Ysaïne (Chapitre 133)
Je me penche et prends dans mes bras mon superbe chat blanc qui pousse au passage un petit miaulement aigu tandis que je passe les doigts d'un mouvement mécanique dans sa jolie fourrure.
-Ysa... Dis-nous ce qui se passe... ça fait bien dix minutes que tu n'as pas dit un mot...
Je sursaute sur mon siège, sortant de ma rêverie, et mon chat en profite pour filer se réfugier entre les jambes de Camille qui vient de prendre la parole. Je tente de sourire à mon amie-secrétaire-organisatrice de couronnement-merveilleusement adorable- mais ne parvient qu'à esquisser une grimace.
-Désolée c'est... En fait je trouve que le temps passe affreusement lentement c'est tout.
Esteban est debout près de la fenêtre et ne réplique rien. C'est Maly qui se lève de son fauteuil pour commencer à faire les cent pas avant de s'immobiliser devant moi et de pointer un doigt accusateur sur ma poitrine :
-Où est Azylis, Ysa ? Elle n'est quand même pas partie ?
Camille laisse échapper un cri suivit presque aussitôt d'un miaulement indigné de mon chat qui se réfugie cette fois-ci sous l'un des sièges.
-Elle n'aurait pas fait ça, pas vrai ?
La dernière personne de la pièce se détache alors du mur et hausse les épaules. Si Christian tente de garder son calme, je devine qu'il n'a qu'une envie : me prendre par les épaules et me secouer jusqu'à ce que j'avoue ce qui me tourmente au point d'avoir besoin de les avoir tous autour de moi. Il déclare d'un ton presque exaspéré :
-Azylis a passé des années à te chercher. Je ne crois pas à un soudain départ. Alors, où a disparue cette foutue princesse Ysa ?
Je me lève d'un mouvement leste de mon siège et réplique en me dirigeant d'un mouvement rapide vers la porte. J'ai besoin de sortir d'ici, de faire quelque chose, d'oublier ces minutes qui s'écoulent si lentement... Mais je me devais de les avertir. À moins que j'ai juste désiré partager mes inquiétudes ? Moi qui ai pourtant toujours aimé jouer cavalier seul... en tout cas, il est trop tard pour changer d'avis maintenant.
-Ma mère est partie dans le passé pour revoir Tugdual et Meredith... Et elle m'a dit qu'elle serait revenue dans une heure...
J'ai à peine terminé de parler que Maly bondis littéralement sur place et s'exclame :
-Quoi ? Elle est partie sans moi droit dans les ennuis ? Là, je vais lui en vouloir au moins pendant trois jours !
Mais derrière sa plaisanterie perce une réelle inquiétude... sans commune mesure cependant avec la réaction de Christian.
-Non ! Non, ce n'est pas possible ! Elle n'a pas fait ça c'est...
Maly le coupe avec un petit sourire moqueur :
-Toujours pas habitué Christy ?
Il ne réagit même pas au surnom ce qui montre qu'il doit être sérieusement touché. Il est déjà devant moi en deux pas et m'interroge avec une voix presque violente :
-À quelle époque est-elle partie Ysaïne ? À quelle époque ?
J'ai soudain envie de lui épargner ça. Mais je sais bien qu'il est exactement comme moi et qu'il détesterai qu'on lui évite de souffrir, ce qu'il prendrait comme une faiblesse.
-Environ 2060.
Camille échange un coup d'œil avec Esteban et lâche un petit hoquet de surprise.
-C'est... C'est tellement bizarre d'imaginer qu'elle est partie si loin. Même les explorateurs évitent cette époque parce que...
Elle s'arrête d'elle-même tandis que Christian complète d'une voix soudain glacée :
-... C'est la fin de la guerre. La panique, le danger...
Maly hausse les épaules pour cacher ses pensées mais observe une nouvelle fois :
-C'est plus fort qu'elle Christian. Mais tu admettras que cette fois-ci je n'y suis absolument pour rien.
Je suis appuyée contre la porte de la salle. J'hésite à ajouter quelque chose avant de me décider.
-Je n'ai pas pu l'empêcher de partir. Mais elle sera revenue dans une heure...
Christian détourne la tête, furieux, avant de rétorquer :
-Très bien. J'ai besoin de sortir un peu maintenant... Ysa tu me laisses ouvrir la porte ?
Personne ne réplique car nous sentons tous qu'il est sur le point d'exploser. Je m'écarte d'un mouvement vif avant d'écarter le battant et il sort de la pièce d'un pas trop rapide sans se retourner une seule fois. Mais Maly s'élance à sa suite après avoir lâché :
-Je le suis, ça me défoulera de l'embêter un peu et à mon avis il a sérieusement besoin d'être surveillé là. À tout de suite !...
Je referme ensuite la porte pour laisser mes yeux se poser d'abord sur Camille puis sur Esteban. Il se décide à venir s'assoir sur l'une des chaises à suspenseurs du salon et laisse tomber avec lassitude :
-Vous êtes tout de même une drôle de famille...
Je réplique, légèrement sur la défensive :
-À quel sujet ?
C'est Camille qui répond avec un sourire calme mais ironique :
-Voyons... En premier lieu, c'est vrai que ce n'est pas du tout original d'avoir une tante qui est l'assassin de son père...
-J'admets que c'est un peu particulier.
Camille ne tient pas compte de mon interruption et poursuit, imperturbable :
-Sans compter que, accessoirement, la famille en question dirige Astra.
Je veux lever la main pour de nouveau intervenir mais elle me lance un regard calme pour me signifier qu'après tout elle a aussi droit à la parole et reprend après un soupir théâtral :
-Et, autre petit détail, avoir un oncle et une tante qui habitent à sept cent ans d'écart par rapport à sois-même... Non, c'est vraiment tout ce qu'il y a de plus commun, de plus banal...
Camille s'arrête alors et m'adresse un petit sourire tandis que je pousse un grognement de bête fauve.
-Mmm... Admettons.
Esteban s'approche alors de moi doucement et prend la parole avec un petit rire :
-Remercie-là, tu viens d'oublier l'heure pendant quelques minutes...
J'en prends conscience aussitôt et ma grimace se transforme en un léger sourire à mon tour.
-Vous êtes insupportables tous les deux ! Enfin...
Un "bip" sonore m'empêche tout à coup de poursuivre et je me tourne vers mon écran portable posé sur la table à côté de moi. Je l'active d'un mouvement mécanique et une image en trois dimension se matérialise aussitôt juste au-dessus. Un homme, nouveau membre de mon conseil provisoire, s'incline avant de prendre la parole.
-Altesse, nous avons besoin de vous d'urgence pour résoudre un problème territorial. Certains dragons sont mal accueillis par les populations locales et...
Revoilà ma grimace. Je pousse un léger soupir avant de répondre d'une voix posée et calme, à l'opposé de ce que je ressens réellement :
-Bien, vous pouvez compter sur moi. J'arrive tout de suite.
L'écran s'éteint et je me retourne vers mes deux véritables amis. Camille me sourit et réplique à ma question muette :
-Ce n'est pas toi qui voulait oublier le temps qui passait trop lentement ? Qu'est-ce que tu attends, fonce ! Devoir de princesse oblige...
-Si tu continues comme ça, la princesse que je suis va te nommer officiellement pour les problèmes territoriaux...
C'est à son tour de faire la grimace, et je ne peux m'empêcher de rire un instant avant de commencer à rouvrir la porte. Mais Esteban pose la main sur mon bras et demande :
-Tu seras couronnée demain... Mais dans quelques jours, accepteras-tu de venir dîner à la maison ? Je n'ai pas vraiment envie de te présenter mes parents mais... eux en rêvent !
La curiosité remplace pendant quelques secondes l'anxiété dans mon âme et je m'entends répondre avec un sourire malicieux :
-Je préfère leur avis. Avec plaisir, débrouille-toi pour caser ce rendez-vous dans le programme de ma semaine !
Esteban réplique avec un sourire qui cache ses pensées :
-Ça, ça ne va pas être facile ! Tu as un emploi du temps de ministre...
Je quitte la pièce en lâchant avec un sourire malicieux :
-Seulement de princesse et de reine...!
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