5
Voilà un bon quart d'heure que Louis se trouvait au café Le Magenta. Cet endroit lui rappelait de nombreux souvenirs de son adolescence un peu délurée. C'était en quelque sorte le QG où lui et ses amis aimaient se retrouver pour disputer une partie de billard ou de baby-foot. Et au fil des années, même si les sodas avaient peu à peu laissé place aux bières, le plaisir de se retrouver là avait perduré. Louis avait toujours aimé l'ambiance très particulière qui y régnait. C'était comme plonger entre deux mondes, un pied dans la vieille Angleterre et l'autre dans le monde moderne actuel. Cette ambivalence avait toujours plu au jeune homme qui se sentait bien ici, comme chez lui.
Il observa pour la énième fois sa montre et vit que l'heure de son rendez-vous approchait à grand pas. Il était arrivé en avance, incapable de brider son enthousiasme un peu trop débordant. C'est ainsi qu'il avait débarqué chez sa mère aux premières heures du matin. Celle-ci n'avait pu s'empêcher d'éclater de rire en le voyant à la fois si nerveux et si excité.
Heureusement, avec la famille nombreuse qu'elle avait, elle avait eu de quoi l'occuper un moment, canalisant ainsi son fils comme elle l'avait pu. Son beau-père, Daniel, qui n'était absolument au courant de rien, fut ravi de voir Louis, mais ne comprit pas très bien l'enjeu de cette journée. Il voyait bien sa femme au petit soin pour son aîné, qui lui, enchaînait les tasses de thé et remuait dans tous les sens, mais sa vieille expérience de cette famille lui avait appris qu'il ne valait mieux pas se mêler de ce genre d'affaire pour ne pas se voir reprocher quoi que ce soit après. Même s'il aimait Louis tout autant que ses autres enfants, même s'il aimait Jay plus que sa propre vie, quelque fois, il fallait savoir rester en retrait. Et c'est ce qu'il fit avec panache ce matin-là.
Jay avait tenté par tous les moyens d'empêcher Louis d'aller trop tôt à son rendez-vous. Elle avait dû le forcer à manger et rivaliser d'imagination pour l'occuper jusqu'à ce qu'il puisse se rendre au café à une heure à peu près décente. Cependant, ce fut presque avec une demie heure d'avance que le mécheux avait pris place en terrasse, profitant des derniers rayons du soleil avant que la saison des pluies ne débute d'ici peu de temps si on en croyait la présentatrice météo.
Il avait commandé un chocolat chaud, pour éviter de trop se charger en théine (bien que ce soit déjà trop tard au vu des nombreux sachets de thé qui trônaient désormais dans la poubelle familiale) et s'était mis à jouer nerveusement avec son portable pour passer le temps. Il avait à la fois hâte et à la fois peur de revoir Harry. C'était vraiment bizarre et tous ces sentiments contradictoires commençaient réellement à le fatiguer.
Il leva le regard vers la route et son cœur sembla s'arrêter avant de s'emballer comme un fou. Une nuée de papillons prit son envol au fond de son ventre en même temps que ses joues prirent une jolie teinte rosée. Le simple fait d'apercevoir la silhouette élancée d'Harry, ses boucles soulevées par le vent et son sourire lui fit perdre pied. A cet instant, Louis aurait pu tomber à ses pieds et lui demander de faire ce qu'il voulait de lui. Malgré sa fièvre, il réussit tout de même à se calmer et à rester un minimum digne.
Lorsqu'Harry, placé derrière la poussette d'Erine, s'approcha suffisamment pour apercevoir la table de Louis dans son intégralité, il perdit quelque peu son sourire et pâlit légèrement. Il sembla observer tout autour de lui et fronça les sourcils, l'air un peu perdu. Louis commença à paniquer. Que se passait-il ? Avait-il fait quelque chose qu'il ne fallait pas ? Était-ce sa tenue ? Le lieu finalement ? Mais il n'eut pas le temps de pousser plus avant ses pensées, qu'Harry finit par approcher, l'air peu sûr de lui.
- Salut... le salua Louis d'une petite voix, ne comprenant pas bien la baisse d'enthousiasme si soudaine du bouclé.
- Salut, Louis. Je... il baissa la tête et rougit fortement en observant Erine qui dormait profondément dans sa poussette. Je suis désolé, je... je pensais que tu aurais les jumeaux... j'ai mal compris, je... mon meilleur ami ne pouvait pas la garder et sa sœur non plus... je... je suis désolé... déballa-t-il d'une traite en se triturant les doigts, mal à l'aise.
Et Louis comprit.
Il comprit qu'Harry était gêné d'avoir dû amener sa fille alors que lui n'était pas avec les jumeaux. Il comprit ce qui l'avait surpris en arrivant et pourquoi il avait semblé chercher quelque chose aux alentours, pensant sans doute apercevoir Ernest et Doris non loin de là. Mais Louis, lui, n'était nullement gêné par la présence de la petite fille. Il adorait les enfants et si un jour il avait la chance d'entretenir une relation avec Harry, Erine ferait forcément partie du tableau.
- Assieds-toi et calme-toi... souffla Louis en lui présentant d'une main la chaise libre face à lui. Tout va bien, ok ? Ernest et Doris sont chez ma mère. Se sentit-il obligé d'expliquer devant la mine déconfite de son ami.
Harry sembla hésiter, mais finit par obtempérer, garant la poussette le long de leur table.
- Mon meilleur ami, Niall, ne pouvait me la garder qu'à partir de 18 heures, il travaille aujourd'hui... se justifia encore Harry en se triturant les doigts d'un geste nerveux. Je m'étais dit... fin...
- Erine est la bienvenue, elle ne me dérange pas, bien au contraire. Le rassura sincèrement Louis. C'est ta fille, c'est donc normal qu'elle soit là. Tu peux la garder aussi ce soir si tu veux. Je comptais t'emmener dîner et elle sera la bienvenue. Enfin... si ça te dit et si tu me supportes encore d'ici là. Plaisanta-t-il pour calmer les angoisses de son ami.
Harry releva enfin ses yeux sur Louis et un immense sourire étira ses si jolies lèvres.
- Ce sera avec grand plaisir. Acquiesça-t-il en se détendant enfin. Mais Erine sera comme prévu chez Niall.
- Comme tu veux.
Ils furent bientôt interrompus par le serveur qui prit leur commande. Lorsqu'ils furent de nouveau seuls, Louis posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis l'arrivée du bouclé.
- Pourquoi pensais-tu que je serais avec les jumeaux ? S'enquit-il en observant la beauté renversante face à lui.
- Et bien... je ne savais pas trop si tu allais avoir une solution de garde. Expliqua Harry en regardant sa fille avec tendresse. Moi je n'ai plus de famille alors ce n'est pas toujours évident et les nounous coûtent tellement chers... alors pour deux je n'imagine même pas. Mais tu as ta mère, je n'y avais pas pensé. Tu as de la chance... conclut-il, la mine triste.
Louis ne sut quoi répondre sur le moment, son cœur serré par ce si triste aveu. Il était à la fois curieux d'en savoir un peu plus et abasourdi de comprendre qu'Harry pensait que les jumeaux étaient à lui. La curiosité fut définitivement la plus forte, le malentendu pouvait attendre avant d'être dissiper.
- Et la maman ? Osa-t-il demander d'une voix douce.
Le serveur choisit cet instant pour servir les commandes. Deux chocolats chauds. Il s'extasia quelques secondes devant Erine qui dormait toujours profondément. Lorsqu'il partit, l'ambiance s'était nettement allégée. Cependant, Harry tenait à répondre à Louis, car il voulait éviter tout non-dit qui pourraient mettre en péril le début de début de relation qu'ils semblaient construire ensemble.
- Il n'y a pas de maman... enfin, techniquement si, mais il s'agissait d'une mère porteuse. Explique-t-il en observant la réaction du mécheux face à lui. Je suis le père biologique par contre.
Ce dernier lui fit un sourire rassurant lui prouvant qu'il n'avait aucun problème avec ça. Et même si le jeune homme n'avait pas précisé être le vrai père de la petite fille, cela sembla plus qu'évident à Louis. Erine avait hérité des boucles brunes, des prunelles vertes et des fossettes d'Harry. Il eut l'envie irrésistible de lui prendre la main, mais il n'osa pas, encore trop timide pour ça. Il se contenta donc de lui demander d'une voix douce, un poil plus stressé par la réponse que le bouclé pourrait lui donner,
- Et l'autre papa ?
- Il... il n'y en a pas non plus. Lâcha Harry en baissant la tête, gêné. Du moins, il n'y en a plus. Il releva la tête pour plonger dans le regard océan de son ami. Pitoyable, hein ?
-Non... pourquoi ?
- Je suis seul. Pas de famille, plus de compagnon, peu d'argent. Énonça-t-il, ses si jolis yeux bordés de larmes refusant pourtant de couler. Ma seule richesse c'est ma fille et mes quelques amis qui ne m'ont pas fui quand tout s'est cassé la figure pour moi. De mon point de vue c'est assez pitoyable...
- Et bien, pas du mien. Répliqua Louis, ému par le constat de vie peu glorieux que faisait son ami. Moi je vois en toi un papa formidable qui se bat chaque jour pour sa fille et qui fait tout ce qu'il peut pour elle. Et ça fonctionne plutôt bien puisqu'elle respire le bonheur. Tu l'as dit toi-même, les gens que tu aimes et qui t'aiment sont ta richesse et c'est selon moi la plus importante. Il n'y a rien de pitoyable là-dedans.
- Tu as raison, mais mes amis, même s'ils sont primordiaux dans ma vie, ne remplissent pas notre assiette et ne comblent pas certains manques affectifs. Soupira Harry en posant ses mains sur sa tasse pour les réchauffer un peu. Ce n'est pas toujours facile. Mais ça va hein, je m'en sors toujours. Ajouta-t-il avec un regain d'enthousiasme.
- Je n'en doute pas. Tu es une personne tellement forte. Tu es toujours positif, tu as toujours le sourire... tu as beaucoup de mérite, vraiment. Lui assura Louis avec franchise.
- Bof, tu sais, des tas de gens font la même chose... objecta Harry en jouant avec sa petite cuillère.
- Peut-être, mais les autres sont bien moins sexy que toi ! Plaisanta le jeune homme en riant doucement, se demandant encore comment il avait trouvé le courage de lui dire une telle chose.
Harry partit d'un grand éclat de rire qui réchauffa Louis tout entier. Il avait déjà remarqué ça. Il aimait entendre son ami rire. Ça le rendait étrangement heureux. Le bouclé se calma doucement avant de prendre la parole sans quitter Louis des yeux.
- Tu n'es pas mal non plus. Remarqua-t-il avec un sourire espiègle.
- Tu es trop gentil. Répondit le mécheux en rougissant et en secouant la tête, pas tout à fait convaincu. Et puis, on n'est pas tout à fait dans la même configuration... ajouta-t-il en portant sa tasse à ses lèvres.
- Comment ça ? Questionna Harry en fronçant les sourcils.
C'est à cet instant que Louis se souvint qu'Harry le pensait père des jumeaux et donc sans doute célibataire puisqu'il était ici, avec lui. Il ne pouvait donc pas comprendre le sens de sa phrase.
- Je ne suis pas le père d'Ernest et Doris. Annonça-t-il en voyant les yeux verts face à lui s'écarquiller de surprise à cette annonce.
- Oh... mais... j'ai cru... j'ai pensé que... fin... comme tu les avais toujours avec toi le mercredi... s'embrouilla un peu Harry en se tortillant sur sa chaise.
- Ce sont mes frère et sœur, les derniers de ma mère. Expliqua le châtain. A vrai dire, ils m'ont permis de te revoir, sinon je n'aurais jamais osé revenir le mercredi d'après sans eux. Je n'ai pas pensé que ça pourrait porter à confusion. Il haussa les épaules, mal à l'aise, espérant qu'Harry ne lui en tienne pas rigueur, car il n'y avait eu là aucun calcul de sa part. Ça sonne psychopathe dit comme ça... ajouta-t-il avec une petite moue qui fit fondre un peu plus le garçon face à lui.
-Tu n'es pas croyable ! S'exclama-t-il en riant une nouvelle fois. Je comprends mieux les coups de fil réguliers de ta mère...
- Elle a toujours été mère poule... reconnut Louis en riant à son tour.
- Mais c'est dingue, tu t'occupes tellement bien d'eux...
- On est une grande famille de 7 enfants dont je suis l'aîné. Expliqua Louis tout en buvant une nouvelle gorgée de son chocolat, imité par Harry qui l'écoutait avec attention. Je me suis toujours occupé des plus petits, car j'aime les enfants. Quand j'ai été en âge de choisir une carrière, c'était évident pour moi que je resterais entouré d'enfants. Instit', c'était une vocation en somme.
- Ça se voit que tu es fait pour ça. Admit avec sincérité le bouclé. Et... heu... du coup ça ne te fait pas peur ce que je viens de te raconter ? Le fait que j'ai Erine... seul ?
- Peur ? Bien sûr que non... pourquoi devrais-je avoir peur ? Ta fille est adorable et j'apprécie le temps que je passe avec toi.
- Je t'apprécie beaucoup aussi... avoua Harry en rougissant doucement.
---
Voilà, on en sait un peu plus sur Harry. 😊 Pas encore tout, mais ça viendra. 😏
Il se trouve pitoyable, pas moi. Je le trouve fort au contraire.👍Il faut l'être pour élever seul un enfant. C'est déjà difficile à deux. 😵😵 Vous en pensez-quoi ? 🤔
La suite demain. Bisous mes anges. 😘😘
💚💙
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro