|| 05 ||
Gare du Capitole, Capitole, Panem.
Je suis ébahie devant la foule qui nous attend, mais cela ne me surprend pas. Les habitants du Capitole veulent être les premiers à voir les tributs de cette année, pour eux, c'est comme une foire pour nous. Ils trouvent ça drôle, tandis que dans les districts, c'est un motif de peur.
La porte du wagon s'ouvre, Alya descend promptement et avec grâce, profitant de ce moment de gloire, celui d'être hôtesse et accompagner des enfants à l'abattoir. Les gens multicolores nous acclament de toutes parts, on scande nos noms, mais je n'y prête pas attention. Je sers fort la main de Tom, de peur qu'il ne m'échappe dans la foule tourbillonnante, et fixe la perruque de notre hôtesse, qui bouge dans tous les sens, à chaque fois qu'elle salue une connaissance ou même des inconnus.
Soudain, quelqu'un agrippe ma main gauche, celle qui ne tient pas Tom, et refuse de la lâcher. Je me débats mais rien n'y fait, la main tient bon. Je décide de regarder le visage de cet inconnu perspicace, et y découvre le visage aux traits fins d'une fille ayant à peu près mon âge.
- Jane ! crie-t-elle comme un ami de longue date le ferait. Je suis si heureuse de te voir en vrai !
Je suis surprise par sa réflexion, car je n'ai absolument rien fait qui puisse mettre le Capitole dans ma poche, ce n'est pas comme si je m'étais porté volontaire pour une personne chère, dans des éclats de larmes, comme le surprenant rebondissement du district Un de cette année. Non, j'ai tout simplement été tirée au sort.
Je ne lui réponds pas, et tente vainement de me retirer de son étreinte, mais la jeune fille ne semble pas décidée à céder.
- Je m'appelle Freya ! continue-t-elle avec sa voix aigu. J'aimerais tant être à ta place, sous le feu des projecteurs, connue de tous.
Je prends ça comme une gifle. Une violente gifle. Je ne la comprends absolument pas. Elle vit au Capitole, elle est chérie par ses parents, elle ne manque de rien, elle ne subit pas la Moisson tous les ans et elle aimerait être à ma place ? Je soutiens son regard d'un bleu artificiel, pour l'encourager à continuer. Elle doit percevoir mon désarroi, car une lueur s'éteint dans son regard intense.
- Bah quoi ? Tu n'aimes pas ta position actuelle ? Tu as ce que tu veux, tu es connue de Panem entier !
Cette remarque, je la prends encore plus violemment que la première, et mon réflexe est de m'arrêter, lâchant la main de Tom, qui se retourne pour me voir. Et je ne contrôle pas ma main qui va droit sur la joue de Freya, qui lorsque je retire mon membre, se tient la joue perplexe. Dans élan de colère je hurle :
- Non je n'aime pas ma position actuelle ! Je préférerais être à ta place oui, mais il n'y a pas de quoi envier la mienne ! Je serais célèbre pendant quelques jours, jusqu'à ma mort dans cette foutue arène ! Cette célébrité me mène à la mort, rappelle toi bien !
Je retire brusquement ma main, qui glisse de la sienne, et je m'enfuis en entraînant mon compagnon, choqué. Je ne souris plus, ma mine doit être fade, et je ne fixe plus que les dalles grises couvrant le passage. J'entends quelques exclamations du genre : "Vous avez vu ? Elle s'est opposée à Freya !" ou encore "Elle a du potentiel, je mise sur elle !"
La, c'est le brouillard dans ma tête. Qu'est ce qui leur fait dire que j'ai du potentiel ? Et puis qui est cette Freya avec ses grands airs d'enfant gâtée ? Ces questions tournent en rond dans ma boîte crânienne jusqu'à notre arrivée dans un immense bâtiment, où même les grincements des ascenseurs semblent être le silence, comparé au vacarme extérieur.
Les portes claquent violemment juste après notre passage, à nous et nos mentors, puis quand nous sommes enfin seuls, avant même que nous n'ayons atteint les ascenseurs, je me fais réprimandé par Alya.
- Mais ça ne va pas ? Tu es sur que ça tourne rond dans ta tête ?
Je ne cille pas, je me guinde, et me redresse, la tête haute, pour lui montrer qu'elle ne me fait pas peur.
- Qu'est ce que j'ai fait de mal ? je demande sur un ton empreint d'innocence.
- Qu'est ce que tu as fait de mal ? reprend-elle outrée. Je te signale ma jolie, que tu t'es opposée à Freya !
- Mais qui est cette Freya ? je lance en reculant, ne comprenant pas leur incrédulité face à ma résistance.
- "Cette Freya" comme tu le dis si bien, est la fille d'un ministre très haut placé, autrement dit, Monsieur Heavers. Et il a énormément d'influence sur le président Snow.
Ce nom me rappelle vaguement quelque chose, mais pour moi, il n'est pas très important. Il a dû intervenir au Quatre il y a quelques années pour une affaire de résistance, un groupe de jeune avait refusé de se présenter à la Moisson. Ils avaient été exécutés sur place, et en public, l'émission diffusée et rediffusée des dizaines de fois dans tout Panem, pour montrer l'exemple soit disant.
- Et, reprend-elle, il maîtrise les Hunger Games, d'une certaine manière. Ils pourraient tous nous faire exécuter devant tout le Capitole, à cause de ton comportement !
- Au point où nous en sommes, lâche Tom, il n'y a pas vraiment d'importance.
- Ce qu'il dit est vrai, rit Kyle au nez d'Alya. Ils ont déjà un pied dans la tombe, qu'ils meurent maintenant ou dans dix jours, cela les importe peu. Puis ça mettrait fin à nos souffrances de vainqueurs...
Son visage change soudainement, et nous n'avons pas le temps de lui poser une question sur ses paroles, que Mags a déjà appelé l'ascenseur et nous invite à grimper dedans. Nous entrons tous, et il s'élance.
- Pourquoi ne fait-on pas directement le défilé ? je questionne. D'habitude c'est comme ça non ?
- D'habitude, très chère, répond Alya avec son air hautain si présent chez les habitants du Capitole. Mais nous avons été informé lors de notre trajet en train, que certains allaient avoir du retard, donc nous allons les attendre. Entre autre le Neuf, le Sept, le Onze et le Douze.
Je me tais, et moins de cinq secondes plus tard, les portes s'ouvrent devant une magnifique pièce ressemblant à un immense salon.
- Quatrième étage pour le district Quatre, soupire notre hôtesse, comme lassée de l'avoir répétée tous les ans.
Elle nous montre d'un geste la vaste pièce en nous y invitant à y entrer.
- Deux chambres au bout du couloir, une à gauche, une à droite, continue-t-elle comme une guide touristique. Ici la salle à manger, et là le salon. Kyle et Mags vous connaissez, pas besoin de vous indiquez vos chambres.
Notre mentor masculin semble troublé de retrouver ces lieux. C'est la première fois qu'il est mentor, et la dernière fois qu'il a quitté ces lieux c'était après ses propres Jeux.
Je me dirige vers le bout du couloir pour rejoindre une chambre dans laquelle je pourrais enfin m'isoler et me reposer. Je m'empare de celle de gauche, rentre et m'enferme à double tour, oubliant même Tom. Il viendra frapper, je me laisse penser.
Mon corps s'allonge sur le lit couvert d'un drap argenté, et je m'étends de tout mon long, fermant les yeux, et me remémorant tous les événements de la journée, en partant de la Moisson, jusqu'à l'arrivée dans nos appartements, en passant par «l'événement Freya».
Après un court instant de réflexion, je me dis qu'une douche serait plutôt la bienvenue. J'ouvre le grand placard, et y trouve un pantalon noir, une chemise blanche souple, et des sous-vêtements dans un tiroir, que j'empoigne avant de filer dans la salle de bain.
Je me déshabille et me glisse sous l'eau chaude que je fais couler de manière à prendre un long bain reposant. Je découvre des tonnes de parfums de gels douches et shampooings différents, j'ai envie de tous les tester, mais je prends celui qui me tente le plus pour l'instant : embruns. Pour certains cette odeur n'a rien d'exceptionnel, elle n'est même pas très appréciée par certains, mais pour moi elle représente beaucoup, elle me rappelle mon district, l'odeur de la mer et des vagues.
De longues minutes plus tard, j'émerge en mouillant le carrelage, mais nous sommes au Capitole, des domestiques viendront nettoyer, je ne m'inquiète pas pour ça.
Je sèche mon corps et mes cheveux à l'aide d'une serviette, puis m'habille avant de sortir de l'atmosphère chaleureuse que m'offrait la pièce. Je me retrouve dans ma vaste chambre, qui me semble bien fraîche comparée à la salle de bain. Le silence me trouble pendant un moment, puis je m'y habitue et apprécie.
Des frappements à la porte me sortent de ma légère léthargie.
C'est Tom, lance sa voix suave de l'autre côté du battant de bois.
Je n'hésite pas pour lui ouvrir, fais glisser mes doigts autour du verrou, et le voilà dans mes bras. Il claque la porte d'un coup de pied, et commence à m'embrasser. Je ne le repousse pas et me plonge dans ses bras, profitant de ce court instant.
- Venez manger ! s'égosille Kyle sûrement de l'autre bout de l'appartement, n'ayant pas envie d'affronter de nouveau ses souvenirs.
Nous nous séparons pour sortir de ma chambre et rejoindre notre équipe dans le salon.
- Le dîner est servi, annonce Alya avec sa voix redevenue mielleuse.
Nous nous installons côte à côte autour de la table, et goûtons un peu de tous les mets proposés, pour la plupart inconnus.
- Demain matin, je vous remettrais à vos préparateurs pour le défilé.
- Quand arrivent les retardataires ? interroge Mags.
- Demain matin a coup sur, dit-elle en prenant un air sûr, alors qu'au fond elle n'en sait rien.
- Reposez vous bien, nous conseille Kyle.
Le repas à peine fini, j'entraîne mon compatriote dans le couloir qui nous mène vers nos chambres, et sans lui demander son reste, je le pousse dans ma chambre. Je me couche sous les draps sans même me changer et l'invite à faire de même, ce qu'il exécute sans plus de recommandations. Il passe son bras autour de mes épaules, et je me hisse jusqu'à son torse où je dépose ma tête, sa chaleur et sa présence m'aident à m'endormir et à oublier pourquoi je suis ici.
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