Séduction
Contexte : Levi fait partie du Bataillon d'Exploration depuis 10 mois. Après avoir percé l'abcès "Isabel et Furlan" avec Erwin, sa relation avec le capitaine s'est détendue. Et un entraînement va définitivement changer la donne.
Bonjour !
Me revoilà cette fois plus vite que la dernière fois, avec un nouveau OS. On reste sur la même période temporelle que le précédent, c'est la suite direct. Et on est toujours du PDV de Levi.
Bonne lecture
CW : Suite à des violences sexuelles avec ses précédents partenaires, Levi a une vision biaisée de la sexualité et s'est mis en tête des choses qui ne doivent pas être considérées comme normales (par exemple l'idée que le sexe est nécessaire dans une relation, qu'on doit du sexe à son partenaire, ce genre de choses). Ces idées seront déconstruites dans de prochains OS, mais je tenais à vous prévenir. Levi apprendra également à poser des mots sur les violences dont il a été victime, mais ce n'est pas pour tout de suite.
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Oh, baby, I can feel the rush of adrenaline
I'm not scared to jump if you want to
Let's just fall in love for the hell of it
Maybe, we'll just keep fallin'
I can feel the rush of adrenaline
I'm not scared to jump, 'cause I want you
Let's just fall in love for the hell of it
Maybe, we'll just keep fallin'
When I'm around you, I feel it in my veins
There's something about you that's makin' me go insane
We have a storm to weather, my little sweet surrender
Fallin' (Adrenaline) – Why Don't We
Octobre 844
Au Bataillon d'Exploration, les expéditions n'ont lieu qu'au printemps et à l'été. L'objectif : éviter au maximum les jours de pluie – comme celui qui a coûté la vie d'Isabel et Furlan – et faire en sorte que les soldats comme les chevaux soient dans les meilleures conditions possibles. Or se battre avec les muscles engourdis par le froid est tout sauf conseillé. Sans compter que les fonds sont limités, or les expéditions coûtent cher, très cher, en argent comme en vies humaines.
On considère que c'est une bonne année pour le Bataillon si deux expéditions de grande envergure ont lieu. Il y a des années où il n'y a même pas le budget pour une. Et à côté, des petites missions d'exploration sont parfois organisées, pour effectuer du travail de cartographie ou de repérage en vue des grandes expéditions. Levi a pu participer à l'une d'elles juste avant la fin de l'été. Ils sont partis à quinze, deux des meilleures équipes de l'escouade 3. En petit groupe, il est plus facile de passer inaperçus au milieu des titans, même si cela signifie aussi être plus vulnérables. Encore que, avec Levi, la mission était relativement sûre. Seuls deux hommes ne sont malheureusement pas rentrés. On peut considérer la mission comme un succès, étant donné qu'ils sont revenus avec les informations nécessaires pour compléter les cartes des officiers.
Quoi qu'il en soit, le début du mois d'octobre a sonné la fin des expéditions pour l'année. Rendez-vous en mars, voire en avril. Pour autant, le Bataillon n'est pas en vacances, loin de là. En dehors des jours de repos, les entraînements sont quotidiens et bien sûr, obligatoires. Manœuvre tridimensionnelle, escrime, lutte, équitation, tir, musculation, athlétisme... Les soldats font tout pour conserver leur endurance, leur habilité à cheval et dans les airs, leur force et leur souplesse durant la période hivernale. Certains profitent même de ces quelques mois pour étendre leurs compétences et augmenter leurs capacités. Levi fait partie de ceux-là.
Il s'entraîne d'autant plus que Smith n'est jamais bien loin. L'homme est toujours là, à le surveiller et à lui lancer des piques quand Levi – et ce sont ses mots – « se la coule douce ». Ça a le don d'agacer Levi, mais il reconnaît qu'il avait besoin d'un coup de pied au cul pour passer la seconde. Résultat, il progresse à vue d'œil. Et il pourrait aller bien plus vite s'il avait des coéquipiers capables de se mesurer à lui et le pousser à se dépasser. Malheureusement, même Mike ne tient pas longtemps face à lui. C'est frustrant.
À défaut d'avoir un rival à sa hauteur, Levi essaye de donner des conseils, tant bien que mal. Il n'est pas très doué pour ça. Il agit toujours avec un tel naturel qu'il lui est difficile d'expliquer à quelqu'un d'autre comment procéder, de décomposer ses mouvements pour les enseigner et de servir autre chose qu'un « vas-y à l'instinct, arrête de réfléchir ». Mais Smith pense que c'est une bonne idée, parce qu'en essayant d'apprendre aux autres à se battre ou à manœuvrer, ça l'oblige à prendre du recul et à conscientiser ce qu'il fait d'habitude par réflexe.
Ce matin, l'équipe de Levi travaille la manœuvre tridimensionnelle. Chaque semaine, un planning est établi pour que chaque équipe ait l'occasion de travailler toutes les disciplines sans créer d'embouteillage autour des équipements et des salles. Si les membres d'une même équipe s'entraînent toujours ensemble, plusieurs équipes peuvent se voir attribuer le même créneau, selon les équipements disponibles. Typiquement, aujourd'hui l'équipe de Mike s'entraîne avec eux. Et comme c'est la troisième fois cette semaine, Levi suspecte Smith d'avoir arrangé les emplois du temps pour lui donner un semblant de challenge.
Mike est loin d'égaler Levi, que ce soit en force, en dextérité, en vitesse ou en agilité. Néanmoins, Levi reconnaît qu'il a bien plus d'expérience avec les titans. Mike connaît également mieux les tactiques du Bataillon, les manœuvres de groupe et il est plus à l'aise que lui au milieu des arbres. Levi aurait aimé pouvoir être dans son équipe, ou au moins dans la même escouade, mais Shadis n'est pas du genre à mettre tous ses œufs dans le même panier. Et Levi concède que cela déséquilibrerait trop les escouades. Mais c'est dommage, parce qu'il aurait pu apprendre plus vite au contact de Mike sur le terrain.
— Quarante-et-une secondes ! s'exclame Hange en accourant vers Levi. C'est ton record !
Levi vient en effet de terminer pour la sixième fois le parcours d'entraînement à travers la forêt. Voyant sa camarade écarter les bras comme si elle allait l'enlacer, il lève le bras pour la tenir fermement à distance.
— Ne me touche pas, déclare-t-il simplement, à peine essoufflé par sa performance.
— Mais tu es passé sous la barre des 45 secondes ! Je ne savais même pas que c'était possible !
— Bravo Levi, lance Julian en atterrissant près d'eux.
Le concerné hausse les épaules. Considérant qu'il connaît le parcours par cœur, il ne voit rien d'exceptionnel à ce nouveau record.
— Est-ce qu'on ne pourrait pas modifier le parcours un peu plus souvent ? demande-t-il à son chef d'équipe.
— On le change déjà toutes les semaines...
C'est vrai. Mais ce n'est malheureusement pas suffisant pour Levi. D'autant plus que les modifications sont parfois si minimes qu'il s'en rend à peine compte. Et puis ces titans en bois... c'est mignon, mais clairement pas à la hauteur des vrais titans. D'autant plus qu'une fois sur deux, la personne en charge de les faire bouger n'est pas assez rapide. À peine a-t-elle tiré sur la corde que Levi est déjà loin.
— Essaye les yeux bandés, Levi, déclare une voix grave dans son dos.
Pas besoin de se retourner pour savoir que Smith s'avance vers lui. Le capitaine arrive même à lui faire de l'ombre en se plantant devant lui. Foutu géant... Et dire que Mike est encore plus grand !
Levi croise les bras et relève le menton pour soutenir le regard de l'homme.
— Les yeux bandés, t'es sérieux ?
— Parce que tu penses ne pas en être capable ?
— Bien sûr que si, assure Levi.
— Alors essaye. Mais tu sais, rien ne t'oblige à suivre à la lettre le parcours. Sens-toi libre d'improviser et de faire quelques détours si tu as besoin d'un peu plus de challenge.
Admettons. Ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée. Cela lui permettrait de moins s'ennuyer. Sa seule crainte n'est pas de se faire mal en se prenant un arbre, mais plutôt les moqueries de ses camarades s'il en venait à s'en prendre un. Il a beau avoir de plus en plus confiance en eux et avoir presque l'impression de faire partie du Bataillon, les mauvaises habitudes ont la vie dure. Et il n'y a rien qu'il déteste plus que d'être humilié et de provoquer les rires.
— Mouais. J'essayerai au prochain tour.
— Pourquoi pas maintenant ? demande Smith en haussant un sourcil.
— Parce que c'est mon tour à moi ! s'exclame Hange.
Levi récupère le chronomètre et sort un mouchoir de sa poche pour l'essuyer. Se positionnant au départ du parcours, Hange tire ses sabres et se tourne vers Levi. Il n'a même pas le temps d'ouvrir la bouche qu'Hange a déjà commencé à hurler son propre compte à rebours.
— 3... 2... 1... C'est partiiiii !
Julian ayant été attiré ailleurs, Levi se retrouve seul avec Smith.
— Son record est d'une minute trente-neuf, déclare simplement Levi.
— Elle est douée, commente le capitaine.
— Ouais.
De l'avis de Levi, Hange gagnerait à économiser ses mouvements et contenir ses hurlements dès qu'elle effectue une manœuvre un peu complexe. Et en même temps, ce serait d'une tristesse. En un sens, elle ressemble un peu à Isabel. Elle aussi avait la manie de brailler dès qu'elle se retrouvait la tête en bas.
Être en présence de Smith est devenu plus naturel depuis... leur conversation pendant l'anniversaire de Shadis. Si on peut appeler ça une conversation. En tout cas, Levi se sent moins agressé par l'existence du capitaine. Et il n'a plus envie de lui arracher les yeux dès qu'il ouvre la bouche. Parfois il se surprend même à répondre à ses sourires. Parce que bien sûr, Smith distribue des sourires en permanence. Avant, ils lui paraissaient faux et orgueilleux. Maintenant, Levi a l'impression qu'ils sont plus sincères. Presque doux.
Les portraits d'Isabel et Furlan ont rejoint sa table de nuit. Dans le premier tiroir, à l'abri des regards de ses camarades de dortoir. Parfois, quand le dortoir est vide et qu'il est certain que personne n'est dans les parages, il sort le dessin pour le regarder. Et il leur parle dans sa tête. Parfois, il pense à Smith. Et il se demande ce qu'il pourrait faire pour le remercier. Puis il se reprend, en se disant que sa présence dans le Bataillon est largement suffisante. D'ailleurs, c'est Smith qui l'a remercié avec ce présent. Donc il n'a pas à le faire en retour.
— Je dois y aller. Mike veut qu'on travaille nos figures. Mais hâte de te voir essayer les yeux bandés, Levi.
Encore cette manie de répéter son prénom. Pourquoi il fait ça ? Il sait très bien comment il s'appelle, pas besoin de le lui rappeler !
Mais c'est le moment choisi par Hange pour atterrir. Distrait par les cheveux blonds de Smith illuminés par le soleil, Levi arrête le chronomètre de justesse.
— Une minute quarante-sept.
— Oh nooooon... gémit la soldate. J'étais persuadée d'avoir battu mon record !
— Bah vas-y, réessaye.
— OK ! Merci !
Et c'est reparti pour un tour. Alors que Hange disparaît derrière les arbres, Levi se détourne un instant pour observer Smith et Mike. Les deux hommes se sont postés au pied d'une des silhouettes de titans en bois et semblent sur le point de commencer.
Levi a déjà vu des soldats pratiquer la manœuvre tridimensionnelle en équipe. Les figures coordonnées peuvent être impressionnantes. Levi s'y est essayé une fois avec Julian, mais il a vite du se rendre à l'évidence : aucun de ses coéquipiers n'est capable de le suivre. Et même s'il parvenait à ralentir suffisamment, cela n'aurait aucun intérêt sur le terrain qu'il se bride autant. Il s'est donc résigné à toujours manœuvrer en solo.
Ça fait quoi ? Un an et demi que Levi a intégré le Bataillon d'Exploration ? Et pourtant, en voyant Smith s'élancer dans les airs, il réalise qu'il n'a vu l'homme manœuvrer qu'en de rares occasions. La faute aux plannings. Et comme ils ne sont pas dans la même escouade, il ne le croise quasiment pas à l'extérieur, une fois la formation déployée. C'est la première fois qu'il le voit s'entraîner avec Mike. Ou peut-être la première fois qu'il y prête réellement attention.
Smith est peut-être un stratège et un intellectuel, mais une fois dans les airs ou sur un ring, il est loin d'en avoir l'air. Shadis est faible aux yeux de Levi. Trop vieux, trop lent. Smith est... taillé pour la guerre. Son manque d'agilité, il la compense avec sa puissance. Et malgré sa grande taille, il est extrêmement rapide. Levi a souvent entendu dire qu'avant son arrivée, Mike était l'homme le plus fort du Bataillon. Mais Smith n'est clairement pas loin derrière.
Les deux hommes virevoltent autour de la silhouette titanesque dans un ballet impeccablement coordonné. Ils tourbillonnent ensemble, s'attrapant parfois par le bras ou la jambe pour que l'un projette l'autre dans les airs. Ils n'ont même pas besoin de se parler, ils se calent l'un sur l'autre En les regardant, ça a presque l'air facile.
Levi en a complètement oublié le chronomètre d'Hange. Il a délaissé son poste et s'est avancé vers la zone où Smith et Mike exécutent leur danse. Ils continuent d'enchaîner les figures, et au fur et à mesure qu'ils pénètrent dans la forêt, Levi les suit avec son équipement en prenant soin de ne pas gêner. Comment font-ils pour être aussi coordonnés ? Pour savoir quand tendre la main, quand lâcher l'autre ? Est-ce parce qu'ils répètent encore et toujours les mêmes mouvements jusqu'à les connaître par cœur ? Ou est-il possible d'être à ce point en phase avec quelqu'un pour lire dans ses pensées ?
J'aimerais tellement pouvoir faire ça. La jalousie lui serre les entrailles. C'est injuste. C'est bien beau d'être l'homme le plus fort du Bataillon et le nouvel espoir de l'Humanité, mais lui ne sera jamais capable de faire ça. Travailler en équipe. Manœuvrer en équipe, en symbiose totale avec son partenaire.
Peut-être qu'il devrait essayer avec Mike ? Peut-être que le deuxième meilleur soldat de l'Humanité serait capable de le suivre ? Mais à quoi ça servirait, ils ne sont pas dans la même escouade... Ce serait une perte de temps.
Mike et Smith atterrissent exactement en même temps, chacun à l'opposé de la clairière. Ils sont applaudis par les autres et Levi doit se faire violence pour ne pas les imiter. Tiraillé entre l'émerveillement et l'envie, il descend de son arbre, décidé à passer à autre chose. Il va essayer de faire le parcours les yeux bandés. Ainsi, peut-être que c'est lui qu'on applaudira. Et peut-être que Smith sera jaloux à son tour.
— Eh, Levi ! lance le capitaine en le rejoignant à petites foulées.
— Quoi ?
— Tu veux essayer ?
Croyant qu'il veut encore parler de cette histoire de parcours en aveugle, Levi lève les yeux au ciel en commençant à dénouer sa cravate pour s'en servir de bandeau.
— Qu'est-ce que tu crois que je suis en train de faire ?
— Non je veux dire... la manœuvre en duo.
Cette fois, Levi fronce les sourcils. Smith le fixe avec ses grands yeux trop bleus, ses joues rosies par l'effort et ses cheveux décoiffés.
— C'est pas fait pour moi. Personne n'arrive à me suivre.
— Je suis sûr que je peux y arriver, si tu calmes un peu le jeu.
— Je croyais que tu voulais que je me donne toujours à 100%, rétorque Levi, méfiant.
— Certes, admet Smith.
— On n'est pas dans la même escouade, ça servirait à r...
— Si tu n'as pas envie, tu peux simplement dire non, interrompt le capitaine avec autorité.
Levi referme la bouche. Il ne comprend toujours pas le but de cette proposition, mais il doit bien avouer qu'elle est plutôt tentante. Il craint d'être déçu, encore une fois, néanmoins... Et puis merde. Au pire qu'est-ce qu'il risque ? Rien du tout. S'ils se rétament, ça sera à cause de Smith. Et Levi en profitera pour lui faire ravaler son air prétentieux. Il pense vraiment être capable de le suivre ? Levi ne demande qu'à voir ça.
— OK.
Encore un foutu sourire. Smith ressemble à un enfant qui vient d'avoir son cadeau d'anniversaire en avance. Il est ridicule. Et adorable. Non mais qu'est-ce que tu racontes ? C'est ton supérieur, se reprend Levi.
— Ce que je te propose, c'est de commencer avec une manœuvre simple. Tu vas partir de cet arbre-là et moi de celui-ci, explique le capitaine en pointant les arbres en question.
Juste que là, c'est facile. Levi hoche la tête.
— Comme tu es beaucoup plus rapide, on va éviter de partir en même temps pour commencer. Je pars le premier et tu attends... disons une seconde. L'objectif est de se croiser au milieu et de s'attraper de cette manière.
Smith illustre son propos par la pratique, prenant Levi au dépourvu. L'immense main de l'homme se referme sur son avant-bras, juste avant le coude. Levi frémit à ce contact. Le souvenir de leur étreinte sur les coursives s'impose à son esprit. Il se rappelle du bras autour de son buste et du torse contre son dos.
— Levi ?
Se reprenant, Levi referme sa main autour de l'avant-bras de Smith, en miroir. Il ne peut s'empêcher de jauger le muscle sous ses doigts. Puissant. Robuste. Des bras rassurants, des bras protecteurs, des bras solides sur lesquels se reposer.
— Voilà. Et une fois qu'on est comme ça, le but est d'utiliser l'élan pour réaliser trois-quart de tour et donc de te faire réaliser un virage à 90°. Bien sûr, il faudra que tu rétractes tes câbles pour ne pas qu'on s'emmêle.
Alors que Smith donne ses explications, il mime la manœuvre au ralenti. On dirait qu'on danse, pense Levi, mal à l'aise de se sentir observé par les autres. C'est limite si les deux équipes n'ont pas arrêté leur propre entraînement pour les regarder.
— Compris ?
— Je crois.
— Faisons un premier essai. On ajustera par la suite.
Enfin, Smith relâche sa poigne. Il a l'impression de sentir encore sa main sur son bras. Mais il est temps de se lancer. Les deux hommes se séparent pour gagner chacun leur arbre. Debout sur l'une des branches les plus basses, Levi se remémore l'enchaînement. Mais ce n'est pas la figure qui lui fait peur, il a l'habitude d'en réaliser des bien plus complexes. Le problème va être de croiser Smith au bon moment, au bon endroit, à la bonne vitesse et d'attraper son bras sans l'arracher au passage. Et bien sûr, tout ça sans emmêler leurs câbles.
Mais voilà que Smith s'élance et Levi cesse de réfléchir. Une seconde, pas plus. Son câble s'accroche à l'arbre en face et il saute dans le vide. Tout se passe en quelques secondes. La main de Smith sur son avant-bras. Merde, il a vraiment réussi à m'attraper ? Surpris par la réactivité de Smith, Levi en oublie de décrocher son câble.
— Putain de merde ! jure-t-il en constatant les dégâts.
Les voilà complètement emmêlés ! Suspendus au milieu du vide, comme des mouches sur une toile d'araignée. Et Smith qui se met à rire, comme si c'était drôle !
— Je te l'avais dit que c'était une mauvaise idée ! Putain, j'aurais jamais dû te faire confiance !
— Levi, calme-toi... soupire le capitaine. Ça nous est tous arrivé. Allez, décroche-toi, je te tiens.
Avant que Levi n'ait pu protester, Smith l'a attrapé par la taille. Bordel, il le fait exprès ou quoi ? Levi sent ses joues le brûler alors que l'homme le serre fermement contre lui. Il se sent tellement petit dans ses bras...
— Levi, le rappelle à l'ordre Smith.
Sitôt le câble de Levi rétracté, Smith parvient à les faire redescendre en douceur. Une fois à terre, Levi repousse brutalement l'autre homme, décidé à mettre le plus de distance possible entre eux. Il a chaud, il transpire et il voudrait disparaître. Mais Smith n'en a pas terminé avec lui.
— Allez, on recommence.
— Non mais c'est pas la peine, ça marchera jamais... marmonne-t-il sans conviction.
— Bien sûr que si.
Smith lui décroche un sourire et il faut à Levi toute sa volonté pour ne pas le lui rendre.
***
Levi a fini par maîtriser la première figure. Après quatre essais, mais il y est arrivé. Galvanisé par le succès, il a laissé Smith lui en apprendre une seconde. Puis une troisième et une quatrième. Lui qui pensait ne jamais pouvoir manœuvrer en duo s'est retrouvé bien détrompé. Et Levi est heureux d'avoir eu tort. Peut-être qu'il lui fallait tout simplement le bon partenaire.
Alors oui, il est obligé de ralentir le rythme pour permettre à Smith de le suivre, mais celui-ci fait un bon job en anticipant le moindre de ses mouvements. Comme quoi, la sale habitude de Smith à le fixer en permanence aura fini par trouver une utilité.
Apprendre à manœuvrer avec Smith ne servira absolument à rien sur le terrain, et même s'ils étaient dans la même escouade, Levi reste bien plus efficace en solo, mais comme Smith l'a dit lui-même « on a bien le droit de s'amuser un peu ». Parce que oui, c'est amusant de voler ensemble. D'ailleurs Levi aurait pu continuer pendant des heures, si Smith n'avait pas fini par s'effondrer au pied d'un arbre, complètement vidé de ses forces.
— Tu vas me tuer à ce rythme-là, se lamente le capitaine.
— Tu survivras, Blondie, assure Levi en lui tendant la main.
Après avoir gémi une dernière fois, Smith se décide à accepter son aide pour se relever. Levi réalise qu'ils sont seuls dans la clairière, il ne s'était même pas rendu compte du départ des autres. Sans doute sont-ils allés manger. Vu la hauteur du soleil dans le ciel, il doit être midi passé.
— Tu vas vraiment continuer à m'appeler comme ça ? s'inquiète Smith.
Pour toute réponse, Levi hausse les épaules. Il devrait plutôt être reconnaissant. Tout le monde n'a pas le droit à un surnom. C'est facile, il y a la binoclarde et Blondie. Il voudrait en trouver un pour Mike, mais n'a pas encore eu l'illumination. Ça viendra en temps voulu.
— Tu fais quoi cet après-midi ? poursuit le capitaine en étirant ses bras.
— Corvée de cuisine.
Il va éplucher des patates pendant des heures. Génial. Mais au moins après ça, il aura le plaisir de laver la cuisine et peut-être même le réfectoire.
— Et toi ? demande-t-il par politesse.
— Équitation.
Le retour à la caserne se fait en silence. C'est agréable de marcher aux côtés d'Erwin, sans se sentir obligé de faire la conversation. Et c'est encore plus agréable maintenant que Levi ne se sent plus bouillonner de colère en présence du capitaine.
Dans la pièce dédiée à l'entrepôt et l'entretien des équipements tridimensionnels et des armes, Levi finit par s'adresser à nouveau à Smith pour lui proposer :
— Douche ?
— Hum, je vais de toute manière transpirer de nouveau cet après-midi alors...
Levi ne peut retenir une grimace de dégoût.
— Et donc ? Tu comptes aller déjeuner en baignant dans ta crasse ?
— Je... bafouille le capitaine en tentant de dissimuler sa gêne. Après tout, une petite douche ne fera pas de mal.
Levi préfère ça. Honnêtement, le manque d'hygiène de la plupart de ses camarades est révoltant. Il se demande même s'ils prennent la peine de se laver entièrement une fois par semaine. Il en voit certains le matin et le soir se laver les aisselles et les parties intimes, mais c'est loin d'être suffisant pour être propre. Levi a l'impression d'être le seul à se doucher tous les jours, voire même plusieurs fois par jour en cas d'entraînement. Oui, l'eau est froide et les bains ne sont chauffés qu'une fois par semaine, mais ce n'est pas une raison pour rester sale.
Une fois dans les douches – désertes puisque leurs camarades sont tous au réfectoire – Levi réalise que c'était peut-être une mauvaise idée de convier Smith. Lui et Smith. Seuls. Dans les douches. Nus. Bordel, il sent ses joues brûler rien que d'y penser.
Les douches pour hommes sont alignées sur le mur du fond, sans cloison pour les séparer. Et si d'habitude Levi s'en fiche, aujourd'hui il aurait aimé qu'il y en ait.
Pas pudique pour un sou – ce qui aurait été étonnant pour un soldat avec plus de dix ans d'ancienneté dans le Bataillon –, Smith défait son équipement nonchalamment et expose petit à petit son corps... Ses muscles saillants, ses larges épaules, ses abdominaux dessinés, ses immenses jambes recouvertes d'une toison dorée et son cul tellement... Putain de bordel de merde.
Il en a la bouche sèche et des palpitations. Pourtant Levi en a vu défiler des mecs à poil depuis son entrée dans le Bataillon. Et si rares sont ceux avec une aussi belle gueule que celle de Blondie, tous possèdent une musculature particulièrement développée. Et oui, il lui est arrivé d'en mater certains dans les douches communes. Mais Smith est... un niveau encore au-dessus. Et la rondeur de son postérieur donnerait presque envie à Levi de tendre la main pour le toucher. Juste pour voir s'il est aussi ferme qu'il en a l'air. Ça fait combien de temps qu'il n'a pas touché un homme ? Le corps d'un homme. Depuis Furlan. Et quand il est mort, ça faisait presque deux ans qu'ils n'étaient plus ensemble. Conclusion : ça fait très longtemps.
— Je ne te dérange pas ?
Cette réplique a pour effet de faire sursauter Levi. Le rire de Smith résonne dans la salle de bain. Levi détourne les yeux, rouge comme une tomate. Là, tout de suite, il aimerait disparaître sous terre. Et n'avoir jamais invité le capitaine à se joindre à lui. Il aurait mieux fait de le laisser mariner dans sa crasse.
— Ça va, je le prends comme un compliment, assure l'homme en allant se poster sous une des douches.
Se maudissant intérieurement, Levi termine de se déshabiller. Quel con ! Qu'est-ce qu'il lui a pris de le fixer comme ça ? Smith est son supérieur. Quoi que, considérant qu'il ne fait pas partie de l'escouade de Smith, est-ce que ça compte ? Il n'est pas sous son commandement direct donc techniquement... Non. Non. Non. C'est n'importe quoi. En plus, Smith est totalement hors de sa portée. Un homme comme lui ne s'abaisse pas à regarder quelqu'un comme Levi. Il est le petit rat d'égout et Smith un... cheval majestueux ? Ou une colombe ? Peu importe.
Pour une fois, l'eau glacée est bienvenue. Levi met un point d'honneur à fixer le carrelage alors qu'il se lave et à essayer d'oublier le corps magnifique à sa droite. Le silence est pesant. Inconfortable. Il ne s'est jamais lavé aussi vite. Et il n'a jamais eu autant honte de sa vie. Heureusement, Smith semble avoir eu la bonne idée de ne pas commenter davantage l'incident. Et Levi espère qu'il ne le lui rappellera jamais. Jamais. Jamais.
Mais le répit est de courte durée parce que voilà que le capitaine déclare d'une voix mal assurée :
— Levi, il n'y a vraiment...
N'ayant aucune envie d'entendre la fin de cette phrase, Levi tourne les talons, allant jusqu'à oublier de fermer le robinet de sa douche. Smith s'en chargera. Décidé à fuir le plus loin possible, il attrape l'une des serviettes propres disponibles sur les étagères à côté de la porte. Ses vêtements dans une main, l'autre crispée sur les coins de la serviette autour de sa taille, il quitte les douches pieds nus, en priant pour que Smith ne le suive pas. Ce qu'heureusement, Smith ne fait pas.
De retour dans son dortoir, Levi se laisse tomber sur sa couchette. Ses vêtements sales sont maintenant en tas au pied du lit et pour une fois, il n'en a absolument rien à faire.
Merde. Merde. Merde. En plus d'avoir une gueule d'ange, il fallait que Smith soit l'homme le mieux foutu des environs. Et le mieux membré en plus... Putain... N'y a-t-il donc pas de justice dans ce monde ?
Et dire que ça faisait des mois qu'il avait perdu toute libido, au point de ne même plus avoir envie de se branler. Depuis la mort d'Isabel et Furlan. Sans surprise, le choc et le deuil avaient suffi à lui couper toute envie. Mais maintenant qu'il arrive à être un peu plus en paix avec lui-même, et accepte un peu mieux leurs morts... c'est reparti. Et de tout le Bataillon, il faut que ce soit Blondie qui le fasse bander.
En même temps, il ne devrait pas être étonné. S'il n'avait pas été engagé pour tuer Smith et que ce dernier ne lui avait pas mis la tête dans la boue le jour de leur rencontre, il en aurait certainement pincé pour le capitaine depuis le début. Il a toujours eu un faible pour les grands aux yeux bleus. Furlan avait les yeux bleus. Dan aussi. Et Thomas était presque aussi grand que Smith. Mais pas aussi bien nourri. La Ville Souterraine ne produit pas d'hommes comme Smith. Elle crée des nabots comme lui, ou des brindilles comme Furlan et Thomas. Et des petits malingres comme Isabel.
Soit. Smith est beau, ça, il le savait déjà. Smith est bandant, ça lui fait une belle jambe. Ce n'est pas comme s'il allait se passer quoi que ce soit. Il doit juste faire comme si de rien n'était et éviter de se retrouver de nouveau dans une telle situation. Ça finira par lui passer. Ça finit toujours par passer. En attendant...
Après s'être assuré qu'il était bien seul dans le dortoir, Levi passe sa main sous sa serviette. Les bras musclés de Smith. Autour de sa taille. Ses immenses mains sur son cul. Ses lèvres si pleines et si roses sur les siennes. Sa langue. Dans sa bouche, dans son cou... À tous les coups, Smith aurait été capable de le soulever et de le baiser contre le mur dans les douches. Il l'aurait pilonné avec cet énorme sexe qu'il a entraperçu. Ça aurait été tellement bon qu'il aurait été incapable de se retenir de hurler. Ou alors il l'aurait pris à quatre pattes. Oui, il imagine sa joue contre le carrelage glacé et les mains d'Erwin sur ses hanches. Qui le serrent au point de laisser des bleus. Sa langue dans son cul et...
Levi jouit en serrant les dents. Merde, ça faisait longtemps... Et ça fait un bien fou. Les muscles détendus et les yeux clos, il reste allongé un moment, profitant de ce sentiment de bien-être qui lui avait manqué. Pour sa défense, difficile de se branler quand on partage un dortoir avec cinq autres hommes. Il sait que ça ne gêne pas certains, il lui est arrivé d'entendre des bruits évocateurs au milieu de la nuit, alors que sans doute le coupable pensait que tout le monde dormait, mais lui est incapable de faire ça.
L'esprit bien plus calme que quelques minutes auparavant, Levi utilise sa serviette pour s'essuyer le ventre et les mains avant de se redresser. Assis au bord de sa couchette, entièrement nu, il prend un instant pour respirer profondément.
Smith. Qu'est-ce qu'il doit faire maintenant ? Rien. Absolument rien. Il va faire comme s'il ne s'était rien passé et espérer que l'homme fera de même. C'est la meilleure option. De toute manière, ce n'est pas comme si Levi voulait qu'il se passe quelque chose. À vingt-sept ans, il se connaît. Imaginer se faire baiser dans tous les sens en se masturbant, c'est agréable. Mais coucher avec un homme en vrai... plus jamais. Au mieux c'est désagréable, au pire ça fait atrocement mal. Et les rares fois où il a osé s'en plaindre... Il n'a pas envie de penser à ça.
La seule fois où il a eu l'occasion de coucher avec quelqu'un qui se souciait vraiment de son bien-être... il n'a pas réussi. Alors qu'il aimait Furlan et qu'il savait que Furlan l'aimait aussi. Et qu'ils en avaient tous les deux envie. Mais Levi n'a pas pu. C'était plus fort que lui.
C'est pour ça qu'ils se sont séparés. Bien sûr, ce n'est pas Furlan qui l'a largué, il était trop gentil et attentionné pour ça. Mais c'est justement pour cette raison que Levi s'est senti le devoir de mettre fin à leur relation. Parce que Furlan méritait mieux qu'un homme incapable de répondre à ses besoins.
Il n'y a aucune raison que ce soit différent avec Smith. Donc il ne se passera rien. Absolument rien. Et au pire, il pourra toujours se branler. Ça, ça n'a jamais fait de mal à personne. Smith n'en saura jamais rien, et tout ira bien dans le meilleur des mondes.
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Et voilà ! Il était plutôt long celui-là, mais j'avais plein de trucs à raconter.
Les deux loustics avancent lentement, mais sûrement. J'ai trop hâte d'écrire et de vous partager tout ce que j'ai dans la tête !
N'oubliez pas la petite review qui fait plaisir <3
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