Chapitre 20. Douce revanche, exquise extase
(mercredi 19 juillet 2023)
— Ambre, réveille-toi. Tu vas être en retard.
Je sursaute en sentant les mains d'Antoine sur mes épaules et son souffle chaud dans ma nuque.
— Gné ?
Je le repousse et me redresse d'un coup dans le lit, mais une raideur me stoppe net en m'arrachant un gémissement de douleur. Super, un torticolis. C'était forcé que ça finirait par arriver, à trop tirer sur la corde. Je ne suis plus qu'une boule de nerfs, plus épuisée après, qu'avant les vacances. Les travaux m'ont complètement vidée de mon énergie.
— Quelle heure est-il ?
Je tressaille en frottant mon cou.
— Sept heures trente. Viens par là, je vais te masser, ça va te soulager.
Oh punaise ! Je n'en crois pas mes oreilles. Il m'est tellement dévoué depuis quelques jours. Pire que Dobby, l'elfe de maison. Il tente de rétablir le dialogue depuis notre dispute de la semaine passée, bien que je ne sois pas spécialement coopérative.
— Non merci, je n'ai pas le temps. Il faut que je m'active, j'ai un rendez-vous à huit heures trente avec monsieur Schneider. Si jamais je suis en retard, il va encore me taper un scandale. Déjà qu'il m'a gonflée la dernière fois pour à peine deux minutes. Sans omettre ses réflexions déplacées...
— N'exagère pas, il n'est pas si pénible que ça, seulement très exigeant.
— Bravo ! Merci le soutien, je le cingle en le fusillant du regard. Ce n'est pas parce qu'il est plein de pognon qu'il peut tout se permettre, je te signale !
Je quitte la chambre en trombe pour aller me préparer un café que j'avale en deux minutes top chrono, puis je file sous la douche. À peine quelques minutes plus tard, je déambule dans le dressing en quête d'une tenue appropriée pour un rendez-vous avec un homme aux manières discutables. Malheureusement, je n'ai ni cotte de mailles ni morgenstern. C'est regrettable.
— Tu es si belle, ma puce, me chuchote Antoine en m'enveloppant de ses bras.
— Bon sang, mais tu le fais exprès ou quoi ? je râle en me dégageant de son étreinte. Je te dis que je ne dois surtout pas être en retard et toi tu ne songes qu'à me tripoter. Tu cherches à m'énerver ou quoi ?
Antoine me fixe, le sourire aux lèvres, et me dévisage d'un œil pétillant. Oh, fichtre ! En fait, ça l'excite que je me rebiffe.
— N'y pense même pas ! Allez, oust !
— Dommage, j'aime bien cette nouvelle facette de toi.
Ce mec est complètement tordu.
***
Nous arrivons au cabinet à l'heure. Je traverse le hall comme une furie, saluant très brièvement Sofia sans m'arrêter. Obnubilée par mon besoin d'avaler un café, je fonce vers l'espace détente et percute une personne en chemin qui surgit de nulle part. Victoire. Il ne manquait plus que ça.
Je la foudroie du regard sans même prendre la peine de m'excuser tandis qu'elle pince les lèvres en fronçant les sourcils. Quelle petite peste ! Une brusque envie de la gifler me démange, mais heureusement pour elle, je suis encore en mesure de me canaliser. Pour le moment, du moins. Je poursuis mon chemin et récupère un café bien noir avant de me retirer dans mon bureau.
Deux heures plus tard, monsieur Schneider quitte le cabinet, très mécontent. Il a épuisé mon quota de patience et, bien que le client soit roi, j'ai fini par lui expliquer que je n'étais pas une faiseuse de miracles et qu'il faudrait bien qu'il lâche un peu d'argent à l'État. Il est possible que j'aie un peu trop haussé le ton pour être sûre qu'il comprenne bien le message. Et puis zut à la fin ! Ce n'est tout de même pas de ma faute si ce vieux margoulin s'est fait épingler pour fraude fiscale à force de magouiller. Plus le temps passe et plus j'envisage sérieusement une reconversion professionnelle, auquel cas, je risque de finir en zonzon pour meurtre avant d'atteindre l'âge de la retraite.
À peine a-t-il franchi le seuil de mon bureau que je claque la porte en baragouinant quelques insultes désuètes pour évacuer tout le stress accumulé. Je me laisse choir dans mon fauteuil en soupirant et fixe l'agitation de la ville à travers la fenêtre.
Des emmerdeurs comme ça, il n'en faudrait pas deux dans une journée !
Quelques instants plus tard, la porte s'ouvre sur Antoine qui prend soin de verrouiller la serrure derrière lui. Je me lève, prête à le mettre dehors, mais il fond sur moi, me plaque contre le bureau et m'embrasse avec la même fougue que celle des débuts de relation. Surprise par ce brusque assaut passionnel, je le bouscule et m'écarte de lui, attisant l'envie dans ses yeux. Qu'est-ce que je disais déjà à propos des emmerdeurs ?
— Le consentement, ça te parle ?
— Dois-je te rappeler qu'il y a encore quelques semaines, tu te jetais sur moi dans la salle des archives ? s'offusque-t-il.
Mufle ! Certes, c'est vrai, mais c'était avant que je découvre le pot aux roses.
— Et alors ? Ce n'est pas parce que j'en avais envie à ce moment-là que c'est toujours le cas aujourd'hui. Rien n'est acquis dans la vie, Antoine.
Il grimace, vexé comme un pou. Eh oui, Casanova. Ta petite pétasse dit peut-être amen à tous tes désirs, mais en ce qui me concerne, tu peux te brosser désormais. Quoique... Une idée me traverse soudain l'esprit. Puisqu'il semble si enthousiaste à l'idée de me posséder, et si je le laissais profiter de mes charmes une dernière fois ? Le coup porté à son ego n'en sera que plus violent. OK, c'est un peu vicieux comme raisonnement, mais il le mérite bien après tout. Depuis des semaines qu'il me prend pour une idiote, j'estime que c'est un juste retour des choses.
Je lui adresse un sourire enjôleur et l'attrape par la cravate pour l'attirer vers moi. Son visage est si près du mien que je peux sentir son souffle mentholé. Il s'empare à nouveau de ma bouche. D'une main, il saisit ma nuque et de l'autre il colle mon bassin contre le sien. Tiens donc, monsieur est d'humeur coquine. Je laisse échapper un petit gémissement aguicheur contre ses lèvres, tout en griffant son torse à travers sa chemise. Antoine tressaille et je le repousse alors sans ménagement.
— Stop. J'ai du boulot.
— Tu es une vraie sadique, chérie.
Tu n'as pas idée... je pense en lui adressant un sourire provocant.
***
Quand je rentre au loft en fin de journée, je découvre avec effarement qu'Antoine m'a préparé une surprise. Les volets sont fermés et des bougies éclairent le séjour. Un bouquet de fleurs de lys au parfum entêtant trône sur le comptoir et la table a été dressée ; des notes de jazz retentissent entre les murs. Antoine apparaît dans mon champ de vision, le sourire aux lèvres, visiblement ravi de me retrouver.
— Enfin, tu es là, je commençais à m'inquiéter.
— Quelle idée, voyons. Je t'avais prévenu que j'avais une course à faire avant de rentrer.
Je me débarrasse de mon sac et de mes escarpins. Habituellement, cela m'apporte un certain soulagement en fin de journée. Or, cette fois-ci, c'est tout le contraire. L'appréhension me gagne, mon estomac s'entortille. Antoine dépose un baiser sur mes lèvres et m'entraîne avec lui dans le séjour.
— Je nous ai commandé un repas léger pour ce soir. Tout ce que tu aimes, ma puce. Salade de tomates, pastèque et fêta au basilic avec des brochettes de gambas marinées et entremets aux fruits de la passion, le tout accompagné de champagne.
J'en reste bouche bée et salive d'avance en découvrant le menu, puisqu'il ne s'est pas trompé. Ce qui ne manque pas d'activer mon alerte mentale. Juste ciel ! Où est passé Antoine 1.0 ? Mon esprit s'embrouille, j'en viendrais presque à douter. J'ai bien dit presque, car bon... faut pas déconner non plus. Certes, il est en train de se métamorphoser en l'homme presque idéal, dont j'ai secrètement rêvé si longtemps, mais c'est trop tard. Il m'a trompé et il n'agit de la sorte que parce qu'il doit sentir que je m'éloigne. Ou bien il est attiré par les garces. Vu mon comportement envers lui ces dernières semaines, cela expliquerait pourquoi il s'enflamme derechef pour moi.
Le dîner est délicieux et le champagne bien frais me désinhibe doucement. Je me laisse aller à des démonstrations d'affection et des minauderies qui ne manquent pas d'attiser la passion dans les prunelles d'Antoine. Je ne peux nier qu'un combat intérieur se joue en moi, car, à l'évidence, mon corps éprouve encore du désir pour cet homme. Autrefois, l'alchimie entre nous était telle qu'il m'était impossible de lui résister, tant il était doué pour m'envoyer au septième ciel, et, à cet instant, les réminiscences de ces moments de plaisir ravivent l'envie en moi.
Le repas terminé, je fais traîner un peu les choses en longueur et mets de l'ordre dans la cuisine. Une infime part de ma volonté n'est pas tout à fait certaine de vouloir céder. Antoine se glisse derrière moi et m'enlace en m'embrassant dans le cou.
— Je vais devoir m'absenter deux jours pour plaider à Carcassonne avec Xavier. On décolle tôt demain matin.
— OK, et ?
— Avant de partir, j'ai très envie de profiter de ma femme, me souffle-t-il à l'oreille d'une voix profonde et terriblement excitante.
Oups, on y vient. Il est temps de passer à la casserole. Et je compte bien lui offrir une nuit de rêve qui lui fera regretter un moment de m'avoir trompé.
Ses lèvres effleurent mon épaule dénudée, ses doigts frôlent mes bras et je frissonne de la tête aux pieds. Il m'attire contre lui et la température monte d'un cran entre nous à mesure que ses mains glissent sur ma peau. Je me retourne pour lui faire face, soutiens son regard quelques instants. Son sourire à la fois tendre et sexy allume la petite étincelle qui met le feu à mon être. La tension grandit au creux de mes reins. Il me soulève et me dépose sur le plan de travail, se faufile entre mes cuisses qu'il empoigne fermement tout en m'embrassant lascivement. Mon pouls s'emballe tandis que mon corps réclame le sien. Putain d'alchimie ! Bon sang ! Il est fort, ce con !
***
Je me réveille brusquement, les sens en alerte. Il n'est pourtant que quatre heures du matin. Antoine dort paisiblement contre moi après avoir juré de plaisir et d'amour entre mes cuisses jusque tard dans la nuit. J'ai quand même été gentille de lui offrir un dernier moment d'extase en guise de cadeau d'adieux. J'aurais tout aussi bien pu lui rayer sa voiture, l'inscrire sur des sites pour adultes en quête de parties fines ou encore l'afficher sans scrupules auprès de nos collaborateurs. Cela dit, j'ai passé l'âge pour ce genre de bêtises. Je suis une femme responsable, prête à prendre un nouveau départ dans la vie.
La porte de la chambre s'entrouvre et Tanit vient quémander des caresses au creux de ma main qui pend au bord du lit. Des vibrations attirent mon attention et le portable d'Antoine s'éclaire sur sa table de chevet. Je ne me fais aucune illusion quant à l'identité de la personne qui cherche à le joindre en pleine nuit. J'ose toutefois jeter un œil par-dessus son épaule et mes certitudes se confirment en voyant apparaître un prénom sur l'écran. Victoire. Les midinettes, ça ne dort pas la nuit ou quoi ?
Je me laisse retomber lourdement à ma place et toute la rancœur tapie au fond de mes tripes depuis des semaines ressurgit brutalement. Je tremble de rage sans pouvoir me contrôler et ne peux retenir mes larmes tandis que mon pouls bat à tout rompre jusque dans mes tempes. Encore somnolent, Antoine me serre contre lui en marmonnant des mots d'amour dans mon cou qui me font l'effet d'un coup de poignard en plein cœur. Si quelques heures auparavant nous partagions une exquise extase, le retour à la réalité est plutôt violent. Il m'a bafouée, menti, trompée. Jamais je ne pourrais lui pardonner sa trahison.
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