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Chapitre 3

Un profond effluve fruité inondait l'air. Chaud, et doux, le parfum lui effleurait la peau, la caressant. Une à une, elle avalait les petites billes rouges qui brillaient comme des grenats au milieu de l'assiette blanche. Assise en tailleur, elle en tenait plusieurs au creux de sa main, et le croquant des grains explosait dans sa bouche. Une saveur délicatement acidulée qui la faisait voyager en pensée vers des horizons qu'elle n'avait jamais connus, des dunes à l'infini et la coupure d'un fleuve, la brûlure du soleil et des accords de harpe. Ses yeux restaient ouverts, mais tout flottait autour d'elle comme si c'était gravé dans le cristal le plus fin, si fragile qu'il suffisait d'un son pour le faire voler en morceaux.

- Isis.

Tout explosa.

Et le mot éclata comme une goutte d'eau sur un étang, sautant, se diffusant en minces ondes circulaires.

- Isis, Isis, Isis, Isis...

Les sons résonnaient à l'intérieur d'elle comme dans une grotte, rebondissant sur les murs de pierre lisse, l'emplissant. Isis. C'était elle.

Elle se leva, supportant difficilement le contact de ses pieds nus avec le parquet rainuré et abîmé. Le moindre trou, la moindre fissure lui faisait l'effet d'une écharde. Elle déposa l'assiette sur sa table de nuit, alla chercher des chaussures, passa sa main dans ses cheveux. Elle entendait, au bas de l'escalier, des bribes de paroles et des gloussements, la voix rocailleuse de son père, celle douce et chantante de sa mère, c'était elle qui l'avait appelée, le rire haut et clair de Lola, la voix modulée de son ami, les gazouillements d'oiseau d'Ethan.

Elle descendit, salua, de sa voix à elle, à peine expressive, presque fade, se forçant à relever ses commissures de lèvres, sourire, ne serait-ce qu'un peu, souris, Isis, disaient les yeux de ses parents, elle sourit. Mais ses yeux disait, je souris, mais je ne sais pas pourquoi, ses yeux perdus, je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas pourquoi, peut-être ne saurais-je jamais.

Isis avait rencontré quelqu'un qui avait eu pitié d'elle, une fois, qui lui avait dit, c'est triste, ne rien ressentir, ça doit être horrible. Et elle avait répondu, ressentir, horrible, triste, je ne sais même pas ce que c'est, mais je crois que mon état est plus agréable que le tien.

Elle n'avait pas besoin des autres. Elle avait cru le contraire, longtemps, tout le monde a des amis, après tout, c'est que ça doit être utile. Mais finalement, les gens qu'elle avait choisi n'en avait jamais valu la peine. Elle avait préféré laisser tomber, rester en marge, sur la frontière. Ne pas trop parler, ne rien trop faire. Au risque de perdre l'équilibre. Au risque que plus personne ne puisse la supporter. Parce qu'Isis ne mentait jamais. Et parce qu'Isis savait des choses. Il valait mieux pour tout le monde qu'Isis ne parle pas trop. Elle ne connaissait pas le mensonge. Peut être était ce l'une des raisons pour lesquelles elle exécrait Lola.

Le mensonge était le Mal. La vérité était le Bien. Isis étudiait le monde selon des critères précis, le classait en deux catégorie : le Bien et le Mal. Ce qui lui était agréable était le Bien. Ce qui lui était désagréable était le Mal.

Les gens, la pluie, le parquet étaient le Mal.

Le soleil, le Coca, les grenades étaient le Bien.

Elle observa attentivement la rouquine, remarquant une récente brûlure au dos de sa main gauche alors qu'elle se passait les doigts dans les cheveux. Étrange comme le feu tourne toujours autour de cette fille, songea-t-elle. À croire qu'elle l'attire. Lola lança un vif, fugitif regard à son compagnon, lui était, troublé, elle aurait dit, troublé, cela semblait un joli mot pour qualifié les traits de son visage légèrement brouillé, les yeux dans le vide, troublé comme si un minuscule caillou avait été jeté dans la flaque de son esprit. Isis contempla avec une froide indifférence les doigts de Lola caressant ceux de Nash, un geste doux, onctueux, qui détendit le jeune homme et l'arracha à ses préoccupations et à ses doutes.

Finalement le repas passa assez vite et au moment ou Lola et Nash prenaient congé, Isis capta le regard que ses parents posaient sur elle et souhaita presque qu'ils restent.

« Tu ne pourrais pas être un peu sociable ? Lola parle avec tout le monde, prend exemple sur elle ! »

« Tu ne sais pas parler ou quoi ? C'est peut être pour ça que tu n'as pas d'amis ! »

« Tu pourrais répondre quand on te parles ! »

« Tu as vu comme Lola est souriante et polie ? Tu ne veux pas devenir pareil qu'elle ? »

Bien sur, ils auraient préféré une autre fille qu'elle, une fille comme Lola. Mais après tout, elle même aurait préféré d'autres parents. Ils cherchaient à ce qu'elle s'en veuille. Quel ennui... Et puis c'était à eux de s'en vouloir, comme le reflétaient ses yeux si accusateurs lorsqu'elle croisait le regard de son père ou sa mère. Elle savait. Et eux-aussi, et ils savaient qu'elle savait, seulement ils étaient trop lâche pour lui dire la vérité.

Isis savait reconnaître la lâcheté.

Elle sortit de la maison quelques minutes après. Il faisait encore jour, tout juste, et la couleur du crépuscule recouvrait le ciel comme un verre de jus d'orange renversé, se mélangeant avec l'eau. Isis avait la chance d'avoir la mer presque juste devant chez elle, sa maison bordant une impasse qui s'arrêtait près d'un phare perché au bord d'une petite falaise. Elle marcha quelques mètres et alla s'asseoir sur les marches, côté mer. Elle posa les coudes sur ses genoux et son menton sur ses mains et resta là.

Elle avait l'habitude de sortir prendre l'air, le soir, souvent. Elle était plus seule dehors que dans sa chambre. Le petit phare, d'un blanc éclatant rayé de larges bande rouges, était le lieu privilégié de ses sorties. Oh, elle ne risquait pas d'être dérangée. Cela faisait des années qu'il était inutilisé et aucun gardien n'y avait mis les pieds depuis une éternité. Elle avait tenté d'y pénétrer, une fois. Elle avait essayé de crocheter la serrure avec une épingle à cheveux, sceptique tout de même du résultat. Elle n'avait pas réussi, mais s'était faite surprendre par un enfant du quartier, qui l'avait répété à tout ceux qu'il connaissait, parmi lesquelles des élèves de son lycée. Ce qui n'avait pas arrangé sa réputation.

Isis ne se préoccupait pas de ces choses là. Elle ne réagissait pas, perdait seulement ses yeux dans les vagues, ignorant les paroles et les remarques. C'était mieux ainsi, pensait-elle.

Son indifférence l'avait fait passée pour une folle. On l'évitait à cause des murmures absurdes et de son attitude fermée et atypique. C'était également mieux ainsi. De rumeur en rumeur, elle était devenue presque une sorcière, une folle dangereuse, comme si elle pouvait contaminer les gens. Et puis, cela s'était su. Le secret si bien gardé de sa famille presque parfaite. Quel parent l'avait murmuré le premier à son gosse ? À force d'allusions plus ou moins subtiles balancées par ses camarades d'école, elle avait fini par le découvrir, elle aussi, ce secret. On lui reprochait l'erreur de sa mère. On semblait considérer qu'elle ne méritait pas de vivre. Comme si c'était de sa faute.

En fait, Isis n'en avait cure, non, ce n'était pas de sa faute, évidemment que non. Mais alors qu'elle comprenait, pour la première fois, elle avait ressenti quelque chose, oh, c'était minuscule, infime, à peine un grain de sable éjecté de la plage qui s'était inséré dans son indifférence. Une étincelle, une petite braise qui s'allumait dans la cheminée éteinte depuis toujours de son esprit, et c'était quelque chose de Mal, elle l'avait compris aussi, ressentir, ressentir ça, c'était mal. Et ce n'était pas du sable, c'était du sel, la différence est fine, sans doute, mais le sel a plus de goût, elle avait mis les deux dans sa bouche, enfant, c'était indéniable, le sel avait plus de goût. Alors elle regrettait que ça ne soit pas du sable, parce que ce goût perpétuel dans sa bouche, il la dérangeait, elle restait les yeux ouverts, la nuit, bien sur, que faire d'autre, quand ta bouche est asséchée par le grain de sel ? Âcre, amer presque, car il venait de la mer, sans doute, de loin, elle le savait, d'aussi loin que son prénom, des ailleurs qu'elle n'avait jamais pu que s'imaginer. Du sel dissous qui avait parcouru l'océan, voyagé, tout exprès, pour elle, ou alors, c'était involontaire, et au fond, ça ne changeait rien.

Parfois, les choses étaient salé, ce qu'elle sentait était salé, des effluves, des images, des textures, des échos étaient salés. Salé, c'était écœurant, désagréable, des choses qui n'auraient pas dû exister, qu'elle préférait ignorer, en fait, qui ne méritaient pas qu'elle les prenne en considération. Elle avait découvert beaucoup de choses salées maintenant. Le mensonge était très salé. Lola était très salée. Ses parents étaient plus salés encore.

Mais sa mère avait-elle vraiment fait une erreur ? Elle n'avait fait qu'enfreindre une convention sociale, et trahir une promesse tacite d'exclusivité, Isis ne comprenait pas que quelqu'un, mis à part son père, peut-être, et encore, puisse lui en vouloir. Ce qu'elle comprenait très bien, par contre, c'était que ses parents avaient refusé de lui avouer, lui cachant la vérité, pas parce qu'ils voulaient son bien, juste parce qu'ils avaient peur, et honte. L'« erreur » de sa mère ne méritaient pas son sel. Leur peur et leur honte le méritaient.

Elle scruta l'horizon, espérant apercevoir un bateau, regrettant de ne pas avoir pris de matériel pour peindre ou dessiner ce paysage qu'elle avait déjà représenté des dizaines de fois. Le phare était tourné vers l'ouest, les derniers chauds rayons du soleil la réchauffaient agréablement. Elle était bien.

***

- Tu n'as qu'à m'attendre dans la voiture, murmura Lola.

La portière claqua dans la rue déserte. Lola marcha vers le phare, repérant de loin Isis avec ses éternels baskets et T-shirt blanc qui étincelaient d'orangé à la lueur du soleil couchant. Des lunettes de soleil à montures dorées retenaient comme d'habitude ses cheveux, longs et raides, leur couleur lui rappelait des dattes, brunes et fondantes. Ils caressaient paresseusement sa beau bronzée, agités par le très léger zéphyr qui les effleurait à peine. De là où elle était, elle la voyait légèrement de profil, admirait son nez droit et ses lèvres pleines. Et les yeux, les yeux d'Isis, qu'elle ne pouvait qu'apercevoir, des lacs de pétrole si sombres qu'ils en semblaient visqueux, placés au cœur de deux amandes délicates. Brusquement, Isis se retourna, et lâcha d'une voix presque dégoûtée :

- Lola.

- Isis ! lança joyeusement l'autre, son éternel sourire aux accents railleurs plaqué sur son visage.

- Pourquoi tu viens toujours me voir ? Va-t-en. Je suis mieux seule.

- Tu accepte de me parler, aujourd'hui ? Je te le dis chaque fois. Tu sais, je viens te voir parce que je crois qu'on pourrais être amies. Tu ne crois pas que c'est une bonne idée ? Je crois que j'ai un problème au niveau de mes sentiments, comme toi. Enfin, un problème... Ça dépend du point de vue.

- On a rien en commun.

Isis détourna le regard, mais Lola ne s'en offusqua pas. Que l'autre daigne lui répondre était déjà un événement.

- Moi, je pense qu'on est pareilles. On se ressemble, on se ressemble plus que moi et Ethan, Ethan est trop fragile, toi, si tu voulais, tu pourrais accomplir des choses bien, comme moi.

Elle s'assit à coté d'elle sur les marches du phare, ou plutôt, un degré au dessus, elle ne pouvait pas s'en empêcher, Lola, il fallait toujours qu'elle se sente supérieure, c'était compulsif, et même pas sur qu'elle le fasse exprès.

- Je ne suis pas comme toi. Ni une menteuse ni une manipulatrice, articula Isis.

- Oh, c'est vraiment ce que tu penses de moi ? fit Lola, sereine. Je ne suis pas comme ça, tu sais.

- Arrête.

- Que j'arrête quoi ? De te parler, de te sourire, de te voir ? Je ne crois pas. Je ne t'ai rien fait

- Non. Ça, ça m'ennuie, j'ai l'habitude. Arrête juste de mentir. C'est salé.

La bouche de Lola se tordit.

- « Salé » ? Ça suffit. Ça n'a aucun sens.

- Alors va-t-en. Je ne devrais même pas te parler. Tu laisses un mauvais goût dans la bouche. Je voudrais que tu sois morte à la place des parents d'Ethan.

- Ce sont aussi mes parents. Et eux, alors ? Tu ne crois pas qu'ils préféreraient que je sois morte à leur place ?

Sa voix avait pris des accents durs et froids. Isis n'avait aucun droit d'évoquer ses parents, aucun droit de la juger ni de décider qui devait mourir. Ça, c'était son rôle.

- Je sais pas. Demande leur.

Lola se leva et se planta en face d'elle. Son visage exprimait une colère glaciale, mesurée. Elle vrilla ses yeux dans ceux de la jeune fille.

- Oh, crois-moi, je le ferais.

Elle partit à grands pas, sans se retourner, et Isis ne la suivit pas des yeux.

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