Cauchemar
OMG, j'ai réussi à débloquer, genre, 3h de suite!
...
Nan, je déconne, j'ai écris ça en cours ce matin XD Je pense que ça se sens que je suis un peu creuvée dedans, soyez indulgents ^^"
Biz!
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Crowley faisait souvent ce rêve. Si souvent qu'il n'était plus certain de savoir ce qui relevait du souvenir ou du cauchemar.
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Au début, tout est lumineux, d'une lumière si pure qu'elle lui aurait été insoutenable aujourd'hui, une lumière d'avant la lumière, avant les corps, avant la terre.
Au début, tout est parfait.
Alors pourquoi, pourquoi est-il si inquiet ? Pourquoi ce sentiment, ce sentiment persistant, que quelque chose est faux, quelque chose est mal ?
Son rêve se pare d'étoiles. La Terre sous ses pieds, le ciel entre ses mains, il crée, dans l'immensité glacée, il peint, il modèle. Il est heureux. Il aime les œuvres qu'il disperse dans les nues d'une planète encore vierge, si pleine de promesses et de mystères.
Mais il ne peut s'empêcher de poser des questions, des questions qui résonnent à l'infini autour de lui, faisant trembler les silhouettes des anges dont le visage s'est depuis longtemps effacé de sa mémoire.
Est-ce mal, de plus aimer mes étoiles que le reste de la Création ? Est-ce mal d'être fier de moi ? Que ferons-nous lorsque les humains seront là ? Est-ce qu'ils créeront des étoiles, eux aussi ?
Personne ne répond jamais.
Pourquoi suis-je si seul ? Pourquoi ne parles-Tu pas ? Nous as-Tu tous abandonnés ?
On l'envoie continuer son travail un peu plus loin, aux confins des galaxies, où ses questions ne dérangeront plus personne.
Il crée, il crée, il ne sait pas compter le temps, mais il sait qu'il passe. Les questions sont toujours là, inlassables, impitoyables, de plus en plus pressantes.
Pourquoi suis-je si seul ? Pourquoi personne ne vient-il me voir ? Où sont Lucifer, Raphaël, Camaël, qui aimaient tant visiter le ciel ?
Personne ne vient. Il attend. Il a rempli son coin de ciel.
Personne ne vient.
Il attend.
Personne.
Il part les chercher. Il défit les ordres, il abandonne son poste. Il découvre l'inquiétude, cette sorte de poids au bord de son âme, vaguement douloureux, vaguement glacé. Mais c'est la bonne chose à faire, n'est-ce pas ?
Il entend des cris. Des gémissements.
Un champ de bataille.
Personne n'a pensé à la prévenir, personne n'est venu le chercher, aucun des deux camps.
Et tout est fini, déjà.
Quelque chose s'est brisé au Paradis.
Il marche, il erre, au milieu des plumes, des armes, et du sang doré dont les Cieux se trouve éclaboussés.
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi les avoir crée, Mère, et les laisser se détruire ? Pourquoi, pour qui ?
Lucifer est là, au bord du vide, du rien. Son regard brille d'un sentiment qu'il vient juste d'inventer.
Tu poses trop de questions, faiseur d'étoiles. Tu devrais m'accompagner.
Où ?
Lucifer sourit et fait un pas en avant.
Le faiseur d'étoile tend sa main pour l'agripper, paniqué. Il veut désespérément le rattraper, le ramener, l'aider, rafistoler ce Paradis perdu... mais ses doigts déchirent le vide. Il trébuche, glisse. Bascule.
Et tombe.
Il tombe, mais pas vers la terre, pas tout à fait. Il tombe, à la fois dans les airs et à l'intérieur de lui-même, il Tombe et quelque chose se brise au fond de lui, quelque chose qui se change en gouffre, un gouffre d'où jaillit un brasier qui le dévore aussitôt, et la douleur est si insoutenable que son propre hurlement lui perce le cœur. Son âme se racornit de l'intérieur, ses ailes s'étirent, comme si le Ciel les retenaient, s'étirent, s'étirent... Se déchirent.
Il hurle, il hurle. Il tombe.
Il a peur, oh, si peur, tout est sombre, si plein de choses vaines – Où sont les étoiles ? La lumière ? La beauté ?
Il n'est plus seul, mais il aurait voulut l'être. Il n'y a que des âmes blessées ici-bas, trahies, rongées de colère, de désespoir, de culpabilité, de toutes ces choses grouillantes qui les corrompent de l'intérieur.
Oh, Dieu du Ciel, Toi, là-haut, pourquoi ?
Elle ne répond pas.
Ses ailes repoussent et il hurle, encore, encore. Nées de sa douleur, elles sont noires, impossiblement noires, comme des éclats de ténèbres.
Il sait qu'il a perdu quelque chose qu'il ne retrouvera jamais.
- * -
Aziraphale tapota nerveusement la couverture du roman qu'il faisait semblant de lire.
Crowley n'était jamais en retard. Pas avec lui, du moins. Même à l'époque de la Grande Peste – alors que les humains mourraient par milliers dans les villes – il trouvait un moyen de le retrouver à l'heure fixé. Vraiment, la seule fois où il était arrivé avec un peu de retard était l'année dernière, lorsque la librairie avait brûlé...
Aziraphale se leva d'un bond et commença à marcher en rond en se tordant les mains. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Oh, mon Dieu, mon Dieu, s'il lui était arrivée quelque chose ?!?
L'ange ouvrit la porte de sa librairie et se mit à courir. Il ne songea même pas à la direction empruntée : il savait que ses pas l'amenaient vers Crowley.
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L'appartement de Crowley était plongé dans le noir. L'inquiétude d'Aziraphale s'était faite si forte qu'il pouvait presque la sentir, tapis au creux de ses entrailles, le griffant de ses mille dents glacées pour le dévorer en entier.
Il fit un pas à l'intérieur, incapable de respirer. Son démon était là, tout près, il le sentait. Le silence lui vrillait les tympans.
-Crowley ? Appela-t-il d'une voix légèrement tremblante.
Un sanglot déchiré lui répondit.
Il se précipita aussitôt vers la source du bruit, désintégrant miraculeusement la porte qui tentait de lui interdit la chambre de son ami.
Son cœur connu un instant de panique pure.
-CROWLEY !
Le démon était recroquevillé sur le sol d'ébène, les mains crispées dans les cheveux, la tête enfouie dans les genoux, le corps entier tremblant et tressautant au rythme de sanglots de plus en plus rapides.
Aziraphale se laissa tomber à ses côtés, ses mains hésitant à quelques centimètres de sa forme tremblante, désemparées, terrifiées à l'idée de le blesser.
-Crowley ? Murmura-t-il en osant enfin poser une main sur ses cheveux. Crowley, mon cher, que se passe-t-il ? Es-tu blessé ?
Le démon le repoussa avec une telle violence qu'il se trouva projeté en arrière et heurta avec un son étouffé. Crowley recula et s'accroupit à l'autre bout de la pièce, comme un animal blessé jetant autour de lui des regards affolés, les joues pleines de larmes, comme s'il n'était pas sûr de savoir où il était. Aziraphale sentit son cœur se serrer.
-Crowley, Crowley, c'est moi, murmura-t-il en s'approchant de nouveau, très lentement, sur les genoux.
Les yeux oranges du démon se fixèrent sur lui, ouverts au maximum, luisant de larmes, de douleur et de confusion.
-Oh, mon cher, gémit l'ange, qui t'as blessé ? Que s'est-il passé ? Oh, Crowley, je t'en prie, réponds-moi...
Il tendit une main, que le démon regarda s'approcher de son visage avec un air de plus en plus terrifié. Le bout des doigts d'Aziraphale effleura tendrement la joue mouillée de Crowley avant de glisser jusqu'à sa tempe, laissant la paume de sa main réchauffer ses pommettes.
Le démon se détendit, les yeux mi-clos, comme s'il se concentrait sur le contact de cette peau si familière.
-Azi... Aziraphale... balbutia-t-il avant d'éclater de nouveau en sanglots.
Aziraphale l'attira contre lui et le serra fort, le plus fort possible, enfouissant sa tête dans le creux de son épaule, ses doigts caressant longuement ses cheveux roux.
-Tout va bien, Crowley, murmura-t-il contre son oreille. Tout va bien. Je suis là. Tout va bien. Tu es à l'abri. Personne ne te fera du mal. Je suis là.
Et si quelqu'un essaie de te toucher, je le lui ferais payer.
Il le serra plus fort, les yeux fermés, et attendit.
-Aziraphale... souffla Crowley au bout d'un long, long moment.
Ses sanglots s'étaient espacés, ainsi que la force avec laquelle il serrait l'ange contre lui. Ses épaules s'étaient détendues et sa tête se trouvait plus posée que pressée contre l'épaule de son ami, désormais.
-Je suis là, mon cher, je suis là...
Crowley renifla avec peu d'élégance et recula légèrement. Ses cheveux étaient aussi défaits que sa mine, dont les yeux rougis faisaient écho aux joues irritées par les larmes. Aziraphale caressa doucement la courbe de sa pommette et miracula un mouchoir que le démon accepta avec un reniflement amusé. Le coton était imprimé de motifs tartans.
-Crowley...
-Est-ce que... Est-ce que je t'ai fait mal ? Balbutia le démon en tendant une main vers le crâne d'Aziraphale. Mon ange, est-ce que je... Oh, je... Je suis désolé, je suis désolé...
Stupéfait, Aziraphale le vit ramener devant lui une main rougit. La douleur, prenant brutalement la place que la détresse avait occupé jusque-là, occupa aussitôt le premier plan, envoyant à travers son crâne des messages lancinants. Il avait dû se cogner la tête lorsque Crowley l'avait repoussé. Il guérit miraculeusement la blessure et fit disparaître en même temps le sang qui tachait les doigts du démon.
-Je suis désolé, mon ange, continuait-il à bafouiller. Je suis désolé, Aziraphale...
-Ce n'est rien...
-Je suis...
-Crowley ! Ce n'est rien !
Le démon pinça ses lèvres, le bord des yeux luisant légèrement, et Aziraphale se maudit aussitôt pour sa brusquerie.
-Que s'est-il passé ? Demanda-t-il doucement.
Crowley baissa les yeux.
-Quelqu'un est venu ? Insista l'ange. Un démon ? Hastur ? Belzébuth ? Ou Gabriel ? Michael ?
-Non, non...
-Tu es sûr ? S'ils t'ont fait du mal, je te jure que je...
La fin de sa phrase s'étouffa, incapable de se matérialiser. Crowley releva la tête, un sourire débordant d'affection étirant le coin de ses lèvres.
-Je le ferais ! Lui assura Aziraphale, le regard planté dans le sien. Où qu'ils soient, je les trouverais et les écharperais !
-Je sais, répondit Crowley dans un souffle, heurté par cette merveilleuse, cette extraordinaire certitude.
Ils avaient très peu parlé de leurs sentiments, depuis la Nomageddon, mais les choses avaient commencé à évoluer, doucement, de mains frôlées en regards complices, de repas au Ritz en nuits sur le sofa...
Et voilà qu'Aziraphale se disait prêt à aller combattre les anges et les démons pour lui.
-Crowley... insista l'objet de ses pensées.
Le démon soupira.
-C'est stupide.
-Pas si cela t'as mis dans cet état-là !
-Justement, parce que ça m'a mis dans cet état-là ! Ça fait si longtemps... Ce n'est rien qu'un souvenir, à présent, à peine... Juste un rêve que je fais de temps en temps...
-Mon cher...
-La Chute, murmura Crowley, si bas qu'Aziraphale l'entendit à peine.
Mais il n'en fallait pas plus aux mots pour se graver sur le cœur de l'ange, chauffés aux fers blancs.
La Chute. Ils l'évoquaient, parfois, cette Chute, mais ils n'en parlaient jamais directement. Aziraphale avait faillit demander, pourtant, des dizaines et des dizaines de fois, au fil des ans – il était curieux et il avait peur, peur que cela puisse lui arriver... Mais il n'avait jamais posé ses questions, terrifié à l'idée de blesser la personne qui lui était la plus chère.
-Stupidement trébuché... soupira Crowley en ramenant ses genoux sous son menton. Si je n'avais pas cherché à le rattraper...
-Le rattraper ?
-Lucifer.
Le mot creva le silence, comme un abcès. Crowley se mit à parler à toute vitesse.
-Je ne me suis pas battu. Ils m'ont tous oubliés. Je suis arrivé trop tard. Lucifer, il était là. Vibrant de haine. Il m'a dit que je posais beaucoup de questions. Puis il a sauté, à la suite des autres. J'ai voulu le rattraper. J'ai trébuché. Littéralement. Métaphoriquement. Je n'arrêtais pas de me demander « pourquoi ? ». C'est stupide, si stupide.
-Non, répondit Aziraphale d'une voix grave, ça ne l'est pas.
-Mais...
Les mains de l'ange se posèrent sur ses joues, lui volant la parole.
-Tu ne comprenais pas, tu étais choqué, tu as voulu l'aider. Ce n'est pas stupide. C'est... toi.
Il approcha son visage du sien, jusqu'à ce que leurs souffles se mêlent. Crowley ouvrit de grands yeux, mi-paniqués, mi-émerveillés, plus vulnérable qu'il ne l'avait jamais été.
Aziraphale l'embrassa.
L'instant dura tout un siècle, toute une éternité. Crowley se sentit Tomber de nouveau, à l'intérieur de lui-même et dans les bras d'Aziraphale, tomber si vite qu'il lui semblait voler, exhalté. Rien ne se brisa, cette fois : son ange le soutenait trop solidement pour ça.
Leurs lèvres se séparèrent, mais ils restèrent enlacés, les yeux clos, jusqu'à ce que leurs membres s'engourdissent de rester inanimés.
Alors, Aziraphale se leva et tendit une main à Crowley, qui l'accepta avec un sourire.
-Je devrais peut-être investir dans un réveil matin, lança-t-il, retrouvant sa veine mi-sarcastique, mi-humoristique.
-Ou alors, répondit l'ange sans un battement de cil, tu pourrais venir vivre avec moi. Je suis certain que je parviendrai à remplacer n'importe quel appareil moderne...
Crowley fit un petit bruit de bonheur étranglée et l'embrassa de nouveau.
S'il devait continuer à Tomber, après tout, qui était-il pour s'opposer au destin ?
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