Ysaïne (Chapitre 183)
Tout le monde a les yeux rivés sur moi... mais je crois que je commence très, très lentement à m'y habituer...
J'avance lentement dans l'une des immenses salles de réception, la foule s'écartant sur les côtés, jusqu'à gagner le fond du salon.
Là, devant une basse estrade, m'attendent une bonne partie de tous ceux que j'aime...
Mais surtout Esteban. Je me place à son côté, lui glissant le plus magnifique sourire que j'ai jamais fait, avant de murmurer :
-Tu es magnifique...
Il esquisse un sourire, avant de répondre :
-Et toi étincelante...
L'archevêque s'avance dans notre direction mais mes yeux viennent de se poser sur ma mère. Azylis est en train de rire, sans bruit, échangeant un regard complice avec Christian. Même Maly à côté d'elle paraît folle de joie de retrouver l'ancien chef des révoltés...
Lui présent, je me sens prête à affronter tous les ennuis du monde... avec Esteban aussi bien sûr ! Et Azylis... Et Maly, et... la liste est trop longue pour être énumérée. Moi qui ait toujours tant aimé la solitude, jamais je n'ai été aussi bien entourée et folle de joie de l'être...
À ma droite, à l'opposé, j'aperçois Camille, qui lève les pouces en l'air avec un grand sourire, me faisant signe que tout est parfait (je suppose que cela doit vouloir dire que les problèmes d'éclairage, de traiteur, d'organisation ont été résolus, alors même que cela semblait impossible une heure auparavant...).
Mais pour l'heure, je me sens incapable de penser. Je suis tournée à demi vers Esteban, tout sourire, et nos yeux se perdent dans le regard de l'autre, tandis qu'il pose doucement sa main sur la mienne.
Je pourrais rester ainsi une éternité si ce n'était mon mariage et qu'il y avait une foule de gens autour de nous...
Les alliances. Comme à travers un rêve merveilleux, je vois le prêtre se pencher légèrement vers nous et nous les tendre.
Alors, je tends moi aussi ma main, agitée d'un léger tremblement de nervosité, et Esteban y passe doucement le fin anneau d'or.
Il me tend ensuite la sienne, non moins tremblante, et c'est à mon tour de glisser le léger ornement à son doigt.
Alors j'entends quelque part, loin, derrière un nuage, car il n'y a qu'Esteban et moi tout à coup, quelqu'un dire :
-Et je vous déclare mari et femme !
Tonnerre d'applaudissement dans l'immense salle. Ma robe blanche scintille dans la lumière et je me surprends à apprécier soudain de me sentir si jolie...
D'un même mouvement, Esteban et moi nous rapprochons alors l'un de l'autre et nous embrassons, dans une étreinte qui ne dure que quelques secondes mais qui comporte tout l'amour du monde.
Je lui murmure à l'oreille avec un nouveau sourire merveilleux :
-Merci de m'avoir supportée, avec mon épouvantable caractère...
Il me glisse un clin d'œil, rétorquant en s'écartant lentement :
-Et si je te disais que c'est justement ce qui m'a séduit chez toi ?
***
Peut-être que je vais me laisser tenter par une coupe de champagne. Dire que je n'aurais même pas goûté celui de mon propre mariage paraîtrait étrange à la plupart des gens.
Pourquoi ne puis-je pas être seule avec Esteban, l'embrasser de nouveau, rire simplement avec lui ?
Pour le moment, je dois me contenter d'adopter l'attitude d'une reine -calme, droite, noble, exemplaire- tout en ayant quand même la chance de pouvoir m'appuyer à son bras en répondant à toutes les félicitations de tous ceux qui ne cessent de venir nous rejoindre dans cet angle de la salle.
Pendant quelques minutes où personne ne semble vouloir notre présence, une première depuis je ne sais combien de temps, je me tourne vers mon mari -que le mot est étrange !- et demande avec un sourire malicieux :
-À ton avis, en tant que prince consort, je peux te déléguer combien de tâches horriblement ennuyeuses ?
Il répond avec un sourire ironique :
-Je croyais que tu m'aimais à la folie, donc logiquement... tu ne devrais pas souhaiter me donner du travail supplémentaire désagréable...
-Mais toi, en mari attentionné, tu devrais proposer de toi-même de m'en décharger !
D'un ton faussement très sérieux, Esteban répond avec un rire :
-Mmm... Là je crois que nous allons être face à notre premier désaccord majeur post-mariage.
Je fronce le nez, retrouvant un semblant de sérieux, et demande en resserrant ma main sur son bras :
-À ton avis, on se disputera moins en étant mariés ?
-Sérieusement ? Deux fois plus je pense. Bah, on ne s'ennuiera jamais comme ça tous les deux...
Alors que je m'apprête à répondre en reconnaissant qu'il n'a probablement pas tort -il n'y a pas que moi qui aies mauvais caractère ici !- deux personnes se faufilent un passage jusqu'à nous et ne tardent pas à nous rejoindre.
Une exclamation s'échappe aussitôt de mes lèvres, joyeuse, tandis que je me tourne vers Esteban, légèrement inquiète tout à coup, mais il répond d'un sourire poli, observant en levant les yeux au ciel :
-Idwin et sa femme... Bon, heureusement que je suis un mari... comment dis-tu déjà ?
-Attentionné ? Prévenant ?
-On va dire ça...
N'empêche, je ne peux m'empêcher de sourire, impressionnée, lorsque je le vois s'incliner devant les deux jeunes gens qui viennent de nous rejoindre. Il décoche même à Idwin un sourire franc, de même à Tiara, tandis que je prends rapidement la parole :
-Merci à tous deux d'être venus ! Comment vont les troubles de l'Eveland ? J'espère que tout est bien réglé...
Tiara, rougissante déjà, hésite à répondre, commence d'une voix basse et en regardant le sol, mais Idwin l'interrompt d'un ton bourru pour lâcher :
-Ça va mal et ce sont des affaires d'Etat qui ne te concernent pas Ysa...
Avant que j'ai pu répliquer sèchement devant son ton condescendant, Tiara prend sur elle et pose la main sur le bras de son époux, tentant ainsi de le calmer, tandis que dans le même temps elle relève les yeux vers moi.
-Te rappelles-tu de ta proposition Ysa ?
Esteban souffle à mon oreille :
-Quelle proposition ?
Je réponds aux deux d'une voix que j'espère calme car je suis soudain inquiète. Tiara comme Idwin n'ont vraiment pas bonne mine... et des bruits affreux courent au sujet de la situation en Eveland. Quelque soit ceux qui sont véridiques ou les autres, ce qui est certain est que la situation va de pire en pire là-bas...
-T'accueillir à Astra ? Oui, ma proposition tient toujours Tiara...
Idwin jette un coup d'œil indéfinissable à sa jeune femme, murmure d'une voix sombre sans me regarder :
-Très bien, que tu ailles au diable après tout Tiara !
Avant de tourner les talons et de disparaître dans la foule sans le moindre coup d'œil...
Étrange attitude... Esteban à mon côté lui-même paraît perplexe. Mais Tiara semble carrément au bord des larmes en levant son clair regard vers moi.
-Je voulais juste vérifier que tu te souvenais bien... mais nous n'allons pas rester longtemps !
Et elle s'enfuit à son tour de notre vue.
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