
𝐞́𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞 {chp43}
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𝐄𝐏𝐈𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
où il faudrait penser à fermer les fenêtres
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LYZA SENTIT SES OS se glacer comme le vent lui fouettait le visage. Ses ongles se crispèrent sur les tuiles, entre ses pieds alors qu'elle redressait la tête. Elle frissonna, le cœur tremblant de froid mais il y avait cette chaleur dans son corps qui la poussait à rester perchée en haut de la tour du château de Jeme. Elle esquissa un sourire en voyant la silhouette de Felipe qui la suivait du mieux qu'il pouvait et revint sur les plaines qui s'offraient aux étoiles. La tête renversée en arrière pour goûter la nuit, elle ne put retenir un rire d'extase. Ses cheveux nattés cognaient son dos sous les bourrasques de vent et elle devait sans cesse repoussait les petites mèches folles mais nom d'une feuille, elle était là où elle voulait être, n'en déplaise à sa mère qui souhaitait faire d'elle la parfaite petite héritière. Toute façon, la solution était trouvée : Lyza refusait le trône et l'enfant d'Arthemys et Daeron, né il y a deux ans, devenait le futur empereur staldish
— Wow, on est...
— Trop près du ciel ? ricana Lyza.
Felipe acquiesça.
— Eliros serait fier de nous, hein ?
Lyza soupira de béatitude.
— J'aimerais rester ici toute ma vie.
— Tu t'ennuierais.
— Pas faux.
Un coup de vent siffla entre les deux Voleurs, remua leur combinaison légère du fait de la chaleur d'été à Jeme.
— Bon, on fait ce qu'on avait prévu ? s'enquit Felipe, un peu nerveux.
Lyza flasha un grand sourire et assouplit ses poignets.
— Prêts à faire ressurgir des légendes, mon ami ? railla-t-elle.
Felipe fit un clin d'oeil avant de plonger vers la muraille.
*
Liam s'installa en premier, en bout de table, et disposa ses notes devant lui, concentré. Faisant fi des différents nobles qui entraient dans un brouhaha général ─ « vous avez entendu ? y a eu un vol dans le palais de Jeme », « on raconte que les Voleurs ressurgissent, vous imaginez ? », « j'ai déjà investi dans une protection rapprochée, vous devriez tous faire de même » ─ Liam retira ses lunettes pour dissimuler un sourire. Sans doute sous un tabou commun, personne n'osa lui adresser la parole, quand bien même il dirigeait cette réunion en l'absence du Général, occupé à prendre ses premières vacances avec sa femme et sa fille. Le sourire de Liam s'agrandit à ce souvenir, quand il se rappelait avoir reçu des mains de la reine une lettre qui annonçait un nouveau-né de la part du couple. Il se remémorait aussi de la visite, il y a deux semaines maintenant, de Lyza et Felipe qui avaient eu la gentillesse de le prévenir qu'ils comptaient mettre un beau bazar dans l'empire.
— Mesdames, Messieurs, je vous prie d'écouter.
Le silence se fit lourd alors que les regards vexés de devoir obéir à un jeunot d'à peine vingt ans se tournaient vers Liam, debout. Le président de l'assemblée se retint de rire. Tous ces nobles touchés au plein cœur de leur orgueil, toujours prêts à suivre le plus fort, étaient acides dans la gorge mais dieux, ce que Liam en ricanait ! Un peu plus, et il aurait aimé être avec Lyza et Felipe pour déranger l'empire mais... il aimait trop l'idée de devoir les contrer. Et puis, c'était grisant d'entendre les soldats murmurer à son propos en disant qu'il serait le prochain Général. Les nobles avaient certes de l'orgueil, mais ils n'étaient pas les seuls ─ Liam aussi.
— L'empire a subi une attaque, comme elle en subit chaque jour. Celle-ci pourrait peut-être nous inquiéter au regard de nos antécédents. Cependant il ne faut pas ignorer qu'il n'y a eu aucun blessé, si ce n'est dans leur amour-propre. Par ailleurs, cette attaque nous profite assez bien, puisque le seigneur de Jeme était évalué comme une potentielle menace ; désormais sans fortune, je doute qu'il nous faille le craindre. En revanche, un tel acte ne peut rester impuni.
Un brouhaha s'éleva tandis que Liam arborait un sourire presque triomphant. Il ne comptait pas restaurer la pratique des bûchers mais au moins, que Lyza et Felipe paient une amende. Il retint un rire face aux réactions disproportionnées des nobles. Dieux, qu'il se serait ennuyé à suivre Lyza ! Il balaya l'assemblée de son regard noisette, jaugeant de chacun des seigneurs.
— Vous ne dites pas tout, Lieutenant, osa une noble.
Un coup de vent s'engouffra par l'ouverture, souleva les rideaux. Liam hocha la tête, un sourire qu'on pourrait juger impertinent accroché aux lèvres.
— Je crois bien que ce forfait ne soit que le premier d'un grand nombre, perpétré par des Voleurs.
— Vous avez une formation de Chercheur, c'est votre travail de débusquer ces dégénérés !
Liam haussa un sourcil et darda des prunelles sombres sur l'interlocuteur, qui rentra la tête dans les épaules.
— J'ai bien peur de ne pas suivre ce que vous voulez dire, monsieur, et je suis sûr de ne pas vouloir comprendre. L'un de ces Voleurs est en réalité l'héritière. Comprenez que ce détail risque d'être épineux.
Le silence se rétablit enfin autour de la table.
— Nous ne pouvons envoyer l'armée à leurs trousses, ni les capturer, faute de soldats préparés à courir après des ombres. De fait, attendez-vous à des attaques sur vos terres. C'est pour l'instant tout ce que nous pouvons faire : anticiper leur venue et les attraper le moment où ils entrent chez nous. Merci de votre attention.
Une bourrasque s'invita, souleva les capes et les chevelures.
Liam esquissa un sourire nostalgique.
*
Arthemys ouvrit les yeux, l'esprit embrumé dans ses songes, esquissa un sourire tendre à l'encontre de l'homme à ses côtés, puis soupira un bon coup quand les pleurs qui l'avaient réveillée redoublèrent d'ardeur. Soufflant un mot à Daeron, elle quitta le lit et glissa vers les draps qui formaient une petite tente un peu plus loin dans la tente. La lune éclairait d'une lueur blafarde la pièce, presque lugubre avec le vent léger qui secouait les rideaux et les chants des cigales.
— Hey, tout va bien, souffla-t-elle au nouveau-né.
Elle le colla contre son cœur et quitta la chambre alors que Daeron se mettait à ronfler. L'enfant se calmait au fur et à mesure des pas légers de la Voleuse qui les menèrent dehors. Arthemys souffla des mots à l'oreille d'Aster, les yeux perdus dans la nuit.
Une brise effleurait les épis de maïs qui entouraient le corps de ferme. La Voleuse sourit au souvenir d'Andja les convoquant tous deux, les sourcils froncés parce que Lyza séjournait dans le palais et que la relation entre la mère et la fille créait des étincelles à chaque parole échangée. Les efforts de Liam et Arthemys ─ même Daeron s'y était mis ─ n'avaient pas suffi ; et chaque fois qu'elles se croisaient, l'une des deux craquait et quittait le palais. Andja avait tendu des clés pour Daeron et Arthemys, pestant contre Lyza et sa manie de disparaître au sein même de la capitale, malgré les deux soldats associés à sa protection. La Voleuse retint un rire : Lyza n'avait clairement besoin de personne pour se défendre mais la reine y tenait.
Daeron avait pris les clés, circonspect.
— Allez prendre des vacances, votre bonheur m'empoisonne. Et ce sera mieux pour Aster.
Daeron avait cligné des yeux, perplexe avant de se tourner vers Arthemys, qui affichait un doux sourire.
— Où ?
— Je ne sais pas. Les clés, c'était pour la symbolique mais par pitié, quittez ce palais pendant aussi longtemps que vous le voulez. Vous avez un rejeton trop mignon et moi, je me coltine une adolescente rebelle qui veut détruire mon empire ! Alors, faites vos bagages, ou non, prenez un cheval sur-le-champ et quittez Manilōn.
Arthemys, face aux champs de blés, soupira de bonheur sous le regard bleu clair d'Aster. Le vent soupira contre les joues rebondies du bébé pour effleurer les cheveux de la Voleuse, dont les reflets roux avaient pris le dessus sous le soleil qui écrasait en journée.
Leur nouvelle vie n'était sans doute pas celle dont Daeron et elle avaient rêvé, plus jeunes. Ils voulaient courir à travers le monde, sentir leur cœur contre le vent, perdre leur souffle face aux paysages de l'univers et ne jamais s'enchaîner.
Jamais Arthemys n'aurait imaginé être la plus heureuse dans une ferme, à travailler dans les champs sous un soleil de plomb tous les jours, avec une fillette qui dormait avec l'arc que Lyza lui avait légué l'unique fois où elle était venue les voir et avec Daeron, dont les cheveux avaient grisé et poussé jusqu'aux épaules, qui avait abandonné son épée dans une ville contre assez d'argent pour s'offrir des terrains et le bonheur absolu.
Arthemys sourit face au visage paisible d'Aster, assoupie contre son épaule. Jetant un dernier coup d'œil sur les champs, balayés par un souffle divin, elle rentra, déposa avec un visage heureux la fillette et se rencogna dans le lit, où Daeron ronflait d'autant plus.
*
Les bras ouverts, je Vole. La tempête derrière moi, sous mes pieds, autour de moi – Deas qui me tient la main – j'avance. Plus loin, plus haut, plus libre à chaque pas.
L'air caresse ma peau, à moins que ça moi qui caresse l'air. À moins que je sois l'air. Les sensations sont nébuleuses ; je ne sais même plus ce qu'est une sensation. Je savoure chaque coup de vent, comme si au lieu de vivre d'amour et d'eau fraîche, je choisissais de m'élever de vent et de pluie. Plus question de vivre. J'ai refusé ce cadeau pour ceux qui le méritent.
Je sens leur flamme qui scintillent dans la nuit, proches et si loin, ensembles sans même s'en rendre compte, parce que le cœur palpite à la même vitesse. Ils sont si différents – sa flamme est noire, à elle blanche, à lui violette, à l'autre verte – mais ils sont pareils. Ils m'ont dit insaisissable. Eux sont en rythme ; et c'est presque la même chose.
Mais je vole. Toujours plus vite, toujours plus puissant, toujours plus suprême.
Je baisse la tête. Les murailles de Manilōn semblent ridicules, vulgaires murs dressés pour protéger sa vie. Les montagnes au loin, là-bas, sont bien plus impressionnantes : entrelacs de pics et d'abysses, c'est devenu notre repaire, avec Deas. Mais même si je ne vois pas les murailles et chaque maison de Manilōn, je ne rate aucun détail, aucun mot lancé, aucune respiration à peine esquissée.
Je deviens le monde à chaque pas.
Sauter, virevolter, s'envoler, disparaître, esquiver, passer dans l'ombre.
Secret, dangereux, mystérieux, différent, insaisissables, voleur.
Je ferme les yeux avec la satisfaction de voir à la fin de ma légende s'écrire libre.
Aux insaisissables d'écrire la suite.
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