9 - Ne reѕpιre plυѕ
Dans la cuisine, chargée d'un violent parfum de terreur, la casserole éjectée de la plaque de cuisson résonna brutalement contre le carrelage.
Le boucan émit par le métal frappant le sol se répandit à travers l'espace, résonnant le long des murs et dans les autres salles de l'hôtel.
Aussi, son contenu brûlant se déversa en flaque entre les joints des carreaux, rendant chaque déplacement potentiellement dangereux.
Le gaz tournait encore malgré tout, soufflant toujours ses flammes bleu et rouge autour du cercle noir. Puis, le silence tomba comme une enclume sur le précédent brouhaha.
Respirant lourdement, bruyamment et même un peu difficilement, Eijiro avala enfin sa salive après l'avoir retenue entre ses dents tout ce temps.
Quelques gouttes de transpiration glissèrent sur son front, signe de l'effort nécessaire à la mise à mort d'Ochaco, et ses bras tremblaient encore de la sollicitation soudaine de ses muscles.
Néanmoins, il le voyait enfin, ce corps sans vie, inerte et sans barrage, affalé devant lui sur le plan de travail tel un cadeau déjà à moitié déballé.
Cette poitrine qui ne se soulevait plus, ces jambes laissées dans le vide qui ne se débattaient plus, et puis ces yeux ..
Vides, livides, ouverts mais inanimés ..
Tout ça l'appellait à lui comme une tentation divine, une invitation qu'il ne pouvait pas refuser à goûter cette chair encore chaude.
C'est comme ça qu'il les a toujours préférées, avant qu'elles ne tiedissent.
Alors, pour ne pas perdre de temps, sans prendre la peine d'éteindre le gaz qui tournait encore, il pivota simplement sur ses talons pour ouvrir un tiroir, et en sortir son couteau favoris, le plus tranchant, pour lui faciliter la tâche.
Parce qu'il aurait été fâcheux de gâcher la fraîcheur de son dîner avec une découpe trop longue et fastidieuse.
Il se trouvait seul dans cette pièce, Izuku lui ayant laissé le champ libre, et les autres sachant que ce n'était pas le moment de l'importuner. Il avait négocié dur pour faire entrer cette marchandise et se la réserver rien que pour lui.
Maintenant, il était temps de le laisser savourer sa récompense.
Il ne s'inquiétait pas, du reste.
Il savait qu'aucun membre n'oserait venir le déranger, et quand il en aurait fini, s'il restait quelques lambeaux de moindre qualité, il les laisserait ronger les os avant d'aller dormir.
Il était enfin venu, le moment tant attendu de bouffer cette salope qu'il suivait du regard depuis presque deux ans.
A force, il commençait à craindre que sa fraîcheur se tarisse, mais la mission supposément secrète qu'elle et son collègue avaient engagée pour s'infiltrer parmi eux lui avait ouvert le chemin.
_ Laisse moi t'enlever ça. dit il au cadavre d'Ochaco en s'approchant d'elle. Il faut les manger avant qu'ils sèchent, après c'est plus bon.
C'est pour ça qu'il a toujours pris l'habitude de commencer par les yeux.
Néanmoins, pendant qu'il ne s'en rendait pas compte, déjà affairé à ouvrir une encoche sur le coin de ses paupières pour y passer ses doigts et récupérer sa nourriture, il ne pensait pas un instant que le bordel infernal qu'avait répandu la chute de la casserole avait pu faire réagir Denki, depuis le salon principal ...
Pourtant, à quelques mètres de là, attentif à son environnement et à tout ce qui pouvait paraître suspect depuis le début de leur infiltration, Denki perçut le fracas métallique contre le sol de la cuisine, suivi d'un silence étrange.
D'abord, il attendit quelques secondes, pensant entendre une plainte, quelqu'un râler depuis la cuisine pour cet incident.
Rien ne vint, même après une minute.
Alors, fronçant les sourcils tout en se tournant vers le couloir menant à la cuisine, il zieuta les quelques personnes présentes autour de lui, curieux de n'observer aucune réaction de leurs parts.
L'un lisait un livre pendant qu'un autre remplissait une carnet de jeu avec un crayon à papier, et les deux derniers discutaient ensemble comme si de rien n'était.
Et cette absence d'attention interpella son esprit, en même temps que de réveiller une crainte sourde et profonde au dessus de son estomac.
Où était Ochaco ?
Son rythme cardiaque accéléra, ses tempes se gonflèrent et ses oreilles se bouchèrent, faisant résonner les pulsations de son cœur dans son crâne.
Les mains soudainement moites, incapable de rester sur place sans s'assurer que rien de grave ne se produisait, il retint son souffle après une large inspiration, et engagea un premier pas en direction de la cuisine.
Lentement, précautionneusement, il avançait doucement dans le grand salon, les yeux rivés vers sa destination et la poitrine matraquée par une angoisse incontrôlable et insupportable.
Il le sentait comme une évidence, quelque chose d'anormal se déroulait à quelques pas de lui, et son sixième sens s'enclencha automatiquement.
_ Qu'est ce que tu fais ? l'arrêta soudain une voix depuis un fauteuil du salon.
Avalant sa salive avec difficulté, la sentant couler dans sa gorge comme une dose de javel brûlant son œsophage, il interrompit sa marche en serrant les dents, s'efforçant de tenir une posture neutre et confiante au moment de tourner la tête vers Mina.
_ Je vais demander s'il y a besoin d'aide à la cuisine. Je m'ennuie un peu, ça m'occupera.
Il sourit, du sourire le plus pénible et le plus douloureux de sa vie, sentant ses muscles menacer de le trahir d'une seconde à l'autre.
Ses mains ne demandaient qu'à trembler, et ses yeux à se voiler de peur.
Mais il devait tenir bon pour n'éveiller aucun soupçon.
_ Ils ont pas besoin de toi en cuisine, je suis sûre qu'ils ont presque fini.
_ Ça me fait plaisir d'aller demander quand même. En plus j'aime bien participer en cuisine.
Toujours assise sur son fauteuil, Mina le dévisagea durement, le menton légèrement baissé et les yeux agressivement relevés vers lui pour le fusiller du regard.
Les mains sur les accoudoirs, les ongles plantés dans le bois lustré, elle tordit sa bouche d'une grimace dédaigneuse, avant de se relever lentement sur ses jambes.
Comme toujours, ses pupilles dilatées masquaient les lueurs inconnues de ses iris, mais Denki senti la menace parcourir son visage et plonger directement sur ses travers.
Son dos se couvrit de frissons inquiets, son abdomen se contracta dans un réflexe, comme prêt à se battre, tandis que la jeune femme marchait vers lui tel un prédateur enragé.
Ses cheveux colorés lui donnaient tout à coup des aires de folle ou de psychopathe, tombant sur son front plissé en même temps qu'un sourire ironique naissait sur sa bouche.
_ Je te dis qu'ils n'ont pas besoin de toi.
_ Et ? Je peux quand même y aller juste par plaisir dans ce cas, pour discuter, ou-
_ Non, non tu ne peux pas. Tu sais quoi ? Je t'interdis d'aller dans cette foutue cuisine, et tu as plutôt intérêt à ne pas insister davantage.
Sa voix grésillait d'une intonation nouvelle qu'il ne lui connaissait pas jusqu'alors, et les menaces véridiques qu'il entendait au travers de ses mots firent trembler son estomac, sa poitrine, ses épaules.
Il inspira aussi profondément qu'il le pouvait, serra les poings pour masquer les soubresauts qui l'agitaient, et plongea son regard dans le gouffre des pupilles de Mina.
_ Pourquoi ?
Soudain, Katsuki qui se tenait sur un autre fauteuil se leva à son tour, suivit de près par les deux autres occupants de la pièce.
À eux tous, ils s'agglutinèrent derrière Mina, faisant face tous ensemble à Denki dont le souffle se perdait de plus en plus.
Il les vit croiser les bras sous leurs poitrines à l'unisson, et le fusiller du regard, jurant sans parole de ne lui laisser aucune chance.
_ Où est Ochaco ? demanda t-il sans filtre, désormais persuadé que quelque chose de grave arrivait à sa collègue.
_ En cuisine. répondit Mina en souriant.
_ Alors pourquoi je ne peux pas y aller ?
_ Parce qu'elle est très occupée pour le moment.
_ Tu as dit qu'ils avaient presque fini.
Il tentait de toutes ses forces de la mettre face à ses incohérences pour lui faire cracher des informations par inadvertance, tandis qu'une sensation de danger imminent mordait ses os de l'intérieur.
_ Oui. Sois patient, tu pourras bientôt y aller à ton tour.
En les jaugeant les uns après les autres, sentant sa poitrine vibrer d'insécurité et de la conviction qu'il devait intervenir, il serra les dents sans baisser les yeux.
Un par un, il les analysa de près, lisant l'expression de leurs visages menaçants, et cherchant une ouverture dans le barrage qu'ils formaient.
Puis, feintant un soupir, il inclina le menton vers le sol et plongea ses mains dans ses poches.
Mordant sa lèvre, il mima un faux sanglot pour attirer l'attention sur son visage, tandis que ses doigts fouillaient le tissu contre sa jambe.
_ Vous .. Vous me faites peur. Qu'est ce qu'il se passe ? Il y a un problème ?
_ Tout ce que tu as à faire, commença Mina en le regardant de haut, c'est de rester sagement ici en attendant.
_ Tu promets de me dire ce qu'il se passe après ? S'il te plait, tout ça m'inquiète.
_ Je te le dirais.
_ Merci.
Il détentit ses épaules dans un geste contrôlé, et hocha la tête dans un signe de capitulation, avant de se reculer d'un pas pour signifier son abandon.
Derrière Mina, Katsuki haussa un sourcil en décroisant ses bras, puis s'éloigna du groupe en déclarant aller chercher Izuku.
Les deux autres imitèrent son initiative, regagnant leurs places d'origine, alors que seule Mina restait face à lui.
Dans sa tête, il compta jusqu'à trois, serra le manche entre ses doigts dans sa poche, et bloqua encore son souffle au moment de relever rapidement le bras.
Tirant l'arme blanche, dont il venait de déployer la lame dans le mouvement, hors de son pantalon, il ne prit pas la peine de donner le moindre avertissement avant d'attaquer.
Rapidement, parce qu'il ne pouvait pas perdre de temps, il visa le centre de son ventre pour taper directement dans l'estomac, et s'assurer de causer suffisamment de dégâts en le perforant.
L'agression dura une seconde avant qu'il ne sorte l'arme du corps de Mina, dégageant le passage à un filet de sang en même temps qu'elle poussa un cri de douleur et de colère.
Puis, profitant de sa seconde de recul, et du temps de réaction des témoins, il garda son arme bien en main en s'élançant au pas de course dans le couloir.
Il entendait sans peine ses poursuivants lui courir après, et la voix de Mina leur donner des directives depuis le salon.
Mais il força sur ses jambes comme jamais auparavant, donnant plus d'impulsion à ses foulées pour maintenir la distance et ne pas se laisser attraper.
Même s'il n'avait que cinq ou six mètres à faire, sa gorge le brûla très vite, étouffée par un nœud d'angoisse et d'efforts douloureux, jusqu'à qu'il se jette enfin sur la porte entrouverte de la cuisine.
Il y entra comme un buffle, et ralentit sa course folle immédiatement après.
Il ouvrit la bouche pour reprendre son souffle, mais l'air s'arrêta contre ses lèvres, bloquant tout passage à l'oxygène quand ses yeux découvrirent le décor de la cuisine.
Eijiro, là, à quatre pattes sur le carrelage ensanglanté, les mains et la bouche couvertes de sang encore frais, et les dents rougies d'avoir mordu dans le cadavre d'Ochaco, couchée devant lui comme une proie sauvage.
Et elle, les seins nus, le visage privé de ses yeux, les orbites noires et vide, la bouche grande ouverte d'avoir essayé de s'en sortir, et le ventre déchiré sur la longueur pour piocher dedans.
Son coeur s'arrêta.
D'horreur, de dégoût, de culpabilité, de douleur, de terreur. Il crut sentir son corps basculer sous la puissance de la nausée qui brûla sa trachée.
Une marée de larmes qu'il ne pouvait même plus sentir glissa sur ses joues comme une avalanche, un vertige lui attrapa la nuque, ses jambes tremblement.
Il chercha la force de crier, rien n'en sortit.
Et puis, en moins de trois secondes supplémentaires, ses chasseurs le rattrapèrent, débarquant de derrière lui pour emprisonner ses épaules et l'empêcher de bouger.
Finalement, privé de réflexe et d'espoir, il lâcha l'arme dans sa main, la laissant tomber et tinter furtivement sur le sol.
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