Chapitre 3
Mon quart de travail terminé, je me rends au café d'en face pour me prendre un cafe latte et un muffin. Je dois attendre Ivy et sa mère qui viennent me chercher. Elle va dormir chez moi ce soir, puisque demain, c'est la première journée de congé de fin d'année ; certains étudiants du lycée ont organisé la fameuse beuverie au bord du lac, en forêt, là où le feu de camp, la musique, la baignade et tout le reste devraient suivre. Certains apportent même leur tente pour y dormir. C'est l'étape qui conclut à merveille cette année.
Le soleil tombe derrière le labyrinthe d'arbres, et seule cette dernière lueur offre une visibilité aux commerces. Le temps est entre chien et loup et c'est en regardant de l'autre côté de la rue que je vois Isaac parler avec Mr. Oliver. Il est revenu trois heures plus tard ? Assise à la table de la terrasse du café, je tente de me faire discrète et observe ses comportements. Kelyne dit qu'il est fou, alors je suis intriguée de voir ses prétendus agissements. Pourtant, rien ne laisse penser qu'il est ainsi, mis à part son arrogance. Mr. Oliver pointe vers ma direction et aussitôt je me plie en deux pour me cacher sous la table ! Mais c'est peine perdue, Isaac vient par ici ! Non, non, non ! Je fais semblant de ramasser quelque chose au sol pour expliquer ma drôle de posture advenant le cas, et je vois Isaac monter les quelques marches en bois pour se diriger vers moi. La seule chose que je trouve au sol est une ronce sèche.
— Qu'est-ce que tu fais ? me demande la sublime voix d'Isaac.
— Heu... rien, dis-je en tenant la branche.
Quand je tente de me relever de sous la table, ma tête se heurte et j'entends mon café se renverser sur le sol. Merde !
— Charmant... dit-il en réprimant un rire, avant de passer à côté de moi.
Quoiqu'à la bonne heure avant que j'aggrave les choses. Et il n'est pas gêné de rire de moi ? C'est vrai que j'aurais fait de même. Bravo Hayley, belle présentation... Ai-je le droit de me frapper la tête sur la table une deuxième fois ?
Quelques minutes plus tard, il ressort avec un café et un croissant et se dirige vers son véhicule : un pick-up noir avec des menottes comme décoration autour de son rétroviseur. Je ne sais pas ce que ça évoque, mais j'imagine qu'il est soit un sado, ou alors qu'il les garde en cas de problème. Il les utilise peut-être pour attacher ses victimes avant de les découper en petits morceaux ? Mais qu'est-ce que je raconte ? Kelyne ! Pourquoi tu m'as raconté qu'il était fou ? Je reste surprise quand Monsieur Mystère Cole se retourne en ouvrant sa portière pour me jeter un regard. Je vois à la même occasion quelques personnes sortir de leur commerce pour le regarder partir, comme s'il avait la peste et qu'elles lui faisaient signe discrètement de ne plus revenir dans le coin. Je vois la voiture de la mère d'Ivy arriver quand le pick-up d'Isaac part.
Dans le véhicule pour le chemin du retour, je demande à Ivy :
— Le connais-tu, toi, le fameux Mystère Cole ?
— Isaac Cole Reyes ?
Sa mère me lance un regard dans le rétroviseur.
— Oui. Il est passé à la serre aujourd'hui. Et Kelyne m'a expliqué que ses parents le reniaient complètement.
— Ce n'est pas une personne fréquentable, relate sa mère, il n'habite pas très loin de chez toi en plus. De l'autre côté de la forêt.
— Comment ça se fait que je ne l'ai jamais vu ? Ou que je n'ai même jamais entendu parler de lui ?
— Parce que ce garçon ne sortait jamais de chez lui. Il n'allait pas au lycée non plus. Les parents de Kelyne et moi, on a connu ses parents. Tiens-toi loin de lui.
Je hoche la tête en regardant le paysage défiler sous mes yeux. Il commence à faire nuit noire. Malgré les recommandations, je doute de la situation d'Isaac. Quelque chose m'échappe. Qu'a-t-il bien pu faire pour que toute la ville lui tourne le dos ? Si c'était si grave, il irait en prison, ou du moins, il ne serait pas en liberté. Bon, de toute évidence, il est étiqueté comme le bad boy du coin, mais moi, je suis bien curieuse de savoir pourquoi.
À la maison, Cate fait la vaisselle quand nous entrons, et je me dirige rapidement dans ma chambre, à l'étage, avec Ivy, qui se précipite aux toilettes.
— Il faut que tu me racontes cette histoire avec Isaac, déclare-t-elle.
Ce n'est pas que je n'aie pas envie de lui en parler, mais j'ai l'impression d'avoir eu assez de gros yeux aujourd'hui par rapport à ce fameux Isaac. Ce n'est pas comme si j'avais l'intention de le fréquenter. OK... peut-être vais-je me contenter de le regarder de loin. J'aime Riley, mais j'avoue n'avoir jamais ressenti ça auparavant. Quand il est là, je vois que tout se déroule au ralenti, et il n'y a plus qu'Isaac marchant vers moi ; son physique irrésistible me donne des chaleurs et mon quotient intellectuel baisse sous la barre du 0.
J'enfile un boxer et une camisole et m'installe sur mon lit quand Ivy me rejoint. Ma chambre est, avouons-le, loin de ressembler à un donjon de fille. Il y a des trophées de crosse sur mes étagères, car oui, je joue à la crosse avec Kelyne, mais pas dans l'équipe de mon frère, bien entendu. Sur mes murs, j'ai accroché des affiches de Nina Nesbitt, de Kodaline, Coldplay, Scott Helman et même de Tom Odell. Il y en a tellement que je ne me souviens plus de la couleur de mes murs. Sont-ils bleus ? Humm, je ne saurais dire. Mon portable sur ma table de nuit se met à vibrer. Sur l'afficheur, la photo de Riley apparaît.
— Salut.
— Salut ma belle, comment tu vas ?
— Bien, même si je n'ai pas pu profiter d'un peu de temps avec toi avant ton départ.
— Justement, je suis devant chez toi, et je viens t'offrir un baiser avant de partir. Mais pas n'importe lequel... Viens me rejoindre.
Pas n'importe lequel ?
Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? En bas des escaliers, Cate s'est endormie sur le sofa en regardant la télévision. J'entrouvre la porte doucement et me faufile à l'extérieur. Une brise fraîche et agréable enveloppe mon corps. Je reconnais la silhouette de Riley dans l'ombre. Il porte un chandail à manches longues, et son incroyable tignasse brune lui donne l'allure d'un mannequin. Plus les années passent, plus je réalise à quel point il devient un homme. Il continue de grandir, alors que moi, non... ses épaules s'élargissent alors que moi, je commence à me sentir comme une gamine dans ses bras.
Riley me prend par les épaules et m'embrasse aussi tendrement qu'un grizzli attaquant sa proie en la léchant. J'en ai le souffle coupé. Riley n'est pas du genre très affectueux en temps normal, peut-être que le délai avant que l'on se revoie éveille son côté territorial, comme pour me dire : « N'oublie pas, tu es à moi ». Son baiser dure un bon et long moment. J'apprécie chaque mouvement de ses lèvres contre les miennes. Quand il recule, je me mordille la lèvre. Il ne peut pas se reculer comme ça, j'en veux plus.
— Je t'aime Hayley.
Encore sous le charme de ce baiser, je tente de prononcer :
— Moi aussi... tu crois que l'on pourrait... avant que tu partes ?
— Hayley, non.
— Pourquoi refuses-tu toujours ? Je suis prête moi.
— Si je t'écoutais, ça se passerait dans la forêt sur le bord d'un étang.
— L'endroit, ce n'est pas important. Allez, Riley. J'en ai envie.
— Je dois partir, et ton frère va me défoncer la gueule si je te touche.
— Ma vie privée ne regarde pas mon frère, tu le sais.
— Mais c'est mon ami.
— Alors, tu préfères lui à moi ?
— Ce n'est pas de cela qu'il est question. C'est du respect !
— Foutaise !
Riley réprime un sourire et secoue la tête.
— OK, on va faire un deal.
Il pique ma curiosité et j'attends avec impatience la suite.
— Quand je vais revenir, on le fera. Mais à une seule condition.
— Dis-moi ?
— Que tu arrêtes d'en vouloir à Savannah.
Une rage monte directement en moi. Impossible de cacher mes joues qui s'empourprent et contrastent avec le crépuscule. Cette fille ! J'en ai ras le bol, je croyais que c'en était terminé avec elle. Savannah est une fille qui passe tout son temps autour de Riley, et ce, depuis toujours. Elle est toujours là : aux parties de crosse, sur l'heure du déjeuner, même que Monsieur profite de la gentille offre de Savannah en voyageant avec elle à bord de sa décapotable, tandis que moi, je me farcis un autobus. Il m'a assuré qu'il ne se passait rien entre elle et lui, mais je la trouve un peu trop insistante à mon goût. Chaque fois que j'ai envie de coucher avec Riley, il me dit non à cause de mon frère, mais j'ai des doutes...
— Je vais lui en vouloir jusqu'à ce qu'elle te laisse tranquille.
— On est amis, je ne reviendrai pas là-dessus. Mais je vais enfreindre la promesse que j'ai faite à ton frère si tu arrêtes de crier des insultes à Savannah et de la dévisager.
— Je suis prête à refuser ce deal tant et aussi longtemps que je ne la verrai pas passer sous un bus.
— Tu ne trouves pas que tu en fais un peu trop ?
— C'est toi qui es ridicule ! Tu refuses de coucher avec moi, comme si c'était un supplice, et tu me demandes la pire chose au monde en échange. Si tu ne veux pas de moi, alors laisse faire. Va-t'en, ça sera peut-être mieux ainsi.
En me retournant, Riley agrippe mon coude au vol et me force à lui faire face.
— Le sexe, ce n'est pas important pour moi, Hayley. Même si ça semble ridicule, eh bien tant pis. Avant de le faire avec toi, je veux que tu aies complètement confiance en moi. Et pour cela, je dois voir jusqu'où tu me fais confiance. Laisse tomber Savannah et je pourrai croire que tu as entièrement confiance en moi.
— Et la promesse à mon frère ? Tu l'as toujours tenue... pourquoi en revenant tu déciderais soudainement de ne plus la tenir ?
— J'en payerai le prix.
— Bah voyons, comme si mon frère était un boxer renommé que tu devais éviter d'énerver.
— Hayley, je dois partir. Vas-tu faire un effort ?
— Oui ! m'agacé-je, je vais l'éviter. T'es content maintenant ?
— Oui.
Il m'offre un dernier et misérable baiser froid et distant avant de partir. Je suis tellement exaspérée de devoir marchander une nuit avec lui. Comme si l'avoir dans mes bras était un supplice pour lui. Il est hors de question que j'oublie le nom de Savannah...
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