Voisin parti, copains ravis
Olivia
Pour les funérailles de leur mère, Yoahn et Mavis sont rentrés dans leur ville natale. Ça faisait déjà plus d'une semaine qu'ils y étaient, et ils en avaient encore pour quelques jours. Il faut dire que pendant tout ce temps, j'ai redécouvert mon quotidien. En effet, j'avais presque oublié la routine que constituaient mes journées entières, car je passais déjà la plupart de mon temps libre avec Yoahn. Et surtout, comme Rachel, ma nouvelle meilleure ennemie et moi n'avions plus rien à nous dire à part des trucs du genre « c'est toi qui a l'agrafeuse ? » ou encore « je ne retrouve pas l'essuie tout.», c'était encore plus pesant.
Heureusement, ma super copine Andie n'a pas loupé cette occasion pour me rappeler à quel point je l'ai délaissée pendant une dizaine de jours, et a voulu rattraper ce temps en nous organisant deux ou trois virées depuis le départ de mon voisin et sa sœur. Elle est vraiment adorable, ma Andie.
— alors ? Formula-t-elle en me regardant de façon intrigante en sirotant son milkshake.
— alors, quoi ?
— Olivia, beugla-t-elle blasée. Arrête, tu m'la fais pas à moi, hein. J'veux savoir allez! Est-ce que vous vous êtes, tu sais quoi...
Elle termina sa phrase en mimant des gens qui s'embrassent — enfin, j'imagine — avec ses deux indexes, et le bruit degueu en prime.
— arrête, Andie, tout le monde nous regarde.
Bon, ce n'était peut-être pas vraiment tout le monde qui nous regardait, mais on était tout de même dans un lieu public.
— alors parle, et vite.
— mais enfin, bien sûr que non! Et ce serait vraiment pas sympa en plus.
— bah... pourquoi ?
— ce serait un peu comme profiter de sa vulnérabilité, voyons, aies un peu de jugeote parfois.
— sache que c'est déjà ce que t'as fait dans ce cas, ma belle.
— quoi ? Mais... absolument pas ! Yoahn et moi étions déjà de très bons amis avant le décès de sa mère. J'ai juste fait ce que n'importe qui aurait fait pour son ami dans ce cas là.
— ah ouais ! De très bons ?
— ... ouais.
— mmhmm !
Son regard suspicieux ne faisait que s'amplifier devant mon air ahuri. Je n'en revenais pas qu'elle pense ça. Mais le pire, c'est qu'elle avait peut-être bien raison. Avais-je vraiment profité de la situation pour me rapprocher de Yoahn ?
— Ça n'a vraiment rien à voir. Et puis, ce n'est même pas comme s'il s'était passé quoi que ce soit entre nous.
— à ton plus grand regret.
— détrompe toi, fis-je après avoir englouti une bouchée de taco. Ça me va très bien, notre relation purement amicale.
« Évidemment, c'était de l'ironie. »
— De très mauvais goût, en plus, marmonna mon amie.
— quoi ?
— ton ironie.
« J'l'ai pas dit à voix haute, quand même. Enfin... j'espère. »
— J'ai pas dit qu'ça en était.
— mais tu l'as pensé.
Pendant que je commençais à m'interroger, intriguée par l'étrange pouvoir télépathique de la fille complètement bizarre assise en face de moi — Andie, j'entends par là —, mon portable vibra sur la table: c'était un message.
— Mister Y ? Chantonna-t-elle avec un accent anglais totalement désespérant.
Je soupirai en levant les yeux au ciel, avant de jeter un coup d'œil au nom affiché sur l'écran.
— Non. C'est Stéphane.
— ah, ton pote asocial.
— comment ça, mon pote asocial ? Il n'est pas asocial, qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— hem... laisse-moi réfléchir... peut-être qu'il ne parle avec presque personne autour de lui, à part toi et un ou deux autres mecs en cours, qu'il ait toujours l'air seul dans son monde avec ses écouteurs aux oreilles, et qu'il dévisage
les gens comme des extra-terrestres, soit parce qu'il les prend de haut, ou parce qu'il se croit dans un remake de The bad boy.
— mais qu'est-ce que tu racontes, toi ? M'esclaffai-je. Il aime juste bien être un peu à part, ce n'est pas qu'il déteste tout le monde. Tiens, ça me donne justement une idée: je vais lui demander de venir nous rejoindre. Comme ça, vous allez passer un peu de temps ensemble et tu verras bien qu'il est plutôt sympa.
— rêve pas. Et si tu fais vraiment ça, je te trucide.
— ça te dirait de venir manger un bout ? Formulai-je en appuyant simultanément sur les touches du clavier de mon portable pour prouver à mon amie que j'étais belle et bien entrain de faire ce dont elle me défendait. Dans un restau italien à une centaine de mètres du campus, je suis avec une amie. Et... envoyé !
— sur ta pierre tombale on inscrira « Andie et ce débilos n'auront même jamais été amis, donc elle est morte pour rien. », murmura-t-elle en me fusillant du regard.
Ce qui ne manqua pas de me faire rire.
— oh, il a répondu : « d'accord, je n'avais justement rien à faire de la journée, merci de me sauver des griffes de l'ennui ».
Je souris vaguement avant de souffler dans un élan de provocation envers mon amie:
— c'est parfait.
***
Stéphane arrivé, l'atmosphère régnante n'était pas vraiment des plus euphoriques. J'étais presque obligée de jouer les intermédiaires pour que ces têtes de mules arrivent à se parler. Ce qui n'a vraiment pas été facile, compte tenu de leurs caractères coriaces.
Mais en fin de compte, j'avais réussi à les mettre d'accord sur un point: les soirées. Connaissant l'amour passionné de mes deux compagnons pour les fêtes de nuit, j'ai comme qui dirait, fait ressortir plusieurs de leurs points communs en évoquant le sujet.
« Eh oui, je suis une petite futée. »
Sauf que...
Maintenant, je me retrouve moi-même coincée dans un programme « virée nocturne » comme ils l'ont eux-mêmes nommé, tout enthousiasmés. Pourtant, moi, je DÉTESTE aller en soirée.
« Ah... pas si futée que ça, finalement. »
— Vous connaissez le Green club ?
— non.
— comment !? Mais vous êtes allés dans combien de boîtes de nuit depuis que vous êtes dans cette ville?
— deux, répliqua Andie, avant de pointer son indexe en ma direction. Et... aucune.
— aucune !? Mais tu fous quoi de tes soirées, toi, Olivia ?
— bah...
— si tu réponds que tu dors, je t'étouffe avec tes tacos, me coupa ma copine.
« J'y crois pas, elle a décidé de m'empêcher de répondre à toutes les questions que Stéphane me pose, maintenant ! »
— Mais...
— elle a raison. Je l'aiderai même à faire disparaître ton corps, si tu fais ça.
Et maintenant c'était Stéphane lui-même qui m'interrompait.
— J'hallucine. J'aurais mieux fait de ne jamais vous mettre en contact, tout bien réfléchi, grommellai-je. À peine je vous présente, que vous vous liez déjà contre moi.
Les bouffons en face de moi continuèrent d'ingurgiter leurs plats respectifs comme s'ils n'avaient pas entendu ma remarque. Puis, Andie lâcha:
— Une chose est sûre, c'est que tu viens avec nous ce soir, point barre.
— fin de la discussion, conclût le garçon.
— ça y est, ma vie va être une torture, maintenant ! Soufflai-je, désemparée.
***
Yoahn et moi nous envoyions des textos à longueur de journée, il me disait qu'il ne s'ennuyait pas trop, car il était en famille et qu'il réalisait qu'il avait grand besoin de passer ces moments de cohésion et de retrouver les siens, c'est pour ça qu'il avait décidé de ne pas rentrer aussitôt que la cérémonie funéraire serait terminée, histoire de rester encore un peu avec ce sentiment d'être entouré et protégé.
J'étais certes, contente qu'il aille bien et ne se sente pas seul. Mais je ne vais pas nier que ça me frustrait tout de même un petit peu, parce que moi, eh ben j'avais besoin de lui, ici.
« Ah, mais quelle petite égoïste ! »
Pff... c'est vrai que c'était égoïste de ma part de penser de la sorte. Sauf que, qu'est-ce qui me garantissait qu'à force de se sentir bien là-bas, il voudrait revenir ? C'est vrai quoi, ici il habite tout seul. Et même si Mavis est aussi dans la même ville, ils n'ont pas l'occasion de se voir tout le temps. Qu'est-ce qui me prouvait en réalité, qu'il ne préfèrerait pas rester là-bas, en sécurité chez lui, et surtout... près de sa mère ?
J'avoue que ça, ça me faisait quand même un peu peur.
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