
𝐞𝐱𝐩𝐥𝐨𝐬𝐢𝐨𝐧𝐬 {chp14}
┍━━━━━━━━━━━━━━━┑
𝐄𝐗𝐏𝐋𝐎𝐒𝐈𝐎𝐍𝐒
où quand je suis tellement peu doué
qu'on a besoin d'être sauvés par
quelqu'un d'autre – encore
┕━━━━━━━━━━━━━━━┙
ET OUAIS, IL N'ÉTAIT PAS si idiot que ça malgré tout ce que je pouvais dire pour le rabaisser et exprimer ma rancœur : il avait prévu une solution de repli.
Qui consistait à faire exploser le port.
Le pire, c'était le bruit de la déflagration : les murs en tremblèrent et je n'ose pas parler de mes oreilles qui tintèrent une bonne douzaine de secondes.
Les Qwa-Jis, peu étonnés de ce bruit assourdissant, en profitèrent pour désarmer Lyza. Elle regarda par la fenêtre, saisie.
― Qu'est-ce que... articula Lyza, mais sa voix s'érailla dans un cri inarticulé.
Un panache de fumée s'élevait, des flammes grimpaient toujours plus haut et des cris, des hurlements qui étaient la définition même d'atroce. Je me tournai vers Nathanaël, qui attendait un sourire satisfait aux lèvres, son regard courant de Liam à Lyza et vers moi.
― Mais ça va pas... murmurai-je. À quoi ça t'avance, nom de dieux !
― Voyons, Wend, tu es tombé bien bas pour me demander ce qu'il se passe, fit-il avec condescendance.
J'imaginai sa tête et y donnai un bon coup de poing dans le nez. À défaut d'être réel, ça m'a calmé.
― T'as détruit les bateaux Melgashi, supposa Liam avec un soupçon de peur dans la voix.
― Pas loin.
Je plissai les yeux. Liam avait raison : seule une partie du port partait en fumée. L'autre n'était que victime collatérale d'un feu qui se propageait trop vite. Ça avait un rapport avec les Melgashi, évidemment. Liam nous avait expliqué qu'il y avait beaucoup de commerce, qu'ils étaient diablement riches.
Qu'ils fournissaient les meilleures armes à l'Empire.
― Non... soufflai-je, hébété par l'idée retorse de l'Imbécile. T'as envoyé au fond de l'eau les caravelles qui les payent. Les Melgashi ne sont plus payés, ils ne fournissent plus rien. L'armée est donc désarmée. Solution à long terme.
― Effectivement, acquiesça-t-il.
Il nous rejoignit devant la fenêtre et se posta les bras croisés, le regard figé vers le panache de fumée.
― Détruire leur marchandise marcherait, à court terme. Sauf que je veux garder l'Empire à vie, Liam, pas le perdre deux jours après. Enlever la confiance des Melgashi permet de stopper intégralement le commerce militaire. Bien plus utile. Et tiens, je crois que le feu se propage vite, sur des bateaux... Il se pourrait même que vos deux propositions fusionnent... ajouta-t-il, un accent réjoui écœurant.
Il se retourna vers Liam et moi. Le contre-jour le rendait plus noir que la fumée et sa veste à la coupe carrée, le faisait ressembler à un de ces magnats du commerce qui ne vivent que pour servir Déesse Fortune. Je déglutis. Même Liam, à côté de moi, manqua de reculer d'un pas.
― Maintenant, on peut parler tranquillement.
Sur ce, les Qwa-Jis se saisirent de nous, nous lièrent les mains sans attendre. Toujours aussi peu d'originalité, pensai-je en mon for intérieur.
Détend tes muscles et étire les doigts, Wendyalen. Rentre dans le nœud et retourne-le contre lui-même.
Liam me jeta un regard inquiet, je laissai planer un sourire rassurant une fraction de seconde. Il pinça les lèvres et reporta son attention sur Nathanaël.
Bien lui en prit, car l'instant d'après, le poing serré de l'Imbécile de Première Classe rentrait en collision avec son estomac. Et... ouais, je crois que j'ai lâché un petit cri. De surprise.
― Ritori m'avait dit de vous tuer, asséna l'Imbécile avec un regard noir.
Je manquai de frémir.
Ne panique pas – jamais – Wendyalen. La panique, c'est quand tu perds le contrôle et perdre le contrôle, c'est synonyme de mourir.
Il ne regardait que Lyza et Liam en disant ça. Ritori ne voulait toujours pas me tuer alors qu'il savait très bien que je ne les rejoindrais jamais ?
― Rassurant, marmonnai-je.
J'étendis mon index dans mon dos. Et bon sang, c'était tellement facile ! Ces nœuds étaient d'une simplicité enfantine.
― Mais le problème du carnet égaré n'est toujours pas résolu.
Je mis du temps à remettre tout dans les cases. Beaucoup moins à dérouler la corde qui avait attaché mes mains pour m'en servir dans un futur proche.
― J'ai récupéré un carnet sur toi, expliqua-t-il en remarquant notre perplexité, mais tu en as fait un second. Et celui-là a disparu.
Liam baissa la tête sous le regard brûlant de haine de l'Imbécile. Comme unique réponse, je sentis une flambée acide de colère me remonter le dos, me brûler la gorge. Jamais je n'ai ressenti quelque chose d'aussi fort envers quelqu'un, je crois. J'avais envie de frapper Nathanaël, jusqu'au point où il n'en se relèverait plus, j'avais envie de lui faire mal, une envie – presque un besoin – qui me prit les tripes et le cœur. Juste parce qu'il menaçait Liam d'un regard digne de l'ire d'Héra.
― Vous vous doutez bien que ce carnet compromet toutes nos chances de réussir.
Tu m'étonnes !
― Je t'arrête, mec, avant que tu nous fasses un discours terrifiant : je sais pas plus que vous où il est, ce foutu carnet, intervins-je.
Nathanaël cilla.
Lyza me dévisagea l'air de dire « T'es fou, mec ! » (Elle avait pas tort.)
Je bondis.
Lyza et Liam ont beaucoup de ressources et franchement, sans ça, j'aurais rien pu faire (même si j'ai quand même rien fait). Aussitôt que j'engageais le combat avec l'Imbécile, ils se relevèrent et d'un coup de flèche ramassée au sol, coupèrent leurs liens avant de s'élancer pour m'aider. Ils avaient sans doute prévu, mais attendaient que je donne le premier coup ? Trop sympa, les amis.
Je bondis. J'ai de bons réflexes mais faut croire qu'on a tous quelqu'un au-dessus de nous. Je n'ai pas compris ce qu'il se passait avant que je ne me mette à suffoquer ; sa main, dure comme du béton, enserrait ma gorge avec une pression phénoménale. Lyza tenta un tir vers l'Imbécile, qui se contenta de l'attraper de son autre main. Il tourna son regard vers elle ; et on aurait dit un dieu, un dieu qu'on aurait contrarié. Une ire furieuse troublait ses iris, les traits habituellement froids de son visage durcirent, se firent roc. Je râlai, cherchai l'air, paniqué. Liam était aux prises avec les Qwa-Jis et il n'allait pas tarder à être submergé.
Bon sang, ça pouvait pas se finir comme ça !
Des points noirs apparurent dans ma vision. Dans un dernier effort, j'agrippai la main de Nathanaël et lui infligeai des griffures qui me semblaient monstrueuses mais qui ne lui firent ni chaud ni froid. Il me dévisagea de ses yeux de glace, sans dire un mot. J'essayai de dire à Lyza de s'enfuir. Je n'en eus pas le temps.
La fenêtre, derrière l'Imbécile, se brisa en mille morceaux. Et je dois des remerciements à Nathanaël. Sans lui, j'aurais écopé d'une bonne centaine de coupures : il se reçut tous les éclats de verre dans le dos. Et ça, ouais, quand même, ça lui a fait chaud et froid. Il poussa un cri guttural et sa poigne autour de ma gorge se relâcha enfin. Je happai l'air, toussant comme un vieillard, à terre. Et, à l'origine de l'explosion de la fenêtre, se trouvaient deux personnes, une que j'ai reconnue en un clin d'œil et une autre, avec qui je n'avais certainement pas élevé les cochons. Cette dernière avait une tresse de cheveux blonds et des yeux marron, perdus au milieu d'une peau mate. Petite, elle arborait un sourire terrifiant et mince, mais elle n'avait qu'une douzaine d'années, pas plus. Nom d'une feuille ! Elle portait une armure dorée qui lui allait fichtrement bien, qui rehaussait sa couleur de peau, la paraît d'une aura solaire et tenait droit devant elle une lance qui étincelait sous la lumière de jour. Elle fondit sur les Qwa-Jis et son arme débuta sa danse macabre. Douze ans, bordel.
Je tournai la tête, ébahi. L'Imbécile de Première Classe, désarmé, lança un cri de rage en repoussant les assauts du Voleur débarqué à la rescousse dans un dernier effort. La pommette barrée d'une coupure, les vêtements déchirés et tâchés de sang, il recula jusqu'à taper contre les montants de la fenêtre. Son regard voyagea le long de la pièce, saccagée, remarqua la jeune fille qui faisait dégager à coups vicieux de la lance les Qwa-Jis, revint sur le Voleur qui l'avait désarmé en si peu de temps. Nathanaël inspira pour formuler une imprécation, il n'émit qu'un grognement. Les yeux hagards, il finit par se figer sur moi, râlant et massant ma gorge.
Et j'ai jamais autant craint pour ma vie qu'à ce moment. Les traits figés dans une grimace, les yeux rouges et furibonds, les poings serrés, le regard fou, il était l'expression même de la colère, d'une colère furieuse que rien n'arrête.
Puis il bascula en arrière, aussi simplement que ça.
Lyza se précipita vers moi, toucha du bout des doigts mon épaule et voyant que je ne réagissais pas, passa le bras autour de ma taille et me releva en ahanant.
― Mec, ça va ? me demanda-t-elle.
Je clignai des yeux et reportai mon attention vers Liam, qui se tenait à distance respectueuse de la jeune fille blonde. Il haussa les sourcils et pointa de la tête le Voleur, planté devant la porte. Je relevai le regard doucement.
Les cheveux d'un blond cendré, rassemblés en arrière en catogan, dégageaient son regard clair et vif. Une barbe naissante courrait sur son visage, à la peau hâlée. Vêtu d'une tenue de cuir, renforcée aux articulations par de l'acier, il imposait le respect par son port altier. Si semblable à celui d'Erwan.
Si semblable à celui de son fils.
Liam émit un hoquet de surprise et Lyza faillit me lâcher sous la stupéfaction de la découverte.
D'une main, il tenait devant lui un carnet.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro