Immobile, le regard fixe, je le dévisage.

L'homme qui partage ma vie depuis plus de vingt ans.

L'homme avec qui j'ai fondé une famille.

L'homme, qui, aujourd'hui, se retrouve derrière les barreaux pour un crime qu'il n'a pas commis.

Derrière la vitre qui nous sépare, il semble plus âgé. Des cernes, grosses comme des ballons, soulignent ses yeux.

Je m'asseois et prends le téléphone. Il fait de même.

— Comment vas-tu ?

Il me fixe. Baisse les yeux. Les lève à nouveau. Il semble réfléchir. Ses lèvres s'étirent en un mince sourire, mais son regard demeure empreint de tristesse.

— Ça peut aller.

Mes yeux descendent vers ses mains. Je me souviens de ses mains. A la fois douces et rugueuses. Je me souviens de la façon dont elles ont caressé mes lèvres. Celles du haut comme celles du bas...

— Comment vont les enfants ?

Sa question me ramène à la réalité. Nos deux merveilleux enfants... Tous les deux blonds avec des yeux d'un vert foncé.

Kiara, l'aînée, douze ans, taciturne et renfermée. Ne sourit presque jamais. Avant je me demandais pourquoi. Plus maintenant.

Kilian, de quatre ans son cadet, curieux et un vrai amoureux de la nature. Presque un miracle quand on voit cette nouvelle génération d'enfants scotchés à leurs smartphones. Mon Kilian, lui, il préfère «jouer pour de vrai» comme il dit. Très attaché à sa grande sœur, il lui arrive même encore aujourd'hui d'aller dormir dans sa chambre.

— Ils vont bien, je lui réponds. Leur papa leur manque.

Mon mari ferme les yeux, comme pour retenir ses larmes. Une vision insupportable.

Ce n'est pas tout à fait vrai, cependant. Si Kilian souffre effectivement de l'absence de son papa adoré, Kiara, elle, s'en est accommodée assez facilement. Mais bon, dans son cas, c'est une autre histoire.

— Ils me manquent aussi, finit-il par dire.

Il marque une pause avant d'ajouter:

— Alors? Tu as trouvé quelque chose ?

Je me redresse sur ma chaise.

Alors que je cherche les mots pour lui parler, tous les récents événements se mettent à défiler dans ma tête...