Chapitre 2
Publié le 08/12/2021
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Je passai l'heure suivante à ruminer dans ma chambre, avachie devant la télé.
S'il y avait une chose dont je ne pouvais pas me plaindre, ici, c'était bien cette chambre. Elle était immense et contenait sans mal un lit à baldaquin, sur lequel je pouvais m'étaler de tout mon long, ainsi que deux bibliothèques de bois clair qui encadraient un bureau au design moderne, une coiffeuse, et tout un tas d'autres choses qui criaient à qui voulait l'entendre que ma famille nageait dans le luxe. C'était ça, d'être la fille d'un alpha, surtout quand il était à la tête de la plus grande meute du continent : crouler sous les richesses et mener une existence de princesse. C'est ce que disait toujours Melissa, dans le temps.
Elle n'avait pas tort, pensais-je, sauf que j'aurais volontiers troqué ma couronne contre une existence tranquille et un peu de paix.
Les princesses n'ont pas le luxe de vivre pour elles-mêmes, n'est-ce pas ?
Quelqu'un frappa à ma porte, et comme je ne répondis pas, finit par rentrer.
C'était Mélissa, vêtue d'une robe en lamé or qui lui allait à ravir, une trousse à maquillage dans la main. Je captai son regard qui détaillait ma tenue – je portais toujours mon jean déchiré sous un t-shirt oversized.
« La soirée commence bientôt, me dit-elle sans commenter mon apparence, il faudra y être dans une heure. Est-ce que tu veux qu'on se prépare ensemble ?
– T'es déjà prête.
– Je n'ai pas fait le maquillage, c'est le plus important. » dit-elle en me montrant sa trousse.
Melissa était une pro du maquillage, elle était capable d'y passer un temps fou, et de métamorphoser les gens. C'était un de ses grands talents. Mais de toute façon, elle n'avait que des talents.
Pour être honnête, depuis que je me maquillais sans ses conseils, mes make ups étaient beaucoup moins réussis.
« Quelqu'un t'a envoyé pour me dire de me préparer ? » Demandai-je d'un air revêche.
Son sourire timide fondit aussitôt : j'avais touché juste.
« L'alpha voulait s'assurer que tu serais bien là ce soir. Il m'a dit de te rappeler que... euh, que ta présence était requise. Et d'insister sur le fait qu'il était très sérieux à ce sujet.
– Ça a l'air important pour lui, dis-moi.
– Oui, ça l'est, fit-elle d'un air hésitant.
– Et c'est pour ça qu'il ne prend même pas cinq minutes pour me le dire lui-même? »
Mon frère pouvait prétendre ce qu'il voulait, je n'étais même pas assez importante ici pour que mon père m'accorde une fraction de son précieux temps. Après tout, je n'étais ni destinée à régner en son nom, ni même à devenir bêta aux côtés de mon frère. En tant que fille, je n'étais pas censée faire la guerre, négocier les alliances, ou diriger la meute. Les quelques fonctions de direction qu'une louve pouvait exercer revenaient à la luna, l'épouse du mâle alpha. Moi, je devrais juste l'assister et suivre ses ordres. Autant dire que mon importance était négligeable au sein de cette famille.
Mélissa m'adressa un regard contrarié.
« Tu es toujours fâchée, Maisie ?
– Fâchée pour ?
– Et bien tu sais... pour ton frère et moi.
– Non, je m'en fiche. » dis-je en me levant de mon lit.
C'était faux, je ne m'en fichais pas. Depuis que Melissa et mon frère s'étaient reconnus officiellement comme âme sœur, tout avait empiré. Maintenant que Jules était en couple et prêt à fonder une famille, mon père le voyait vraiment comme le futur alpha. Il l'associait à ses décisions, lui apprenait tout ce qu'il savait, lui parlait comme à un égal... et m'oubliait complètement au passage.
Je n'étais plus que sa fille inutile, à qui il fallait apprendre la loyauté. À faire passer les autres avant soi. C'était devenu comme un slogan, qu'il m'avait répété si souvent que je ne pouvais pas prononcer ses mots sans entendre sa voix dans ma tête.
Et à côté de ça, ma meilleure amie était tout à coup devenue la fille idéale qu'il n'avait jamais eu. Sa perfection était à la hauteur de toutes mes défections, et plus je faisais preuve de mauvaise volonté, plus elle était elle-même dévouée à la meute – ainsi qu'à son couple parfait avec Jules.
Notre amitié était passée à l'arrière-plan, elle ne voyait manifestement plus d'intérêt à passer du temps avec moi.
Mais si elle aimait tant ses devoirs de future luna, tant mieux pour elle. Parce que moi, je ne comptais pas faire le moindre effort pour satisfaire mon père.
« Je vais prendre ma douche, dis-je d'une voix neutre. Est-ce que tu peux quitter ma chambre, s'il te plaît ?
– Est-ce que je t'attends pour me maquiller ?
– Non, ce n'est pas la peine. Je ferai ça toute seule. »
Je lui indiquais la porte de la manière la plus explicite possible, et lorsqu'elle fut sortie, je verrouillai le loquet derrière elle.
Ce qu'elle pouvait être envahissante, parfois.
Après ça, il fallut bien que j'aille me préparer. Je quittai ma tenue de la journée pour me glisser sous l'eau chaude, et j'en profitai pour laver mes cheveux.
Je n'avais pas du tout envie d'aller à la réception de ce soir, mais je n'avais pas vraiment le choix. Il suffirait sans doute de faire acte de présence au début, et je pourrai filer rapidement. Personne ne s'en rendrait compte – ou du moins, je ferais en sorte que personne ne me surprenne en train de me faire la malle.
J'avais développé des techniques très subtiles pour échapper au maximum à mes « devoirs de fille de l'alpha ». Elles demandaient une bonne dose de mauvaise volonté et une ingéniosité à toute épreuve, mais la plupart du temps, on ne pouvait rien me reprocher de très précis. Je me contentais juste d'être introuvable quand il y avait quelque chose de pénible à faire, et silencieuse quand il fallait faire la conversation.
Le seul endroit où j'étais digne de mon rang, c'était dans les entraînements au combat, mais mon père ne m'avait jamais rien dit de positif à ce sujet. C'était sans doute pour ça que je continuais à m'entraîner : il s'en fichait.
J'enduisis mes cheveux d'après-shampoing tout en réfléchissant à mon altercation avec Jules. Ce n'était pas mon objectif de le mettre hors de lui, mais notre relation subissait les dommages collatéraux de mon indéniable mauvaise volonté.
J'avais conscience de ne pas être très agréable pour mon entourage. Il faut dire que j'étais tout l'inverse de ce qu'on attendait de la fille d'un alpha – diplomate, douce, dévouée à sa famille. Mais c'était le seul moyen de préserver mon individualité. Si je commençais à faire ce qu'on me demandait, je n'aurais bientôt plus d'existence propre.
Récemment, mon père avait décrété que je devais arrêter la musique – et j'avais ostensiblement désobéi. Heureusement pour moi, il avait été trop occupé par ses histoires de négociations diplomatiques pour prendre le temps de me forcer à obtempérer.
Ce n'était que la dernière de ses lubies destinées à me reconcentrer sur mes devoirs. Cette année, il avait déjà décidé que je devais cesser de voir mes amies hors de la meute. Il s'était aussi prononcé contre la poursuite de mes études à l'université, et surveillait mes fréquentation d'assez loin, pour s'assurer que je ne fasse rien de « déshonorant » avec un mâle. Ou pire, un humain.
Dans ces circonstances, je savais qu'il n'y avait pas de compromis possible. C'était moi ou la meute, et j'avais choisi de me faire passer avant. Dans quelques mois, j'aurais vingt et un ans, ce qui marquerait la fin de l'autorité parentale de mon père. À ce moment-là, je quitterai la meute pour Abaincourt, la cité humaine la plus proche d'ici. J'irai dans la communauté officielle des loups, pour ne pas me retrouver avec le statut de louve solitaire, et je pourrai vivre pleinement ma vie.
Je sortis de la douche, et commençai à démêler mes cheveux. En séchant, mes boucles rousses viendraient encadrer mon visage et former un beau volume, mais pour le moment, ils étaient encore plats et sombres. Ils pendouillaient tristement, leurs pointes humides frôlant le sommet de mes épaules, et me donnaient un air sinistre ; ou peut-être était-ce juste moi qui étais de trop mauvaise humeur ce soir. Depuis le début de la journée, je me sentais un peu nerveuse, sans savoir pourquoi. La vie suivait son cours ordinaire, et habituellement je parvenais quand même à y trouver mon compte. Mais là, mes émotions me semblaient toutes plus violentes. J'échangeai un regard navré avec mon reflet dans le miroir, et partis choisir une tenue.
J'enfilai une robe d'été, noire avec des petites fleures, et les épaules dégagées. Accompagnée d'une ceinture et de chaussures à talons, cette tenue serait parfaitement adaptée pour la soirée – au moins, personne ne pourrait me faire de reproche à ce niveau. Je n'aurais pas la classe de Mélissa, mais pour être honnête, même en déployant des efforts surhumains je n'étais pas sûre d'être capable de me hisser à son niveau. Cette fille aurait pu être top-modèle. Elle ne connaissait même pas le concept de « kilo en trop » alors que j'avais la sensation d'en posséder à revendre.
Encore une raison de la détester, n'est-ce pas ?
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J'espère que ce chapitre vous a plu : vous en savez maintenant un peu plus sur Maisie !
Est-ce que vous aussi vous pouvez déposer des stickers en plus des commentaires maintenant ? Je crois qu'on ne peut le faire que sur l'appli et pas sur le site web, ce qui est un peu dommage, mais les dessins sont plutôt mignons je trouve. Lequel est-ce que vous posteriez pour ce chapitre ? Perso ce seraient les confettis. Je suis toujours dans la petite jubilation des débuts, quand on est ultra enthousiaste à l'idée de poster une nouvelle histoire. Bref, j'ai le cœur à l'auto-célébration. Mais d'un autre côté il y a sûrement des stickers plus adaptés à la personnalité de Maisie qui n'a rien de joyeux pour le moment !
Sinon on se retrouve dimanche pour le prochain chapitre, je pense garder le même rythme que pour "Le Sanctuaire perdu" ! En attendant, n'hésitez pas à me suivre sur d'autres plateformes pour lire mes pensées cyniques du jour (dans mes stories) ou découvrir mes conseils d'écriture !
Et bien sûr, je vous remercie tous et toutes pour votre lecture, vos commentaires et vos votes !
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