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La chute

Au matin, Valjean fut réveillé par deux choses. Tout d'abord le chant des oiseaux qui lui prouva immédiatement qu'il était loin de Paris et de la France, puis les cris de colère dans le couloir devant sa chambre. On essayait de les étouffer mais cela restait assez fort.

« Josepha ! Tu ne pars pas comme ça avec Liena ! Pas comme hier ! J'ai besoin de vous !

- Mais on doit voir Maurice !

- Il attendra ! Mouché Javert et mouché Jean doivent avoir leurs habits propres ! Aujourd'hui, c'est lessive !

- Momon !

- Et après, vous allez au marché me chercher des poissons et du maïs.

- Mais...

- Une gifle si tu n'obéis pas, manzèl [mademoiselle] ! »

Cette fois le silence revint et les femmes semblèrent avoir quitté le couloir.

Valjean se leva. Il avait un beau mal de tête qui se préparait, à cause de l'alcool de la veille. Il se trouva sale, en sueur. Il faisait chaud sous les Tropiques et il n' en avait pas l'habitude. Même à Toulon, ce n'était pas si intense. Si lourd et si moite. Cela collait à la peau et rendait tout humide.

Valjean rêvait de pouvoir se laver. Il s'habilla tout de même et s'apprêta à quitter sa chambre lorsqu'on frappa à sa porte. Doucement.

Il espérait Javert, ce fut Josepha, le visage sombre, qui entra, portant une bassine remplie d'eau et du savon, avec des serviettes. Elle fut surprise de voir le vieux blanc déjà debout et habillé.

« Vous vous lavez pas ?

- Si, merci, Josepha. »

La fille le regarda sans comprendre. Valjean ne savait pas comment lui expliquer qu'il n'avait pas osé déranger la maisonnée pour demander de l'eau. Elle ne parlait pas assez bien le français et il était assez gêné comme ça. Il lui fit un joli sourire. Charmeur ? Et la fille disparut avec un regard surpris.

Ce fut un bonheur de se laver. De chasser l'odeur de la sueur pour une odeur de fleurs inconnues. Le jardinier eut envie de les voir et d'en ramener en France, dans le jardin des Pontmercy, pour Cosette. Et peut-être un singe pour Jean-Luc ?

Ces pensées le ramenèrent à Paris, sa fille et son petit-fils, l'attristant un peu. Mais il avait une vie à vivre encore, un dernier défi à relever avant la mort.

Être amoureux, être aimé et aimer !

Il prit grand soin de son apparence. Un regard dans le miroir lui montra un vieillard, aux cheveux blancs et à la barbe de la même couleur. Valjean se savait si vieux et en même temps il notait la vivacité du regard, le sourire encore bien entretenu, le bronzage faisait ressortir le bleu de ses yeux. Il avait bien vieilli, Jeanne avait raison.

Et de toute façon, il avait déjà charmé la personne dont il rêvait depuis des mois.

Enfin, Valjean se décida à quitter sa chambre pour retourner dans le couloir. Il hésita devant la porte de Javert.

Ils n'étaient pas chez eux. Il y avait des allées et venues tellement régulières dans la maison. Ils étaient juste amis et des amis, même proches, ne se permettaient pas d'entrer comme cela dans la chambre des uns et des autres. Ce n'était pas correct.

Valjean ne céda pas à son impulsion. Il ne frappa pas à la porte de la chambre de Javert et se dirigea plutôt vers la pièce qui servait de salle à manger.

Et bien lui en prit.

Mme Oubayou avait déjà préparé le petit-déjeuner pour lui. Josepha l'avait prévenue que le vieux blanc était éveillé. Elle le regarda s'asseoir en souriant.

« J'allais t'apporter un plateau, mouché Jean. »

Bien lui en prit. Mme Oubayou aurait trouvé la pièce vide et aurait pu tomber sur une scène scandaleuse en cherchant Valjean dans la chambre de Javert.

« Ce n'est pas la peine. Je préfère déjeuner avec la famille. »

Elle se mit à rire. Elle servit à Valjean une tasse de café, bien chaud, correctement sucré et des pâtisseries au maïs légères. Valjean en fut enchanté et remercia avec effusion.

« La même chose pour moi, lança une voix grave, un peu sèche.

- Tu es déjà debout ?, demanda Valjean, inquiet...et pourtant si heureux de le voir.

- Ce n'est pas bien, ajouta Mme Oubayou, mécontente.

- Je sais ! Je promets de ne pas me fatiguer aujourd'hui. Mais je vais mieux ! Tu sais que je ne peux pas rester à ne rien faire !

- Hier, tu as dit ça et regarde ce qui t'est arrivé !

- Hier, c'était hier. Je promets de ne pas me fatiguer.

- Alors tu restes à la maison ?, rétorqua-t-elle, le ton plein d'espoir.

- Non. Le matin est plus frais, je vais emmener Valjean faire une promenade dans la forêt.

- Tu veux que Tamalé te serve de guide ?

- Nous n'irons pas loin. Je ne vais pas me fatiguer. Nous allons prendre des chevaux au poste de police. J'ai déjà envoyé un message.

- Et tu ne vas pas te fatiguer ?, fit-elle, sceptique.

- Je vais fatiguer un cheval ! »

Javert eut un sourire qui se voulait apaisant et moqueur. Il l'avait dit à Valjean. Il l'avait prévenu. Cette fièvre le brisait par intermittence, puis quand elle le laissait enfin en paix, il connaissait un regain d'énergie. Valjean se sentit troublé à cette idée et préféra regarder avec attention son petit gâteau. Surtout que Javert n'était pas dans son uniforme, il portait juste sa chemise et une veste légère. Facile d'imaginer la chair défendue sous ces fins tissus de lin.

« Et si la police me cherche, je suis absent pour raisons de santé.

- Très bien, mouché Javert ! Ton ami veillera sur toi !

- Il le fera ! On peut lui faire confiance. »

Elle fut rassurée par ces paroles et accepta enfin de servir un café, bien noir, au policier. Javert but, mangea avec appétit puis le repas terminé, il se leva. Valjean avait imité son compagnon et finissait le sien aussi.

« Une promenade de quelques heures dans la campagne. Vous serez surpris par les animaux d'ici. Et les fleurs. M. Fauchelevent.

- Je vous suis, inspecteur Javert. »

Amusés de se retrouver dans ces rôles habituels par le passé, Javert entraîna Valjean à l'extérieur de la maison. Il faisait déjà chaud mais c'était plus supportable que la veille. On était si tôt le matin. Malgré tout, la sueur commençait déjà à humidifier leur chemise.

Un policier se tenait dans la rue, devant la maison et retenait deux chevaux par la bride, bien harnachés, prêts à partir. Javert remercia son officier puis il expliqua avec désinvolture qu'il voulait profiter de son jour de repos prescrit par le médecin pour s'aérer l'esprit et faire visiter la région à son ami.

On n'était pas à Paris, on n'était pas en France, jamais Javert ne se serait permis une telle privauté en France mais là... L'officier acquiesça et montra à son chef que les gourdes accrochées aux selles avaient été remplies d'eau et que les fusils étaient chargés. Prêts à tirer.

Puis sur un dernier salut militaire assez correctement réalisé, l'officier retourna au poste.

« Prêt pour une promenade, Valjean ?

- Où m'emmènes-tu ?

- Surprise ! C'est un endroit que j'aime beaucoup...et très discret... »

Ces mots, cette façon de le dire, le fait que Javert semblait tellement en forme, tout cela fit rougir intensément Jean Valjean. Comme une jeune péronnelle. Javert eut un sourire altier et monta adroitement en selle. Valjean, moins habitué, grimpa sur son cheval avec moins de grâce. Et les deux hommes partirent au pas.

Javert désignait la ville de Cayenne à Valjean. Les bâtiments officiels en pierre, les travaux entrepris pour moderniser le port... Puis Javert parla du bagne de Sinnamary, la Guyane était un lieu de déportation, auparavant pour les prêtres réfractaires et les ennemis de la Révolution, aujourd'hui pour tous les opposants politiques. On parlait aussi d'ouvrir un bagne de droit commun à cet endroit un jour...

« Je suis maudit, lança Javert. Je dois toujours me trouver dans un bagne, à proximité d'un bagne ou en compagnie de bagnards.

- Tu dois les attirer !

- Je n'ai rien fait pour cependant. »

Un fin rire. Javert surprit Valjean en passant au trot. L'ancien forçat l'imita et la traversée de la ville fut beaucoup moins touristique. Javert entraîna Valjean dans la campagne, les champs de canne à sucre. Valjean regardait aux alentours, mais avec indifférence, il suivait le dos de Javert avec beaucoup plus d'intérêt.

On visiterait à nouveau plus tard, on prendrait son temps. Valjean se le promit. Ils avaient clairement autre chose en tête. Javert fit passer son cheval dans la forêt tout à coup, quittant la piste qu'ils suivaient depuis la sortie de la ville. Là, il fallut descendre de l'animal et poursuivre à pied, en tenant les chevaux par la bride.

Ils marchaient déjà depuis longtemps, ils avaient monté une pente assez douce, lorsque Javert se glissa dans un bosquet épais. Valjean le suivit. On attacha les chevaux au bosquet. On poursuivit encore quelques pas et Valjean perdit le souffle.

On dominait l'océan depuis un promontoire caché dans la forêt. Il n'y avait pas âme qui vive, juste l'océan, ses vagues et les oiseaux marins. Le sol était doux, couvert de feuilles, mais Javert en souriant, disparut quelques minutes. Il revint avec une couverture épaisse et la posa par-terre. Enfin, il s'assit et tendit la main à Valjean. Celui-ci obéit aussitôt et la saisit pour s'asseoir à ses côtés.

Les deux hommes regardèrent l'océan quelques minutes en silence.

Des souvenirs de Toulon revenaient en mémoire, inévitablement. Il y avait trop de passé entre eux. Même à Montreuil, la mer n'était pas si loin. Elle faisait vivre la ville.

« Comment as-tu découvert cet endroit ?, demanda Valjean.

- Par hasard. Je visitais la région. Je cherchais des pistes sur des contrebandiers se cachant dans le coin et j'ai trouvé ceci.

- Tu y viens souvent ?

- Pas autant que je le voudrais. Ce poste est prenant et je suis affaibli par la maladie.

- Pas aujourd'hui, lança doucement Valjean.

- Non, sourit Javert. Pas aujourd'hui. »

Le sourire devint plus incertain et Javert démontra que lui aussi était courageux. Il se laissa tomber en arrière et regarda avec attention Valjean. Attendant son prochain mouvement.

Valjean ne le déçut pas. Il le suivit et s'étendit à ses côtés.

« Et maintenant ?, demanda Valjean, le son de sa voix le choqua, si rauque, si pressante.

- Prouve-moi que c'est de l'amour... »

Une main caressa les joues de Javert, se perdant dans les favoris, puis se glissa sur la nuque et l'attira jusqu'à une bouche. Valjean embrassa Javert. Un baiser doux...doux puis affamé. Javert ferma les yeux lorsque Valjean embrassa aussi sa joue, son front puis son lobe d'oreille.

« François... »

Javert ne dit rien et permit à Valjean de le toucher. Valjean, comme la première fois, défit le ruban, toujours aussi impressionné par la vision de la chevelure dénouée du policier. Glissant lentement comme une vague de vif-argent. Valjean la caressa avec une douceur qui ressemblait à de la dévotion.

Puis Javert se laissa rouler sur le dos, dominer par Valjean. Il se laissa déshabiller, sans protester. Il abandonnait le combat. Dix mois qu'il luttait contre lui-même, dix mois à devenir fou en rêvant de Valjean. Non, se branler ne suffisait plus. D'ailleurs, il se branlait très peu, essayant de vaincre cette dépravation par la volonté. Il abandonnait le combat et s'offrait à Valjean.

Une bouche se perdit dans son cou, sa gorge puis son torse au fur et à mesure que la chemise glissait sur ses épaules.

« J'ai envie..., murmura Valjean.

- Dis-moi ce que tu veux et je te le donnerais. Quoique tu veuilles.

- Tout. Je veux tout. Je veux toi !

- Je te donnerais tout mais jure-moi une chose Valjean.

- Laquelle ?, demanda Valjean, surpris d'entendre Javert employer son nom de famille.

- Jure-moi que tu ne le regretteras pas.

- Bien sûr que je ne le regretterai pas. Je t'aime. Je ne veux que toi.

- Moi aussi, je ne veux que toi. Alors prends-moi ! »

Les mots, ce qu'ils signifiaient exactement firent sursauter Valjean. Javert les utilisait-il exprès ou était-ce une tournure de phrase maladroite ?

« Je vais t'aimer, » répondit Valjean, pas encore assez sûr de lui pour exiger davantage.

Un nouveau baiser les enflamma. Javert se lança à son tour dans le déshabillage de son compagnon.

On entendait la mer, le ressac, le cri des oiseaux marins... On entendait aussi le halètement des deux hommes lorsque leur peau nue entra en contact. Leurs mains se croisaient et se touchaient en partant en exploration du corps de l'autre. Javert retrouva les cicatrices, la marque du bagne, cela l'affligea tellement.

« Pardonne-moi, murmura Javert. Je suis tellement désolé.

- Je sais, chuchota Valjean dans le creux de l'oreille. Je sais.

- Je voudrais revenir en arrière et briser tes chaînes moi-même.

- Chut... C'est le passé.

- Jean... »

Un baiser le fit taire. Valjean voulait faire taire Javert, mais, intraitable, ce dernier poursuivit son discours impromptu.

« Promets-moi..., souffla le policier.

- Tout ce que tu veux... Dis-moi...

- Promets-moi que tu ne me laisseras pas. »

Valjean nota avec stupeur le tremblement dans les mains revenues se poser sur ses épaules.

« Je vais te ramener avec moi à Paris, tu vas venir vivre chez moi, avec moi... Je te veux dans ma vie...dans mon lit...

- Jean, » répéta encore Javert.

Javert tourna son visage dans le cou de Valjean. Il se mordit les lèvres pour taire ses gémissements tandis qu'il se laissait aller, se soumettait aux caresses de Valjean. Un premier contact eut lieu au niveau de ses hanches. Accablant, enivrant.

Valjean força Javert à ramener son visage vers le sien pour pouvoir l'embrasser profondément, préférant se concentrer sur cela que sur ce que faisait sa main. Elle descendait inexorablement. Plus bas, toujours plus bas.

« Non !, s'affola Javert en repoussant Valjean, en se raidissant.

- Calme-toi ! Je t'en prie.

- Il ne faut pas. Dieu.

- Tu ne veux pas ? »

Javert referma ses yeux et des larmes se mirent enfin à couler. Il avait l'impression de tomber de son foutu pont à nouveau, de se noyer... Son corps répondait de son propre chef au toucher de Valjean, affamé de contact.

« Si, Seigneur. Si, je veux... Mais... »

La peur était si forte. Valjean hésitait, il n'était pas mieux que son compagnon mais il fallait être celui qui ose. Sinon, ils se perdraient dans leur terreur et il n'aurait plus qu'à reprendre le bateau et laisser mourir Javert de sa fièvre tropicale. Car rester en Guyane ne serait que plus dur pour les deux, plus cruel.

« Calme-toi, répéta doucement Valjean, avec toute la tendresse dont il était capable. Embrasse-moi. »

Javert obéit. Ils s'embrassèrent dans les larmes. De longues minutes à se chercher, se goûter, s'effleurer puis le désir revint. Une tension montait haut, si haut, si forte. Javert était perdu, pris dans la chaleur de l'étreinte, pris dans les caresses malhabiles de Valjean, pris dans le bruit du ressac. Soudain, une jambe se glissa entre les siennes, le forçant à les écarter pour laisser Valjean s'installer plus commodément contre lui.

Et les aines se rapprochèrent, se touchèrent. Ils gémirent doucement.

Javert se soumettait si bien, les doigts devenaient plus audacieux. Enfin, Dieu, enfin ! La main de Valjean toucha l'entrejambe de Javert. Tâtant la forme, caressant la longueur, découvrant la chaleur à-travers le tissu du pantalon.

« Je t'aime, François, » murmura Valjean, toujours, dans le creux de l'oreille de Javert.

Javert était bien incapable de répondre, il suffoquait sous le choc. Valjean observa le visage de son compagnon avec inquiétude puis ravissement. Il regardait le visage de Javert changer, enchanté de le voir perdre peu à peu son contrôle, se relâcher. Geindre. Souffler son prénom. Ressentir du plaisir.

Cela encouragea Valjean à poursuivre son exploration. Les doigts cessèrent la caresse pour se charger de déboutonner le pantalon de Javert. Valjean reprit la bouche de Javert lorsque ses doigts glissèrent à la recherche du sexe, dur et gonflé du policier.

Javert ne repoussait plus, il ne protestait plus, il s'abandonnait, il se soumettait à la volonté de Valjean. Toujours.

Promets-moi que tu ne me laisseras pas.

Comme s'il pouvait le laisser ?!

Valjean caressa doucement, apprenant la taille, la dureté, la douceur. Javert gémissait et faisait tout pour retenir tous ses sons.

« François... Fraco... Je veux te voir venir. Pour moi. »

Valjean ne savait pas d'où lui venait ce courage, cette audace, ces paroles. Certainement, dans les méandres de son esprit, dans les noirceurs de sa mémoire se cachaient des souvenirs du bagne, des scènes affligeantes dont il avait du être le témoin involontaire et forcé. Fellation, sodomie, attouchement. Certains volontaires et donnés avec amour !, d'autres apparentés à de la sauvagerie, de simples viols brutaux. De la luxure !

Là, là. Valjean voulait prouver à Javert que ce n'était pas de la luxure mais de l'amour. Il aurait voulu tout faire, tout donner à son compagnon. Tout le plaisir, tout l'amour possible. Javert avait toujours ses yeux fermés et ses mains serrées avec force sur les épaules larges du forçat. Il mordait sa lèvre inférieure et haletait fort.

« Viens ! »

Valjean embrassa Javert, encore, le forçant à desserrer ses mâchoires, à accepter sa langue et à se laisser dériver. Tandis que la main poursuivait sa caresse, plus souple, plus profonde, comme Valjean l'aimait lui-même. Des coups longs, assez rapides, effleurant les testicules.

Et soudain, Valjean perdit le rythme. Lui-même était déconcentré, débordé par les sensations qu'il ressentait. Une main venait de se perdre dans son entrejambe. Pour la première fois de sa vie, une main d'homme, autre que la sienne, caressait son sexe.

« Dieu, souffla Valjean. Ne t'arrête pas... »

Un soupir apparenté à un rire lui répondit tandis que la main défaisait son pantalon. Allant plus vite que Valjean l'avait fait il y a quelques minutes à Javert. Et ce fut une sensation délicieuse, la peau rencontrant la peau.

Valjean avait cessé de bouger sa main, trop bouleversé par ce qui lui arrivait..

Dix mois ! Dix mois ! Était-ce de la luxure ? Non ! Ce n'était pas possible. Valjean pria le Ciel : Dieu ! Je vous en prie ! Ce n'est pas possible que cela soit un péché. Je l'aime ! Je le désire ! Et il m'aime ! Pardonnez-nous !

Et Valjean murmura simplement :

« Dieu ! »

Javert ne disait toujours rien, il essayait de retrouver son souffle en se concentrant sur ce qu'il faisait, il caressait avec soin, ses doigts enveloppaient le sexe de Valjean, glissant sur la veine gonflée, serrant le prépuce, touchant les testicules, les soupesant, arrachant des petits cris de plaisir à Valjean.

« François ! Continue ! Je t'en prie ! »

Si Javert n'avait pas été aussi incohérent, il aurait jeté un commentaire sarcastique sur le ton si désespéré de Valjean. Un peu moqueur ! Mais il était fou et ne trouvait rien d'autre à faire qu'à obéir. Valjean embrassa Javert avec ferveur lorsqu'il se sentit venir, répétant simplement le prénom de son compagnon...devenant son amant... Il vint en tremblant au-dessus de Javert, ses bras si forts l'empêchèrent de tomber sur le policier. Son sperme inonda le ventre de Javert.

Valjean respira quelques minutes avant d'ouvrir les yeux et de regarder Javert. Ardemment. L'inspecteur de police semblait perdu, toujours, incertain de ce qu'il devait faire et en même temps, en même temps, il y avait encore du désir dans son regard.

Valjean se pencha, ne songeant pas à un instant à sa semence, répandue, collante sur le ventre de Javert, il embrassa tendrement son compagnon.

« Maintenant à toi !, souffla-t-il.

- Jean...

- Ce que je veux... »

La main revint se poser sur le sexe du policier, provoquant une prise de souffle soudaine. Il ne fallut que quelques longs coups pour faire venir Javert à son tour. Ça et la langue de Valjean jouant avec le lobe de l'oreille du policier, ses dents mordant doucement sa carotide, ses murmures d'amour dans la courbe de la nuque.

Javert gémit et ses hanches tremblèrent lorsqu'il éjacula. Valjean se sentait si bien, si fier...si pécheur...

Rien ne serait facile dorénavant. Il n'était plus seul. Tout serait plus facile. Il n'était plus seul. Il avait un compagnon dans sa vie !

De l'amour, être aimé, aimer !

« Tu vas rentrer à Paris avec moi, fit Valjean, autoritaire. Tu vas venir vivre dans ma maison rue Plumet. »

Et Javert admit sa défaite totale face à la volonté de son amant.

« Oui, Jean.

- Bien !, » fit simplement celui-ci, satisfait.

Mais son âme chantait, son cœur s'allégeait et sa joie était si forte que Valjean serra contre lui Javert comme si sa vie en dépendait.

Les minutes passaient dans le silence, les mains relâchèrent les sexes, devenus plus doux et les bouches se retrouvaient. Encore ! Ils avaient besoin de s'embrasser. Valjean se coucha aux côtés de Javert et se permit de lui caresser les cheveux.

Javert le regardait, il imita Valjean et laissa ses doigts toucher la barbe soyeuse de Valjean.

« A la Paimpolaise, murmura Javert, je crois que j'ai eu envie de toi. J'étais jaloux de ce type qui t'a fait danser. Je n'ai pas compris pourquoi. »

Valjean se mit à rire. Il pensait à ce qu'il avait dit à Pierre sur Jacques : « Un vrai tigre. Un peu étouffant. Je n'ai jamais vu quelqu'un de si possessif. » Manifestement, ce n'était pas un mensonge !

« J'aurai préféré danser avec toi, » rétorqua Valjean.

Ce n'était pas non plus un mensonge. La main de Javert glissa sur les joues de Valjean, puis elle toucha doucement les lèvres de l'ancien forçat, si gonflées, si rougies de leurs baisers, Valjean déposa un petit baiser sur le bout des doigts du policier.

« Tu étais sérieux toutes ces fois où tu m'invitais à dormir chez toi ?, » demanda Javert, sentant ses joues le brûler.

Valjean contempla avec stupeur le rougissement intense qui colorait le visage de Javert et trouva cela adorable.

« Oui. Même si je ne sais pas ce que j'attendais. Ce que j'espérais.

- J'avais peur, admit le policier. Déjà.

- Je ne veux plus que tu aies peur, fit Valjean, catégorique. Maintenant, tu es à moi. Le mien ! »

Valjean embrassa Javert avec passion, rendant son baiser impératif par sa puissance et sa profondeur.

« Le tien, oui, » haleta Javert.

Javert s'était soumis. Il se soumettait toujours. Son enveloppe de policier intransigeant s'était brisée comme une statue de verre. Envolée comme un fétu de paille dans le vent marin.

« Je t'aime Jean, susurra Javert.

- Mon bel inspecteur... »

Ils se sourirent puis se permirent quelques minutes ainsi. Tranquilles. A écouter le bruit de la mer, les cris des oiseaux, à sentir les parfums de la forêt non loin d'eux. Valjean roula sur le dos et décala Javert sur son épaule, le policier se lova contre lui. Tellement à sa place que Valjean en vint à oublier les têtes de femmes qui s'étaient retrouvées là. Il y avait si longtemps.

Et ils se laissèrent dériver doucement vers le sommeil... Imprudents... Tellement bien...

Lorsque Valjean se réveilla, il constata aussitôt que Javert n'était plus contre lui. Une vague de panique s'empara de lui. Il y avait la falaise, le ressac, l'océan...

Puis il se calma quand il entendit des pas bruisser sur les feuilles non loin de lui. Une gourde lui fut tendue. Il faisait beaucoup plus chaud que le matin. Il devait être bientôt l'heure du déjeuner.

Valjean balbutia quelques remerciements avant de boire tandis qu'un corps s'asseyait à ses côtés.

« Comment te sens-tu ?, demanda Valjean, précautionneux.

- Mieux qu'il y a des mois, » répondit une voix amusée.

Valjean osa enfin lever les yeux et capter le regard de Javert. Un ciel gris illuminé de soleil.

« Mieux qu'il y a des années, poursuivit le policier.

- Tu vas bien alors ? »

Javert ne répondit pas et se mit à rire ouvertement. Il but à sa gourde. Valjean nota les mouvements de la pomme d'Adam. Étonné d'avoir envie de poser sa bouche là.

Ensuite, il se rendit compte que le policier s'était rhabillé et surtout qu'il l'avait rhabillé également. Il pouvait sentir aussi qu'on l'avait lavé. Retirant les preuves de ce qu'ils avaient fait ensemble.

C'était une image étrange à imaginer, le sévère inspecteur Javert glissant un linge humide sur son ventre et ses parties intimes pour les nettoyer avec douceur, essayant de ne pas réveiller son amant. Puis réajustant les vêtements et le rendant à nouveau présentable.

Depuis combien de temps Javert était-il réveillé et le regardait dormir ?

« Et toi, Jean ? Comment te sens-tu ?, lui renvoya Javert.

- Viens m'embrasser !, » fut la seule réponse du forçat.

Javert rit, encore, et obéit à la demande de Valjean. Ils s'embrassèrent, doucement, tendrement, puis à nouveau affamés, brûlants. Javert s'écria, de nouveau essoufflé :

« Tu me rends dur à nouveau...

- Si vite ? Je vous croyais plus stoïque inspecteur ! Plus patient !

- Je n'ai jamais su me retenir avec toi... Tu me rends fou. Tu l'as toujours fait ! »

Ils rirent, front contre front, puis Javert se recula, cherchant à se reprendre.

« Mais je pense à Mme Oubayou. Elle serait capable de jeter l'ensemble des policiers de la Guyane à mes trousses si je ne réapparaissais pas pour le déjeuner.

- Elle t'aime beaucoup.

- Ce sont de braves gens. C'est un pays difficile à vivre mais une fois qu'on a été adopté par son peuple, c'est agréable.

- Ta santé en souffre cependant.

- Car je ne suis plus tout jeune et j'ai des poumons abîmés, mais si j'étais jeune... »

Valjean sentit son cœur battre très fort, en pleine panique. Dans le feu de la passion, Javert avait accepté de rentrer au pays avec lui, mais une fois revenu à lui, rien n'était moins sûr. Ces sentiments devaient transparaître sur son visage car Javert l'embrassa, tendrement.

Qui aurait pu croire l'inspecteur Javert capable d'autant de douceur ?

« Laisse-moi encore un mois, Jean ! Un mois pour gérer mon poste. Je vais envoyer un message à Paris pour les prévenir de mon retour définitif. Il arrivera un mois avant nous, ainsi la préfecture aura le temps de s'organiser. J'aimerais que Vandomme prenne ma place ici. Il n'est pas raciste comme d'autres blancs venus de la métropole... Mais je dois être convaincant.

- Un mois, très bien. Tu me promets de rentrer au pays avec moi !?

- Je n'ai qu'une parole. »

Valjean s'interdit de songer à Cosette et à Jean-Luc. Un mois puis le voyage de retour. Quand il rentrera en France, Jean-Luc commencera déjà à marcher, à babiller, à saisir les choses... Valjean avait raté plusieurs étapes de la vie de son petit-fils, mais il savait qu'il ne le regretterait pas autant qu'il aurait pu. Car il avait maintenant à ses côtés un cœur à aimer, un corps à désirer, une vie à combler. Il allait, pour la première fois de sa vie, songer à lui ! Être égoïste !

Un dernier baiser. Comme pour conclure un accord et les deux hommes se relevèrent. Valjean sentit la vieillesse de ses articulations en s'étirant. Rester allongé sur le sol humide de la forêt équatoriale était une gageure à son âge. Même s'il avait dormi dix-neuf ans sur une simple planche de bois... Valjean pensa que la prochaine fois, il allait falloir se débrouiller pour s'aimer dans un lit ou alors amener plusieurs couvertures...et des oreillers... Cela le fit sourire. Javert le regarda, levant un sourcil étonné.

« Y a-t-il un endroit sûr où l'on pourrait se voir ?

- Faire cela sur une falaise ne te plaît pas ?, sourit narquoisement le policier.

- L'endroit est charmant mais mon dos est beaucoup moins enchanté. »

Javert se mit à rire et murmura :

« Je vais chercher un coin tranquille. Il te faudra des semaines pour bien visiter toute la région. »

Puis Valjean vérifia sa tenue et Javert l'aida à bien refermer sa chemise, laissant ensuite glisser ses doigts sur les épaules massives de l'homme.

« Suis-je présentable ?, lança Valjean, amusé de le voir aussi troublé.

- Les costumes noirs de M. Madeleine... Tu étais très beau.

- Ce n'est pas ce que je demandais, opposa Valjean en riant.

- Tu es présentable. »

Javert baissait la tête, gêné par ses pensées. Se pourrait-il que depuis Montreuil son obsession pour Jean Valjean n'était qu'un désir refoulé ? Valjean lui caressa le visage pour le ramener à eux et à maintenant.

« Tu étais toujours si impeccable dans ton uniforme. Impressionnant !

- Je n'ai pas choisi mon habillement.

- Tu étais très séduisant au café Suchet. »

Javert eut un sourire tordu à ce souvenir.

« Ce n'étaient pas mes vêtements, c'est Fleuride, la femme de Vidocq qui les a choisis pour moi. J'ai loué cette tenue pour l'affaire de la Paimpolaise. Je n'ai pas les moyens de m'offrir un tel costume. »

Cet aveu provoqua la colère de Valjean qui embrassa Javert et souffla :

« Tu auras un costume, tu auras tout ce que tu désires. Je te le promets.

- On dirait que tu veux gâter une maîtresse, Jean !, sourit Javert. Je ne suis pas une grisette d'amour.

- Si tu étais une grisette, je t'aurais demandé en mariage depuis longtemps. »

Un silence, Javert secoua la tête, amusé et embrassa à son tour Valjean.

« Mme Oubayou doit s'inquiéter.

- Alors allons la rassurer ! »

Javert n'avait rien dit. L'homosexualité n'était pas un délit mais c'était un péché, scandaleux dans la société, on était loin du mariage. Le policier ramassa la couverture et d'un geste souple, il invita Valjean à le suivre.

Ils récupèrent leurs chevaux et repartirent sur le chemin. Silencieux.

Avant de quitter la forêt néanmoins, Valjean attrapa la main de Javert et le ramena vers lui doucement en murmurant :

« Hey, attend un instant.

- Jean... »

Et les bouches se retrouvèrent une fois de plus. Un doux baiser. Une simple promesse. Puis il fallut se résigner au retour.

Le voyage fut plus long car plus lent. Javert remplissait son rôle de guide touristique avec sérieux et compétence, désignant les champs de canne à sucre, expliquant les saisons, désignant les petites cabanes où vivaient les esclaves. L'esclavage était combattu, de plus en plus critiqué, des voix s'élevaient au sein du gouvernement et ailleurs dans le monde pour que cesse cette monstruosité. Javert, avec un regard dur, raconta du bout des lèvres qu'il lui était arrivé de partir à la chasse à l'esclave marron. L'esclave en fuite.

Un travail de chien de chasse, littéralement et jamais Javert n'avait autant mérité les surnoms insultants dont on l'affublait à Paris. Des femmes en détresse avec leur enfant, menacés d'être séparés, des hommes forts mais refusant de plier, des vieillards déjà mutilés... Non, Javert n'appréciait pas cette partie de son travail et la plupart de ses chasses finissaient sur un échec. L'inspecteur Javert ne connaissait pas bien la région, n'est-ce-pas ?

Cela fit sourire Valjean. Javert devait avoir appris le moindre chemin, le plus petit fourré, la moindre cachette possible à des lieues à la ronde. Javert lui rendit son sourire. Complices. Parfois il était bon de se souvenir que l'inspecteur Javert était mort dans la Seine, noyé dans un accès de folie.

La traversée de la ville de Cayenne fut plus décontractée également. Valjean écouta son compagnon décrire la vie du port, les soucis de contrebande, les escarmouches avec les Anglais, toujours sur la brèche. Napoléon était tombé depuis une vingtaine d'années seulement et les Antilles restaient un champ de bataille. A tous ces soucis s'ajoutait même la piraterie ! Valjean n'en croyait pas ses oreilles ! Javert vivait vraiment dans un autre monde !

Comme Paris lui semblait éloigné ! Un rêve éveillé !

« Je suis allé en Martinique, lança Javert, indifférent.

- En Martinique ? Pourquoi cela ?

- Je devais y rencontrer le gouverneur. Beaucoup de nos problèmes viennent des Antilles, des esclaves fuient les îles à sucre et viennent se réfugier sur le continent. Puis ils espèrent descendre plus bas, aller au Brésil, en Argentine... Ce sont des terres promises aux yeux de beaucoup. Comme si l'esclavage n'était pas le même partout ! »

Javert était désabusé. Valjean avait envie de le réconforter. Mais ils étaient en pleine rue, il y avait des passants, des voitures. Ils n'étaient que de simples amis.

« Comme si les Portugais, les Espagnols ou ces maudits Anglais pouvaient les accueillir à bras ouverts.

- Ils veulent leur liberté, » opposa doucement Valjean.

Javert regarda attentivement Valjean, bien sûr que l'ancien forçat comprenait ! Il avait connu l'esclavage, l'emprisonnement même si ce n'était pas dans les mêmes conditions que les vrais esclaves, sa vie avait été semblable. Et il s'était évadé !

« La liberté ou la mort, murmura Valjean.

- Tu pensais survivre en sautant de l'Orion ?

- Non, pas vraiment, répondit Valjean. Je voulais fuir, à n'importe quel prix. Quitte à mourir. En fait, je ne songeais qu'à Cosette, qu'à Fantine... »

Valjean sourit tristement en ajoutant :

« A toi.

- J'imagine que ce ne devait pas être de bonnes pensées.

- Je ne suis pas un meurtrier. Au bagne, j'étais un homme violent lorsque la violence était nécessaire à ma survie. Mais je dois t'avouer qu'il y a eu des moments où il n'aurait pas mieux valu que l'on se revoie. »

Javert acquiesçait en silence. Il comprenait lui aussi.

« Pourquoi ne pas m'avoir pas tué aux barricades ? »

Toujours cette même histoire ? Ils n'avançaient pas, tournant en rond autour de leur passé. Encore et toujours. Les chevaux avançaient lentement, le soleil tapait fort, la sueur dégoulinait sur leur front et Valjean sentait encore sur ses doigts l'odeur de Javert...

« Je ne pouvais pas te tuer.

- Je n'ai pas compris alors. Aujourd'hui, je crois que je comprends un peu mieux.

- Je ne dis pas. Si je t'avais retrouvé après Toulon. Avant de rencontrer monseigneur Myriel. Je pense que j'aurais accepté le surin avec empressement. Avec joie-même.

- On m'a demandé de retourner à Toulon une fois.

- Pourquoi diable ? »

Javert souriait, un éclair amusé dans le regard, inattendu vue la lourdeur de leur conversation.

« On avait peur que le forçat 9430, surnommé Le maire, tente une nouvelle évasion. On connaissait ton dossier. Tu leur faisais peur !

- J'avais cinquante ans !

- Et quatre évasions à ton actif ! Une position de maire apprécié de tous ! Tu étais un homme intelligent et retors. On m'a proposé de reprendre mon poste de garde-chiourme avec une majoration de salaire impressionnante. J'aurai du te surveiller avec soin !

- Dieu ! Heureusement que tu as décliné cette offre !

- J'ai hésité, je dois avouer. Mais Toulon ne me tentait pas. Rochefort ou Brest pourquoi pas ? Mais retourner à Toulon...

- Si cela avait été toi assigné à ma surveillance et non ce jeune blanc-bec sur l'Orion, jamais je n'aurai été déchaîné aussi facilement !

- Ça c'est sûr. Moi, je t'aurais accompagné sur ce foutu mât.

- Tu aurais plongé ?

- Non, je t'aurais abattu !

- Dieu, François ! Ta haine était si forte à mon égard ?!

- Je te l'ai dit Jean. Je haïssais M. Madeleine avec ardeur. J'étais pire que le diable ! Tout ce que tu faisais à Montreuil me semblait une machination. Tes écoles, tes hôpitaux, ta charité, ces jouets que tu fabriquais pour les enfants, ta piété... Tout me semblait faux, exagéré. Je ne rêvais que d'une chose, te mettre la main au collet. Lorsqu'on m'a permis de le faire, j'ai été heureux ! Je me sentais investi d'une mission divine. C'est pathétique !

- L'inspecteur dévoué à la Loi. Je ne trouve pas cela pathétique, je trouve cela terrible.

- Je me suis noyé pour ne pas avoir compris que la Loi pouvait faire des erreurs et qu'il y avait des exceptions. »

Un nouveau silence. Valjean essayait d'imaginer l'inspecteur Javert, redevenu l'adjudant-garde Javert, armé de son mousquet et vêtu de son uniforme gris, attaché à sa surveillance et le faisant avec célérité et sérieux. Ce fut une vision horrible.

Au bagne, M. Madeleine redevenu Jean Valjean fut plutôt bien traité.

Bien sûr, il y eut la marque au fer rouge, l'avilissement, la honte éternelle mais Valjean n'était plus Jean-Le-Cric. Il était soumis, obéissant et travailleur. Il était toujours fort et dur à la tâche. Il ne souffrit pas du fouet. Pas une seule fois, on ne le frappa. Il n'y en avait pas besoin, il connaissait les règles et avait appris à courber l'échine. Il était un prisonnier modèle. Solitaire. Il écoutait les sermons de l'aumônier et lisait sa Bible. Il avait même eu le droit de garder un chapelet de M. Madeleine et priait beaucoup.

Bien sûr, ses pensées dérivaient vers la malheureuse Fantine, vers la pauvre Cosette, vers Montreuil, vers son usine, vers ses employés qu'il avait abandonnés...et la nuit, lorsqu'il était trop affligé pour prier correctement, ses pensées dérivaient vers Javert et il devait lutter de toutes ses forces pour ne pas ressentir de haine envers l'homme. Il fallait pardonner, expier, comprendre...accepter...

Bien sûr, s'il ne dut pas faire face à la violence de ses condisciples ou de ses gardiens, grâce à sa force et à son aura de prisonnier puissant et de roi de l'évasion et grâce à sa soumission sans faille, il y avait tout de même le mépris. Par beaucoup si ce n'était pas par tous ! On l'appelait Le maire par dérision et il détesta cela pendant des semaines, des mois...

Mais, ce ne fut pas si terrible en réalité. Il se sentait soulagé en fait. Soulagé d'avoir cessé de faire semblant, soulagé d'avoir retrouvé sa vraie identité. Jean Valjean !

Le plus terrible, ce fut d'avoir perdu l'espoir. Condamné à perpétuité au bagne, il plongeait dans un abattement sans fin. Il essayait de fuir dans la prière, de s'abrutir dans le travail, de s'épuiser au-delà de ses limites mais il était si fort, si résistant et la prière ne pouvait pas assez rivaliser avec le chagrin porté à ce paroxysme.

Alors sur l'Orion, lorsqu'il vit l'accident, ce marin en danger, la mer en furie, il s'était dit...que c'était une porte de sortie. Soit la liberté, soit la Liberté. Il ne reviendrait jamais au bagne en tout cas. Et ce fut ce qui se passa !

Mais s'il y avait eu Javert attaché à ses pas, les yeux sans cesse postés sur son dos. Dieu ! Cela aurait peut-être suffi à faire ressusciter Jean-Le-Cric ! Et Jean Valjean serait certainement encore et toujours prisonnier au bagne de Toulon ou alors guillotiné pour actes de violences ayant entraîné la mort d'un gardien.

Valjean frissonna à ses souvenirs, à ses pensées. Jamais Javert ne devait apprendre cela, jamais ! Sinon, leur histoire qui débutait à peine allait se terminer par un drame.

L'ancien forçat préféra clore cette conversation en lançant simplement :

« Oui, je comprends à quel point un esclave peut désirer retrouver sa liberté et tout ce qu'il est capable d'accomplir pour y parvenir.

- Je suis tellement désolé, Jean.

- Je sais, François. Je sais. »

Les deux hommes se turent et le silence retomba entre eux mais il fut accueilli avec reconnaissance. Ils avaient assez parlé du passé pour ce jour et si possible pour tous les prochains jours.

Toulon était un fantôme entre eux qui pouvait se révéler dangereux s'il était réveillé.

Ils arrivèrent pour le déjeuner. Mme Oubayou les vit venir avec soulagement.

« J'allais envoyer Tamalé à votre recherche ! »

Un petit sourire, un regard de connivence et l'inspecteur lança, conciliant :

« La promenade a été plus longue que prévue.

- Votre pays est si beau, madame Fiana. Je suis très heureux de le découvrir, ajouta Valjean.

- Bien. C'est vrai que c'est beau, mais vous devez manger et vous reposer. »

Un repas de viande de cochon grillée accompagné de pain de maïs fut très réconfortant, puis Javert alla s'étendre pour un sieste.

Il était encore faible et la séance du matin l'avait épuisé. Valjean entendit cette justification de la bouche de Javert, si innocente, et il rougit intensément.

« La chaleur, » jeta Valjean pour expliquer son rougissement.

Et Javert se mit à rire, franchement amusé.

L'après-midi fut douce. Valjean la passa en compagnie de Mme Oubayou. Elle l'emmena en promenade dans la ville, lui présentant des connaissances et des voisins. Elle était fière, Mme Oubayou, fière d'exhiber ainsi l'ami de l'inspecteur Javert, le gad venu de France et de parler de Paris à tout le monde comme si c'était elle qui revenait de si loin.

Le soir, un simple plat de poissons et de fruits et ce fut parfait. Valjean déclina le rhum. Il avait compris le danger de cette boisson, douce et agréable. Plus pernicieuse qu'un verre d'eau de vie, plus traîtresse que le cidre.

Puis il alla se coucher. Il était fatigué.

Ce fut une surprise lorsque sa porte s'ouvrit dés qu'il fut étendu sous la moustiquaire.

« Que...

- Chut !, » fit une voix impérative.

Il reconnut Javert malgré l'obscurité profonde de la chambre.

Et bientôt, un poids se déplaça sur son matelas, se rapprochant de lui et faisant battre son cœur dans l'expectative.

« Je vais devoir te chasser dans la nuit, souffla la même voix non loin de son oreille.

- Alors capture-moi !

- Si tu savais depuis combien de temps j'attends ces mots... »

Un fin rire qui se brisa lorsqu'une bouche se posa maladroitement dans sa gorge et que deux mains touchaient sa poitrine cachée sous la chemise de nuit. Cherchant, attrapant, caressant.

« Retire-moi ça !, ordonna Javert, frustré.

- A vos ordres, inspecteur. »

Bientôt, ils furent nus tous les deux et s'embrassaient à perdre haleine, déjà durs comme des jeunes au mépris de leur âge si vénérable. Déjà impatients.

« Ici, ton dos doit être mieux installé, non ?

- Ce n'est pas raisonnable...

- Je sais. Mais je ne pouvais pas m'en empêcher. »

Un nouveau baiser les laissa pantelant.

« J'ai besoin de toi, avoua Javert.

- François..., » gémit Valjean.

Puis plus bas, plus affectueux, « Fraco. »

Ce fut doux, si doux, de simples caresses, profondes mais tendres. Des murmures d'amour, des gémissements réprimés par des baisers, un rythme qu'il fallut apprendre à mettre en place...à suivre...avant de venir...

Une litanie de « Je t'aime » endormit Javert contre l'épaule de Jean Valjean.

Cela rappelait à Javert d'autres lèvres murmurant de tels sermons sur la sienne d'épaule... Une autre vie, une autre nuit. Il en aurait pleuré de rage.

Mais il y avait l'amour de Jean Valjean et Javert ne savait pas quoi faire de cela. Lui-même avait du mal à comprendre ses propres désirs.

Aimait-il Jean Valjean ?

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