Mlle j'ai pas de coeur, et fière de l'être.
Olivia
Il y a deux jours c'était l'anniversaire de Mavis, mais comme c'était un jour de cours et que son oncle avait prévu de voyager le week-end, elle a fixé la date de la fête à samedi — donc, aujourd'hui.
Je suppose qu'il est inutile de préciser que puisque je suis invitée, je vais forcément me retrouver dans la même fête que Yoahn. Rien que d'y penser j'ai l'impression de sentir mes intestins se nouer. Depuis l'épisode de la nuit de l'accident de Rachel, je n'ai plus eu "l'occasion" de me retrouver dans la même pièce que lui. Okay, j'en fais peut-être des tonnes car ce n'est pas non plus comme si nous serons juste tous les deux dans une salle sans issue, mais quand-même, je pense que je stresse un peu trop pour cette soirée.
Je devais passer prendre Andie pour qu'on aille ensemble chez Mavis, mais elle m'a demandé d'arriver chez elle deux heures plus tôt, apparemment elle a prévu beaucoup de choses pour nous. La connaissant, je suis sûre qu'il s'agit de maquillage, bijoux, et de parfums à l'eau de rose, je ne peux pas me tromper — cette fille est trop prévisible. Elle ne manque jamais une occasion de se pomponner, mais elle est encore plus enthousiaste lorsqu'il y a une opportunité de m'inclure à ses coquetteries. Elle me dit souvent que mon style manque de féminité. Mais ça me fait bien rire. Qui a dit que les jeans n'étaient pas féminins ? Et puis les chemises, c'est seulement pour les mecs ? Ou bien il faudrait juste se balader avec des robes corset-jupons et des paillettes plein la face pour ressembler à une femme ? Soyons clairs : je n'ai rien contre les filles coquettes; la preuve, je me coltine bien une cendrillon — Andie — comme amie depuis plus de deux ans et ça n'empêche pas que je l'adore, mais perso, j'ai clairement la flemme. Je ne me vois certainement pas me bichonner le visage matin et soir pendant ne serait-ce que dix minutes pour avoir une peau rayonnante. Sauf que...
Aujourd'hui je vais faire une exception. Aujourd'hui je vais laisser Andie me chouchouter, parce qu'aujourd'hui je ne vais pas à une fête quelconque. Alors je dois quand-même ressembler à quelque chose à qui on pourrait donner le bénéfice du doute question attirance.
Dès que ma montre a affiché seize heures pile, j'ai dit au revoir à Rachel et j'ai pris un taxi en direction du studio d'Andie.
Une fois arrivée à destination, j'ai dû avoir toqué une vingtaine de fois avant que la meuf ne vienne enfin m'ouvrir.
Et j'y crois pas, MADAME EST ENCORE EN PYJAMA !!!
— nan mais t'es sérieuse !?
— quoi ? Si on a plus droit aux grasses matinées... grommelle-t-elle.
— Andie ! On n'arrivera jamais à temps !
— mais si, t'inquiète.
— non. Rien que le temps que tu te douches on aura raté le partage du gâteau.
— rhooo, tu exagères toujours tout !
Elle se pousse pour me laisser entrer, et c'est avec exaspération que je la suis dans la chambre. Je m'affale sur son lit pendant qu'elle se dépêche dans la douche.
La salle de bain d'Andie est à l'intérieur de sa chambre; c'est une petite pièce — cependant assez grande pour une seule personne — dont elle laisse toujours la porte ouverte. En même temps, à quoi bon la fermer alors qu'elle vit seule? L'avantage c'est que je peux lui parler pendant qu'elle prend sa douche.
— dis, Andie ?
— hmm ?
— tu te souviens du mec au bout du banc le premier jour de cours ?
— madame « regardez mes tresses rouge piment » ?
— non, j'ai dit le mec, idiote.
— ah... dans ce cas il s'agit de monsieur « n'approchez pas je suis un solitaire ténébreux » ?
— oui, lui là.
— hmmhmm, qu'est-ce qu'il a ?
— eh bien je l'ai revu au supermarché il y a une semaine.
— et pourquoi ce n'est que maintenant que tu me le dis ?
— ben... je croyais que ce n'était pas important.
— et maintenant, ça l'est ?
— ben... disons qu'il est plus sympa qu'il n'y paraît.
— hein ? Parce que tu le connais, toi, en plus ?
— hem... comment dire... on a papoté pendant quelques longues minutes au supermarché.
— et c'est tout ?
— et... on a échangé nos numéros de téléphone.
— il te plaît ?
Je ne pouvais peut-être pas la voir, mais je sentais clairement la dissuasion dans sa voix. Je l'imaginais entrain de faire une mine dégoûtée en me posant cette question.
— non ! Loin de là. Seulement, je pense qu'on pourrait être de bons amis.
— ah... d'accord, j'aurais peut-être l'occasion de le savoir un jour, moi aussi.
— mouais.
— au fait en parlant d'amis... tu as des nouvelles de Victorien ?
J'étais couchée sur le dos et j'observais attentivement le plafond, comme si je voulais voir au travers.
— non. Pas depuis le début des cours.
— eh ben ! Qui l'eut cru ! Victorien et Olivia, le fameux duo, presque un mois sans se parler !? Ce n'est peut-être pas faux finalement, cet adage qui dit qu'après le bac même l'écorce et l'arbre s'éloignent.
— Andie, aucun adage ne dit une connerie pareille.
Je ris en secouant fébrilement la tête, mon amie est une vraie idiote... et ce n'est que maintenant que je m'en rends réellement compte. N'empêche, je l'aime trop cette petite.
— mais sérieusement Liv, il faudrait que tu penses à te remettre en couple. Ça fait plus d'un an que tu es seule.
— est-ce une fin en soi ?
— peut-être pas, mais si tu continues comme ça tu vas finir seule, aigrie, avec pour seule compagnie une quinzaine de chats.
— et toi.
— non. Même moi, tu ne m'auras pas, car je serai moi-même MARIÉE.
— à Cédric?
— oui, et on ira vivre à la côte ouest aux états unis.
— tu n'oserais pas me faire ça.
— on parie ?
— traîtresse.
— désolée ma belle, mais il faudra bien qu'un jour tu te trouves quelqu'un, toi aussi. Quelqu'un de bien, avec qui tu planifieras l'avenir.
— rhaaa ! Je n'y pense pas pour l'instant. Et puis, à mon avis ce ne sont pas des trucs qu'on prévoit, ces choses là. Elles nous arrivent, c'est tout.
— ah, comme ça t'était arrivé avec Jules ? Répliqua-t-elle sarcastiquement.
— aha ! Tu vois bien qu'avec Jules vous m'aviez forcée, et on a même pas atteint quatre mois de relation.
— mais tu l'aimais.
— pas du tout. Je FORÇAIS. Et comme toute chose qu'on force, ça n'a mené nulle part.
— tu n'es qu'une grosse menteuse, Olivia Gineth.
— sincèrement, je ne ressentais rien pour ce gars. Je m'étais même mise avec lui presque par pitié, à cause de toute la pression que vous me mettiez. Souviens-toi, tu n'arrêtais pas de me dire qu'il fallait que je lui donne une chance parce qu'il était trop mignon, sympa et tout... une fois tu m'avais même dit qu'il ne mangeait plus à cause du fait que je le repoussais. En vrai vous ne m'aviez pas trop laissé le choix, vous me persécutiez.
— il faut dire qu'il y avait de quoi, grommella-t-elle.
— excuse-moi !?
— oui ! Tu es trop dure en ce qui concerne les histoires d'amour madame. Le seul garçon dont tu m'as parlé depuis qu'on se connaît, et sincèrement, c'est ton premier copain là...
— Evarist.
— oui, lui. Donc à l'exception de cette histoire enfantine tu n'es plus jamais retombée amoureuse ?
— non.
— J'y. Crois. Pas ! Tu te rends compte que ça fait quand-même plus de trois ans ? Tu te crois dans un film ou quoi ?
— Andie, tu me connais mieux que ça. Et tu sais au fond que je dis la vérité.
— malheureusement. En tout cas crois moi, la prochaine fois que Cupidon t'aura dans sa ligne de mire, ce ne sera pas beau du tout à voir ma pauvre.
— what do you mean ?
— tu vois très bien ce que je veux dire. Les filles comme toi, quand finalement elles tombent amoureuses, ça devient une maladie et on les perd.
J'éclatai de rire. Vraiment n'importe quoi, ce qu'elle raconte.
— tais-toi et décide toi plutôt à sortir de cette salle de bain, ça va bientôt faire trente minutes que tu y es.
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