Thaïs (Chapitre 32)
Je descends à regret de la navette. Le sol dur du "quai" me rassure paradoxalement -je ne suis plus en train de circuler sur un drôle d'appareil dans les profondeurs de la terre- mais je ne me sens pas exactement en sécurité...
J'échange un regard anxieux avec Aevin puis avance sans un mot à la suite de notre guide. Les deux jeunes gens ferment toujours la marche mais je me méfie maintenant des apparences. Si la théorie d'Aevin est exacte, ils pourraient aussi bien avoir vingt que soixante ans... et puis combien d'années vivent-ils de toute façon ?
Je secoue la tête, un peu exaspérée par moi-même. Est-ce vraiment le moment de se poser des questions pareilles ?
Nous ne marchons que très peu et n'avons suivi qu'un même long couloir avant de nous arrêter devant une nouvelle grande double porte. L'un des hommes nous fait signe d'avancer avec insistance et je devine que nous devrons entrer seuls.
J'inspire un peu fortement et sans laisser le temps à Aevin de réagir, je m'avance et pousse le battant de la porte. Je l'ai à peine effleuré qu'il commence à lentement s'écarter sur le côté. Quelques secondes plus tard, nous avons la place de passer.
Je m'avance aussitôt et franchit l'ouverture en tâchant d'oublier mon appréhension.
Je dois légèrement me pencher en entrant car un mystérieux appareil est attaché au plafond bas. Aevin entre juste derrière moi et le battant se referme lentement. Il pousse un léger sifflement avant de dire :
-C'est la caverne d'Ali Baba ici ?
-On dirait bien...
Je m'avance sans rien ajouter, circulant entre des piles d'objets non identifiables, des plantes en décomposition, de curieux animaux empaillés et bien d'autres choses encore qui forment en tout et pour tout un ensemble bien hétéroclite.
Alors que nous atteignons le centre de la pièce, je me retourne vers Aevin et demande en m'immobilisant :
-Dis donc, il n'y a personne ici ?
Aevin trébuche et fait tomber quelque chose à terre. Il pousse un abominable juron et se penche pour ramasser un petit objet en verre rond sans me répondre.
-Aïe !
Je me retourne vers lui avec inquiétude. Il dévisage d'un œil accusateur l'objet qu'il a posé sur une pile proche.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Ce truc m'a brûlé...
Je m'approche de la pile en équilibre précaire et retient une envie ridicule de toucher l'objet pour savoir s'il est vraiment chaud. Je cède pourtant finalement à la curiosité au risque de me brûler et pose mes doigts sur l'objet.
Je hausse un sourcil surprit et Aevin me lance un regard étonné en ne me voyant pas reculer.
-Tu ne trouves pas ça brûlant ?
Je secoue la tête en signe de dénégation puis résume mes impressions :
-Non, plutôt froid en fait. J'ai l'impression d'avoir mis la main dans de la glace. Mais chaud ? Non...
Un petit silence s'éternise entre nous avant qu'une voix semble tout à coup jaillir du néant.
-Deleï !...
Aevin et moi nous tournons d'un même mouvement rapide vers l'origine du bruit pour découvrir une petite dame qui nous fait signe de la suivre, à l'autre bout de la pièce.
La première chose qui me marque est son visage : il est ridé. Elle n'a pas absorbé les fleurs de jeunesse éternelle... La seconde sont ses vêtements : elle est vêtue avec élégance et ne porte pas la fameuse combinaison uniforme.
Mais Aevin hausse les épaules puis murmure avec un sourire en commençant à s'avancer dans le dédale de la pièce et en me tirant ainsi de mes pensées :
-C'est bien gentil de nous faire signe de la suivre... Mais on fait comment dans tout ce bazar ?
-On joue au labyrinthe... ça ne te plaisait pas ?
Aevin sourit avec malice en ramassant de justesse ce que j'appellerai une chouette empaillée et en la reposant sur un support non identifiable -trop envahit d'un amas d'objets bizarres-. La vieille a déjà disparue à l'autre bout de la pièce par une petite porte que je n'avais pas remarquée jusqu'ici.
-Thaïs, j'aimais jouer à ça quand j'étais un jeune enfant... Aujourd'hui, avec ma maturité, ma sagesse...
J'éclate d'un rire ironique avant de dire :
-Bien sûr ! C'est fou ce que tu as changé ! Fais attention, je pourrai te quitter si je ne te reconnaissais plus...
Il lève les yeux au ciel alors que nous atteignons enfin une porte métallique qui s'ouvre d'elle-même devant nous.
-Thaïs, si un jour je n'ai plus d'estime de moi-même, je te tiendrai pour personnellement responsable...
Nous pénétrons dans une nouvelle salle et la porte se referme derrière nous comme les précédentes. J'avoue avec un sourire :
-Honnêtement, je ne suis pas trop inquiète. Ce jour n'est pas encore arrivé...!
Mais nous nous taisons alors tous les deux. L'ambiance de la pièce nous saisit et je n'ose personnellement plus bouger.
Une curieuse lumière verte envahit le petit espace accompagnée d'une lourde fumée qui commence déjà à me donner un début de migraine. La vieille femme est debout devant trois sièges qu'elle nous désigne d'un petit geste sec. Les sièges sont constitué de drôles d'appareils et j'échange un regard inquiet avec Aevin. Mais il résume parfaitement ma pensée à voix haute :
-Avons-nous le choix de toute façon ?
Je secoue négativement la tête et pousse un léger soupir. J'aimerai beaucoup avoir un réel choix ne fus-ce qu'une fois dans ma vie...
Aevin est déjà assis alors que je m'avance lentement. Je pose mes doigts sur les bords du siège noir avant de me décider. Je me laisse tomber à la place que l'on me désigne en observant à part moi que la pièce est absolument déserte à l'exception des trois sièges -la femme s'est installée dans un autre exactement pareil aux nôtres- mais que la fumée et la lueur verte lui donne une atmosphère bien plus étouffante que l'autre salle par ailleurs si encombrée.
Je sens alors un mouvement sur ma gauche et je regarde le siège avec un mouvement de panique.
Un collier de métal est en train de se refermer sur mon bras. Je veux me lever précipitamment mais Aevin pose la main sur moi pour me retenir. Son bras à lui est déjà fixé au siège.
-Attends, Thaïs ! Laisse-toi faire !
-Mais tu es fou ! Je ne sais pas ce que ça va nous faire mais...
Inconsciemment, je suis déjà en train d'écarter sa main mais il me calme d'une parole :
-Thaïs ! Ça sert à communiquer...!
Que veut-il dire ? Je suis bien obligée de lui faire confiance mais je jette quand même un regard furieux à la vieille femme à qui cela semble parfaitement égal.
Je me force à me détendre et le bracelet achève de me fixer au siège. Je remarque alors des dizaines de fils qui semblent me relier au dos du fauteuil et je ferme un instant les yeux. Cela me rappelle curieusement le bracelet d'Edilyn qui contrôlait toute ma vie. C'est loin d'être un souvenirs agréable...
Mais la vieille femme murmure alors un mot qu'elle avait déjà dit quelques minutes plus tôt mais que je n'avais pas pris la peine d'écouter :
-Serpacid...
Je retiens un cri de surprise. Il me semble que le bracelet vient d'envoyer une micro-décharge électrique -je ne l'ai pratiquement pas sentie-. En revanche, j'ai entendu le mot dans ma tête avec tout à coup beaucoup plus de clarté. Et dans ma langue.
"Étrangers".
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