#18: le dalit et l'intouchable
En rentrant dans son village, Aman croise un petit groupe d'enfant à l'entrée en train de jouer avec un ballon improvisé d'un sachet en plastique rempli de paille, d'herbes et de terre. Il échange avec eux quelques dribles avant de leur redonner le ballon. Il remonte alors la rue mêlant sur ses bords baraques d'habitation, ateliers et marchands... toutes des bâtisses en tiges de bois à peine ajustées et couvert d'un toit en paille ou en tôle. Les moins chanceux, n'ont pour demeure qu'un assemblage de tissu monté sur quelques étaies qui cachent à peine leur vies !
Quelques femmes s'affairent devant leur porte d'entrée à préparer le pain traditionnel sur le feu, d'autres reviennent avec des gros bidons d'eau qu'ils ont dû chercher à la fontaine quelques kilomètres plus haut... celles-ci trait une maigre chèvre pour le donner à ses enfants, elle est probablement considérée comme notable parmi les siens.
Peu d'hommes sont dans le village en journée, ils partent tôt le matin au grand marché derrière la montagne gagner leur vie en faisant des petits travaux peu rémunérer... éboueurs, porteurs...
Les hommes qui restent ici sont ceux qui peuvent jouir d'un commerce ou d'un métier manuel lui permettant de trouver place dans un atelier.
Sur son passage, les gens s'arrêtent ou se lèvent et incline la tête respectueusement avec un sourire. Etait ce son statut d'invité ? son nom? son histoire ? ou encore sa tenue vestimentaire pour le peu insolite... probablement un mélange de tout cela.
S'il avait cru que la Rue des Indes pouvait offrir des spectacles de misère, rien n'est comparable ici... les gens, la peau durcie et noircie sous l'effet du soleil brulant, les sourires édentés et les carcasses squelettiques cachées sous de fins haillons parfois se résumant à juste de quoi préserver son intimité, sont tellement habitués à n'avoir rien, qu'un si peu leur procure du bonheur... ainsi, tu les entends s'exclamer de l'électricité dans la rue qui a donné l'occasion aux rares enfants scolarisés et les vieilles femmes couturières de pouvoir travaillé à leur lueur le soir... le gouvernement leur a offert l'électricité à domicile, mais avait malheureusement oublié qu'ils ne pouvaient guère en payer les factures.
Où trouvent-ils la force de sourire ?... de se marier ? d'avoir des enfants ?... recréant génération après génération les mêmes misères... mais ça doit être les seuls bonheurs dans leur existence.
Il voit enfin la maison où il loge avec sa mère, de loin, elle se distingue dans tout le village avec son bâti en brique et toiture solide avec une petite cours devant sa porte et un deuxième étage rare dans les parages.
La porte grande ouverte lui permet de distinguer sans mal la présence d'un groupe de femmes assises à même le sol dans leur salon avec sa mère dont le sourire radieux réchauffe son cœur. Depuis trois jours qu'ils sont arrivés, la maison de désemplit pas, entre certaines cousines, des vieilles connaissances ou même des yeux curieux... il sait que lui et sa mère sont la distraction du moment.
Il se déchausse à l'entrée, les salues d'un signe de la main en inclinant la tête et va s'installer par terre à côté de sa mère dont il touche le pied avant de lui baiser la main et le front. Paradoxalement, aussi pénible que peut être ce voyage, il aimait écouter ces vieilles histoires qui font l'histoire de ses origines.
*-*-*
Le lendemain matin, juste après sa prière du matin, il redescend le village pour aller au pont menant à l'autre rive du lac où il a pris l'habitude de se balader. Ce n'est pas Paris, ce n'est pas la Seine et Arjun n'est pas là pour lui souhaiter bonne journée... mais d'ici, en regardant vers la lumineuse ligne d'horizon entre le bleu de l'eau et celui du ciel, il peut admirer la venue du jour par l'apparition dans un hâle rougeâtre du disque majestueux du soleil... voilà un spectacle qu'il n'aurait jamais à Paris, le levée du jour !
-Hé toi ! lance une voix familière dans son dos.
Interloqué, il se retourne vivement pour découvrir avec stupeur Priya habillée d'un simple pantalon et débardeur noirs, les cheveux remontés en queue de cheval et les yeux rougi par probablement une nuit où le sommeil a manqué. Sans lui laisser le temps de réagir, elle s'approche de lui et le défit du regard :
-Pour qui tu te prends ? tu débarques ici avec tes idées reçues et tes jugements établis sur une vie que tu ne connais même pas !... tu te crois supérieur à tout le monde avec ton super QI, super diplômes, supers principes, supers connaissances... imposer le respect !!! pure vanité !
Le voyant froncer les sourcil... elle reprend sa respiration à court d'oxygène après ce débit continu de paroles et revient à la charge.
-Oui vanité ! tu sais que tu es meilleurs que ces gens là haut dans ce village dont tu as pris la défense hier, mais t'es pas meilleur que nous autres les vilaines castes supérieures ! pourquoi tu serais Dalit ici et Brahmane la bas ?... ce n'est pas comme ça que ton ami t'as nommé ? c'est pour ça que tu préfères la France à ton pays ?... tu dis que je développe de complexes de culpabilité et toi alors ? tu renies ton appartenance, ton origine, la terre de tes parents... tu renies ce qui a fait de toi, toi ! pour te complaire dans un monde qui sera toujours de substitution pour je ne sais quel sombre complexe...
Sa voix tremblait sous l'effet de la colère et ses yeux remplis de larmes fixaient les siens avec insistance...
-Priya ?... je...
Elle l'arrête en pointant son doigt... lui imposant de l'écouter jusqu'au bout !
-« intouchable » hein ?... alors pourquoi tu as touché mes mains à l'hôpital ? rappelle toi ces deux mains que tu as pris dans les tiennes... c'était quoi ça ? de la pitié pour une gosse de riche incapable de surmonter une foutue phobie ? ou bien ta manière de ne rien devoir à personne ! tu n'es même pas concerné par ces castes et ces traditions... tu n'es ni de cette confession ni d'appartenance à la terre de ces traditions alors pourquoi ?... j'ai peut être un syndrome de culpabilité mais toi Aman Khan, tu as surement de plus graves problèmes qui te poussent à ne trouver le respect que dans le rabaissement des autres !
Elle essuie d'une main rageuse une larme qui roula sur sa joue et se détourne pour repartir sous le regard d'un Aman encore choqué par son comportement. Elle s'arrête soudain et se retourne à moitié
-Et ça monsieur le psychologue... je ne m'en excuserais jamais !
sur ce, elle tourne les talons et se met à courir s'engouffrant dans la pénombre du jour à peine levé
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