6 : 𝙲𝚎𝚝𝚝𝚎 𝚌𝚑𝚘𝚜𝚎 𝚝𝚎𝚛𝚛𝚒𝚋𝚕𝚎
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Ce furent les rayons du soleil qui tirèrent Agathe du sommeil. Les yeux bouffis, la bouche pâteuse, mais les vêtements secs, la jeune fille se redressa en bâillant pour découvrir un Jannot l'observant, les sourcils froncés.
« Bonjour ?
─ On y va.
Agathe leva les yeux au ciel, agacée du manque de politesse dont Jannot continuait à faire preuve.
─ Où ça ?
Le garçon s'était redressé, avait enfilé sa casquette et se préparait à partir.
─ Chez toi, pour que tu retrouves tes parents.
─ Pardon ?
Un silence accueillit son interrogation et la jeune fille réitéra sa question pour avoir affaire au même regard bleu impassible.
─ Je n'ai pas fait tout ça pour revenir au point de départ, nom de dieu ! Je ne veux pas retourner voir mes parents, je me suis enfuie ! Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans ça ?
Toujours ce silence et l'air fermé que Jannot affichait.
─ Donc on va continuer notre périple dans cette forêt et tu ne m'en parles plus, d'accord ?
─ Allez lève-toi, on y va.
─ Non ! Dis-moi que tu as compris ! Je ne veux pas les voir. Tu ne vas pas me forcer tout de même ? Qu'est-ce que tu ne comprends pas, encore une fois !
─ Le fait que tu aies pleuré toutes les larmes de ton corps cette nuit, en appelant ces fameux papa et maman. Et puis, tu parles toujours d'eux alors que tu es censée vouloir les fuir. »
Bouche-bée, Agathe ne put rien répondre. Jannot touchait en plein dans le mille, et cette vérité ne lui faisait que plus mal. Son coeur se serra en se souvenant des sourires que sa mère lui offrait quand elle la coiffait, ou en revoyant les promenades à cheval d'elle et son père. Et c'est le coeur lourd qu'Agathe relata la vérité.
La guerre est une chose terrible ma fille. Et rien de bon ne naît jamais de ces choses là.
« C'est ce qu'elle m'avait dit le jour où l'on a entendu les premiers avions. On a toujours vécu à la Capitale, elle, papa et moi. Mais après ça on a dû venir dans la Campagne. Tu sais... J'avais pas encore compris. Je pensais juste qu'on était en vacances, je ne voyais pas les plis soucieux sur le front de mon père ni la pâleur de plus en plus frappante de ma mère. Ma mère a toujours été pâle mais là... Elle devenait malade de cet isolement, de cette verdure, elle qui avait toujours été habituée aux bals et à l'effervescence de la ville. Moi, trop occupée à m'amuser avec les enfants du village, je ne le voyais pas. Cette année-là mon père n'a pas pu être présent à mon anniversaire. Des choses importantes à régler au Ministère, selon ma mère. J'en ai été très triste. Un an plus tard, quelques semaines avant mon anniversaire mon père m'annonce qu'il part à la guerre. Qu'il est réquisitionné, pas pour être sur le front mais il en sera tout proche. C'était il y a deux jours... mais moi... Je ne veux pas qu'il parte ! Il doit rester avec moi, parce qu'il me l'a promis ! Je sais que s'il part, il ne reviendra jamais. Et la loque que maman devient le suivra s'il nous quitte ! Je ne veux pas avoir à porter des fleurs sur une tombe froide, je veux rester avec lui. Et ça pour toujours.
Les sanglots agitaient la petite fille alors qu'elle racontait son histoire, fins sillons translucides sur ses joues sombres.
─ Alors pour l'en empêcher, je suis partie. J'ai pris un baluchon, et le jour du Seigneur, j'ai marché droit devant moi, sans un regard pour la maison. Si je pars, il ne pourra pas partir, hein ? Il ne pourra pas laisser son trésor seul dans la nature, hein ? S'il te plaît Jannot... Réponds moi. Dis qu'il ne m'abandonnera pas...
─ On va retrouver tes parents. »
Et à ces mots, coupant court à toute intervention, Agathe acquiesça.
Jannot lui tendit une épaisse tranche de fromage et de jambon, le pain étant devenu trempé et immangeable, et ils repartirent main dans la main sur le chemin. La fille mangeait en silence, alors qu'ils progressaient en sens inverse.
Batifolant dans les hautes herbes, et cueillant des baies rouges, le trajet du retour avait eu le doux écho d'une promenade d'amoureux. Le soleil avait reparu, taquin, et le ciel avait délaissé sa robe de tempête, pour remettre celle apaisée du bleu cyan. Les vêtements mouillés et les ébats de la veille n'étaient que lointains souvenirs, et le rire perlé d'Agathe répondait à ceux, doux, des chants des oiseaux, tandis que le sourire de Jannot ne faisait que s'expandre sur ses lèvres.
C'est ainsi que tous les kilomètres avalés la veille furent refait en sens inverse, peuplés des mêmes paysages, des mêmes fleurs, et des mêmes senteurs boisées. Ils repassèrent même devant la tanière de la famille Finch, dont les membres sortirent à leur approche, afin de les saluer.
Bientôt, une descente et une petite course les firent tomber dans de l'herbe encore légèrement humide. Agathe, le cœur léger, bien malgré elle, de revoir ses parents, observa Jannot allongé à ses côtés. Se rapprochant de lui, elle nicha sa tête contre son cou et passa une main dans le cou du garçon.
Ils s'endormirent ainsi, collés, et les nuages chauds veillant sur eux.
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