I (partie 1)
Une épaisse fumée noir s'envolait en continue dans le ciel nuageux de la campagne de Canterbury. Sur une petite route, prêt d'une rivière longeant une forêt opulente, une petite voiture citadine noire se consumait dans de grandes flammes, détruisant le petit véhicule et ne laissant aucun espoir de retrouver la conductrice. L'un des pompiers appela sa caserne depuis la radio du camion.
- Caserne ici Simons. Incendie localisé, accident de voiture en sud-est de Canterbury. Il est 19h06, feu maîtrisé. Une conductrice mais pas de passager. Aucun survivant. Terminé.
- Bien reçu Simons !
Sur le bord de route, allongée dans l'herbe le long du cours d'eau, une jeune femme se releva péniblement. Son jean était lacéré, des traces noires recouvraient ses joues et ses mains, et son blouson camelle était déchiré aux manches.
- Aucun survivant ? répéta-t-elle en contemplant sa voiture encore fumante. Et moi ? Je suis quoi ?
Elle épousseta ses courts cheveux noirs, et s'apprêtait à aller faire remarquer sa présence au capitaine Simons
- Tu comptes monter ou tu attends le jugement dernier ?
Dans les fourrées de l'autre berge, une longue barque effilée sortie sans la moindre vague, et vint se coller à elle, prête à la faire embarquer. A son bord, à la pointe de l'embarcation, se tenait une frêle silhouette habillée d'un drapée à capuche noire navigant à l'aide d'une perche en métal sculptée de ronce.
- Je n'ai pas envie de faire un tour de bateau, j'ai plus important à faire.
- Oui, c'est ça ! Aller monte ! J'ai pas l'éternité, et vu ton cas il vaut mieux ne pas traîner ici.
- Tu veux savoir ce qu'il te dit mon cas ?
Mais elle n'eut pas le temps de s'énerver. Des filaments nuageux gris tombèrent du ciel dans un sifflement cristallin, ce qui ne sembla troubler aucun pompier qui dégageait un corps calciné de la voiture.
Le batelier attrapa la jeune femme par le poignet et la tira un grand coup afin de la faire s'écrouler dans la barque. Alors que deux filaments se précipitaient droit sur eux, la barque disparut dans un épais nuage de poussière noir. Loin de là, en amont, un nuage identique se forma, d'où la barque sortit indemne.
- Joli tour de passe-passe, mais on va devoir y retourna, râla la demoiselle assise à l'arrière. J'ai deux mots à dire aux pompi...
- Mais tu es morte ! Morte ! M.O.R.T.E ! A ton avis, les os brûlés qui ont été sortie de ta voiture cramée jusqu'aux pneus, si tu étais seule dedans, c'était qui ?
- Je suis morte ? Et vous êtes la Mort ?
- Non, je suis une licorne verte, répondit La Mort avec sarcasme.
La passagère se remis doucement du choc tandis que la barque s'avançait doucement au milieu des saules et des arbres obstruant les derniers rayons du soleil avant la nuit.
- Qu'est-ce qui va m'arriver ? demanda enfin la passagère.
- Tu verras bien, répondit la Faucheuse. On arrive. C'est après le prochain tournant.
Tout en disant cela, La Mort montra de son bras recouvert de sa manche le cours d'eau virant à gauche dont la visibilité était cachée par une épaisse végétation.
- J'ai quelque chose pour vous, répondit la jeune femme. Mais je ne la trouve plus ! J'espère que je ne l'ai pas perdu pendant l'accident.
- De quoi tu parles ?
- La pièce du Passeur, répondit-elle. Une légende du village dont je suis originaire veut que, juste avant d'arriver, on doit donner une pièce à La Mort pour la remercier d'avoir pris soin de nous pendant le voyage.
- Crois-moi, vu là où je t'emmène, ça ne sert à rien de me remercier. Tu aimes les cascades ?
- Pourquoi ?
La barque prit brusquement le tournant, et elle dévoila sa destination. L'eau devint rouge et la jeune femme vit la rivière tomber à pic en cascade dans ce qui semblait être un gouffre sans fond.
- On ne va quand même pas aller là-dedans ?!?!
- Si, pourquoi ? Détend toi. Tu as peur de quoi ? De mourir ?
Elle n'eut pas le temps de répondre que la barque chuta à pleine vitesse pendant plusieurs secondes qui semblèrent durées de longues minutes ou la passagère sentit sa cage thoracique se contracter ; sa respiration lui sembla bloquée. L'embarcation s'arrêta dans un grand bruit d'eau, éclaboussant les berges rocheuses. Le bateau reprit un rythme tranquille alors que la jeune femme reprenait difficilement son souffle. Soudain, La Mort s'arrêta sous une grande arche de pierre.
- C'est là que je descends ?
- Ho non ! Ici c'est le Purgatoire. Toi tu vas plus loin.
- C'était bien la peine que j'aille au catéchisme étant enfant pour en arriver là. Et on attend quoi?
- Belzébuth.
- De qui ?
- Lui.
S'attendant à voir arriver un énorme démon cornu à moitié nu aux pattes de bouc, elle fut fort surprise de voir s'asseoir au-dessus d'elle sur l'arche un vieille homme à l'épaisse chevelure grise et dont les pieds étaient remplacé par une sinueuse queue de reptile qui se déroula pour leur bloquer le passage. Une épaisse corne recourbée lui transpercerait le front, et il tenait dans ses mains un long parchemin qui se perdait dans les eaux du fleuve rouge.
- Nom, prénom, mort, âge, et pêché, récita-t-il d'une voix caverneuse.
- Duramont Agathe, morte dans un accident de voiture à 26 ans, récita La Mort.
- Et le pêché qui l'a mené ici ?
La Mort se retourna vers Agathe.
- Qu'est-ce que tu as fait pour arriver ici ?
Cette dernière se contenta de hausser les épaules, ne voyant pas ce qui avait pu lui faire mériter l'enfer.
- Allons, tu dois bien avoir fait une connerie pour arriver là. Réfléchit un peu.
- Pressons, pesta Belzébuth. Le Styx n'est pas une aire d'autoroute.
- Alors ? demanda de nouveau La Faucheuse.
- Je n'ai pas attendu le mariage pour faire l'amour, il m'arrive de boire un verre, et je suis bisexuelle. Je ne vois que ça qui pourrait être punit par la bible.
- Ça fera l'affaire, répondit Belzébuth en prenant note. Par contre je n'ai pas sa destination d'indiquer.
- Moi je sais, répondit La Mort.
- Bonne route.
Il releva sa queue et les laissa passer.
- C'est une bonne ou une mauvaise chose de ne pas avoir son terminus indiqué à l'entrée ? demanda Agathe.
- Ça dépend. En général, c'est plutôt bon signe. C'est qu'il y a eu une erreur et que le mort ne doit pas aller en enfer.
- Et dans mon cas ?
- Tu verras par toi-même. Tu n'aimes toujours pas les cascades ?
- Houlà ! Pourquoi ?
- On en a encore pas mal à faire.
- Y'a pas des escaliers ?
Sans répondre, La Mort mena de nouveau sa barque dans une nouvelle cascade. Et encore une. Et une autre...
Après ce qui sembla être pour Agathe une éternité, la barque de La Mort finit sa chute dans une grotte bien plus sombre, aux épaisses stalactites sanguinolentes.
- C'est bien la première fois que je vois une morte malade pendant sa descente aux enfers, se moqua La Mort alors qu'Agathe vomissait par-dessus le rebord, la respiration roque et le corps prit de spasmes. La prochaine fois demande un sac en papier, le Styx n'est pas une cuvette de toilette.
- On a fait un nombre... incalculable... d'étage, répondit Agathe irritée et tentant de se calmer. On a vue tous les sous-sols des enfers. J'ai vu des hommes se faire transpercer le ventre avec des lames chauffer à blancs, des femmes se faire désosser les jambes à vif. Et je vais passer... l'éternité là-dedans ! Tu t'en fous toi, tu remontes ensuite. Tu comprendras qu'entre le stress, le dégoût, et ces putains de cascades qui me font remonter les tripes, j'ai un peu la gerbe.
Elle se redressa doucement tandis que La Mort colla son embarcation contre la rive de gauche.
- Terminus ! Tout le monde descend. De toute façon, je ne peux pas aller plus bas.
- Et on est ou ici ? demanda Agathe que La Mort aidait à débarquer.
- Étage 666, bienvenu à Inferno.
- Ce qui veut dire ?
- Félicitation, répondit La Mort. Tu es chez le grand patron de cette abominable marmite bouillonnante de sang, de souffre et de flamme. L'Inferno est l'étage où vit le Diable lui-même. C'est lui qui va s'occuper de ton cas.
La Mort escorta Agathe, livide, le long d'un étroit couloir taillé dans la pierre. A chaque tournant, à la lueur d'une torche incrustée dans les parois, Agathe s'attendait à voir apparaître cet immense et démoniaque monstre.
Après un vaste escalier taillé à même la roche, Agathe, toujours escortée par La Faucheuse, arriva dans une immense pièce de granite et de marbre ronde. Dans le fond, une épaisse table de pierre donnait des airs de bureau, avec quatre feux follets qui voletaient aux quatre coins de la table. Un parchemin attendait sur le bureau, prêt d'un encrier de sang dans lequel semblait tremper une plume taillée en os.
- On n'est pas chez moi, donc ne m'en veut pas, je ne te propose pas de prendre un siège, dit La Mort. Il va arriver.
- J'ai l'impression d'attendre mon conseiller à la banque, répondit Agathe afin de détendre cette atmosphère.
Un grondement commença à se faire entendre. Malgré que son cœur ne battait plus, Agathe avait l'impression qu'il cognait de plus en plus vite et de plus en plus fort, au fond de sa poitrine. Le sol commença à trembler, les torches et les feux follets s'embrasèrent d'avantage. Agathe scrutait, anxieuse et les jambes tremblantes, une ouverture béante dans le mur du fond, au sommet d'un petit escalier, d'où semblait provenir le grondement grandissant. Soudain, un épais mur de feu apparût, dans lequel se dessina une silhouette sombre et majestueuse.
- Bonjouuuuuur, ma chérie ! roucoula une voix masculine avec un accent joué d'un pays d'Amérique du sud.
Traversant le mur de flamme, le Diable apparut...
- C'est quoi ce sketch ?
Agathe ne put retenir cette remarque, le Diable fut-il aussi mauvais possible, devant l'apparition d'un jeune homme qui semblait avoir une grosse vingtaine d'année, aux grand yeux bleu légèrement cernés, à l'épaisse chevelure brune en bataille, la peau pâle, une barbe de quelques jours ornant son menton. Il n'avait ni queue fourchu ni patte de bête poilu, mais portait un excellent costume d'affaire noir, dont la particularité était qu'il était ouvert et ne comportait pas de chemise, ce qui laissait voir son torse aussi pale que son visage, sec, un tant soit peu musclé, et pourvut d'un peu de poil brun comme tout humain des plus banal. A part une paire de corne de bouc, Agathe n'aurait jamais cru que ce qui avait l'air d'un parfait jeune homme de son âge et à peine de sa taille aurait pu être l'ennemie juré de Dieu.
- Laisse-moi deviner: toi aussi tu t'attendais à voir cette chose immonde à la peau rouge avec des crocs, des griffes, et tout le bordel ? demanda-t-il tout sourire en arrêtant son accent brésilien. Tu me rappel Hitler. Lui aussi ne m'a pas pris au sérieux. Il disait que je ressemblais à un petit juif.
Il descendit le petit escalier en arc de cercle et se posa derrière son bureau en trottinant.
- La Mort, ravis de te revoir, lança-t-il quand il la vit dans un coin d'ombre. Ça faisait depuis longtemps ! Tu n'as pas changé, tu n'as toujours que la toge sur les os.
- Stop !
Agathe coupa net la conversation.
- Je ne sais pas c'est quoi votre délire à tous les deux, à mi-chemin entre une retrouvaille de vieux pote de légion et deux collègues d'openspace devant la machine à café, mais je vous laisse vous éclater, prendre un verre ou un rail tous les deux, dit-elle en tournant les talons et se dirigeant vers l'escalier qu'elle avait pris pour arriver. Moi, je me casse !
Le Diable claqua des doigts et un autre mur de flamme apparut bloquant le chemin à Agathe.
- Tu viens juste d'arriver, je t'en pris reste un peu, répondit-il d'une voix douce.
- Rien à foutre !
Agathe passa sa main dans les flammes.
- HAAAAA !!!! Putain de bordel de merde !!!!!
- J'ai dit que tu ne pouvais pas mourir tout à l'heure, expliqua La Mort. Mais ça ne t'empêche pas de souffrir. Navré si cela prêtait à confusion.
Agathe regarda sa main, dont la peau revenait doucement recouvrir les parties calcinées.
- Je t'en prie, prend donc un siège, dit le Diable sans s'en soucier d'avantage.
Un autre claquement de doigt et une vieille chaise colonial apparut juste devant le bureau. Encore un claquement et apparut juste derrière lui un immense fauteuil de velours rouge.
- Je vais vous laisser, dit La Mort. J'ai du monde à faire encore.
- Déjà ? Dommage ! répondit le Diable. Reviens-moi vite !
- Au plaisir, très cher Lucifer.
La Mort se dirigea vers le passage que le Diable avait emprunté.
- Tu ne reprends pas les cascades ? s'étonna Agathe.
- Non, il y a un ascenseur, répondit La Mort. Mais pour l'arrivée, c'est toujours plus rigolo et ça en impose plus de passer par les cascades.
- Vieux sac d'os ! ragea Agathe.
Mais La Mort avait déjà disparu.
Pendant ce temps, le Diable avait déroulé le parchemin qui contenait les informations sur Agathe.
- Voyons, voyons, Agathe, 26 ans, accident... lut-il en mâchonnant sa plume osseuse. Pêchés déclarés...
Il éclata d'un rire joyeux.
-« Rapport sexuel avant le mariage », « consommation d'alcool » et « bisexualité ». Tu crois vraiment que c'est pour ce genre de connerie qu'on atterrit ici ? À la messe tu bois du vin, non ? Et crois-moi, en ce moment, Freddie Mercury doit se faire de super karaoké avec le Tout-puissant. Et si toutes les nanas qui sont passées à la casserole avant le mariage sur la banquette arrière d'une Twingo finissaient dans mon bureau, cette pièce serait un splendide baisodrome.
- Alors pourquoi je suis ici ?
- À toi de me le dire. Si l'autre à voulut t'y faire passer, c'est qu'il y a une bonne raison. Vu ton âge, tu n'as pas dut participer à des expériences pendant l'époque nazi. Tu as vénérer un veau en or ? Violé un nouveau-né avec un concombre ?
- Mais vous êtes ignoble !?!
- On n'arrive pas dans mon bureau parce qu'on a chanté du Lorie. Tu as tué ta mère ? Ton fils ? Tu as incendié le Vatican ?
- Non ! J'ai fait le cursus banal primaire-collège-lycée, je me suis farcie le catéchisme et la communion, le BAC avec mention, je ne bois jamais plus de trois verre en boite de nuit, je ne couche pas le premier soir, je ne me suis jamais prostitué, quand je croise un pigeon sur la route, j'arrête ma voiture pour le laisser traverser... Je ne sais même pas comment j'ai pu avoir un accident !
- Tu ne t'en rappel pas ? Tu étais ivre ?
- Non ! Je venais de quitter un petit festival de rock même pas satanique et je rentrais chez des amis qui habitent Lower Hardres.
- Et ?
-« Et » rien ! Je me rappelle que je roule, puis que je me réveille sur l'herbe du bas-côté en entendant un pompier se nommant Simons dire que j'y étais passé.
- Ta voiture ne s'est pas crashée toute seule dans le vide. Surtout quand on voit dans quel état elle a fini.
- Comment vous le saviez ? Vous y étiez ?
- Amène ton boule, je vais te montrer.
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