Sois patient, les choses finissent toujours par s'arranger.

Mais, pour cela, tu dois également y mettre du tien.

N'espère pas que ta vie change si tu ne la bouleverses pas.

POINT DE VUE DE JUNGKOOK :

Je ne compte plus les jours. J'ignore depuis combien de temps je suis là, à errer dans cette forêt sombre. Ice marche sans but à mes côtés, lui aussi a faim.

Mes vêtements sont trop légers pour me protéger du froid qui me saisit, mais ce n'est pas ce qui accapare le plus mes pensées.

Pourquoi suis-je ici ?

Pourquoi mes parents ne reviennent pas me chercher ?

Pourquoi j'ai le sentiment que je ne les reverrai jamais ?

Ils n'auraient pas pu m'abandonner ainsi, si ?

Cela fait un long moment que je suis dans cette forêt qui m'est inconnue, à attendre leur retour. M'aiment-ils si peu ? Ne suis-je pas un minimum important pour eux ? Moi, la chair de leur chair, leur unique enfant ?

Je suis couvert de terre, j'empeste, je transpire malgré la fraîcheur, je meurs de faim, mais ça ne change pas vraiment de mon quotidien. J'ai l'habitude. Il doit s'agir d'un nouveau jeu. Mes parents testent ma résistance aux épreuves et, pour cela, ils ont décidé de développer mon autonomie, mon endurance, ma persévérance.

Je serai à la hauteur, je ne les décevrai pas. Je prendrai sur moi, je saurai me montrer fort. Mais je ne peux m'empêcher d'avoir de la peine pour mon fidèle compagnon, pour Ice. Il n'a pas demandé à dépérir ainsi, à devoir survivre. Je m'en veux de lui faire vivre de telles choses. Je me promets de tout faire pour y remédier, pour lui offrir une meilleure vie que la mienne.

J'ai bien tenté la chasse, sur terre, mais aussi dans un cours d'eau. Il s'avère que je suis horriblement nul. Si je continue ainsi, nous allons mourir en un claquement de doigt.

Je suis actuellement dans l'eau, Ice sur la berge, et j'essaie d'attraper les poissons que je vois. Malgré ma patience, ils me glissent entre les doigts et je râle. La colère étant ma seconde nature, je peine à me concentrer lorsqu'elle me submerge.

De toute façon, je ne saurais même pas quoi en faire, de ce poisson.

— Tu t'y prends très mal, mon garçon.

Une voix s'élève dans les airs, sans que je n'ai remarqué de présence. Ma tête se tourne vers l'inconnu, le vieillard qui se trouve accoudé à un arbre. Ice commence à montrer les dents, et je ne le réprimande pas.

Qui est-il ?

Est-ce un nouveau test ?

Je le fixe avec méfiance, mais ne le questionne pas. J'ai appris à ne parler que lorsqu'on me demande expressément de le faire. Ce qui n'arrive presque jamais.

— Il te faut un outil pour arriver à les attraper, mon petit.

Est-il obligé d'employer des surnoms affectueux ? Cela fait-il partie de sa stratégie pour m'attendrir ?

— Regarde-moi faire, dit-il en s'avançant vers moi, un grand bout de bois dans les mains, qu'il sort de je ne sais où.

J'ai un mouvement de recul, va-t-il me faire du mal ? Mes poings se resserrent, c'est un réflexe qui ne me quitte jamais et me prépare aux combats, même les plus inattendus.

Il ne me regarde plus lorsqu'un de ses pieds rentre dans l'eau tandis que l'autre reste sur la rive. Ses muscles se bandent quand il lève son arme. Un instant bref s'écoule, puis la tige fond dans l'eau et, lorsqu'elle remonte à la surface, un poisson y est accroché.

J'écarquille les yeux, émerveillé. Cela fait si longtemps que je n'ai pas mangé. Même Ice baisse sa garde et commence à remuer la queue en couinant.

— Tu es amaigri, mon enfant, qu'est-ce que tu fais là ?

Mon regard se reporte sur lui et j'hésite un instant à lui faire confiance, à lui répondre. Est-ce que cela serait judicieux ?

— Peu importe, suis-moi. Il faut que tu manges.

Joe, au cours des années, a été comme un grand frère pour moi. Un grand frère très âgé, certes, mais une vraie lueur d'espoir dans ce vaste monde noir. Il m'a offert tout ce qu'il avait, sans jamais rien demander en retour. J'ai compris à ses côtés à quel point certaines personnes pouvaient se montrer bienveillantes, et ce que ce mot signifiait vraiment.

J'ai mis des mois à lui parler normalement, mais j'ai fini par me sentir suffisamment à l'aise en sa présence pour le faire.

Joe est un homme qui n'a pas non plus été épargné par la vie. Quand je l'ai rencontré, ça faisait trois ans qu'il avait perdu sa femme et sa fille. Un soir où il était parti avec des amis, un accident s'est produit et les êtres qu'il aimait le plus au monde l'ont quitté.

Un homme s'était infiltré dans sa maison et a assassiné sa famille. Il s'est battu pendant des années pour faire régner la justice, mais elle n'a pas triomphé. L'avocat qui défendait le meurtrier était extrêmement doué et assez vicieux pour l'emporter sur la vérité.

Il m'a montré la maison qui abritait cet avocat, et il se trouve qu'elle borde notre forêt. C'est plutôt ironique que Joe ait décidé d'élire domicile tout près de la personne qui lui a enlevé l'espoir de voir ce tueur derrière les barreaux.

La famille qui vit dans cet incroyable château est « dysfonctionnelle », m'a assuré Joe. Il me les a présentés comme étant prétentieux, vaniteux, imbus d'eux-mêmes. Et je ne peux que le croire, lorsque l'on entend le récit qui l'a conduit jusqu'ici. Il a préféré, en conséquence, vivre reclus de la société, en phase avec une nature plus conciliante, moins cruelle.

Malgré sa vie tourmentée, il n'a eu de cesse de se montrer incroyablement gentil avec moi. Il m'a tellement appris que je ne pourrais jamais lui dire assez merci. Il m'a enseigné la vie, la mort, la survie.

Je lui dois la mienne, de vie.

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NOTE DE L'AUTEURE :

Vous en savez enfin plus sur Joe, êtes-vous déçus de cette découverte ?

Sans lui, Jungkook n'aurait jamais pu survivre seul dans cette forêt, il aurait fini par mourir de faim, inévitablement. Et Ice aussi...

A tout de suite pour le prochain chapitre, mes Dumiz ;)

Era xx