CHAPITRE 15 - Recommencer
La peur est souvent viscérale, elle te saisit, t'encercle et ne te lâche plus. Avant qu'elle n'enveloppe tes émotions et ne te dépasse, essaie de la regarder en face et de la comprendre. Elle pourrait se montrer plus clémente envers toi si tu cherches à en savoir plus sur elle.
POINT DE VUE DE TAEHYUNG :
4 jours plus tard...
Pourquoi j'ai fait ça ?
J'essaie de ne plus y penser alors que j'attrape un mouchoir et commence à me moucher. Après cette nuit-là, je suis tombé malade, comme si l'univers voulait me punir pour tout un tas de choses. Heureusement, malgré mon karma très aléatoire, j'ai fait la découverte d'une maison vide en rentrant.
Pourquoi mes parents se demanderaient-ils comment je vais après ce qui s'est passé ?
Ça n'a aucune importance pour eux.
Je n'ai aucune importance pour eux.
Je me mouche moins qu'il y a deux jours, mon rhume s'estompe enfin. Cependant, ma jambe me tiraille encore, même si cela s'améliore aussi progressivement. J'essaie tout de même de prendre soin de moi : machinalement, je me lave, me désinfecte, mange, vais en cours et dors. C'est une routine presque automatique, mais nécessaire pour retrouver un semblant de normalité. Pourtant, malgré mes efforts, les journées semblent interminables, comme si le temps s'étirait à l'infini. Je commence à tourner en rond, emprisonné dans cette monotonie, à chercher un sens ou une échappatoire qui tarde à se présenter.
Nous sommes vendredi, et bien que j'avais des cours ce matin, j'ai décidé de ne pas m'y rendre. Ces derniers jours, ma concentration est au plus bas, et ma productivité en souffre. Heureusement, Hoseok a été là pour me faire rire et alléger un peu le poids qui pèse sur mes épaules ; sans lui, je crois que j'aurais fini par craquer. J'ai choisi de passer quelque temps chez lui, plutôt que de rester chez moi à me morfondre, et cela m'a aidé, du moins partiellement. Mais même en changeant d'environnement, il est difficile d'effacer certains souvenirs qui s'accrochent à mon esprit. Ils sont trop intenses, trop marquants pour disparaître aussi facilement. Ils reviennent sans cesse, comme des ombres insaisissables, me rappelant à quel point ils me tiennent et sont omniprésents, peu importe où je me trouve.
Et puis il y a aussi ce baiser.
Je ne sais pas très bien ce qui m'a pris, je l'ai juste fait. Je savais que je volais quelque chose de précieux à Jungkook, son premier baiser, mais à l'image de l'horrible personne que je suis, je n'ai pas résisté à mes pulsions. Ce baiser était bancal, inexpérimenté, mais tellement lourd de sens que j'ai senti une chaleur profonde s'enrober autour de mon cœur, m'étreignant tendrement dans sa lumière.
Je regrette amèrement ce moment d'égarement, non seulement pour les sentiments qu'il a éveillés en moi, mais aussi pour ce que j'ai pris sans demander, pour ce que je lui ai volé. Ce regret me ronge, car je me rends compte que je suis devenu un menteur, un traître envers Aaron. Ce jour-là, j'ai franchi une limite, et je ne peux m'empêcher de penser que la trahison a commencé bien avant, dès l'instant où j'ai commencé à frissonner sous le simple contact de Jungkook. Depuis ce moment, une part de moi s'est éloignée d'Aaron.
Si je dois être complètement honnête, cette part de moi s'est désintéressée d'Aaron bien avant ça. Dès que je me suis senti comme un objet entre ses doigts, une simple décoration de plus à accrocher à son incroyable palmarès.
Jungkook est un être complexe, sans doute l'homme le plus difficile à cerner que j'ai jamais rencontré. Mais il y a quelque chose dans son regard, une intensité mystérieuse, qui m'attire irrésistiblement vers lui. Il est comme la lumière et moi le stupide papillon. Je sais que je vais finir par me brûler, c'est inévitable.
Je m'attendais à ce qu'il me repousse, car il déteste qu'on le touche, et je ne peux que comprendre pourquoi, après tout ce que l'humain lui a infligé. Mais contre toute attente, il ne l'a pas fait. Au contraire, il s'est même rapproché de moi. J'ai aimé ce contact, ses mains sur mes hanches et dans mon cou ; une fusion des sens à la fois passionnelle et désespérée.
C'était une connexion profonde, un échange de réconfort entre deux âmes blessées, cherchant à se comprendre et à se soutenir. Je me demande alors si on peut vraiment parler de désir ? Peut-être que c'était autre chose, quelque chose de plus primaire, un besoin viscéral de ne pas se sentir seul, même pour un instant.
Un acte désespéré pour deux âmes désespérées.
Hoseok se gare le long de l'allée et je respire enfin plus calmement. Il a cet effet sur moi, il est le meilleur ami que l'on puisse rêver, surtout pour une personne comme moi.
— Hello, Tae ! Les cours de ce matin étaient vraiment horriblement longs, je te jure, une torture. Je me suis arrêté au McDo sur le chemin, pour soulager ma peine, rit-il en arrivant dans ma chambre.
Je ne peux que lui rendre un sourire faiblard, mais c'est tout ce que je peux offrir pour l'instant. Je fais de mon mieux. L'autre jour, quand il a remarqué ma lèvre fendue et la petite cicatrice sur ma tempe - parce que oui, je lui ai caché le reste - il n'a pas eu besoin de poser de questions. Il a tout de suite compris ce qui se passait. Sans un mot de plus, il m'a simplement demandé de venir passer quelques jours chez lui, dans son appartement. J'étais soulagé qu'il me le propose, car j'en avais vraiment besoin.
— Merci, Shinie, t'es génial.
— Je le sais, crois-moi, dit-il en me faisant un clin d'œil. On mange sur ton balcon ? Il fait bon dehors.
J'acquiesce. Dans mon état, j'irai n'importe où il veut.
— Tu ne dis pas grand-chose, ces jours-ci, Taehyung. Je ne veux pas te forcer, mais tu peux me parler, tu sais ?
Il s'active à installer une petite table et des chaises que je n'ai pas bougé d'un iota. Mes épaules s'affaissent et je souffle un bon coup avant de le rejoindre dehors.
— Je suis désolé, j'ai... encore du mal à faire comme si tout allait bien, réponds-je en mordant dans ma lèvre inférieure, fraîchement guérie.
— Je ne te demande pas de faire semblant, tu n'en as pas besoin. Je t'aime comme tu es, Taehyung. J'aimerais faire quelque chose pour tu ailles mieux et je me sens franchement impuissant face à la situation.
Il fourrage ses mains dans ses cheveux et pose son regard sur la table, cherchant vainement à dissimuler son inconfort.
— Je vais m'en sortir, Hoseok. C'est encore frais dans ma tête, mais ça finira par s'estomper, dis-je sans forcément y croire.
— Tu n'es pas seul, je suis là, hein ? me rappelle-t-il en m'adressant son plus beau sourire.
Et je le lui rends en m'avançant pour le prendre dans mes bras. Il me sert fort contre lui, me faisant physiquement comprendre la véracité de ses propos. C'est rassurant, vraiment.
Mon regard se porte involontairement sur la forêt, comme toujours depuis des semaines. Je sais que Jungkook avait pris l'habitude de m'observer depuis un rocher non loin, et ça me plaisait de savoir qu'il était là lui aussi. A sa manière.
Je suis déçu lorsque je ne l'aperçois pas. Je ne peux pas m'en empêcher, j'aimerais revoir son visage et savoir que ce baiser ne l'a pas dégoûté, qu'il est toujours fidèle à lui-même.
En mangeant, Hoseok m'a fait tellement rire que j'en avais des crampes d'estomac et je me suis alors demandé ce que je ferais sans lui. Il est si solaire, tout mon opposé !
Je n'ai même pas fumé une seule fois depuis qu'il est arrivé, il est mon tabac à moi.
Je me suis senti soulagé lorsqu'il m'a proposé de regarder un film ensemble, car je n'avais vraiment pas envie qu'il parte tout de suite. Après avoir finalement regardé les trois Avengers, il se tourne vers moi et m'interroge :
— Tu veux qu'on discute un peu ? Je commence à avoir mal au crâne à force de regarder l'écran, rit-il.
— Okay, va pour une discussion en tête à tête, chéri, le charrié-je.
Il se redresse sur le lit pour s'asseoir en tailleur.
— Tu sais que Léna m'a proposé de prendre un verre avec elle ?
J'ouvre de grands yeux.
— La Léna que tu veux te faire depuis la première année ? m'écrié-je, surexcité.
— Tu es si vulgaire ! Mais oui, cette Léna-là.
Il me réprimande toujours lorsque j'ai un comportement déplacé, mais ça ne me dérange pas. Je sais qu'il le fait comme un aîné reprendrait son petit frère, et ça me fait même sourire.
— T'aurais pu l'aborder depuis trois plombes déjà, mon pote ! Bon, après, je suis clairement pour que les filles fassent aussi le premier pas, mais tu restes long à la détente.
Il rit de bon cœur avec moi, ne me contredisant pas.
— C'est vrai, mais que veux-tu, je suis timide, moi.
— Vous sortez quand ?
— Demain soir ! Je pensais l'amener au restau et ensuite au cinéma. Pour voir le film de son choix, bien évidemment.
Ça lui ressemble, mon meilleur ami est un vrai gentleman.
— J'espère que tu vas lui proposer autre chose qu'un McDo...
Il fait la moue et ça m'amuse. Il finit par également se moquer de lui-même, il ne m'en veut jamais bien longtemps.
— La prochaine fois, t'iras toi-même te chercher ta bouffe, ingrat !
Je souris puis lui envoie un baiser volant.
— Revenons aux choses sérieuses, se reprend-t-il. Avec Aaron, t'en es où alors ?
— On est obligés de parler des sujets qui fâchent ? soupiré-je en me réallongeant sur le dos.
— Eh bien oui, c'est ce que font les meilleurs amis, en général.
— Ouais, mais tu n'es pas mon meilleur ami gay, Hoseok.
— Non, tu es le mien, s'esclaffe-t-il.
J'aime l'embêter, surtout si ça peut conduire la conversation sur un autre chemin.
— Bon alors, tu ne m'as pas répondu.
Zut...
En plus, il mérite la vérité. Toute la vérité. Celle que j'aurais dû lui donner depuis le début.
— Promets-moi de ne pas t'énerver, parce que ça fait un petit moment que je ne t'ai pas tout dit, dis-je d'une petite voix.
— Quoi ? fait-il semblant de s'offusquer. Continue, abrège ma souffrance.
Je sais alors qu'il ne m'en veut pas. Il sait que, parfois, je n'ai pas forcément envie de tout raconter, qu'il me faut du temps pour digérer les choses d'abord.
— Il y a un peu moins de deux mois, tu te rappelles qu'on est allés dans la forêt pour trouver un endroit tranquille où vendre ma came ? demandé-je, et il hoche la tête, même s'il n'approuve pas mes activités extrascolaires. J'ai fait une rencontre particulière dans ces bois. Il y avait un type qui se baladait à poil, dis-je de la manière la plus simple qui soit. Depuis ce jour-là, j'ai essayé de le convaincre de partir, parce qu'il faut que tu saches qu'il habite dans les bois depuis je ne sais combien de temps.
Je vois Hoseok hausser les sourcils avec surprise, mais il ne m'interrompt pas.
— Il avait du mal à parler au début, par crainte, mais aussi par oublie, je pense. Mais il s'appelle Jungkook et, plus les jours ont passé, plus je... je me suis pris de compassion pour lui, tu vois ? Je pense qu'il a besoin d'aide, même s'il refuse de l'admettre. Et puis, je ne peux pas le laisser là-bas, tu comprends ?
Il incline la tête sur le côté tout en plissant les yeux, suspect, mais je ne le laisse pas m'arrêter.
— Après l'autre nuit, il m'a aidé à me soigner. Il... bref, il a besoin qu'on le sorte de là, Shinie.
— Je peux savoir quel est le rapport avec Aaron ? me questionne-t-il, allant tout droit là où ça pèche.
— Je l'ai trompé, avoué-je, trouvant tout à coup un certain attrait pour mes orteils.
— Avec Jungkook ? demande-t-il avec un grand calme qui me surprend.
— Je pensais que tu allais me faire la leçon.
— Taehyung, vous ne vous aimez pas avec Aaron, et tu le sais tout aussi bien que moi.
— N'empêche que nous sommes en couple, c'est tout de même un engagement, et je l'ai brisé.
Je suis en colère contre moi-même, et j'ai peur de son jugement, je dois bien l'admettre. Hoseok est un homme droit, rempli de principes, et je l'ai souvent déçu, même s'il ne l'admettra jamais. Je n'aime pas lire cette expression sur son visage, j'aimerais seulement le mériter.
— Comment ça s'est passé ? Raconte-moi.
Je finis par reposer mon regard sur lui.
— Ça s'est passé le lendemain de... tu sais ? ai-je commencé en me raclant la gorge. Comme je te l'ai dit, il a été là pour moi, il m'a réconforté et... j'avais l'impression qu'il me comprenait comme jamais personne ne m'avait compris. Je voyais dans ses yeux mon propre reflet et j'avais le sentiment que c'était inévitable. J'étais attiré vers lui comme un aimant. J'en avais besoin, je crois.
— Tu crois que c'était plus par réconfort ou par envie ?
Je ris malgré moi.
— C'est la question à un milliard !
— Tu sais, je suis ton meilleur ami et je t'ai consolé des dizaines de fois, mais tu ne m'as jamais embrassé, dit-il tout à coup.
— Mais ce n'est pas pareil, tu es comme mon frère.
Il me prend les mains pour que je me redresse et me les sert tendrement.
— Justement, Taehyung. Je pense que tu avais besoin de réconfort, c'est sûr, mais une part de toi en avait envie aussi, tu ne crois pas ? me demande-t-il alors qu'une sensation de malaise commence à prendre possession de mes sens. A-t-il répondu à ton baiser ?
Je crois qu'il a raison. Comme toujours.
— Oui.
Il me sourit tandis qu'il exerce une petite pression sur mes doigts.
— Il faut que tu fasses quelque chose avec Aaron, surtout si tu as envie de réembrasser ce Jungkook.
Encore une fois, il a raison. Je hoche simplement la tête.
— Je ne veux pas être en couple avec Jungkook, que l'on soit d'accord, précisé-je.
— Tu n'as pas forcément besoin d'être en couple pour vouloir l'embrasser à nouveau, hein, s'amuse-t-il.
— De toute façon, je ne veux pas recommencer, réponds-je avec un sourire.
A ce moment-là, je m'en veux parce que je n'ai pas été totalement honnête avec Hoseok.
Je n'ai pas juste aimé ce baiser, je sais que, au fond de moi, j'ai envie de recommencer.
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NOTE DE L'AUTEURE :
C'est un chapitre un peu plus léger, mais ça fait du bien aussi, non ?
On voit davantage Hoseok ici et on en apprend plus sur la dynamique qu'il y a entre lui et Taehyung. Comment la trouvez-vous ?
Que pensez-vous des remords de Tae ?
Et de la réaction d'Hoseok ?
Taehyung est pris de culpabilité vis-à-vis d'Aaron parce qu'il est comme ça, il tient ses promesses, ses engagements, et il vit ce qu'il a fait comme une trahison. Alors même si Aaron a un comportement qui n'est clairement pas irréprochable, Taehyung veut faire les choses correctement. Ne serait-ce que pour lui...
Que pensez-vous de l'envie de recommencer de Tae ? Va-t-il l'assouvir ?
Et Jungkook, voudra-t-il réitérer l'expérience ?
A jeudi, mes Dumiz, prenez soin de vous !
Era xx
PS : Update sur le TROMPEUR, je suis environ à la moitié de l'histoire et j'arrive bientôt à 60 000 mots (environ 230 pages). Je risque de secouer vos petits coeurs avec cette histoire-ci haha ˆˆ
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