Chapitre 11 : Nouvelle vie
Après quelques secondes de silence ému, une panique soudaine m'envahit sous le regard de mes géniteurs heureux et je ressentis le besoin de me dégager. Je reposai Sarah le plus délicatement possible et me tournai vers ma mère :
— Je suis un peu fatigué, est-ce que je pourrais aller me coucher ?
Ce n'était qu'en partie vrai, mais je ne voulais pas rester une minute de plus dans cette pièce où l'on me fixait les yeux pleins de joie, me sentant illégitime à provoquer tant de bonheur chez de parfaits inconnus. Heureusement, elle parut comprendre et me répondit :
— Oui, bien sûr. Suis-moi, je vais te montrer ta chambre.
Je la suivis vers un escalier blanc et montai à l'étage derrière elle. Nous nous retrouvâmes dans un petit couloir avec plusieurs portes identiques. Elle en ouvrit une et m'expliqua que c'était la salle de bain, puis m'indiqua là où je pouvais dormir. J'entrai d'un pas un peu hésitant et parcourus la pièce du regard : elle était grande, bien plus que celle que je partageai avec Jenna et Sophie dans l'Inexistence, et avait deux fenêtres qui donnaient sur le jardin verdoyant.
Elle était meublée sobrement : un lit double qui me paraissait terriblement confortable, un large bureau sur lequel étaient entreposés cahiers, stylos et livres, une grande bibliothèque collée à un mur et une armoire dans un coin. Je m'en approchai, fasciné de voir la quantité et la diversité d'ouvrages qu'elle contenait. Mon père l'aurait adorée, j'en suis sûr, et j'imaginais très bien son expression béate devant tant de sources de connaissance. Certains semblaient neufs, d'autres au contraire avaient une reliure abimée par le temps et par des relectures trop nombreuses.
Je fus surpris de constater que le Maël de l'Existence paraissait me ressembler : la pièce était meublée tout à fait à mon goût et bien que je n'ai pas beaucoup de connaissance en décoration, j'appréciais ce que je voyais. Et puis, cet intérêt pour la lecture, je le partageais aussi : les rares fois où mon père m'avait ramené des livres, très souvent incomplets ou bons pour être jetés, je les avais dévorés et relu des centaines de fois. En somme, je me sentais plutôt bien dans ma chambre : même si ce n'était pas vraiment la mienne à proprement parler, elle me convenait et je ne m'y sentais pas tellement comme étranger. C'était plus comme si... elle avait été mienne, mais que je n'y avais pas été depuis un long moment.
Je réprimai un bâillement et décidai d'aller me coucher réellement. Seulement, en m'approchant du lit, je découvris dessus deux vêtements pliés avec soin que je dépliai, curieux. Ils semblaient à ma taille et il y avait un haut et un bas, tous deux beiges, dans une matière très douce que je ne connaissais pas. Soudain, je me souvins que les Existants faisaient usage d'une tenue de nuit qu'ils nommaient un "pyjama" et qu'ils ne mettaient que pour dormir. Lorsque j'avais appris cela - grâce à mon père une fois de plus -, j'avais été surpris par la richesse qu'ils devaient avoir pour se permettre de changer de tenue aussi souvent. Sur l'Inexistence, on n'a guère que deux ensembles que l'on alterne et que l'on garde pendant quelques jours, même pour dormir.
Curieux, j'ôtai ma blouse d'hôpital que je n'avais pas quitté depuis ma sortie et enfilai les nouveaux habits. Ils sentaient bon, très bon, et étaient parfaitement propres. La coupe était très ample, me laissant libre de mes mouvements et très confortable. Je devais avouer que les pyjamas semblaient une bonne idée et lorsque je me glissai dans les draps doux et que je rabattis la couverture épaisse sur moi, je poussai un soupir d'aise. Sentant que je commençai à sombrer dans un profond sommeil, j'enfouis ma tête dans l'oreille et fermai les yeux avec la sensation d'être au paradis.
Je ne ressortis de ce cocon qu'après ce qui me parut une infinité. Durant des heures, je m'étais laissé dériver dans les limbes du sommeil et j'avais profité de cette sensation de paix infinie. Seulement, tout avait une fin et j'avais finalement dû m'extirper de mon lit à contrecœur. Je restai debout quelques secondes, clignant des yeux pour m'habituer à la luminosité de la pièce, car pour être lumineuse, elle l'était ! Par les deux fenêtres passaient de puissants rayons de soleil qui éclairaient d'un halo presque magique ma chambre. Après avoir contemplé ce spectacle, je m'approchai de l'armoire et l'ouvris, curieux de ce que j'allais trouver.
Elle était assez remplie, et je remarquai beaucoup de sweats et de pulls, gris ou beiges pour la plupart avec des pantalons assez simples. Je pris ceux qui étaient en haut des piles, un t-shirt blanc et les enfilai. C'était assez confortable, dans un style très peu voyant et très basique qui me convenait parfaitement : je n'étais pas un adepte des habits voyants et il n'y en avait de toute façon pas sur l'Inexistence.
Je descendis ensuite et tentai de trouver la cuisine. Des éclats de voix m'aiguillèrent et j'arrivai devant une pièce assez spacieuse que je détaillai rapidement. Elle contenait un bar et une table à manger autour de laquelle mes géniteurs et Sarah étaient attablés. Le sol en dalles noires et blanches résonna quand j'entrai, signalant ma présence. Un silence se fit entendre lorsque les deux adultes me remarquèrent et je sentis le poids de leur regard posé sur moi.
Heureusement, la plus petite brisa le malaise en se jetant dans mes bras. Je lui rendis son étreinte maladroitement sans savoir comment agir. Je n'avais jamais eu de petit frère ou de petite sœur et l'admiration que je pouvais lire sur son visage m'était assez étrange. Mais elle n'en était pas pour autant désagréable et je compris en voyant l'affection présente dans ses yeux que l'enfant et le Maël existant dont je n'avais aucun souvenir devaient être très proches.
Finalement, je la reposai sur le sol et m'installai sur une chaise vide avec une assiette posée devant.
— Je t'ai fait des crêpes, dit ma génitrice avec un léger sourire. C'était ton plat préféré, tu adorais mettre du nutella dessus.
Sur ses conseils, je mis une sorte de coulis brun à l'odeur sucrée sur une "crêpe". Je pris une bouchée, hésitant, et la douceur de ce plat me surpris. C'était gourmand, chaud et assez réconfortant et je compris pourquoi c'était mon plat favori. Je bus ensuite du "jus d'orange" puis, repus, je débarrassai mon assiette. Je restai ensuite planté debout au milieu de la pièce, les bras ballants sans savoir quoi faire jusqu'à ce qu'une voix aigüe me sorte de mes pensées.
— Maël, viens jouer avec moi dans le jardin ! pépia Sarah en ouvrant de grands yeux implorants pour me convaincre.
— Euh, d'accord, je répondis sans autre solution.
— N'épuise pas trop ton frère, mon ange, intima ma génitrice à ma sœur d'un air entendu.
Ma sœur. Cette pensée claqua dans mon esprit sans que je puisse savoir pourquoi. C'était étrange, mon cerveau se refusait à considérer mes géniteurs de ce monde comme mes parents, mais j'avais moins de mal à accepter Sarah. C'était sûrement parce que je n'avais pas l'impression qu'elle remplaçait quelqu'un, Sophie et Jenna étant beaucoup plus âgés. Au contraire, en parlant d'eux comme mes parents, j'aurais l'impression d'effacer mes véritables parents, ceux de l'Inexistence. Mais je supposai qu'avec le temps, je m'y habituerais. Ou du moins, je l'espérais.
Une petite main toute douce se glissa dans la mienne, m'obligeant à me lever et je suivis la petite brune à l'extérieur. Je mis les bottes que me tendit ma mère et nous sortîmes par une porte transparente qui coulissait et débouchait dans le jardin. Je sentis mon cœur se gonfler d'un sentiment qui me paraissait être une sorte d'excitation : j'allais enfin pouvoir réellement admirer la nature et sa splendeur, la cause même de ma présence ici.
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