Tu traversais la ville
En courant, gracile.
Le tête de ton ennemi
Encrée en toi.
Et tu savais qu'il savait ;
Tu pouvais sentir sa peur,
Sentir qu'il s'enfuirait
Comme un piètre voleur,
Dès lors qu'il entendrait
La rumeur de tes pas
Par-delà les rues.

Tu savourais cet instant,
Celui où l'odeur traversait les dédales,
Arrivait dans tes narines, tel un coup fatal.
Tu pouvais déjà voir le liquide nacré
Couler, goutter sur les pavés.
Et tu profiterais de ce moment pour déclamer
La haine en toi, celle qui te nourrissait
D'une énergie affolante
D'une puissance éclatante.

Tout était parfait dans ton esprit
La scène, tu te la répétais des milliers de fois
Tu savais que la mort arrivait sans pudeur
Qu'elle prenait sans distinction
Et qu'elle ne donnait jamais de seconde chance
Il fallait donc rester prudente
Afin de mourir dans l'honneur.

Et ta fureur, tu ne la contenais pas.
Elle semblait former une aura
Qui te rendait divine aux yeux du monde
Et faisait trembler l'univers.

Pour la première fois tu étais la guerrière
Celle qui condamne les meurtriers
Pour ce crime odieux
Le meurtre de ton amour.

Il était enfin devant toi,
Le premier avant la fin.
Tu jouissais de ton pouvoir,
La haine devenait brûlante en ton antre.
Il s'était reculé, comme une proie démunie
Et tu l'avais, sans attendre, dépouillé de la vie.
Le voilà qui gisait
Dans une mare pourpre
Comme cette lune,
Aux reflets rougeâtres.
Elle buvait le sang, de ton destin
Elle était le témoin muet
De ces nuits sanglantes.

Et alors, les pieds trempés de sang
Tu déclaras, avec animosité :

Où allez-vous, perfides êtres
Vous qui avez tué mon amour ?
Vous, aussi pire que des vautours
Je vous changerai en spectres.
Vous, simples insignifiances
Qui ne méritent que la vengeance,
Votre sang coulera à flot
Lorsque je vous retrouverai dans la foule,
Et je ferai du cruor qui vous coule
Un breuvage pour ma rage.