Grimper dans son lit
Je pénétrais dans le hall. Il n'y avait pas un seul bruit venant déranger le silence de la nuit. Tout le monde devait dormir à points fermés ou presque vu qu'Antoine venait tout juste de rentrer lui aussi.
Je me glissais rapidement dans mon lit avec un soupir d'aise. Il m'avait manqué celui là ! C'est si agréable ce calme. D'ailleurs ça fait bien longtemps que je n'ai plus entendu parler de l'amulette ou de menaces quelconques, me rendis-je compte en constatant que mon inquiétude s'était apaisée. Cela fait vraiment du bien ! Cette histoire commençait vraiment à me faire peur.
Enfin commençait ...
Soudain le craquement du plancher me fit sursauter.
Je me calmais en me rendant compte que c'était sans doute Antoine qui allait dans sa salle de bain. Mais au bout du quatrième aller-retour, je me posais des questions. Soit il faisait du ménage à minuit et demi. Ce qui était possible ... après tout avec lui on ne sait jamais ! Soit ... je ne sais pas et il fallait que j'ailles voir.
Je balançais mes pieds hors de mon matelas si agréable et les posais à terre. La fraîcheur du sol eût un effet rafraîchissant plutôt agréable. Je me dirigeais discrètement vers la chambre de mon hôte. La porte de sa salle de bain, entrouverte me permit d'entrer silencieusement.
Antoine était assit dans un coin près des toilettes, la tête appuyée contre le mur. Il était bizarrement pâle et la lumière accentuait cette impression. Il semblait dormir, alors je l'approchais en culpabilisant. Si ça se trouve il était malade à cause de mon laxatif. Après tout il était peut-être sensible à ce médicament ... ou alors j'en avais mis trop ... parce qu'après tout on reste rarement près des toilettes pendant la nuit sauf pour une seule raison que je ne vais pas évoquer la tout de suite maintenant.
Je touchais son front du bout des doigts. Il était brûlant. Encore plus inquiète je m'accroupis près de lui pour essayer de le réveiller.
- Antoine, chuchotais-je en lui redressant la tête.
Voyant qu'il ne réagissait pas je réitérais avant de finir par essayer de le lever. Mais à part cogner son front contre le mur. Ma maladresse eut le don de lui faire ouvrir les yeux. Il gémit et sembla perdu durant quelques minutes avant qu'il ne m'aperçoive.
- Qu'est-ce que tu fais là ? grogna-t-il.
- Je t'ai entendu et je suis venue voir comment tu allais. Tu ne veux pas retourner dans ton lit ? répondis-je doucement.
- Non, non ... je dois rester là, murmura-t-il.
- Il faut surtout que tu te reposes. Aller, viens, dis-je en l'aidant à se mettre debout.
Il réussit sans problème à rejoindre son lit, même si au départ il semblait un peu flageolant. Dès qu'il s'allongea, il fut pris d'une quinte de toux qui l'épuisa.
Je ne savais pas que faire ...
- As-tu besoin de quelque chose ? demandais-je timidement.
- Non c'est bon, ça va aller. Va te coucher.
Ne sachant que faire je retournais dans ma chambre en espérant qu'il dorme bien. Mais ce ne sembla pas être le cas puisque environ une heure plus tard je fus réveillée par une toux roque et forte qui n'avait pas l'air de s'arrêter. Je me levais tout de suite pour aller voir comment Antoine allait.
Quand je pénétrais dans sa chambre, la lumière était allumée. Il avait les yeux clos et le teint toujours aussi blafard. Il avait même l'air transpirant de fièvre.
Je descendis rapidement à la cuisine pour lui préparer une tisane à base de thym et de miel que me faisait ma grand-mère quand j'étais malade. Quand j'entrais à nouveau dans la chambre d'Antoine il avait les yeux ouverts et m'observait.
- Bois, lui ordonnais je en lui tendant mon breuvage.
Il m'obéit sans mot dire. Ce qui n'est pas très habituel ... il fallait peut-être que j'en profite !
Tandis qu'il sirotait la tisane, j'allais à la salle de bain pour prendre un bac d'eau froide et une petite serviette que je trempais dedans. Je revins rapidement auprès de lui et passais le linge humide sur son front. Cela sembla lui faire du bien puisqu'il laissa échapper un soupir d'aise en fermant les yeux.
Je restais un moment comme ça à l'observer et rafraîchir régulièrement la serviette. Mais mes yeux se mirent à piquer, signe que je commençais à m'endormir à mon tour. Je n'y faisais pas spécialement attention, et m'installais plus confortablement près d'Antoine.
Une toux forte me réveilla en sursaut. J'étouffais un cri alors que je sursautais, envoyant balader la bassine d'eau que j'avais consciencieusement gardé sur mes genoux. La lumière, toujours allumée, permit à Antoine de ne pas louper une seule miette de la scène. Spectacle gratuit, en bonus je danserais en tutu violet à paillettes.
Je sentis mes joues rougirent, tandis que le grand malade à côté de moi était désormais tout à fait réveillé. Je me précipitais dans la salle de bain afin d'y récupérer une serpillière et essuyais le dégât des eaux. Antoine m'observait toujours, un sourire amusé qui s'élargissait au fur et à mesure que je lessivais tout son parquet. Quel crétin des Alpes ! J'entendais d'ici sa réflexion : ça te va bien de faire le ménage ou quelque chose dans le genre.
Mais à ma grande surprise il ne dit rien, se leva (bizarrement) de son lit pour ramasser la bassine et revint quelques secondes plus tard avec une nouvelle serpillière, sèche cette fois-ci. Silencieusement il finit d'éponger le sol et m'aida à me relever.
Quand je fus à sa hauteur, malgré son air enfiévré, son regard me transperça.
- Tu es étrange Alix, murmura-t-il.
Mais c'est génial ! Je crois que je viens de trouver le compliment de l'année. Il dût s'apercevoir de mon air intrigué puisqu'il ajouta :
- On ne sais jamais vraiment si tu apprécie une personne, sauf quand elle est en difficulté. Et je crois avoir compris que quand tu aimais bien une personne tu devais forcément être dans la confrontation avec elle parce que tu ne veux pas qu'on voit ta faiblesse, je...
- On devrait aller dormir Antoine, fis-je en lui mettant un doigt sur la bouche pour l'empêcher de continuer.
- Je me doute que tu n'aimes pas vraiment qu'on te comprenne, mais je ne le fais pas pour te nuire.
Je lui répondis par un sourire timide. Qu'il veuille me nuire ou non c'était quand même dérangeant d'être cernée. Je me dirigeais vers la sortie de sa chambre quand il me retint par le bras.
- Est-ce que tu veux bien rester avec moi ? demanda-t-il hésitant.
- Je pense que c'est possible, répondis-je en me rapprochant de lui. Mais à une seule condition ! m'exclamais-je alors qu'il fronçait les sourcils attendant. Il faut que tu me raconte pourquoi tu as détesté Giorno dès que vous vous êtes rencontrés.
Antoine, debout devant moi, resta muet un moment avant de prendre la parole :
- J'ai été un an scolarisé à Florence, dans la même école que Giorno. Tu sais bien comment j'étais plus jeune, rien de très attrayant pour les lycéennes et pas beaucoup plus pour les gamins de mon âge. Giorno a envoyé sa petite bande tester le nouveau. Il est arrivé en héros délivrant le pauvre gosse et demandait des remerciements. Je lui ai rétorqué que je n'avais pas besoin de son aide et encore moins de sa prétendue pitié. Je ne le hais pas à cause de cela, mais ça ne m'a pas aidé à le porter dans mon cœur. Cette réponse va-t-elle à mademoiselle ou en attendait-elle une autre ?
- Non, c'est bon merci, répondis-je perplexe.
Lequel des deux disaient la vérité ? Ou était-ce juste des souvenirs différents de l'enfance ? Après tout on ne se rappelle jamais de la même chose. La preuve avec les frères et sœurs ou cousins avec qui on a passé l'enfance !
J'observais Antoine qui se couchait à nouveau. Il n'avait pas l'air bien, mais son visage montrait une certaine douceur que je ne voyais pas chez Giorno. Haussant les épaules je m'approchais de mon hôte qui, me rendis-je compte après, m'avait observé durant tout le temps de mon échange mental avec moi-même.
Gênée, je ne savais pas trop quoi faire. Fallait-il que je rentre de moi-même dans son lit ou que j'attende qu'il me dise de venir ?
Je n'eus pas à attendre très longtemps la réponse, il m'attrapa la main et me tira jusqu'à lui. Ma tête dû l'amuser puisqu'il éclata de rire, malgré sa maladie qui le terrassait de douleur (ah, les hommes ...).
Il y a des sons qui font du bien ... et celui de son rire était particulièrement agréable. Il me faisait penser aux tintements que font les gouttes d'eau lorsqu'elles tombent dans la rivière. C'est si frais ...
D'accord ... je viens de passer pour quelqu'un d'extrêmement étrange. Mais quand même son rire était fou !
- Viens là, Alix, murmura-t-il en m'obligeant à grimper sur le lit.
Je dus l'escalader et en même temps l'écraser un tout petit peu puisqu'il fit une grimace équivoque qui me fit pouffer.
- C'est ça moque toi ! grogna-t-il. Je suis en train de décéder et tu rigoles...
- Que faut-il que je fasse pour que tu te sentes mieux ? Je ne voudrais pas que tu meures avec des regrets ou un si horrible manque que tu viendrais me hanter jusqu'à la fin de mes jours... je ne sais pas si je le supporterais.
- Laisse-moi dormir.
- Je rêve ! m'exclamais-je. Je ne sais que répondre devant autant de méchanceté !
- C'était le but ma douce baleine, ricana Antoine.
- Aurais-tu quelque chose à redire sur mon poids ?
- Crois-tu vraiment que je m'y risquerais ?
Arg ! Je ne savais pas quoi rétorquer ! C'était sa maladie qui le rendait aussi cinglant ?
- Antoine ? fis-je après un petit temps de silence en me relevant soudainement.
Le garçon à côté de moi grogna. Cela voulait sans doute dire que je pouvais parler.
- C'est quoi ta couleur préférée ?
Interloqué le jeune homme se redressa pour me regarder avec de grands yeux.
- Sérieusement Alix, c'est quoi cette question ? Il est trois heures du matin !
- Il n'est jamais trop tard, répondis-je en haussant les épaules. Alors ?
- Bleu.
- Ce n'est pas très original.
- Et alors ?
- Quel est ton animal favori ? enchaînais-je aussitôt.
Antoine souffla (il ose souffler devant mes questions essentielles à ma vie !!) avant de répondre :
- L'Alix, c'est un animal un peu étrange et pas très facile à éduquer mais...
Il n'eut pas le temps de finir car je me précipitais pour lui boucher la bouche de mes mains afin de le faire taire... pour toujours ! (Il l'aurait mérité quand même.)
- C'est marrant je ne t'aurais pas donné ça comme animal, objectais-je.
- Puis-je choisir ce que je préfère ? rétorqua-t-il. Si j'ai envie de vénérer cet animal, c'est mon choix. Surtout qu'il parait qu'il est plutôt doux une fois domestiqué.
- C'est une légende ! Le seul animal plutôt doux, c'est toi !
- Doux ? A quel moment le suis-je ? Je pense que je suis surtout maladroit.
- Un regard ne ment pas ! Après tout je ne sais plus qui a dit que les yeux étaient le reflet de l'âme. Tu es démasqué ma douceur.
- Tu vas voir ce qu'elle va te faire ta douceur, s'écria-t-il en faisant mime de se relever avant de retomber sur son oreiller, quand je serais guéri tu verras ce qui t'attend. Pendant ce temps explique moi pourquoi je serais doux.
Je m'esclaffais devant son air théâtral avant de réfléchir à sa demande.
- Il y a tellement de fois où tu aurais pu réellement t'énerver contre moi, mais tu te montres juste dur. Enfin tu essayes... Tu y arrives plutôt bien... certaines fois tu peux même être un peu impressionnant. Mais juste avec moi... comme si tu voulais montrer ta force. En fait pour l'instant les seuls moments où je pourrais t'avoir vu doux c'est avec ta grand-mère et ... moi... pourquoi ?
En réalisant ce que je disais je me tournais vers lui et croisais son regard calme et doux. Il y a tellement de fois où il aurait pu réellement s'énerver ou m'en vouloir comme il en voulait à Giorno... En concevant cela je me rendis compte que je n'aurais pas supporté qu'il se comporte autrement. Ces derniers jours s'il avait été aussi dur c'est parce qu'il avait besoin de montrer sa force pour me forcer à le respecter ... et s'il ne l'avait pas fait il ne serait que l'Antoine du lycée. Il dû comprendre ma question et la suite de mes pensées puisqu'il prit doucement la parole :
- Je ne suis pas rancunier ... Tout ce que tu avais pu me faire avant ce séjour en Italie à été oublié quand j'ai appris à te connaître ... C'est pareil pour le laxatif ... J'ai tout oublié au moment tu as eu la gentillesse de me soigner ... C'est peut être ma malédiction... Tu as raison je ne suis pas un dur naturellement, mais j'essaye de l'être quand il le faut... surtout quand je souhaite protéger ce à quoi je tiens. En plus tu n'es pas des plus faciles à gérer, quand tu as une idée en tête toi...
Il finit de dire cela avec un petit sourire, que je pris pour tendre, sur les lèvres. Toute sa petite tirade avait remué quelque chose à l'intérieur de moi. Cela me touchait vraiment ce qu'il avait dit. J'avais l'impression que mon cœur avait légèrement gonflé. Je pris une grande inspiration en me recouchant à ses côtés. Sa main frôla la mienne et naturellement nos doigts s'enlacèrent, tout en douceur...
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