26- Le retour de Gaspard
Léonard
Il fait chaud en juin. Installé dans une balancelle de toile bleue, j'admire les arbres fruitiers, les fleurs, la végétation dense qui embaume. Difficile de croire que nous sommes en ville, l'endroit est si paisible derrière les grands portails de fer. Les coussins moelleux invitent au repos. Nous venons de rentrer d'un footing, je suis torse nu, en short. Javier est parti me chercher de la crème solaire quand mon portable sonne.
Je regarde incrédule le nom qui s'affiche sans décrocher.
Javier revient avec un plateau, il y a aussi des boissons et son ordinateur, il porte un survêtement gris et tee-shirt rouge. Je l'admire mon petit brun, il a un look de gamin adorable.
Le téléphone sonne à nouveau, mon interlocuteur est têtu, hélas ! J'enfile un tee-shirt et adresse une mimique d'excuse à Javier qui allait me mettre de la crème solaire, avant de décrocher.
C'est mon ex, Gaspard qui appelle en visio.
Je le regarde incrédule, admirant quelques secondes malgré moi, les cheveux blonds épais, le regard décidé, l'allure de l'homme à qui tout réussi et surtout cette énergie qui se dégage de lui à distance.
Ce mec c'est quelque chose. Il n'a pas changé. Il a fait le mort pendant des mois et il rapplique comme une fleur.
Mon côté politique refait surface et je lance la conversation, décidé à ne pas lui montrer combien le revoir m'affecte.
─ Salut, le revenant, tu vas bien ?
─ Salut mec comment vas-tu ? Je te revois quand ?
Nous étions dans la même école tous les quatre. Egal à lui-même, il mitraille toujours les gens de ses directives et de ses questions.
Avant, je n'étais qu'un surdoué solitaire. Nous deux, ça a collé tout de suite. Il est encore plus autoritaire que moi et on passait notre temps à s'engueuler, mais je l'aimais. Il ne rentre que rarement en France, et souvent il trimballe des mignons petits Asiatiques. J'ai tenté plusieurs fois de recoller les morceaux en débarquant chez lui au Viêt-Nam, je ne lui ai jamais manqué !
Javier n'a rien remarqué, il s'est installé sur la table de jardin pour travailler, il nous sert des boissons, pendant que je discute avec Gaspard.
─ Tu n'as pas répondu à ma question, où es-tu ? exige ce malotru.
Il m'énerve à être aussi monsieur j'ordonne. Il avait tendance à décider de tout pour nous deux, ce qui me frustrait souvent.
─ Et toi où es-tu ?
─ Tu ne devines pas ? il tourne son écran et je reconnais le château de Benoit.
─ Tu es en France !
J'ai le souffle un peu court. Je réalise qu'il est enfin rentré.
─ J'aime beaucoup la baraque de Benoit, je crois que je vais rester à demeure !
J'ai suivi vos exploits dans la presse, bravo et vous allez désormais vous attaquer au Groupe Greuner.
Il va être temps d'arrêter de jouer. S'il est en France, les choses vont se compliquer.
─ Tu veux quoi Gaspard ?
─ Rien mon grand, je suis rentré pour des vacances, je serai chez Benoit le week-end prochain. Je compte sur toi ? Surtout, on ira ensemble au gala de l'école ?
─ Je ne pense pas !
─ Mais si ! J'ai envie d'y aller et je veux que tu viennes avec moi. Tu ne m'as pas répondu, tu es où là ? Tu es dans un jardin, chez qui ?
─ Je ne te dirai pas !
─ Benoit et Tanguy disent que tu as l'air mieux, que tu es de bonne humeur et parait-il que tu ne veux plus voyager ?
Je souris malgré moi devant la bande de commères.
─ Mec ! Tu rigoles ! s'amuse Gaspard.
Je vois son doigt sur l'écran, il doit caresser mon visage sur son téléphone. Il me bouleverse à nouveau !
─ J'ai quelqu'un, oui, je songeais à l'emmener chez Benoit peut-être.
─ Tu es chez lui en ce moment ? devine l'inquisiteur.
Je hoche la tête.
─ Montre-le-moi !
Sans réfléchir, et fier de lui, je tourne la caméra vers Javier qui travaille et s'il a entendu la conversation, ne s'en est pas mêlé.
Dans cette tenue, on dirait un ado tellement ces traits sont délicats. Gaspard siffle.
─ Mazette !
─ Javier chéri, approche que je te présente !
Sans un mot, il vient me rejoindre intimidé.
─ Salut toi, crie Gaspard. Attends, il s'appelle comment le jeunot ?
─ Javier et il a le même âge que nous !
─ Encore un J !
─ C'est mon J !
─ Tu l'emmènes à la fête de promo, décrète Gaspard.
─ Je n'y tiens pas, je suis sûr que Rodolphe va l'embêter.
Dans cette école, les traditions de snobisme sont connes et j'ai quelques ennemis, des gars que je ne supporte pas, comme Rodolphe, un putain de surdoué imbuvable, très fort pour rabaisser les autres. Je ne veux pas que Javier souffre sous ses attaques.
─ Emmène le ce weekend chez Benoit, j'ai envie de le rencontrer, exige Gaspard.
─ Je verrais !
─ Je dis à Benoit ce que tu as fait le soir du Nouvel An la dernière année.
Cette année-là, j'ai mis de la colle dans les chaussures de Benoit. C'était très con, un pari que j'ai tenu. Il doit se douter que c'est moi d'ailleurs.
─ C'est du chantage ça !
─ À samedi, mon poto !
Il raccroche en me faisant un signe de la main, encore victorieux. Zut, il faut que je prévienne Benoit et Tanguy.
─ Qu'est ce qu'il s'est passé ? C'était qui ? demande Javier que j'enlace et embrasse machinalement.
─ C'est mon ex-petit ami, et un copain d'école, il est sympa promis. Il vit au Vietnam et il est en France pour quelques semaines apparemment. Je regarde Javier lui caressant les hanches pour le rapprocher de moi.
─ Tu m'as présenté tes copains, il est temps que je te présente les miens. On va y aller ce week-end, tu avais prévu quelque chose ?
─ Non c'est bon, rien de spécial ! OK, mais je les connais tes copains non ? C'est Tanguy et Benoit ?
─ Eux-mêmes !
─ Je ne sais pas si j'ai envie de les voir !
─ Moi, finalement j'ai envie que tu viennes ! Allez hop, tu es à moi ce weekend !
─ Tu es autoritaire, attention !
─ Je t'en supplie, mamour !
Il hoche la tête et glisse déjà sa main sous mon tee-shirt alors que je durcis aussitôt. Plus tard, j'appelle Benoit.
─ Je ne vais pas venir seul ce weekend.
─ Oui Gaspard a dit qu'il venait. On vous mettra ensemble ?
─ Non tu ne m'as pas compris, je viens avec quelqu'un en plus. Gaspard aura sa propre chambre.
Benoit rigole.
─ Ce quelqu'un ? Il aura une chambre à part ou il partagera ta chambre ?
─ Dans ma chambre.
Le lendemain, quand j'arrive au bureau, je constate que Tanguy a déjà été mis au courant par Benoit.
─ Allons bon, tu te décides à nous le présenter, s'exclame Tanguy.
─ Comment vous savez ?
─ Pas besoin d'être détective, tu ne sors plus dans les bars, tu ne gueules plus, tu ne te saoules plus en pleurant ton J. C'est évident que tu as trouvé son remplaçant.
─ Vous verrez ce weekend !
─ Par contre, sportif ou pas sportif, nous faisons le marathon de Nantes, c'était prévu et Gaspard a réussi à obtenir une place pour le faire avec nous, insiste Benoit.
─ Et au fait pour la réunion de l'école ? Gaspard compte sur nous.
─ Tu sais bien que je ne veux pas y aller !
─ On en reparlera.
Je sais déjà qu'avec Gaspard ce sera compliqué.
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