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Capture

Le matin, Valjean se présenta dans la salle principale avec une tête chiffonnée, il avait bu trop d'alcool ces jours derniers et la nuit n'avait pas été reposante. Il s'était inquiété pour Javert. N'essayant même plus de se raisonner sur cette situation absurde.

Et Javert était là, assis à une table, devant une cafetière brûlante, une tasse pleine d'un café noir de charbon et une montagne de pain. Le cogne lisait tranquillement le journal, histoire de ne pas perdre trop le lien avec Paris. Indifférent à la détresse de Jean Valjean. Jean-Le-Cric eut envie de lui fracasser la gueule d'un bon coup de poing bien senti.

S'efforçant de conserver son calme, Valjean s'assit face à son compagnon et se servit à son tour une tasse de café. Javert ne remarquait rien. Impassible. Exaspérant.

« Nous avons rendez-vous cet après-midi chez maître Drevon. Avec une compagnie de policiers de Beaune, » lança Javert, tranquillement.

Comme Valjean ne répondait pas, Javert se rendit enfin compte que quelque chose clochait. Il baissa son journal et examina son vis-à-vis.

« Tu as une sale tête Valjean. Que t'est-il arrivé ? »

Valjean allait se décider pour le coup de poing. Mais Javert ne comprenait pas. Honnêtement. Valjean opta alors pour la raison et lança d'une voix blasée :

« On peut savoir où tu étais cette nuit ?

- Cette nuit ? Mais à la chasse ! Où diable pensais-tu que j'étais ? »

Et soudain, le policier comprit enfin et parut estomaqué.

« Tu t'es inquiété pour moi ?

- Comme si tu l'ignorais...

- Cela ne m'a même pas effleuré l'esprit, je te le jure Valjean. Je ne voulais pas... »

Javert eut tout à coup un rire amer.

« Il n'y a eu qu'une personne dans cette vie qui s'est inquiétée pour moi. J'ignorais qu'il y en avait une autre.

- Tu oublies Vidocq.

- D'accord. Il y en a deux. Vrai ? Tu as eu le tracque pour moi ?

- Oui, » avoua Valjean.

La colère s'estompait, remplacée par ce constat morose que Javert était bien irrémédiablement solitaire et qu'il s'en fichait de ce qui pouvait lui arriver...et qu'il n'était pas le seul en fait.

Javert eut un sourire se voulant réconfortant.

« Je te promets de tout faire pour te prévenir la prochaine fois que je pars en chasse.

- Je préférerais t'accompagner. »

Javert ne dit rien, promettre de prévenir Valjean était facile mais l'entraîner dans les ruelles sordides à la poursuite d'un tueur aguerri était autre chose.

« Donc tu l'as trouvé ?

- Je n'ai pas choisi le café du Bœuf gras au hasard, je sais que l'un cousin de Lacenaire vit dans cette rue. Il suffisait de patienter et il allait se montrer. Il fallait une auberge bien placée, avec suffisamment de fenêtres sur la rue pour une bonne surveillance. Lacenaire ne s'est montré qu'hier. »

Javert mordit dans un gros morceau de pain à pleines dents.

« Nous en avons été quittes pour des parties de piquet et une chérance au picton de basse qualité. Heureusement, ils jouent comme des marioles, c'était facile de jouer et de se concentrer sur la rue.

- Tu surveillais la rue en jouant ?

- Je suis un mouchard alors j'espionne, c'est mon rôle.

- Et les chants ?

- Ils chantaient tous, fallait bien se mettre dans l'ambiance. »

Valjean comprenait et saisissait, mais il aurait aimé être dans la confidence. En fait, Javert lui jouait la même scène qu'à la Paimpolaise, il le traînait avec lui, l'utilisait sans vergogne et le laissait dans le noir absolu. Il ne manquait qu'un baiser pour que Valjean se sente à nouveau le roi des imbéciles.

« Tu as une belle voix, fit Valjean, sincère.

- Vraiment ? C'est le père André, au Bagne, qui m'a dressé à chanter.

- Dressé ?

- J'avais une belle voix, on m'a menacé de castration si je n'apprenais pas mes cantiques.

- Dieu !

- Au moins, j'ai appris à chanter. »

Javert rit, sans y penser plus que cela. Valjean, lui, était consterné par ce qu'il entendait, espérant que ce n'était que le fruit de l'humour mal placé du policier...même si l'expérience avait montré à Valjean que Javert mentait rarement en réalité. Ses paroles cachaient souvent un fond de vérité.

« Donc tu l'as suivi ?, demanda Valjean.

- Oui, mon prince. Et il m'a mené tout droit chez maître Drevon. J'ai patienté, il en est sorti quelques heures plus tard. Il est rentré chez son cousin, sans s'arrêter en chemin comme un jeune homme de bonne famille, bien élevé et sympathique.

- Qu'as-tu fait ?

- J'ai montré mon insigne de commissaire à maître Drevon, je lui ai demandé ce que ce client lui voulait et je l'ai sauvé d'une jolie escroquerie. Des lettres de créance à récupérer au nom de Jacob Levi. Notre homme en a été outré. Il nous a obligeamment invités, moi et les cognes de Beaune, à venir cueillir notre briseur dans son office. Nous avons rendez-vous cet après-midi.

- Avec les policiers de Beaune ? »

Cette fois, Javert perdit de sa superbe. Il baissa la tête et se concentra sur le marc de café au fond de sa tasse. Sa mère lisait l'avenir dans les cartes.

« Tu n'as pas tort, Valjean. Faire cavalier seul à mon âge est une gageure. J'ai besoin d'un soutien officiel. Ça sera plus facile de procéder à cette arrestation en compagnie de quelques policiers. J'ai vieilli et je suis diminué.

- Javert... »

Une main se posa sur le bras du policier. Javert jeta un regard surpris à Valjean.

« Nous ne sommes pas à la Paimpolaise. Tu n'as pas à jouer un rôle, Valjean.

- Je ne joue aucun rôle, je veux juste t'apaiser.

- Bon.. Merci... »

Ces deux mots furent littéralement crachés puis Javert se recula contre le dossier de sa chaise. Javert était si difficile à lire. Par contre, Valjean remarqua que Javert avait emporté son sac et ne comprit pas pourquoi.

Chez maître Drevon, dans le bureau du notaire, trois policiers attendaient avec appréhension l'arrivée du fameux commissaire venu de Paris. Dés l'entrée de Javert, en compagnie de Jean Valjean, un inspecteur se détacha du groupe et retira son chapeau avec déférence.

« Lacenaire est toujours chez lui, commissaire.

- Parfait. Nous allons nous placer dans l'arrière-boutique et attendre notre faiseur. »

On s'inclina et on obéit avec empressement. Le notaire vint accueillir le commissaire aussi, il lui serra la main.

« Ce Levi doit arriver dans quelques heures. Vous êtes là tôt !

- Il vaut mieux arriver tôt, si jamais Lacenaire a des complices, il ne faudrait pas qu'on remarque notre présence. La discrétion est primordiale.

- Je vous laisse à vos affaires, monsieur le commissaire. C'est votre spécialité. »

Un fin sourire et Javert hocha la tête. Puis le policier disparut quelques minutes, à la recherche de la pièce d'aisance.

On posa des questions à Valjean sur le commissaire, sur Paris, profitant de l'absence du chef pour soutirer des informations au sous-fifre.

Et le commissaire Javert revint, habillé de pied en cape de son uniforme rutilant. Disparu le mouchard, on se retrouvait face à un policier gradé. Le silence se fit respectueux. Valjean comprit ce qu'il y avait dans le sac que transportait Javert.

Javert s'assit dans un fauteuil de cuir, épais, digne d'un bourgeois richement doté et attendit. Les policiers imitèrent leur chef temporaire. Valjean se sentait déplacé au-milieu de tous ces cognes. Lui, l'ancien fagot.

Un des jeunes sergents s'approcha d'ailleurs de lui et lui sourit, cherchant la conversation...l'explication...

« Vous êtes aussi un policier de Paris ?

- Pas tout à fait. »

Comment se présenter ? Valjean ne savait pas quoi ajouter, ce fut Javert qui affirma d'un ton n'admettant aucune réplique :

« C'est un agent de Vidocq. Un de ses clients a été lésé par notre oiseau. »

On comprit et on se tut. Mais on ne chercha plus à entrer en relation avec Valjean, on avait compris qu'il s'agissait d'un ancien forçat, donc d'une personne de mauvais aloi.

Quelques heures à patienter. Valjean essayait de tenir en faisant son chapelet. Peine perdue, il ne pouvait pas s'empêcher de s'impatienter. Vivant !

Javert discutait avec l'inspecteur-principal de la police de Beaune, les deux hommes évoquaient quelques affaires. Javert était le plus vieil officier de la pièce. Il n'étalait pas son expérience, elle parlait pour lui.

Valjean découvrit que chez les policiers, le nom des criminels circulait très vite. On connaissait Patron-Minette, on évoquait l'affaire de l'Ogre, on demandait des précisions sur Brunette... Et d'autres criminels sur lesquels l'ancien inspecteur avait enquêté.

Une vie de policier. Non, Javert n'avait pas fait que du mal mais il n'avait tendance qu'à voir le noir, ignorant sciemment le blanc.

Enfin ! Enfin, on entendit la porte s'ouvrir dans le bureau de maître Drevon pour annoncer M. Jacob Levi et aussitôt la voix mélodieuse du jeune criminel fut perceptible.

« Bonjour, maître. Pensez-vous que nous pourrions clore notre affaire aujourd'hui ? Je voudrais prendre la diligence cet après-midi. Mes affaires m'attendent à Paris.

- Sans problème, M. Levi.

- Donc, voici mes lettres de créance. Votre collègue de Paris, maître Morel, me les a données pour vous.

- Maître Morel est un homme de confiance. Je vais me charger de cela avec célérité. Donnez-moi les lettres. »

On perçut le bruit du papier qu'on froisse. Le notaire lisait avec application. Javert s'était levé, imité par les autres policiers. On attendait encore un peu, juste que l'argent change de mains.

A l'extérieur, l'étude du notaire maître Drevon était surveillée par d'autres policiers. Javert

avait donné des ordres en ce sens. Si jamais Lacenaire voulait jouer encore la fille de l'air, il serait gentiment cueilli à la porte. Les hommes étaient armés et prêts à tout. Le commissaire Javert avait été clair sur la dangerosité du gonze.

« Hé bien, je reconnais bien là le travail de maître Morel. Parfait ! Je donne des ordres à mon commis. Un instant et vous aurez votre argent, M. Levi. »

Le notaire se leva et appela un certain « Romain », l'interpellé arriva dans le bureau. Il devait écouter les consignes de son patron avant de les suivre à la lettre.

Valjean était impatient, frissonnant de nervosité. Une main se plaça sur son bras, se voulant apaisante. Un vieux souvenir de la première nuit au service de la Sûreté. Javert !

« Du calme, Valjean, souffla le policier. Il faut conserver son calme durant une arrestation. Sinon, on est plus susceptible de faire une erreur.

- Pardonne-moi Javert, mais je n'ai pas encore l'habitude.

- Tu suis les autres, tu ne fais rien d'idiot. Lacenaire est tout seul mais c'est un homme aux abois. On ne sait jamais avec ces énergumènes. »

La main de Valjean se posa spontanément sur celle du policier et les doigts se croisèrent, chauds et doux.

« Je serais prudent, Javert.

- Tu as intérêt ! »

Puis dans un chuchotement quasiment imperceptible, Javert murmura :

« Qu'est-ce que je vais pouvoir dire à Cosette si je lui ramène son père blessé ? »

Leurs yeux s'accrochèrent et Valjean sourit gentiment.

« Tu lui diras que je t'ai aidé à arrêter un meurtrier.

- Pas sûr qu'elle appréciera. Ta fille me surinera ! »

Ils sourirent, encore, puis reculèrent avant que la scène ne devienne trop étrange.

Le policier parisien était un homme qui avait un sens très aigu de l'amitié, n'est-ce-pas ?

Enfin, le commis revenait dans le bureau de son patron, portant l'argent manifestement. On salua la performance du notaire qui tout naturellement joua son rôle. Heureusement qu'il ignorait qui il avait en face de lui, il aurait été beaucoup plus terrifié. Il devait s'imaginer que ce n'était qu'un petit escroc sans envergure. Un gosse méritant une simple gifle. Alors que Lacenaire lui-même disait de lui qu'il tuait un homme comme il buvait un verre de vin.

Puis le commis disparut, maître Drevon termina sa partie en jetant à Lacenaire :

« Bien, pour conclure cette transaction, M. Levi, il ne me manque que votre signature sur le document. Je garde les lettres de créance pour le dossier et ce sera enfin terminé.

- A la bonne heure ! »

Et il signa ! Et ce fut le signal de l'attaque !

Javert se précipita sur la porte de l'arrière-boutique, il l'ouvrit à la volée et entra avec son sourire carnassier aux lèvres.

« Lacenaire ! Comme on se retrouve !

- Javert ! Merde ! »

Lacenaire était un homme froid et sûr de lui, il ne mit pas longtemps à se remettre et sortit un pistolet de la poche de son veston, le pointant sur le commissaire, sans sourciller.

Les policiers gelèrent sur place, ne sachant comment agir. Javert secoua la tête, dépité mais souriant toujours. Il entra lentement dans le bureau du notaire.

« Un nouveau meurtre Lacenaire ? Tu ne crois pas que tu en as assez à ton actif ?

- Ta gueule Javert ! Tu vas me laisser tranquillement partir, sinon j'escarpe ce cave. »

Et ce faisant, Lacenaire déplaça son arme et la pointa sur le notaire cette fois. Maître Drevon était devenu livide, derrière son fauteuil. Javert s'approcha pas à pas, sans cesser de sourire. Insupportable !

« Et quoi ? Tu auras tué un gonze de plus ? Devant témoins qui plus est.

- Ta gueule Javert ! Un pas de plus et je tire ! Ce sera un mort sur ta conscience, le cogne, parce que moi je m'en fous.

- Tu t'en fous parce que c'est un cave... Mais si tu m'avais, moi ?

- Qu'est-ce que tu m'ergotes ? »

On ne comprenait pas. On contemplait Javert avec stupeur. En fait, malgré son visage impassible et son air méprisant, Javert calculait ses chances de sauver le notaire et il n'en voyait pas beaucoup...sauf s'il prenait sa place... Cette arrestation ne se passait pas comme il avait prévu. Lacenaire n'était pas un Jondrette, apeuré, ou même un membre de Patron-Minette, il avait des nerfs d'acier et aucune peur de la Veuve. Ou de Javert.

« Bien, oui, réfléchis Lacenaire ! Réfléchis un instant ! J'ai placé mes hommes dehors, ils t'attendent fortement armés à la porte. Tu sors de là sans une jolie paire de poucettes et ils te tirent à vue.

- Merde, fit simplement le criminel.

- Mais si tu as un cogne avec toi ? Vois mon bel uniforme et imagine. »

Lacenaire imaginait bien et il fut d'accord avec Javert.

« Vide tes poches et menotte tes mains ! On part en balade. »

Javert obéit sans mot dire. Les policiers n'en revenaient pas. Ils s'approchèrent de Javert, pour le retenir, le raisonner. Lacenaire hurla d'une voix de stentor.

« Dis à tes chiens de reculer Javert ou je te jure que j'en bute un au hasard. Je serais peut-être mort après cela mais je ne partirais pas seul !

- Du calme Lacenaire ! Ils vont gentiment obéir et reculer. On va régler cela entre gens du monde, sans coups, ni blessures.

- Pour le moment Javert, » ricana Lacenaire.

Oui, il était d'une autre trempe que Jondrette.

Javert avait fini de vider ses poches, laissant tomber un pistolet, un couteau...son carnet de dessin...sa bourse. Valjean était paralysé par la peur, ne sachant comment réagir. Ils étaient cinq ! Bon Dieu ! Cinq contre un seul homme ! Dont trois portaient des armes, il suffisait de tirer ! Ne pas le rater !

Mais il y avait le notaire, d'accord... Merde ! Merde ! Merde !

« Duquet ! Les menottes ! »

L'inspecteur-principal de Beaune s'approcha de Javert, le visage livide. Javert plaça les mains devant lui mais Lacenaire eut un ricanement méprisant.

« Tu me prends pour un mariole ? Dans le dos, les poignes ! C'est plus commode ! »

Il y eut un regard de défi mais Javert se plia. Ses mains dans le dos, correctement menottées. Valjean eut tout à coup l'image de la barricade, un homme attaché à une table, les mains dans le dos. Enfin, ceci fait, Javert s'approcha de Lacenaire, docilement, il se plaça à ses côtés. Et le canon du pistolet se retrouva contre son dos.

Javert eut un sourire incertain et un dernier regard pour Valjean. Profond, comme s'il cherchait à graver ses traits dans sa mémoire. Valjean frémit.

« Allez on décarre, lança Lacenaire. Ce fut un plaisir, maître. Je te jure de ne pas oublier cette bonne fortune que je te dois. »

Le notaire ne put rien dire. Lacenaire appuya de son canon et Javert marcha en direction de la sortie en reculant. Un bouclier humain.

Et la porte se referma sur eux. On entendit distinctement le cliquetis du verrou. Ils étaient enfermés, cela ne pouvait pas être plus ridicule ?

Aussitôt, tout le monde se reprit. Les trois policiers se jetèrent sur la porte et essayèrent de l'enfoncer à coups d'épaule. Maître Drevon chercha frénétiquement dans ses tiroirs le double de la clé.

Valjean se jeta sur la fenêtre pour apercevoir Javert.

Et il le vit. Le grand policier avançait lentement, le canon toujours glissé dans son dos. Lacenaire tenait aussi ses menottes, histoire d'empêcher le prisonnier de s'enfuir trop facilement. Valjean céda à une impulsion, il ouvrit la fenêtre et hurla en direction de Javert :

« JAVERT ! COURS ! »

C'était dérisoire mais cela suffit à déstabiliser Lacenaire. Il leva la tête surpris, à la recherche de la personne qui avait crié ainsi. Cela ne dura qu'un instant mais Javert profita de sa chance. Il se jeta en avant, histoire de faire vaciller le tueur et cela marcha !

Lacenaire lâcha les menottes et Javert se retrouva libre.

« CONNARD !, » hurla Lacenaire.

Mais il ne put tirer. Javert s'était retourné et s'était lancé, tête en avant, un bon coup dans le ventre du tueur. Lacenaire, le souffle brisé, tomba à genoux.

Cela suffit à Javert. Le mouchard entraîné à se battre dans les rues des villes depuis sa prime jeunesse avait du répondant. Javert lui décocha un coup de pied bien senti. Le coup frappa parfaitement la tempe de Lacenaire et l'homme s'effondra, inconscient.

Javert lutta alors pour rester stable, il semblait épuisé, et des policiers apparurent de tous côtés pour l'aider. On lui retira aussitôt les menottes.

Le commis du notaire était venu ouvrir aux policiers piégés comme des rats dans l'étude de son patron. Ce fut la débandade, on courut rejoindre le commissaire de police parisien dans la cour.

Valjean suivait, horrifié par ce qu'il avait vu. Horrifié par ce qui aurait pu avoir lieu. En fait, il se dit tout à coup qu'il n'était pas fait pour travailler dans la police.

Javert frottait ses poignets avec soin lorsque Valjean l'accosta, le regard encore fou d'inquiétude. Il dut lutter contre l'envie folle de passer ses mains sur son visage, ses bras pour vérifier qu'il allait bien. Qu'il était en vie.

Ridicule, n'est-ce-pas ?

« Une belle arrestation, fit simplement Javert. Je n'ai pas eu autant de mal depuis longtemps. Le dernier devait être le docker Romarick à Montreuil. Il a réussi à me faire perdre connaissance en me filant un coup de boule en pleine face.

- Javert ! Comment tu vas ?, demanda Valjean, au bord de l'hystérie.

- Moi ? Je vais bien ! On dirait que j'ai encore eu droit à un miracle de Saint-Jean. Merci d'avoir gueulé par cette fenêtre, je m'attendais à ce qu'un de ces jobards tirent enfin sur Lacenaire. J'aurai attendu longtemps. Cela dit, le conseil était une gageure, ma jambe m'empêche de courir.

- Tu espérais qu'ils te tirent dessus ?!

- Sur Lacenaire ! Mais ils ne doivent pas être bon au tir.

- Tu l'aurais fait, toi ? »

Pour toute réponse, Javert se pencha et ramassa nonchalamment l'arme de Lacenaire tombée à ses pieds. Javert visa vaguement puis il tira.

Un des cognes tournoyant dans la cour à ne pas savoir quoi faire vit voler son chapeau avec stupeur.

« Vu ?

- Vu. Tu aurais tiré.

- Je ne suis pas si mauvais que cela au tir, monsieur le maire.

- J'ai eu si peur pour toi.

- Encore ? Décidément je ne suis pas de bonne compagnie pour toi. »

Et Javert se mit à rire. On le contemplait sans trop savoir comment l'aborder. Valjean était mortifié. Lacenaire reposait sur le sol, inconscient mais vivant, on le transporta sous bonne escorte aux hospices. Rien n'était brisé mais il avait reçu un sacré choc.

Javert avait frappé juste et frappé fort.

Le notaire tint à remercier personnellement ce policier courageux qui lui avait sauvé la vie. Javert supporta cela avec patience...

Puis ce fut le départ pour le commissariat de Beaune. Il fallait remplir des rapports, faire une déposition et obtenir surtout le droit de ramener Lacenaire à Paris. Javert espérait qu'on allait le lui accorder sans discuter.

Valjean fut renvoyé à lui-même. Javert lui demanda d'aller se changer les idées. Boire, manger, se promener, prier... Que sais-je ? Trouver une occupation pour ne pas traîner dans les pattes du policier pendant qu'il remplissait la paperasse et gérait l'affaire avec les policiers.

Quelques heures d'attente à tuer. Valjean n'arrivait pas à se détendre. Il marcha dans la ville, découvrant les lieux et frissonnant dans la neige. Il entendait les gens parler entre eux de plus en plus de l'affaire de maître Drevon... L'arrestation devenait un moment mythique.

« Et ce cogne s'est proposé pour prendre la place de Drevon !

- Quel jobard ! C'est pas moi qu'aurais fait cela !

- Quand même, vous vous rendez compte ! En pleine ville ! Scandaleux !

- Le petit Thomas a tout vu ! Ils étaient à six à l'emmener aux hospices !

- Quelle histoire ! Et le cogne ?

- Indemne ! Sont increvables ces cognes ! »

Et d'autres du même genre !

Tant et si bien que cela porta sur les nerfs de Valjean et il préféra retourner dans l'estaminet de Rolland, le Boeuf Gras. Il avait faim, n'ayant rien mangé depuis le petit-déjeuner pris à l'auberge. On le vit entrer avec un sourire goguenard.

« Des commis ? Je t'en foutrais !, lui lança le patron en guise de salutation.

- On peut boire une tasse de café ? Et manger un bout ? Il fait froid et j'ai faim, » répondit Valjean.

L'aubergiste hésita, les yeux brillants de colère, puis il réfléchit à la perte financière et accepta de servir le « commis ». Et puis, Valjean souriait, d'un air si humble que cela remporta la mise.

On servit Valjean puis on l'entoura. L'ancien maire de Montreuil comprit et se plia de bonnes grâces aux questions de la clientèle.

« Ainsi Jacques est un cogne ? Un quart-d'œil en plus ?, demanda le patron, curieux.

- Oui, il s'appelle Javert. Il a perdu la piste du tueur à Paris.

- Et c'est qui ce mauvais ?

- Lacenaire. Il a buté pas mal de gonzes à Paris.

- Et tézigue ? T'es qui ? Un cogne aussi ?

- Un pote de Javert. »

Valjean ne savait toujours pas comment se présenter. Il n'était plus agent de la Sûreté, si tant est qu'il l'ait vraiment été un jour, il n'était certainement pas un cogne mais se revendiquer du bagne ne lui semblait pas une idée pertinente.

On but, on mangea et Valjean raconta encore et encore l'affaire Lacenaire. On était tout ouï.

La nuit avançait lorsqu'un nouveau client se présenta dans l'estaminet.

Javert !

Le commissaire portait toujours son uniforme impeccablement sanglé. On se tut à son arrivée et chacun détailla l'imposante silhouette.

Un uniforme bleu nuit, boutonné jusqu'en haut, un chapeau bicorne à la cocarde blanche, une canne à pommeau plombé dans la main et de longues bottes noires d'officier. Javert avait fière allure, il était vrai.

Il l'avait toujours eue !

Valjean se souvenait de Javert, jeune adjudant-garde au bagne de Toulon, raide dans son uniforme gris, apprenant à marcher la tête haute et le menton arrogant. L'inspecteur Javert, à Montreuil, dans sa capote grise, le suivant des yeux à chaque pas. Irréprochable ! Enfin, le commissaire Javert, jouant en ce moment le rôle du policier de haut grade, un peu hautain au-milieu des clients du Bœuf Gras...oubliant qu'il n'y avait pas si longtemps, il avait bu, mangé et chanté en leur compagnie.

On était impressionné.

« Je savais que je te trouverais ici, s'écria Javert, joyeusement.

- As-tu dîné ? »

- Non, répondit simplement Javert, retirant gracieusement son chapeau. Mais je ne sais pas s'il y a encore une table de libre pour moi. »

La question était posée sur un ton inoffensif mais le regard de Javert l'était beaucoup moins. Le patron leva les mains en l'air, accommodant et désigna la table de Valjean.

« Il y a de la place, monsieur le commissaire et je peux vous servir une assiette de cochonnailles si vous le désirez. »

Javert sourit, amusé et secoua la tête.

« Je ne suis plus Jacques ? Allez une tournée d'eau d'affe pour tout le monde, il y a un mariage à célébrer ce jour d'hui.

- Un mariage ?, répéta Valjean.

- Celui de Lacenaire et de la Veuve. »

On applaudit le policier, l'eau d'affe jouait beaucoup sur l'amitié de tous ces hommes mais cela permit à Javert de se détendre un instant, oublier les questions, les rapports et la paperasse.

Lacenaire s'était réveillé dans l'après-midi. Étendu sur un lit dans les hospices de Beaune, soigné par des cornettes impressionnées par ce beau jeune homme blessé et surveillé de près par deux policiers de garde. Lacenaire était menotté aux montants du lit sur les ordres de Javert.

Le policier avait interrogé Lacenaire en compagnie du président du tribunal de Beaune et de l'inspecteur-principal Duquet. Lacenaire fit encore enrager Javert qui lutta pour conserver son calme.

Il jeta un simple « Non » au visage de Javert lorsque celui-ci lui demanda s'il avait tué Chardon et sa mère, passage du cheval-rouge.

Lacenaire avouait toujours les crimes de Lacenaire, oubliant ceux de Gaillard ou ceux de Henri Viallet. Oubliant quelques crimes. Bien entendu, il n'échapperait pas à la guillotine mais Javert voulait des aveux complets.

On signa les papiers de transfert et Javert fut rassuré de pouvoir ramener son gonze à Paris. Le jeter aux pieds de Gisquet et d'Allard et retrouver son honneur.

La nuit tombait lorsque le policier, écroulé de fatigue, rentra à l'auberge...pour y découvrir l'absence de Valjean. Un instant dérouté, il ne fallut pas réfléchir longtemps pour retrouver la piste du forçat.

Oui, Javert était bon à flairer des pistes, le chien-loup des Asturies...

Et on mangea, et on but, et on rit...et on oublia l'uniforme...

« Une chanson Javert ? »

On utilisait le bon bague, Javert acquiesça, approbateur puis il lança, l'air de rien, de sa voix si grave :

Entendez notre voix, et que nos fiers accents

À notre suite enchaînent la folie.

Adieu Paris ! adieu, nos derniers chants

Vont saluer notre patrie.

Des fers que nous portons nous bravons le fardeau.

Un jour la liberté reviendra nous sourire,

Et dans notre délire

Nous redirons encore ce chant toujours nouveau.

Renommée, à nous tes trompettes,

Dis que joyeux nous quittons nos foyers.

Consolons-nous si Paris nous rejette,

Et que l'écho répète

Le chant des prisonniers.

Regardez-nous et contemplez nos rangs :

En est-il un qui répande des larmes ?

Non, de Paris nous sommes tous enfants ;

Notre douleur pour vous aurait des charmes.

Adieu, car nous bravons et vos fers et vos lois ;

Nous saurons endurer le sort qu'on nous prépare,

Et, moins que vous barbare,

Le temps saura nous rendre et nos noms et nos lois.

Renommée...

Valjean blêmit et Javert se tut, un air suffisant sur le visage. En fait, Javert pouvait se révéler cruel... Était-ce intentionnel ?

« Qu'est-ce que c'est ?, demanda une voix perdue dans l'assistance.

- La chanson du bagne, répondit automatiquement Valjean.

- Il y a d'autres couplets mais j'ai le souffle court et j'ai oublié la ritournelle. Tu t'en souviens Valjean ?

- Tu es un salopard, tu sais Javert ?

- Oui, Valjean. Je te l'ai dit. J'ai une liste de péchés longue...comme mon bras... »

Et Javert se mit à rire en vidant son verre d'eau d'affe. Cela passait mieux que le picton de mauvaise qualité que l'aubergiste vendait.

Javert songeait à Lacenaire. Lacenaire qui essayait de jouer sur le registre de l'homme fourvoyé dans le crime pour être envoyé au bagne. Lacenaire qui préparait déjà son échappatoire en plaidant la folie. Javert luttait de toutes ses forces pour obtenir la guillotine. Le président du tribunal de Beaune assurait au commissaire qu'avec un bon avocat, Lacenaire pouvait s'en tirer... Merde !

La nuit se finissait.

Il fallut bien se coucher. Le lendemain avait lieu le voyage de retour vers Paris. On allait convoyer Lacenaire dans une voiture grillagée, escortée par quatre gendarmes et Javert en personne. Quatre jours de voyage dans la neige et le froid, à cheval.

Pas une partie de plaisir. Javert sentait déjà des cristaux se former dans ses poumons à cette idée, il souffrait déjà de ses côtes... Il allait sentir chaque minute de ce voyage dans la douleur de ses membres.

Ce n'était que justice...au regard de ses péchés...

Javert fonctionnait avec un esprit si étrange...

On se salua, on espérait se revoir, on savait bien que cela n'arriverait jamais. Paris était loin et Beaune n'attirait pas les Parisiens...aussi beaux que soient ses remparts, ses hospices et ses vignobles...

Cette nuit-là, Valjean dormit mal, s'il dormit vraiment. Il ne s'inquiéta pas pour Javert, non il le maudit de toutes ses forces. Non ! Toulon était venu le hanter et ses cauchemars étaient terribles. Où le barberot lui rasait la chevelure, où le boye le bastonnait avec efficacité, où il venait d'être bridé, où le canard sans plume brisait son dos... En fait ce n'était pas des cauchemars, c'était des souvenirs...

Et parfois, parmi ses ombres se dressait un jeune adjudant-garde qui le toisait avec mépris en le traitant de « Vaurien »...

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