, dans un coin tranquille, non loin de la piste de danse.

Javert tira la chaise pour Valjean, avec un naturel qui stupéfia l'ancien forçat, puis il aida son compagnon à s'asseoir. Javert était un bon acteur, en effet.

Puis le policier échangea quelques mots avec le patron, ce dernier disparut, sans doute allait-il leur envoyer un serveur.

Javert s'assit enfin et se mit à observer la salle, à la recherche de Viallet. Ce fut à son tour de sursauter lorsque la main de Valjean se posa sur la sienne. M. Madeleine n'était pas en reste. Valjean se voulait doux et affectueux. Javert sourit, un beau sourire, dévoilant des dents bien entretenues et, le regard moqueur, il porta les doigts de Valjean à sa bouche et les embrassa tendrement. Cette fois, Valjean déglutit, une rougeur brûlait ses joues.

« Jav...

- Oui, Jean ?, le coupa Javert, l'air innocent.

- Combien de temps pensez-vous que nous devrions rester ici ?

- Je pense te faire danser, Jean, puis nous pourrons partir quand tu le désireras.

- Danser ? »

Valjean ne savait pas ce qui le choquait le plus, l'idée de danser avec Javert, le fait que le policier le tutoyait ou ses doigts encore chauds des baisers de son compagnon. En tout cas, les trois combinés le rendirent stupide.

Un serveur vint leur apporter du vin et du pain. Valjean reconnut un Clos de Vougeot, un vin cher que M. Madeleine avait apprécié au temps de Montreuil, lors de quelques rassemblements officiels... Javert avait depuis longtemps relâché les doigts de Valjean, la démonstration lui avait suffi et le policier était de surveillance. Il focalisa son attention sur son compagnon lorsque Valjean trempa ses lèvres dans le breuvage.

« Du Clos de Vougeot ?

- M. Madeleine est-il satisfait ?, souffla Javert, discrètement.

- Comment...

- C'est Vidocq qui paye. Il m'a laissé carte blanche. J'ai pensé que cela vous ferait plaisir.

- Cela le fait. Merci Javert.

- Et si cela vous permet de tolérer ma présence, béni soit le vin.

- Tolérer votre présence ? »

Mais Javert n'écoutait plus. Il buvait sans y penser le vin, très cher, et observait la clientèle. Valjean se tut et le laissa en paix. De nombreux couples s'embrassaient maintenant, d'autres dansaient avec entrain et Valjean repéra une porte à l'arrière de la salle par où s'échappaient quelques hommes. Cela le fit rougir. Encore !

« C'est là que...

- Ma petite Fleur-de-Bagne serait-elle choquée ?

- Vous ne l'êtes pas ? »

Javert haussa les épaules, indifférent.

« Je suis surpris que vous le soyez, en tant qu'ancien forçat. J'ai eu mon content d'amours homosexuels à Toulon. Pas vous ?

- Je n'ai jamais versé dans cela !

- Petite Fleur-de-Bagne, j'ai toute votre éducation à refaire. »

Javert se mit à rire.

Valjean observait Javert. L'âge avait vieilli les traits de l'homme, Javert avait plus de cinquante ans aujourd'hui, mais on pouvait retrouver le jeune garde de Toulon dans l'inclinaison de la mâchoire, dans la chevelure si longue, dans les yeux étincelants. Et Javert tendit la main, attendant, patient, que Valjean se soumette. L'ancien forçat le fit et leurs mains se brossèrent à nouveau. Mais Valjean était préparé aux baisers, à la chaleur, à la douceur des doigts du policier. Javert sourit, approbateur.

« Vous commencez à jouer votre rôle à la perfection.

- J'ai un instructeur de qualité.

- Vais-je vous forcer à danser ?

- Votre jambe supportera-t-elle de danser ?

- Touché. Je n'en suis pas sûr et ce serait gênant de s'écrouler devant tout ce public.

- Javert ?

- Mmmh ?

- Qu'est-il arrivé à votre jambe ?

- Brisée dans la Seine.

- Alors vous avez vraiment sauté dans la Seine cette nuit-là ?

- Vous posez trop de questions. Vous en avez toujours trop posées.

- Mais... »

Et Valjean eut la parole coupée par la bouche de Javert posée sur la sienne en guise de bâillon. Deux mains fortes se placèrent sur ses épaules et le rapprochèrent. Valjean ne sut pas quoi faire lorsque, possessive, la langue de l'inspecteur força sa bouche à s'ouvrir pour l'accueillir. Javert était un très bon acteur et Valjean un imbécile.

Bientôt, Javert le relâcha pour lui permettre de respirer et eut un sourire suffisant.

« Maintenant tu vas me laisser travailler, mon cher, sinon nous serons coincés ici jusqu'au matin.

- Oui, Jacques. »

Enfin, Valjean se souvenait de son alias. Le sourire du mouchard redevint approbateur.

Et la soirée se déroula sans autre incident. Valjean était silencieux, encore sous le choc du baiser. Il ne savait pas quoi dire. Si cela avait été le but de Javert, le policier pouvait être satisfait. Puis, tout à coup, Javert sortit un carnet de sa poche et un crayon et se mit à dessiner. Valjean allait parler mais un regard entendu de son compagnon le retint. Cela ne dura qu'un instant et le tout disparut dans une poche.

« Nous pouvons rentrer Jean, il se fait tard et j'ai du travail pour demain.

- Très bien Jacques. »

Javert se leva, paya sans sourciller et tendit la main à Valjean. Les deux hommes se retrouvèrent devant Marc, le patron, très content de les voir aussi bien accordés.

« Vous nous quittez déjà ?

- Jacques doit travailler, répondit Valjean. Mais nous reviendrons !

- Si vous voulez le calme, le mercredi est le meilleur jour mais si vous voulez de la foule, le samedi est parfait. Vous me semblez du genre à préférer le calme, non ?

- Jacques, en effet, mais j'aime beaucoup rencontrer de nouveaux visages.

- Alors à bientôt, messieurs. »

Javert s'inclina, sans rien dire, il avait laissé Valjean mener la conversation, cela semblait si naturel. Valjean n'était pas si mauvais comédien en fait !

Dans la rue, la nuit était profonde. Il était très tard, il faisait froid et humide. Il n'y avait aucun fiacre à proximité.

« Ce fut une belle soirée, murmura Javert avant de presser Valjean contre un mur.

- Jav... »

Des lèvres lui coupèrent une fois de plus la parole. Un nouveau baiser, profond, enivrant, le laissa pantelant.

« Je vais te raccompagner chez toi, mon cher. »

Javert se recula et laissa respirer Valjean, avant de glisser son bras sous le sien. Les deux hommes se mirent à marcher dans la nuit. Valjean n'arrivait pas à se concentrer, le contrecoup du deuxième baiser. Enfin, il haleta lorsque Javert le poussa dans un renfoncement de porte cochère. Une main se posa sur sa bouche.

Cette fois, Valjean allait se rebeller lorsque deux hommes passèrent devant eux, manifestement perdus.

« Où sont-ils ? Fiertain !

- Je ne sais pas, Montparnasse. Ils ont disparu.

- Doivent pas être loin. Merde ! Je suis sûr que le grand c'était Javert !

- Javert est mort, Montparnasse. Tu fais chier !

- Mais je suis sûr !

- Et Javert est pas un bougre. On est bien placé pour le savoir. »

La main se crispait violemment sur la bouche de Valjean. Javert relâcha aussitôt son compagnon.

« C'est vrai. Javert aurait pas embrassé une tante. Rentrons !

- La prochaine fois, Montparnasse, t'attendras que j'ai fini mes petites affaires avant de me faire courir après les fantômes.

- Ouais. Râle pas Fiertain, il va te la tailler ta plume. »

Les deux criminels disparurent dans l'ombre de la nuit. Valjean était glacé d'appréhension, Javert attendit d'être sûr avant de bouger. Enfin, ils se retrouvèrent au-milieu de la rue.

« Voilà de l'inattendu, lança Javert. Qu'est-ce que Patron-Minette a à voir avec Viallet ? Ou alors je me suis complètement berluré dans cette affaire ?

- Qui était-ce ?

- Des admirateurs. Ils ont reconnu l'inspecteur Javert. Vidocq a raison.

- Raison sur quoi ?

- Je dois raser mes côtelettes. »

La nuit était profonde mais Valjean put voir le sourire mauvais qui illumina les traits de Javert.

« C'est pour cela que vous m'avez embrassé ?

- Quelle question ! Je voulais voir si on était suivi mais vous êtes si imprudent. Il fallait vous clore le bec et il n'y a rien de tel qu'une bouche pour cela. »

Non Valjean n'était ni déçu, ni fâché, il s'en voulait juste de ne pas savoir comment réagir face à un tel acte.

« Nous ne sommes pas loin de l'asile de la rue Saint-Antoine, si cela ne vous dérange pas de dormir dans un dortoir pouilleux ?

- J'ai un appartement pas très éloigné de ce quartier, si cela ne vous dérange pas de dormir dans la maison d'un forçat évadé ?

- Je vais vous raccompagner. Comme prévu. »

Les deux hommes reprirent leur marche mais Javert se montrait très discret. Personne ne les fila dans la nuit.

Arrivé à l'appartement de Jean Valjean, Javert refusa de monter. Il pleuvait, il faisait froid, les deux hommes étaient trempés et Javert était têtu.

« Vous serez prudent ?, demanda Valjean avec inquiétude.

- Mais oui dabe. Je serais sage. Allez Jean, attend mon message pour une nouvelle nuit. »

Le tutoiement plut à Valjean, enfin la glace se dégelait ? Et Javert disparut à son tour.

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