Jaloux
Bonjour !
C'est dimanche, on reprend les publications ! Pas avec un chapitre de Tant Qu'il Le Faudra (j'ai encore besoin de temps), mais avec un petit one-shot inspiré par la chanson Jaloux de Bilal Hassani. J'ai écouté cette chanson en boucle pendant une semaine, il FALLAIT que j'écrive là-dessus. J'ai donc choisi 3 personnages de Tant Qu'il Le Faudra (Min-Jae, Mehdi et Galahad) et je me suis lancé.
Il n'est pas nécessaire de lire Tant qu'il le faudra pour comprendre cette histoire mais forcément ça aide à mieux comprendre les personnages ^^
C'est une petite nouvelle assez banale, pas super compliquée avec pas un scénario ouf, mais bref j'espère que vous aimerez quand même. Je vous conseille de lire en écoutant la chanson ou de l'écouter avant la lecture, bref c'est vraiment fait pour aller ensemble.
Sinon comme d'habitude, je mets des explications sur le vocabulaire spécifique au contexte dans les commentaires au fur et à mesure.
Merci à vous et rendez-vous dans deux semaines pour le chapitre 24 de Tant Qu'il Le Faudra ;)
TW : homophobie, racisme
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T'es pas un vrai mec
Tu fais trop la meuf
Tu sembles un peu fake
Oui, on sent que tu bluff
Derrière ton sourire, ça se voit qu'il n'y a rien
J'aimerai te voir mourir, tu mérites pas d'être bien
Et qu'ils me les lancent, ces mots qui blessent
Jamais je ne baisserai la tête
Je reste fort et je me répète
Encaisse les coups
C'est tous des jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux, jaloux
Moi je m'en fous
De toutes ces choses qu'ils me disent
C'est juste des jaloux
Jamais comblés, toujours à critiquer ces jaloux
Des jaloux
Comme tous les mardis midi, je retrouve Galahad à la cafétéria. On a pas les mêmes cours le matin, mais l'après-midi on a tous les deux économie. C'est donc le moment idéal pour déjeuner ensemble, c'est pas tous les jours.
Je suis heureux de le voir à notre place habituelle. Il a attaché ses cheveux blonds en queue de cheval, ce qui est assez drôle car ils ne sont pas encore assez longs pour constituer autre chose qu'une petite couette ridicule. Je pose mon tote bag contenant notre déjeuner sur la table, les restes de l'indien que nous avons commandé hier soir.
— Hello chéri.
Il sourit, mais ne se lève pas. C'est frustrant, il refuse toujours que je l'embrasse en public. Je le comprends, mais j'aimerais juste lui faire un petit bisou. Je ne l'avais pas encore vu aujourd'hui, je n'ai même pas eu droit à un baiser de bonne journée. Quand je me suis levé, il était déjà sorti faire son jogging et comme mon cours commence avant le sien, j'ai dû partir de l'appart avant qu'il rentre. Comme si ça ne suffisait pas, il part à son entraînement directement après les cours. Il faudra que je l'entraîne dans un coin tranquille après le déjeuner.
— Comment était ta matinée, me demande-t-il en sortant les tupperwares. Tu as déjà fait réchauffer ?
— Oui, c'est bon. Et c'était très intéressant. Le prof est vraiment génial, tu aurais dû prendre cet électif, je suis sûr qu'il t'aurait fait aimer la mécanique des fluides.
Il grimace. Ça n'a jamais été son truc, ce que j'ai du mal à comprendre. Enfin, chacun sa spécialité. Moi, il aurait fallu me payer pour que je continue les proba. Je lui fais malgré tout un bref résumé du cours en m'installant. Je retire ma veste et mon écharpe. Galahad bloque sur mon t-shirt. Je lève les yeux au ciel. Il ne pensait quand même pas que j'allais le porter qu'en soirée ou chez HoMag.
— Sérieusement ?
— Quoi ? J'ai pas honte. Et toi-même, tu as dit qu'il était cool quand je l'ai reçu.
C'est un t-shirt noir basique avec écrit en blanc « My gay agenda : 1. Be gay 2. End of the list ». Très sobre par rapport à celui qui clame « I'M FAR TOO GAY FOR THIS » aux couleurs du rainbow flag. Il est tout neuf, j'ai reçu mon colis hier, je n'allais quand même pas le laisser au placard !
Galahad me fusille du regard. Comme à chaque fois qu'il est contrarié et surtout qu'il me trouve trop visible, il reste silencieux. Je soutiens son regard la tête haute, alors que lui baisse les yeux. Ça me fait mal de savoir que même après un an, il a toujours aussi honte. Pourtant ce n'est pas comme si on se cachait. Dans notre promo, ce n'est pas un secret. On mange ensemble, on va à la BU ensemble et quand on a un cours en commun on s'assoie l'un à côté de l'autre. Tout le monde sait que j'ai quitté ma chambre sur le campus pour m'installer avec lui. Il faut être stupide pour ne pas deviner qu'on est en couple et il m'a promis de ne plus jamais nier.
— J'espère quand même que tu porteras celui que je t'ai offert.
Sur le même site, je lui ai trouvé un « Both ? Both. Both. Both is good. ». Je n'ai même pas pris celui aux couleurs du drapeau bi mais celui en gris pour qu'il puisse le porter plus facilement.
— Je le porterai, mais certainement pas à l'école, déclare Galahad en me tendant mes couverts. Enfin... tu t'habilles comme tu veux après tout.
Je hausse les épaules. J'espère bien ! Je ne vais pas me changer pour lui faire plaisir. J'ouvre mon tupperware, vérifie avec le doigt que le contenu est encore assez chaud. Perdu, c'est froid. Je soupire et lève de ma chaise.
— Toi aussi, c'est froid ? je demande à Galahad.
— Oui.
— Donne.
Je récupère le tout et me dirige vers la queue pour le micro-onde. Je sens les regards sur moi, je fais comme si de rien n'était. Je m'en fous de ce qu'ils peuvent bien dire sur moi. Je suis quand même content de ne pas attendre trop longtemps et de pouvoir vite retourner m'asseoir avec Galahad. On peut enfin commencer à manger en échangeant quelques banalités. La cafétéria et son brouhaha ne sont pas propices aux conversations profondes.
Cependant je remarque qu'il regarde régulièrement derrière moi. S'il avait l'air mal à l'aise en me voyant dévoiler mon t-shirt, ce n'est rien à côté de son attitude maintenant. La tête rentrée dans les épaules, le regard fuyant, il se fait le plus petit possible. Je soupire et décide de me retourner pour évaluer la situation.
Ok, il y a trois mecs de première année qui se marrent en nous regardant.
— Y a un problème, les gars ? je lance avec mon ton le plus innocent.
Nouveau fou rire. Pas besoin d'être un génie pour devenir ce qui les fait autant marrer. L'un d'eux, un petit blanc aux cheveux châtains, se décide à me répondre.
— Non, on a pas de problème, assure-t-il avec un grand sourire. On se demandait juste si, genre... vous deux, vous étiez... tu sais.
— Et en quoi ça te regarde ?
— C'est toi qui te balade avec un t-shirt qui dit que t'es pédé, hein.
— Qui dit que quoi ?
— Rho, tu vas pas de vexer pour ça. Homo, si tu préfères.
— Ouais, je préfère, je réponds sèchement.
Et voilà les deux autres qui gloussent comme des dindons. Sérieusement, ils ont 12 ans ou quoi ? Je jette un coup d'œil à Galahad qui a l'air de vouloir disparaître. Il se cache derrière sa main et attend que ça passe, comme à chaque fois. Je retourne à la bande de crétins.
— Maintenant, vous allez vous occuper de votre sandwich et nous foutre la paix.
Fin de la conversation. Je me retourne enfin vers Galahad, décidé à passer à autre chose, mais ils ne semblent pas disposés à nous lâcher. Au contraire, maintenant ils parlent encore plus fort pour attirer mon attention. Et ils y vont sur les insultes, sous couvert d'humour gras. J'aurais jamais dû réagir. Pourquoi il a fallu que je me retourne ? J'aurais dû ignorer ces types, comme d'habitude.
— Est-ce qu'on peut pas juste s'en aller ? murmure Galahad avec un regard suppliant.
— Si tu veux, je soupire en rassemblant mes affaires.
De toute manière, je ne vois pas quoi faire d'autre. J'aime pas l'idée de leur laisser croire qu'ils ont réussi à nous intimider, mais ça vaut mieux.
— Bah alors, vous partez déjà ? Dommage, on s'marrait bien.
Je fais volte-face, les regarde un à un droit dans les yeux. Je leur offre mon sourire le plus condescendant, piqué à Galahad. Je minaude, avec les gestes de mains les plus efféminés qui soient en prenant la pose :
— Vous êtes vraiment une bande de jaloux. Vous êtes jaloux parce que mon mec est plus canon que n'importe laquelle de vos copines. Mais désolé de vous décevoir, les gars, he's miiiine !
Une fille à la table voisine éclate de rire. Son copain aussi ne cache pas son amusement. Je leur fais un clin d'œil. Rouge comme une tomate, Galahad fuit vers la sortie, je lui emboîte le pas. Évidemment cela n'empêche pas le trio d'imbéciles de me lancer quelques insultes bien salées, mais je les balaye d'un geste de la main. Je n'ai même pas envie d'écouter. Je préfère me dire qu'ils sont jaloux. S'ils croient me blesser et m'humilier, ils peuvent toujours courir. C'est eux qui se rendent ridicules.
Je retrouve Galahad à l'extérieur, assis sur les marches du bâtiment. Je prends le temps de remettre ma veste et mon écharpe, ça caille. Je m'assoies à côté de lui, épaule contre épaule.
— Tu m'en veux ?, je lui demande en posant ma tête sur son épaule.
— Non.
— C'est vrai ce mensonge ?
— Je ne sais pas comment tu fais pour leur tenir tête de cette manière, déclare-t-il en secouant la tête.
— L'habitude.
Je sais que c'est horrible, mais vraiment à force j'ai l'habitude. Je ne dis pas que les insultes ne me font plus mal, mais j'encaisse de mieux en mieux. Ils ne font jamais dans l'originalité. Ils sont presque lassants à force.
— Comment ça peut ne plus te toucher ? Je suis vraiment le seul de nous deux à me sentir aussi... humilié ?
— Je les laisse plus faire. Ils disent que je suis pédé ? Guest what, c'est vrai. Enculé ? Vrai aussi ! J'aime la bite ? J'aime surtout la tienne, mais dans l'absolu oui.
Ça a le mérite de faire rire Galahad.
— J'aimerai vraiment qu'il en soit autrement, mais il faut encaisser et surtout, ne pas baisser la tête. Être plus fort et plus digne qu'eux.
— Ne pas se laisser atteindre.
— C'est ça. Et j'aime aussi me dire que ce sont juste des jaloux, j'ajoute avec un sourire.
Il hausse les sourcils, dubitatif.
— Jaloux parce que je suis plus canon que leurs copines ?
— Entre autre. Mais ils peuvent aussi être jaloux parce que je suis beau, intelligent, talentueux et exceptionnellement drôle, je précise avec une fausse fierté.
— Et modeste, complète Galahad, les yeux pétillants de malice.
— Et modeste, je répète.
— Embrasse-moi.
— Sérieux ?
Je regarde autour de nous, c'est vrai qu'il n'y a pas grand monde. Juste des gens qui passent pour entrer et sortir du bâtiment sans faire attention à nous.
— Dépêche-toi avant que je change d'avis.
Je ne me fais pas prier davantage. Ses lèvres sont douces, comme toujours, et fraîches à cause de la température extérieure. Sa main se pose sur ma joue avec tendresse. Notre baiser ne dure que quelques secondes, mais me laisse avec le sourire. Galahad se relève, récupère son sac et me fait remarquer qu'avec cette histoire, on n'a pas eu le temps de bouffer. Je lui propose d'aller squatter la salle d'éco qui doit déjà être ouverte.
J'aime pas trop ta voix
Tu chantes un peu faux
T'y arriveras pas
Va faire tes vidéos
Et de toute façon, si les gens t'aiment bien
C'est pas parce que t'es bon
T'as une wig, t'es gay, fin
Et qu'ils me les lancent, ces mots qui blessent
Jamais je ne baisserai la tête
Je reste fort et je me répète
Encaisse les coups
C'est tous des jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux, jaloux
Moi je m'en fous
De toutes ces choses qu'ils me disent
C'est juste des jaloux
Jamais comblés, toujours à critiquer ces jaloux
Des jaloux
Après le dîner, Nathan s'est proposé de faire la vaisselle et c'est suffisamment rare pour être noté. En même temps, dans mon petit appart parisien d'à peine 10 m2, je n'ai pas vraiment la place d'entasser de la vaisselle. Une fois que l'évier est plein, il faut remonter ses manches. Quand je suis seul, j'arrive à ne pas la faire à chaque repas mais dès qu'on est deux, pas d'autre choix que de la faire au fur et à mesure.
Je m'installe confortablement sur le canapé-lit, un coussin sous la tête, et j'attrape mon ordinateur glissé en dessous. J'ai posté une nouvelle BD sur ma page Facebook et sur Insta ce matin, alors que Nathan dormait encore. Elle était finie depuis hier, mais il fallait que je prenne le temps d'écrire un petit texte avant de la partager. C'était pas grand chose, une dizaine de cases sur une petite frayeur qu'on a eu avec Nathan quand on rentrait après le nouvel an.
Il était 4h du mat, on marchait pour retourner à mon appartement, il était vraiment bourré et il parlait super fort dans la rue. C'était un mec tout seul, qui devait rentrer de soirée lui aussi. C'était juste quelques insultes et beaucoup de mépris, ce gars n'a pas cherché la confrontation physique et est vite parti de son côté, mais disons que ça n'aide pas à se sentir en sécurité dans la rue. Et c'est aussi une manière particulière de commencer la nouvelle année.
J'en ai fait une note pour montrer que l'homophobie est partout et que ce n'est pas forcément que des agressions physiques. J'ai eu les jetons à cause des insultes d'un mec tout seul, même pas baraqué, contre qui j'aurais pu physiquement avoir le dessus. C'est comme si j'étais conditionné. Je sais que la rue n'est pas à moi, que je n'y ai pas ma place. Quand j'occupe l'espace public, c'est moi qui suis en tort. Et c'est pas le fait d'être arabe qui arrange les choses. Au contraire, on présuppose toujours que je suis l'agresseur et qu'il est impossible que je sois la victime.
Oula.
Je ne m'attendais pas à avoir autant de notifications sur Facebook. Ça fait même pas deux heures que le strip est en ligne et il y a déjà des centaines de partages ! C'est rare qu'une BD explose si vite. Sur Instagram, c'est plus calme, la portée est similaire à d'habitude.
Je parcours les commentaires Facebook. Beaucoup de personnes qui expliquent se retrouver dans mon strip, mais surtout beaucoup, beaucoup de gens qui n'ont rien à faire dans mes commentaires. Qu'on soit clairs, je suis plus ou moins habitué aux vagues de harcèlement, elles vont et elles viennent irrémédiablement, mais je ne m'attendais pas à déchaîner les foules sur un sujet aussi basique.
Tu dessines mal
C'est n'importe quoi
Fragile !!!!
putain c pas ça l'homophobie ! tu vas voir on va te casser la gueule tu verras ce que c'est !
stop la victimisation quoi
Retourne dans ton pays si t'es pas content ! tu verras ce que c'est la VRAIE homophobie !
pd
va crever
Je suis gay, et je n'approuve pas du tout cette victimisation. Des cons, il y en a partout. Dans cette situation, il n'y avait absolument aucun risque. Pendant ce temps, il y a des jeunes qui se font virer de chez eux.
en arabie saoudite, ils balancent les pédé des immeubles
t'es en PLS !
satan
ton mec ressemble vraiment à ça ? il est super moche, comment tu peux sortir avec un thon ?
Himmler tu nous manques
— Ça va ?
Nathan me tire de ma lecture, je relève la tête de mon écran, un peu surpris.
— Tu tires une de ces tronches, explique-t-il en essuyant la casserole.
— Désolé, je me rendais pas compte.
— T'excuses pas, il se passe un truc ?
Je soupire, retourne à ma page Facebook. Ça va me prendre des heures de supprimer toutes leurs merdes. Je ne vais quand même pas laisser ça en ligne.
— C'est rien. C'est juste que j'ai posté mon strip et que j'ai une vague de connards. J'ai dû être partagé sur une page d'extrême droite ou quelque chose comme ça, ils sont tous arrivés en masse. C'est assez dégueulasse, comme tu t'en doutes.
Nathan s'essuie les mains et délaisse la vaisselle à moitié faite pour venir à côté de moi. Je lui fais une place et lui montre le résultat. Je vois ses yeux parcourir rapidement la partie commentaires.
— Ah ouais, c'est chaud.
— Comme tu dis. En plus, sur une petite BD pas super engagée. Même ma note sur le don du sang, elle a pas reçu autant de commentaires de merde.
— Mais c'est moins que celle sur la GPA.
Je ris jaune et confirme :
— Je crois pas que ça puisse être pire que celle sur la GPA.
A cause de celle-là, j'ai dû me déconnecter pendant une semaine de tous mes réseaux sociaux, me mettre en privé sur Twitter et demander à des potes de m'aider à modérer tout ce bazar. Ma BD témoignage sur le racisme dans une soirée gay aussi avait fait des émules, mais c'était resté très intra-communautaire.
Je n'attends pas davantage pour commencer à supprimer les messages à la chaîne. À force, j'ai l'habitude. Quand j'en ai un vraiment salé, je screen avant de le virer, mais sinon je suis en mode automatique.
Nathan passe son bras autour de mes épaules.
— Tu es sûr que tu veux faire ça toi-même ? Je peux m'en occuper, si tu veux.
— T'inquiètes.
Il m'embrasse sur la joue.
Srx c trop moche tes dessins. Tas des likes que parce que t gay. Ta zéro talent.
Tiens, c'est nouveau ça. Je ne peux retenir un petit rire. Nathan se penche pour mieux lire, je tourne mon ordi pour lui montrer.
— T'as des likes que parce que t'es gay, lit Nathan à voix haute. Il a craqué son slip lui.
— Non mais t'as pas compris, j'aime tellement recevoir des insultes homophobes et des menaces de mort. Ça me rapporte un max de likes !, j'ironise en supprimant le commentaire concerné.
— Tu fais ça pour l'argent de toute manière, complète Nathan d'un air faussement sérieux.
— J'ai tellement de thunes, si tu savais. Je vis dans un appart de merde avec du moisi au plafond pour faire genre, mais en vrai je suis plein aux as.
On éclate de rire. C'est un rire un peu nerveux, il faut dire que je suis pas au mieux de ma forme à cause de toutes ces horreurs. Mais ça fait quand même du bien de se détendre. Nathan me prend l'ordinateur des mains.
— T'as quand même max de jaloux dans tes commentaires. Ils sont là à critiquer ton trait mais eux ils en sont encore aux bonhommes bâton. Et ils sont aussi jaloux de ton mec qui est magnifique et stylé, même bourré. Je ressemble vraiment à ça quand je suis pété ? Tu m'as fait des cernes énormes !
Je souris, ferme l'ordinateur en manquant de lui pincer les doigts.
— Tu es tout le temps beau, même quand tu manques de me vomir dessus.
— Encore désolé pour ça...
Ça ne me dérange pas de jouer les capitaines de soirée, c'est pas non plus souvent. C'était le nouvel an, il avait bien le droit de se lâcher. Et heureusement, il ne m'a pas vomi dessus. Juste sur le trottoir.
— Mais oui, ils sont jaloux de mon talent de dessinateur et de mon mec trop chou.
Je l'embrasse et pousse le portable un peu plus loin sur le canapé. Les baisers de Nathan sont les meilleurs du monde, j'ai de la chance d'avoir un petit ami aussi doué. Je dévie sur sa mâchoire, puis dans son cou. Je l'enlace et essaye de l'attirer un peu plus vers moi.
Malheureusement, Nathan n'est pas très concentré sur mes attentions.
— Kevin72 n'était pas d'accord avec toi, il a dit que j'avais des bourrelets mal dessinés.
— Et si tu oubliais Kevin72 ? Tu vois pas que j'essaye de te chauffer ?
— Oh ?
Il éclate de rire et se jette littéralement sur moi. Je laisse échapper un cri sous la surprise. Je me retrouve écrasé par Nathan qui essaye de couvrir mon visage de baisers. C'est n'importe quoi. Je ris aussi.
J'ai oublié les commentaires Facebook, ça attendra. Que les jaloux jalousent, j'ai mieux à faire. Retirer le t-shirt de mon copain par exemple.
Jaloux, jaloux, jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux
C'est tous des jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux, jaloux
Moi je m'en fous
De toutes ces choses qu'ils me disent
C'est juste des jaloux
Jamais comblés, toujours à critiquer ces jaloux
Des jaloux
Je m'attendais à ce que retourner à Henri IV soit étrange et déstabilisant, je n'imaginais pas à quel point. J'ai vécu huit années entre ces murs, ce n'est pas rien. Je connais chaque salle de cours, chaque couloir, chaque recoin. Ce collège et lycée, c'était toute ma vie. La nostalgie me submerge. J'aimerais avoir à nouveau treize ans et m'asseoir sur les marches du bâtiment des sciences avec Cass et Arty pour râler ensemble sur notre professeur de physique-chimie. Ou dix-sept ans pour retrouver Min-Jae dans le couloir souvent désert, à côté de la salle de SI.
Alors que je traverse le cloître, je croise Monsieur Thomas, mon ancien professeur de russe. Il me reconnaît immédiatement et ne cache pas sa surprise.
— Galahad ? Je ne m'attendais pas à vous recroiser de sitôt ! Comment allez-vous ? C'est un plaisir de vous revoir.
— Bonjour professeur, c'est un plaisir partagé. Je vais très bien merci.
Nous nous serrons la main, événement assez inédit pour être souligné. Je ne suis plus son élève, il n'est plus nécessaire de maintenir une distance entre nous. J'ai toujours aimé ce professeur, depuis mon entrée en 6e jusqu'à l'option russe que j'avais choisie pour le baccalauréat.
— La dernière fois que je vous ai vu, vous étiez en HX1 si je ne m'abuse ?
— Oui, j'ai fait ma première année ici, et ma deuxième à Stanislas. J'ai intégré CentraleSupélec l'an dernier.
— Une très bonne école, même si je maintiens que vous auriez dû faire des lettres !
Je ris, c'est vrai qu'il faisait partie de ces professeurs à m'encourager vers une inscription en hypokhâgne plutôt qu'en maths sup. Il est le même que dans mes souvenirs, avec son regard bienveillant et son crâne dégarni.
— Qu'est-ce qui vous amène ici ?
— Le professeur Foliot ne peut pas assurer ses colles aujourd'hui, elle a sollicité d'anciens élèves et il se trouve que j'étais disponible.
— Je vois, je ne vais pas vous mettre en retard alors. Mais n'hésitez pas à repasser à l'occasion, je serai ravi de vous écouter me raconter où vous en êtes. Et ce serait l'occasion de vous pousser à pratiquer un peu le russe, j'imagine que vous n'avez plus trop le temps maintenant. C'est dommage, vous aviez un très bon niveau.
— Je le parle un peu avec Victorine. Néanmoins oui, je crains d'avoir perdu beaucoup de vocabulaire.
— Votre sœur était douée aussi, je continue à la croiser de temps à autre.
— Oui, elle est en khâgne ici.
— Mais allez-y, vous allez finir par être en retard. En tout cas, passez mes amitiés à vos parents.
— Je n'y manquerai pas.
Je prends congés avec un dernier sourire et presse le pas. J'étais ravi de discuter avec monsieur Thomas, j'adore revoir mes anciens professeurs, mais je suis attendu par les élèves de première année pour leur colle sur les matrices. J'arrive au quatrième étage essoufflé, mes trois collées, deux jeunes femmes et un garçon, sont postés dans le couloir. Ils me regardent avec des grands yeux étonnés.
— Votre professeure est absente ce soir, je la remplace.
La salle est fermée et évidemment, je n'ai pas les clés. Je m'apprête à aller frapper à la salle voisine lorsqu'une fois familière m'interpelle.
— Salut Ravel, ça fait longtemps ! Foliot m'a dit de t'ouvrir la salle, t'inquiète.
Je me retrouve face à Maximilien et affiche mon plus beau sourire hypocrite. S'il y a une personne que je n'avais pas envie de revoir, c'est bien lui. Mais il agite les clés dont j'ai besoin. Je tends la main.
— Merci à toi. J'ignorais que tu collais ici.
Il ne me donne pas les clés et s'avance pour ouvrir lui-même. Je suis contraint de me décaler pour le laisser faire. Je fais signe aux élèves d'entrer, ce qu'ils font sans se faire prier.
— Je fais les colles de chimie depuis le début de l'année. Comme je suis à l'ESPCI, c'est vraiment la porte à côté. Tu es où toi déjà ? Tu voulais l'X dans mes souvenirs.
Il sait très bien que je n'ai pas eu Polytechnique, mais je reste imperturbable.
— Centrale Paris.
J'entre dans la salle de cours, espérant qu'en me voyant m'installer, Maximilien s'en aille de lui même. Évidemment, il n'en est rien, il me suit. Au tableau, les élèves séparent le tableau en trois parties.
— Ah oui, j'avais oublié. C'est pas là qu'est aussi allé le chinois ? Tu le vois toujours ?
Je fais volte-face plus vite que je ne l'aurais voulu. Il me cherche, je dois absolument garder mon sang froid. J'essaye de garder à l'esprit que nous ne sommes pas seuls. C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle Maximilien affiche un large sourire. Il veut m'humilier et c'est toujours beaucoup plus amusant en public. Quand je pense que nous avons été amis. Comment j'ai pu être aussi stupide ?
— En effet, Min-Jae est bien à Centrale avec moi.
Je décide de ne pas répondre à sa provocation. Je souhaite seulement qu'il parte. Il se dirige heureusement vers la sortie. Il joue avec les clés, créant un bruit absolument insupportable. Je distribue à les trois exercices au hasard à mes élèves.
— Donc vous vous voyez toujours. C'est bien ce qu'on m'avait raconté, je me demandais si c'était vrai. Enfin ne t'inquiète pas, ça me pose aucun problème que tu aies tourné pédé. Je trouve juste que tu aurais pu choisir mieux que le chinois.
Je rêve où il vient de m'insulter devant mes élèves ? Le bruit des craies sur le tableau s'est arrêté. Je crois qu'ils ont même cessé de respirer. Je perds immédiatement mon sourire. Qu'est-ce que je fais ? Je nie ? Je lui hurle dessus pour qu'il sorte de ma classe ? Je fais comme si je n'avais pas entendu et je lui demande gentiment de partir ? Alors que je réfléchis, cela laisse l'occasion à Maximilien de continuer en ricanant.
— Tu me diras, c'est vrai que tu étais quand même un peu dans le social. La charité chrétienne sans doute.
— Tu es juste jaloux.
C'est sorti tout seul. Tu cherches à me rabaisser ? Alors on va jouer. Mais je ne baisserai pas la tête. Pas cette fois. J'opte pour ce que Min-Jae appelle ma « resting bitch face ».
— J'imagine que c'est une manière maladroite de draguer. Je suis flatté, mais je ne suis pas intéressé. Mais si tu cherches à rencontrer des hommes, je te conseille de télécharger Grindr.
Il ouvre la bouche pour répliquer, je ne lui en laisse pas l'occasion et j'enchaîne en m'avançant vers lui pour le pousser dans le couloir.
— Maintenant monsieur Corre, je vous remercie d'avoir ouvert la salle, mais j'ai une colle à donner. Je vous invite donc à quitter ma classe et à redescendre au rez-de-chaussée où évoluent les chimistes pour laisser les hautes sphères de ce lycée au noble art des mathématiques. Bonne fin de journée.
Je claque la porte sur ces derniers mots, les mains légèrement tremblantes. Punaise, ça fait un bien fou. Je le vois me faire un doigt d'honneur à travers la longue fenêtre qui donne juste le couloir, mais il ne reste pas et s'enfuit dans les escaliers. Je crois que j'essayerai de sortir par le collège à la fin de la colle. Mieux vaut éviter de le croiser ce soir.
— C'est bien envoyé, monsieur.
Je me retourne avec le visage le plus inexpressif possible, en priant pour ne pas avoir les joues rouges.
— Je peux savoir ce que vous attendez pour commencer votre exercice ? Ces matrices ne vont pas se faire toutes seules.
Heureusement que ma venue est exceptionnelle et que je ne reviendrai pas donner d'autres colles. Mon nom n'est pas sur l'emploi du temps puisque je remplace madame Foliot, je n'ai pas de souci à me faire. Cette histoire va faire le tour du quatrième étage avant la fin de la semaine. J'éprouve une grande satisfaction à l'idée de ne pas être celui dont la réputation souffrira le plus. Après tout, c'est lui qui donne des colles dans ce lycée.
C'est tous des jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux, jaloux
Jaloux, jaloux, jaloux
**********
C'est fini ! J'espère que vous avez aimé ^^
N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, ça fait toujours plaisir et ça me motive à continuer <3
Dites-moi si vous aimez bien quand je fais des petites nouvelles à côté de l'histoire principale !
A bientôt pour de nouvelles histoires !
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