Chapitre 3 - Chien et chat
Le courage m'envahit en même temps que la peur, me décidant à appeler cet inconnu qui hantait mes nuits en peuplant mes cauchemars dans lesquels je ne distinguais jamais son visage, toujours dissimulé sous la capuche d'un sweat-shirt, mais où sa voix parvenait toujours à mes oreilles, m'inquiétant de plus en plus. Lorsque qu'il décrocha, je ne posais qu'une seule question :
- Qui êtes-vous ?
- Un peu de patience Emilia.
- Est-ce que je vous connais ?
- D'une certaine façon, oui, tu m'as déjà croisé. Tu ferais mieux d'aller dormir tu sais.
Tout mon cerveau s'activa pour essayer de reconnaitre sa voix dans toute celles que j'avais eu l'occasion d'entendre. Malheureusement, tous les sons avaient changé suite à ma transformation, tout était si net, si clair, que je n'avais pas reconnu de suite la voix de ma mère deux ou trois jours après ma sortie de l'hôpital, cause perdue pour une personne que je n'avais sûrement croisée de ma vie, juste un psychopathe de plus, qui lui avait la particularité de transformer les gens en monstres.
En pleine réflexion, je m'endormis peu à peu, épuisée par cette nuit des plus riches en émotions.
Le soir, alors que j'étais dans la forêt à attendre mon habituel changement, rien ne vînt. Pourtant, cette envie de courir était bien présente, mais la bête en moi ne voulut pas sortir. N'ayant pas très envie de courir sous forme humaine dans les bois, et surprise par la fraicheur de cette nuit d'été, je tentais le tout pour le tout en essayant de me transformer de moi-même.
Comment fait-on ? Assise sur mes genoux, les yeux clos, je faisais le vide autour de moi pour ne plus penser qu'à une chose : mon côté animal. Rien ne sembla marcher.
Un léger bruit sur ma gauche attira mon attention, transformant ma posture actuelle en une autre bien plus menaçante. Peu importe qui venait, j'étais prête à le recevoir, forme humaine ou animale. Sauf que la voix qui s'adressa à moi me glaça le sang, me faisant perdre mes moyens. Les messages vocaux me revinrent en tête quand j'associais cette voix à celle de la personne qui m'appelait sans cesse.
- Je vois que tu commences à accepter ta part animale. Sauf si tu ne te transforme pas régulièrement, tu es maître de toi-même la plupart du temps. Tu as encore besoin d'entraînement gamine.
- Montrez-vous.
- Pas encore Emilia, soit patiente. Je viendrais te chercher quand le moment sera venu.
- Je vais appeler la police.
- Pour leur dire quoi ? Tu es à poil dans les bois, le premier arrêté de nous deux sera toi.
Malgré ma vision améliorée, je savais que sous forme humaine, je ne distinguais de lui seulement cette silhouette ombrée, adossée à l'arbre à quelques mètres de moi, puis partant alors sous la forme d'une grosse masse sombre. Cet abruti m'énervait, la bête en moi voulait le déchiqueter, lui faire ravaler ses petites paroles satisfaites, et lui faire regretter toute la souffrance que j'endurais. Raison de plus pour forcer ma transformation. Stupide panthère, j'ai besoin de toi putain !
Ma transformation fut douce et agréable, mais surtout d'une rapidité que je n'aurais jamais soupçonnée. Au lieu de la douleur, un feu rassurant se propageait dans tout mon être, changeant mon apparence. Je me retrouvais rapidement sur mes quatre pattes et bondis vers l'arbre où se trouvait l'inconnu qui avait déjà filé. Je sentais son odeur, un mélange fort de... renfermé et de tabac frais. Décidée à retrouver sa piste et à en découdre, je suivais l'odeur, reniflant la terre, le museau au sol.
Une heure plus tard, deux hypothèses s'ancrèrent dans mon esprit :
Soit j'étais vraiment une mauvaise pisteuse.
Soit ce bougre savait bien camoufler sa présence.
L'adrénaline me quittant vers deux heures du matin, ne me laissant qu'une fatigue extrême, je décidais de me retransformer et de rentrer chez moi, ce qui fut compliqué.
Pourtant, de la même manière que pour me changer en animal, c'est-à-dire en m'énervant, je parvenais à retrouver mon enveloppe humaine. Mes muscles étaient douloureux suite à ma course, et mon humeur au plus bas. Comment pouvais-je être aussi nulle ?
Je rejoignais ma voiture, rouge de colère, et des larmes de rage tombèrent sur mon volant que j'agrippais de toutes mes forces, déchirant le simili-cuir qui le recouvrait de mes ongles enragés. Dans une conduite nerveuse, mais surtout dangereuse, je rentrais chez moi.
En m'entendant rentrer bien plus tôt que prévu, ma mère sortit de sa chambre encore ensommeillée en me demandant, incertaine :
- Emilia, c'est toi ?
- Oui maman.
- Mais tu n'es pas dans la forêt.
- Non, j'ai eu un imprévu.
- Que se passe-t-il ?
- J'ai réussi à redevenir humaine...
- Tu ne vas plus te transformer ?
- J'en sais trop rien... J'ai besoin d'aide maman... Je veux que cela cesse...
Voyant mes yeux brillants de larmes exprimant le mélange de colère et de détresse que je ressentais, elle me prit dans ses bras, caressant mes cheveux et calmant mes sanglots.
Laissant éclater mes émotions, je me rendis compte que je ne tenais plus face à cette situation. Ces derniers mois avaient fait de ma vie un enfer, et je ne voulais qu'une chose : que cela cesse.
Peu importe l'issue, je ne voulais plus de tout cela, je ne voulais plus infliger à ma mère tout cette peine, celle de voir son enfant souffrir sans pouvoir agir. Je voulais de nouveau partager des moments avec elle et sortir de ce mode de vie qui n'en était pas un.
Je me sentais pourtant tellement impuissante.
Alors que je n'étais plus sûre de rien, et que mes émotions passaient de la tristesse à la colère, modifiant mon apparence et me poussant à l'auto-flagellation, ma mère me protégeait de moi-même et de mes pensées sombres en m'enlaçant de toute ses forces.
Elle m'attira contre elle dans le canapé et je m'effondrais de sommeil, je savais qu'on veillerait sur moi cette nuit...
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