Tu es différent(e) ? Très bien, tant mieux, parce que les gens normaux sont chiants et ennuyeux ! Sois bizarre, au moins, tu es drôle !

POINT DE VUE DE JUNGKOOK :

1 semaine plus tard...

Ça fait plusieurs jours que je me sens comme un con. Je passe mes journées à ressasser ce qui s'est passé, sans vraiment comprendre sa réaction. Ni la mienne. Après mes révélations, il s'est excusé puis s'est précipité vers sa maison. Depuis, je suis sans nouvelle. Il ne va plus sur son balcon le soir, je l'aperçois alors seulement quand il sort de chez lui pour monter dans sa voiture. Il rentre de plus en plus tard et ne marche pas toujours très droit lorsqu'il rentre.

Je me suis plusieurs fois demandé si je ne ferais pas mieux de l'oublier, complètement je veux dire, et faire comme si nous ne nous étions jamais rencontrés. Lui et moi n'avons rien en commun et je déteste l'idée que ne plus le voir m'affecte. Je suis très bien seul avec Ice. C'est ma réalité.

D'ailleurs, il a la tête posée sur mon ventre pendant que je suis allongé sur le sol, caressant doucement son pelage. Il semble plus affectueux ces derniers jours. Peut-être ressent-il ma peine ?

Il fait nuit et les étoiles sont merveilleusement brillantes ce soir. Je les observe depuis plusieurs heures, malgré la fraîcheur qui me fait frissonner et la légère pluie qui glisse sur ma peau, collant quelque peu mes cheveux à mon visage.

Je suis nu, extérieurement libéré, mais profondément perturbé à l'intérieur. Ce garçon remue beaucoup de choses chez moi : il représente à la fois un passé que je voudrais oublier, mais aussi une image ancienne que je voudrais modifier. Je suis fatigué de vivre une vie remplie de haine envers une espèce qui est, que je le veuille ou non, la mienne. Je ne peux pas mener une existence stable tant que je ne ferai pas la paix avec ce fardeau, mais paradoxalement, je n'ai pas vraiment envie de me réconcilier avec lui. Je n'y arrive pas, ça semble être plus fort que moi.

Je suis bien trop en colère pour accorder ma confiance, même une seule fois dans ma vie. Et puis de toute manière, je suis bien trop abimé pour ça. Je ne suis pas sûr de valoir la peine qu'on se donne du mal pour moi. Il suffit de repenser à ce qui s'est passé l'autre jour. J'ai littéralement perdu le contrôle. Je n'aurais pas dû m'immiscer dans une situation qui ne me concernait pas, mais voir ce regard sur lui, cette main qui serrait bien trop fort son poignet délicat... Ça m'a fait basculer.

Je ne m'attendais pas à avoir une telle réaction. Je n'étais clairement plus maître de moi-même. Une rage incontrôlable m'a envahi, une envie furieuse de lui arracher la tête pour avoir osé faire naître cette expression de douleur sur le visage de flocon. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit, mais j'ai vu la souffrance qu'il lui a causée, et dès cet instant, j'ai eu envie de lui coller mon poing dans la gueule. Je m'étais retenu, jusqu'à ce qu'il pose la main sur lui. À ce moment-là, j'ai vu rouge. Je sais à quel point il est facile de blesser quelqu'un, de toutes les manières possibles, et je ne veux pas qu'il subisse ce que j'ai vécu. Je ne le souhaite à personne.

Ice relève tout à coup la tête, sur le qui-vive. Je me redresse alors et, une fois loin de mes pensées, j'entends également des brindilles craquer.

Un animal ? Maintenant ? D'habitude, la plupart des animaux sont assez tranquilles la nuit.

Je me mets debout, Ice sur les talons. Je sais qu'il ne m'abandonnera jamais, sa loyauté est inébranlable, et je sais que je peux compter sur lui plus que sur n'importe qui d'autre. Il est mon plus fidèle compagnon, celui qui m'a suivi à travers les pires épreuves. Nous deux, c'est jusqu'à la mort.

Et puis je le vois... Ces cheveux rouges et son corps frêle. Il traîne légèrement la jambe, mais cela ne l'empêche pas de marcher avec une rapidité surprenante, comme s'il cherchait à échapper à quelque chose. Son regard se retourne fréquemment, scrutant les ombres derrière lui. Fuit-il quelque chose, ou quelqu'un ? Et pourquoi se trouve-t-il ici, à une heure aussi tardive ? L'inquiétude semble peser sur ses épaules, et je me demande ce qui le pousse à se déplacer avec autant d'urgence.

Ice court à sa rencontre et j'ai soudain peur qu'il l'attaque, alors je me mets à courir aussi. Ice le dépasse et continue sa course vers la forêt. Je m'arrête net : qu'est-ce qui lui prend ?

Mes pas précipités ont fini par alerter Taehyung qui relève la tête vers moi.

Putain de merde.

Son visage est méconnaissable, complètement défiguré par le sang qui s'échappe de sa tête et de sa lèvre inférieure. Le sang coule en filets irréguliers, créant un contraste sinistre sur sa peau blanchit par la panique. Il boitait légèrement, mais je comprends maintenant que c'est en raison d'une blessure à la cuisse, d'où suinte également un liquide rougeâtre. La douleur et la perte de sang semblent avoir affaibli ses mouvements, le faisant avancer avec une démarche hésitante et chaotique.

Je mets quelques secondes à réaliser ce qui se passe.

Mes yeux rencontrent pour la première fois les siens, et je fais face à un regard vide, au néant. Ses pupilles ne pétillent plus, elles ne sont plus rien.

C'est en le voyant trébucher que je réalise que je suis resté figé, paralysé par la surprise. Une vague d'adrénaline me traverse, me tirant de ma torpeur. Je me précipite immédiatement vers lui, mon cœur battant la chamade. Je le rattrape avant qu'il ne s'effondre complètement, mes mains agrippant fermement son corps affaibli pour le soulever.

Il ne porte pas grand-chose : un simple t-shirt à manches longues et un pantalon en tissu plutôt serré. Avec précaution, je le conduis jusqu'au bord du coin le plus profond du ruisseau, où je commence à lui enlever ses vêtements. Il ne prononce pas un mot lorsque je lui retire le haut, et il reste silencieux lorsque je passe au pantalon. Son comportement est étrange, comme s'il était complètement désorienté ou détaché de la réalité. Il ne semble même pas conscient de ce que je fais, son regard est vacant, éteint.

En le déshabillant, je découvre des bleus en train de se former sur ses flancs, ses bras et ses cuisses, et d'autres plus anciens. Les marques de contusions sont visibles et préoccupantes, s'épanouissant sous la surface de sa peau. Je sens une montée d'angoisse en moi en constatant l'étendue de ses blessures. Ses vêtements, à peine plus que des lambeaux, ne dissimulent pas les dommages infligés.

— Taehyung..., chuchoté-je.

Mon cœur bat à tout rompre et je manque cruellement d'oxygène. L'angoisse me serre la poitrine alors que je me demande ce qui a bien pu lui arriver. Est-ce Aaron qui est responsable de cela ? L'idée seule me fait serrer les poings. Une vague de colère m'envahit à la pensée de ce qu'il pourrait lui avoir fait.

Il me regarde furtivement en entendant son prénom avant de fermer les yeux.

Si mes années passées dans la cage m'ont appris quelque chose, c'est qu'il est crucial de se nettoyer pour éviter toute infection et favoriser la guérison. Alors, avec précaution, je le soulève à nouveau et entre avec lui dans l'eau. Le froid est intense, saisissant, mais il ne réagit toujours pas. J'ai l'impression qu'il perd vie dans mes bras et j'ai envie de le secouer pour le réveiller de ce cauchemar, mais j'ai peur de lui faire mal. J'ai constaté l'état de sa jambe tout à l'heure et je ne pense pas que la plaie de sa cuisse soit profonde, mais ça doit être douloureux.

Il continue de se laisser faire alors que je l'allonge sur l'eau, le maintenant à la surface, et le fait voyager d'un bord à l'autre pendant de longues minutes. Heureusement, nous n'étions pas très éloignés du ruisseau, et cette section n'est pas trop agitée. Si le courant avait été plus fort, j'aurais été contraint de le transporter plus loin encore.

Il rouvre les yeux et fixe son regard sur les étoiles, cherchant visiblement un réconfort dans leur lueur. Pendant un instant, j'ai l'impression de le retrouver, qu'il se raccroche à la vie, mais il demeure silencieux, renfermé sur lui-même. Pourtant, sa respiration semble plus régulière qu'auparavant, un signe encourageant. Je me dis alors que je devrais lui parler pour occuper son esprit sur autre chose. Je ne suis pas un grand bavard d'habitude, mais je me lance :

— Quand j'étais petit, je ne sortais pas beaucoup de ma chambre, commencé-je d'une voix hésitante. Je n'avais pas le droit de le faire seul, mais j'ai réussi à trouver une ruse pour m'échapper un peu. Ma chambre était à côté d'une gigantesque bibliothèque parce que ma mère était une grande fan de littérature. J'imagine que j'ai hérité ça d'elle, dis-je en riant amèrement. Bref, soupiré-je. Un jour, ma mère a fait tomber l'une de ses pinces plates. Tu sais, le truc pour les cheveux ?

J'ai horreur d'avoir l'air ridicule. Même si je récupère vite et que les mots me viennent plus naturellement, j'ai parfois encore un peu de mal à me faire comprendre et à être fluide.

— Eh bien, je me suis servi de ce truc pour tenter d'ouvrir la porte de ma chambre qui était toujours fermée à clé, reprends-je, essayant de ne pas me focaliser sur mes difficultés. J'ai essayé un millier de fois de la déverrouiller avant de finalement y parvenir, et ça en valait la peine. Je savais que je ne pouvais pas aller bien loin, mais aller jusqu'à la bibliothèque, c'était déjà le paradis pour moi. J'avais enfin trouvé un moyen de me téléporter ailleurs, même si ce n'était que dans mon imagination.

Mes pensées s'égarent à ces souvenirs, et mes traits se crispent à nouveau quand je me remémore le moment où l'on m'a découvert.

— Un jour, je me suis fait prendre. C'était inévitable, évidemment, grogné-je. Mais étrangement, ma mère ne l'a jamais dit à mon père et a même fini par m'apporter des livres en douce dans ma chambre. Elle m'a aussi appris à lire correctement. Je pense qu'elle avait compris ma passion pour eux, et qu'elle s'est dit qu'elle pouvait au moins m'accorder ça. C'était notre petit secret, comme elle aimait le dire. Je ne parlais pas beaucoup à cette époque, je n'avais pas trop le droit, mais je lisais à la place. Et ça m'allait très bien.

Je toussote après cette longue tirade parce j'ai la gorge sèche d'avoir autant parlé. C'est la première fois que je déblatère autant depuis... jamais, en fait. Personne ne m'a écouté aussi longtemps sans me dire de la fermer. Rien que pour son silence, je crois que je lui suis infiniment reconnaissant. Mais m'a-t-il vraiment écouté ou a-t-il fait semblant ?

Peu importe la réponse, ce n'est pas grave. J'ai l'habitude que l'on ne me trouve pas très intéressant, de toute façon.

Brusquement, Taehyung tourne la tête vers moi.

— Tu crois que tes parents t'aimaient ?

Putain, il parle. Merde, je suis content, incroyablement content ! Puis sa question monte jusqu'à mon cerveau et ma joie retombe.

Est-ce que mes parents m'aimaient ?

— Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr de savoir ce que signifie réellement aimer quelqu'un. Je ne sais même pas si ça existe vraiment.

Il semble être en train de méditer sur mes paroles et fronce les sourcils sous la réflexion.

— Je pense que peu de gens savent.

Il s'arrête là, avec cette phrase énigmatique, sans m'en dire davantage sur sa pensée.

Il est toujours dans mes bras, en train de flotter, et son regard se braque à nouveau sur le ciel. Ses membres se sont détendus malgré la chair de poule qui commence à naître sur sa peau.

Je remarque alors que ça ne me fait plus rien de le toucher. Je veux dire que... je ne suis pas en colère. J'aime même l'idée qu'il soit là, près de moi. Je me sens un peu moins seul à ses côtés.

— Je me sens bien, dit-il dans un chuchotement.

Comment peut-il se sentir bien avec tous ces ecchymoses ?

Comme s'il avait lu dans mes pensées, il s'explique :

— C'est plus moche que douloureux. Je n'ai pas mal, je me sens juste... bien. Vivant, ajoute-t-il avant d'inspirer profondément. C'est comme si mes blessures laissaient s'échapper la souffrance que je gardais à l'intérieur. Je me sens soulagé, déchargé d'un poids trop lourd pour moi.

Je l'écoute sans savoir quoi répondre. Ses cheveux flottent autour de sa tête et certains viennent même lui mordre le cou, et ses yeux regardent les cieux avec une intensité si particulière que je me retrouve subjugué quelques secondes. Lorsqu'il parle, ses lèvres bougent avec une lenteur qui me donne envie de les toucher pour savoir si elles sont aussi douces que sa peau.

Il tourne la tête vers moi et surprend mon regard sur sa bouche. Il l'entrouvre alors et reprend une grande inspiration. Mes mains, l'une en travers de son dos et l'autre sur sa cuisse, réagissent en le serrant un peu plus fort, mais je desserre ma prise dès qu'un rictus de douleur traverse ses prunelles.

Il faut que je me ressaisisse parce que je ne comprends pas très bien ce qui se passe. Je baisse la tête et tombe nez à nez avec son abdomen violacé. Je respire tout à coup plus vite et ma colère remonte rapidement à la surface. Alors, de but en blanc, je lui pose la question qui me taraude depuis que je l'ai trouvé dans cet état :

— C'est Aaron qui t'a fait ça ?

Mon ton est tranchant et complètement différent de celui que j'emploie depuis tout à l'heure, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Il secoue la tête et je me retrouve alors perdu. Si ce n'est pas lui, qui c'est ?

Au moment où je m'apprête à lui demander qui est responsable de son état, Ice fait son retour. Son museau est également plein de sang et, comme Taehyung, il traîne la patte.

Mais qu'est-ce qui se passe ce soir ?

Il entre dans la rivière et nage jusqu'à nous. C'est alors qu'une chose très étrange se produit : il se met à lécher la joue de Taehyung. Je ne comprends pas, cet animal déteste littéralement tout le monde. Même Joe, alors qu'ils se connaissaient depuis des années ! Pourquoi est-ce différent avec Taehyung ?

C'est le petit rire de flocon qui me ramène à la réalité. Ice lui lèche le cou et le chatouille, ce qui le fait rire. J'aime entendre ce son, je le préfère largement à celui de son couinement lorsque ce Aaron lui a violemment attrapé le poignet.

Je crois que je n'arriverai jamais à me sortir cette image de la tête.

Taehyung décide de se dégager de mes bras pour caresser l'animal. Je me sens soudainement vide sans sa chaleur, mais je me force à me concentrer sur la scène qui se déroule devant moi. Ice commence à lécher sa main dès qu'il essaie de le toucher, ce qui provoque un rire de plus en plus franc de la part de Taehyung. C'est un spectacle auquel je ne m'attendais absolument pas, quelque chose sur lequel je n'aurais jamais parié. Ice ne me prête même pas attention, étant entièrement absorbé par flocon. Il est horriblement mignon avec lui et... putain, il n'a jamais fait ça avec moi.

— Je crois que je suis jaloux, avoué-je simplement.

Taehyung se tourne vers moi et m'envoie le plus beau sourire qu'il ne m'ait jamais adressé. Même avec ses blessures, il sourit ? Il pleurait pour Aaron l'autre jour, mais ne pleure pas pour lui-même ? Mais qui est ce garçon aux cheveux rouges ?

Ice, comme s'il comprenait la situation, se rapproche de moi et vient frotter sa tête contre mon bras. Je résiste un peu au début, pour la forme, mais finis par céder en le caressant sous la tête, comme il aime.

Taehyung nous regarde un instant, puis relève les yeux vers le ciel en remarquant qu'il s'est mis à pleuvoir. Il est trempé, forcément, mais il semble s'en ficher. Son regard retombe sur moi et il redevient soudainement très sérieux.

— C'est mon père.

— Quoi ? réponds-je, ne comprenant pas de quoi il parle.

— C'est mon père qui m'a fait ça.

C'est à ce moment-là que je réalise que je l'ai mal jugé, la première fois. Ce garçon aussi est abimé, sauf qu'il le cache bien mieux que moi.

_______

NOTE DE L'AUTEURE :

On entre vraiment dans le cœur du sujet...

Si Jungkook a un passé très douloureux, il s'en est éloigné avec le temps, il a pu panser certaines blessures, même s'il en garde toujours les stigmates. Pour Taehyung, elles sont encore à vif, extrêmement présentes dans son quotidien. Sauf que, comme JK l'a compris, Tae est simplement passé maître dans l'art du camouflage. Mais quand nos plaies suintes, il est très difficile de les rendre invisibles...

Qu'avez-vous pensé de chapitre ?

Comment voyez-vous la relation entre Tae et JK évoluer ?

Et Ice, qu'avez-vous pensé de son comportement ?

A dimanche, mes Dumiz !!

Era xx