*Je veux voir la mer*
Médée n'en pouvait plus. Cela faisait à peine deux minutes que Grainné l'avait quitté, et elle n'avait déjà plus aucune force. Elle avait sous-estimé la puissance du roi des dieux, et s'en mordait à présent les doigts. Elle avait pourtant réussi à tuer Héla, non sans mal, mais avait depuis grandement gagné en puissance. Mais ce n'était pas suffisant, il était hors de portée.
« Je vais mourir ? Il va me tuer, c'est sûr ! »
Ses pensées se dirigèrent automatiquement vers Heimdall. Le dieu devait encore se tenir sur le pont, sans en avoir jamais bougé, et observait très certainement ce combat à sens unique, dont l'issue était inéluctable. Un vent de tristesse la traversa, et elle frissonna. Elle aurait aimé le revoir une dernière fois. Oui, ce sourire chaleureux et innocent lui manquait terriblement. Elle ne voulait pas mourir. Pas avant de l'avoir libéré. Si elle abandonnait maintenant, alors il serai perdu : Grainné laisserai de côté la lutte contre les dieux et fonderait sûrement une famille, et Atalante n'était même pas certaine de survivre. Il fallait qu'elle vive, au moins le temps de tous les anéantir.
Un bruit derrière elle l'interpella. Le visage d'Odin se décomposa, tant le spectacle qui s'offrait à lui était invraisemblable. La sorcière se retourna aussitôt, et en fut tout aussi chamboulée : les cheveux de Grainné s'éclaircissaient peu à peu, pour enfin devenir blancs ; sa peau se fonça légèrement, et quand elle rouvrit les yeux, ceux-ci étaient devenus rouges-sang.
- Grainné...
- Mon nom est Binaire, dernier membre du clan des Géants de glace. Odin, au nom de mon peuple que tu as décimé, je jure de te tuer !
- Essayes un peu, démone !
Sans attendre un instant de plus, elle s'élança dans sa direction, et le frappa à l'abdomen. Le roi des dieux fut alors projeté une dizaine de mètres plus loin.
Médée était figée. Elle ne pouvait qu'admirer cette démonstration de force, qui dépassait ses espérances.
« La force physique de Grainné était déjà impressionnante, mais cette Binaire est à un tout autre niveau ! »
Odin, sonné, peinait à se relever. Binaire en profita pour s'adresser à Médée.
- Toi là, je t'ai longtemps observé. J'aurai un tas de choses à te dire, mais le temps me manque cruellement, alors je serai brève. N'en veux pas à Grainné, elle n'a jamais voulu que votre bien. Toutefois, après cette bataille, continuez votre lutte contre les Asgardiens mais laissez-la en dehors de vos histoires. Elle aspire à une autre vie. Une vie qu'elle mérite. C'est tout ce que je te demande. Tu es loin d'être idiote, alors je suis certaine que tu comprends.
Sans laisser à la jeune femme le temps de répondre, elle se jeta de nouveau sur Odin, et le rua de coups. Mais ce ne fut pas à sens unique : lui aussi se défoula sur le corps robuste de la jeune femme. Le sang commença à couler, mais elle ignora la douleur et continua de le frapper.
- Ça suffit... démone !
A l'aide de son talon, il la propulsa assez loin pour lui permettre de reprendre son souffle. Lui aussi saignait énormément, et paraissait hors de lui.
- Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas rencontré d'ennemi aussi coriace que toi. Mais cette plaisanterie a assez duré.
Il dégaina alors son atout majeur, jusqu'ici soigneusement accroché dans son dos : une épée longue de deux mètres et large d'une vingtaine de centimètres.
- Cette fois c'est la fin, Inhumaine !
Odin fonça alors droit vers Binaire, la lame pointée sur elle.
« C'est le moment rêvé ! Il n'y a pas de meilleur ouverture que celle-ci ! Je vais l'avoir, ce dieu de malheur ! »
La démone reproduit à l'identique l'arme de son adversaire à l'aide de la magie de glace propre à son clan, et se précipita à son tour vers lui.
- Tu es fini, Odin !
Elle le transperça au niveau de la poitrine, emportant avec force son cœur fumant au bout de sa lame. Toutefois, elle n'avait pu éviter le coup de son ennemi, et se trouvait dans une situation similaire à la sienne. Les deux combattants s'écartèrent en titubant, et Odin s'écroula le premier. Binaire, à bout de force et mortellement blessée, ne put maintenir davantage la possession et laissa Grainné reprendre le contrôle. Celle-ci ne tint pas bien longtemps, et tomba à terre sous la douleur.
- G-Grainné...
Médée n'osait pas bouger. De chaudes larmes ruisselaient sur ses joues, lui brouillant la vue.
- Grainné !
Un jeune homme la dépassa en courant et se jeta sur le corps agonisant de la jeune guerrière. Elle peinait à respirer, mais posa tout de même son regard sur lui et sourit.
- Diarmuid... Vous êtes revenu...
Lui aussi pleurait, il ne pouvait s'en empêcher.
- Grainné, tenez bon...
Atalante, qui lui emboîtait le pas, s'arrêta près de Médée.
- Qu'est-ce que...
Elle voulu se rendre à ses côtés, mais la jeune sorcière l'en empêcha.
- Laisses-les. On ne doit pas les déranger.
- Mais il faut l'aider !
- Tais-toi ! Tu vois bien qu'on ne peut plus rien faire...
- Mais...
- C'est bon. On n'a plus rien à faire auprès d'elle, de toute façon. La personne qui compte le plus à ses yeux à présent, c'est lui.
Diarmuid sanglotait, tout en tenant fermement la main de sa bien-aimée.
Lu vue de Grainné se flouta peu à peu. Elle sentait la vie la quitter, mais se sentait étrangement apaisée.
« Ah... Même dans un moment pareil, je suis incapable de voir son visage... »
Elle repensa alors à son père, qui devait sûrement se faire du soucis pour elle. Elle imagina aussi une dernière fois cette vie qu'elle s'était inventée si elle n'avait pas été une Inhumaine. Elle eu envie de pleurer, elle aussi, mais ne le fit pas.
- Grainné, je vous en prie, tenez bon... Je... Je dois encore vous emmenez voir la mer, vous vous souvenez ? Je vous l'avais promis...
Elle lui sourit de plus belle.
- Merci, Diarmuid.
Ce furent ses dernières paroles.
« Tu dois vivre. »
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