Les cloches de l'église sonnent. Assis sur les marches menant aux larges portes du bâtiment, deux adolescents observent le ciel bleu. Il fait beau, le printemps vient d'arriver et le soleil illumine le clocher de ses rayons. 

Lewis – Dis, tu crois que le vieux cerisier du bout de la rue va fleurir cette année ?

Jack – Peut-être. Peut-être pas. Cela fait des années qu'il reste planté là-bas, entre deux pavés mousseux. Un jour, il s'endormira et sombrera dans une nuit sans étoile. 

Lewis – La mort ?

Jack – Non, la fin. 

Lewis – C'est quoi : "la fin." ?

Jack – C'est quand tu quittes ton corps pour aller te balader entre les nuages. 

Lewis, avec un haussement d'épaule – Je ne vois pas la différence.

Jack – Pourtant, il y en a une.

Lewis – Lorsque l'on meurt, nos âmes rejoignent notre Père créateur. Il faut toujours être bon et altruiste pour avoir le droit d'aller au Paradis. 

Jack – Dans la fin, il n'y a pas de Dieu, pas de nouveau ciel ... Pas de Paradis. 

Lewis – Où vont les fidèles alors ?

Jack  – Ils disparaissent, tout simplement. 

Lewis – Tout simplement ?

Jack – Tout simplement. 

Lewis regarde son ami avec surprise. Ses mains tripotes nerveusement le petit collier en or qui pend autour de son cou. 

Jack  – Tu as peur du néant, Lewis ?

Lewis – Je... Je ne sais pas. 

Jack  – C'est beau, le néant, l'absence de toute chose, le rien à l'infini. C'est comme un gouffre immense, sans début ni fin. Le vide total. Le vide...

Lewis  – C'est impossible ! Cela n'existe pas !

Jack  – Tu en es sûr ?

Lewis – Dieu n'aurait jamais créé un tel lieu ! Les fidèles le rejoignent au Paradis, les prêcheurs sombrent en Enfer. C'est ainsi, ça ne peut pas être autrement. 

Jack – Mais, est-ce vraiment juste ?

Lewis – Juste ?

Jack – Pourquoi les criminels devraient-ils aller en Enfer ?

Lewis – Parce que leurs actions sont contraires à la vertu et aux bonnes mœurs que notre Seigneur a fixé.

Jack, avec agacement  – Tu ne fais que réciter ce que ces vieux prêtres sans cervelle te disent, Lewis ! Dis-moi ce que tu en pense toi ! 

Lewis – Moi ? Je pense qu'ils méritent d'aller en Enfer parce que ce qu'ils ont fait est mal. 

Jack – Qu'est-ce que tu en sais toi, de ce qui est bien ou mal ?

Lewis, avec hésitation – Ben... tout le monde le sait, c'est comme ça. 

Le jeune homme hausse les épaules et lève son visage blafard vers le ciel éclatant.

Jack – Et si le mal n'était pas vraiment ce que l'on croit ?

Lewis – Pardon ?

Jack – Si on se trompait ? Si le bien était en fait le mal ? Si le mal était le bien ?

Lewis, inquiet – Tu es bizarre, Jack. Tu es sûr que ça va ?

Jack – Bizarre ? Pourquoi tous ceux qui cherchent la vérité sont-ils méprisés, montrés du doigts, lynchés ?

Lewis, en portant sa main au front de son ami – Tu dois avoir de la fièvre.

Jack, en le repoussant furieusement  – De la fièvre ? Oh oui, je suis souffrant ! Malade de doutes, infecté par cette incompréhension qui me ronge le cœur. Je suis fiévreux, je brûle de l'intérieur. Je me consume dans l'indifférence !

Lewis, se levant brusquement paniqué  – Ne t'inquiète pas, Jack, je vais aller chercher le Père Henri.

Jack, en le rattrapant brutalement par le bras   – Non ! Par pitié, ne me laisse pas là, ne me laisse pas avec lui ! Je n'en veux pas, je n'en peux plus ! Ne m'abandonne pas entre les mains de ce monstre.

Lewis, avec horreur  – Tu divagues, tu perds la tête mon pauvre ami. Il faut te soigner. Le Diable semble s'être emparé de ton esprit, mais Dieu ne lui donnera pas ton âme. 

Jack, riant désespéré  – Le Diable ? Oh, mais tu ne comprends pas, Il  ne me fera pas de mal. Il  me protège, Il  m'aide à oublier, à sécher mes larmes. Jabberwocky voit tout, Il  sait que mon âme est fanée. 

Lewis, pétrifié  – Le Jabberwocky ? Seigneur, libéré-le de ses démons ! Quel est cette chose infernale que tu sembles si bien connaître ?

Jack, avec un sourire froid – Le Jabberwocky, maître de la fin. Le néant.