Une semaine plus tard (Décembre)

~ Quelque part - Au dessus des nuages ~

Ils avaient pris place dans l'avion qui les emmènerait jusqu'à la ville d'adoption d'Héloïse quelques heures plus tôt. Cette dernière avait, depuis lors, le nez collé contre le hublot. Il faut dire qu'elle avait développé une certaine passion pour les nuages depuis qu'elle avait vu Suki les peindre.

Oui, les nuages la fascinaient. C'étaient des mystères à eux tout seul. Comment est-ce que ces espèces de boules cotonneuses qui semblaient si moelleuses ne pouvaient être au final qu'un amas de particules de H2O ? Comment est-ce que ces formes blanches qui vagabondaient par monts et par vaux, redonnant de l'inspiration à des auteurs ou des rappeurs qui n'arrivaient plus à la trouver, pouvaient n'avoir qu'une explication purement scientifique et dénuée de poésie ?

Enfin, ce n'était que si on considérait la science comme quelque chose dénuée de poésie. Car en réalité, Héloïse croyait dur comme fer que la science était basée sur des estimations poétiques faites par les "grands savants" dont on nous rabâche les travaux à l'école. Galilée, Pythagore, Syracuse, tous ces grands scientifiques ou mathématiciens qui n'ont pas su se contenter de ce que leur offrait leur bonne vieille Terre et qui ont préféré émettre des quantités astronomiques d'hypothèses afin de rassasier leur soif de connaissance sans limite, croyez vous vraiment que c'était pour l'amour de la science ?

Héloïse était, elle, convaincue que ce fut l'appel de l'inconnu qui les força à chercher des solutions à tous ces problèmes alambiqués. Et quoi de plus poétique que l'inconnu ? Hugo, Baudelaire, Lamartine, tous consacrèrent au moins un de leurs écrits à l'inconnu.

Elle en était ici de ses réflexions sur les nuages quand une main qui se posa sur sa cuisse lui fit détourner le regard. Ses yeux se posèrent alors sur un autre genre de chose qui la passionnait tout autant et ils inspectèrent avec minutie le visage aimé qui était tourné vers elle.

« T'arrêtes de me mater, lui dit-il, une étincelle de malice dans ses yeux chocolat.

- T'es beau, dit-elle simplement.

- Et toi t'es magnifique, mais c'est pas la question. Je te demandais ce que tu comptais faire une fois à Osaka.

- Oh... Eh bien, vous présentez Suki d'abord. Elle a été tellement importante pour moi tu sais. Ça a été la première que j'ai vraiment aimée après... Après toi en fait. »

Le rappeur déglutit. Il savait très bien qu'elle avait vécu beaucoup de choses dans le pays du Soleil Levant. Mais il avait toujours du mal à se dire qu'elle avait été avec quelqu'un d'autre que lui. Surtout avec une fille.

« Mais on a rapidement compris que notre relation n'évoluait pas dans le sens que l'on voulait, continua la jeune fille sans se rendre compte du malaise de Ken. C'était trop imprévisible, trop intense. Alors on a préféré couper court et rester amies. Et puis on a rencontré d'autres gens, chacune de son côté. »

C'était la première fois qu'Héloïse parlait vraiment de ses années passées dans la ville Nippone. Et Ken était heureux qu'elle s'ouvre enfin à lui, même si c'était pour parler de son ex.

« Et ensuite ? On fera quoi ensuite ?

- Aucune idée, on verra bien. »

Elle ponctua sa dernière phrase d'un clin d'œil qui fit lever les yeux du grec au ciel. Mais son sourire contredisait le faux air agacé qu'il se donnait. En réalité il était plus qu'heureux d'être dans cet avion avec elle en direction d'Osaka.