Chapitre 21 - Conscience et volonté
Je me réveillais dans un ballottement inconfortable. Mon crâne hurlait de douleur tandis que chacun de mes muscles étaient endoloris, entravés par des liens à faire pâlir de jalousie un amateur de bondage. Mes yeux s'habituants à la lumière, je réalisais que Tom et moi étions situés dans le coffre de la Jeep de mon père. Les animaux, ça va au fond de la voiture, avait un jour dit mon père. Je pensais qu'il parlait des chiens qu'il amenait pendant la chasse, je me trompais visiblement. J'étais tout de même sa fille...
Tom fermait toujours les yeux, et d'un coup, j'eus peur qu'ils l'ai tué. Me concentrant du mieux que je pouvais sur les bruits environnants, je fus soulagée d'entendre sa respiration. Me déplaçant avec difficulté, je tentais de le faire revenir à lui, lui donnant des coups légers avec mon épaule. Ses yeux finirent pas papillonner, puis s'ouvrirent totalement sur un visage perdu. Alors qu'il s'apprêtait à me parler, je lui montrait les chasseurs à l'arrière qui pouvaient entendre librement nos paroles. Aucune solution ne s'offrait à nous. Si nous nous transformions pour communiquer et nous libérer, il y avait nul doute qu'ils nous tueraient sur le champ.
Nous entendant gigoter, un des chasseurs se tourna vers nous :
- Alors les tourtereaux, enfin réveillés ? On est bientôt arrivés chez vos amis les bêtes. Faut dire que cette bougresse de sorcière est plutôt doué. Elle vous a fait faire une sacrée sieste.
- Qu'est-ce que vous allez faire de nous ? demandais-je, ignorant Tom qui m'intimais de garder le silence.
- À toi rien, par contre, à ton copain, on sait pas encore. Peut être que c'est toi qui lui ôtera la vie en fait. Dis Stanislas, c'est pas une bonne idée que ta petite bute l'autre ?
- La ferme Pierre. On est bientôt arrivés. Myriam, appela mon père tout en flanquant un coup de coude dans les côtes de la magicienne, le sort, maintenant. Il faut qu'on puisse la détacher avant de sortir.
- Nooon ! Arrêtez ça, hurlais-je.
- Tu dis ça à chaque fois, change de disque, marmonna Jules tandis que la sorcière commençait ses incantations.
Plus le sortilège prenait forme, plus je sentais mon être passer dans le rôle du spectateur, laissant place à une conscience bien plus vengeresse et assoiffée de chasse. La parfaite fille de mon père. Je sentis mes lèvres s'étirer en un sourire fier, tandis que Tom parut effrayé de voir les changements s'opérer en moi.
Pendant l'incantation, Myriam s'étouffa un instant, brisant momentanément le sort. Je crus déceler un clin d'oeil de sa part dans ma direction lors de sa quinte de toux, mais ce fut sûrement le fruit de mon imagination. Profitant de ce moment, je tentais de me transformer, profitant que nous étions à l'arrêt pour tenter de m'enfuir avec Tom. Un hurlement enragé sortit de la gorge et mon père s'exclama, sans laisser paraître aucune surprise :
- Tiens, tiens, tu ne prends plus tes cachets Emilia. Pendant ton envoûtement, rien ne laissait paraître ta véritable nature car tu représentais ce que j'imaginais de la fille parfaite. Je le prends en note pour plus tard. Toi la sorcière, reprends ton sort ! Dit-il en frappant vigoureusement le dos de Myriam.
A nouveau, mon corps ne réagit plus à mes désirs, tandis que mon esprit s'affole, stimulé par mon début de transformation. Mon corps redevient humain, tandis que dans mon esprit, la bête feule de mécontentement vis à vis de son enfermement. Un des chasseurs sort de la voiture puis ouvre le coffre. Enfin on me laisse sortir, souffle cette voix dans mon esprit qui n'est pas la mienne. Je sens que l'on enlève mes liens puis je me relève, replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille, quittant le coffre d'un pas agile. Sur place, tous les chasseurs sont arrivés. D'un voix forte, je déclare :
- La meute n'est pas située très loin, mais il faut aller vite. Ils nous ont déjà senti, donc on oublie l'effet de surprise et on profite du chaos lié au fait qu'ils doivent protéger leurs enfants.
Une main ferme se pose sur mon épaule, et j'adresse un sourire à mon père, voyant qu'il est satisfait de mes directives.
L'attaque est lancée. Des hommes habillés en policiers barrent les routes et empêche quiconque d'entrer ou de sortir dans le lotissement où la meute se réunit. D'autres barrent le périmètre de la forêt, où ils avaient soigneusement posé des pièges quelques jours auparavant.
Prenant en main mon fusil, dont le toucher me répugne, mais satisfait celui de mon autre conscience, je vérifie que celui-ci est chargé puis m'élance dans la forêt, guidée par mon père.
Nous arrivons bien vite devant la demeure de Frédéric et sa femme où se sont réunis tous les métamorphes. Il y a pour coutume de se réunir tous les dimanches soirs pour organiser la meute et ses actions durant la semaine à venir. Leur position est impressionnante. Les enfants sont placés en arrière, protégés par leurs parents, si bien qu'on ne les distingue peu, devancés par les personnes âgées, puis le chef de meute et sa femme suivit des combattants dont la moitié est transformé et gronde en cœur, formant un bruit sourd et peu engageant. Malgré leur infériorité numérique face à nous, la prestance de leur armée sauvage à de quoi faire reculer les plus téméraires. Pourtant, aucun des chasseurs ne faiblit et chacun menace les métamorphes de leur fusil.
D'un geste de la main, mon père indique à tous de ne pas tirer. Un des chasseurs amène Tom à nos côtés, et je lui lance un regard indifférent tandis qu'intérieurement, je suis bouleversée par la peur qui émane de lui. Que vont-ils lui faire ?
Malgré moi, je cramponne un peu plus mon fusil lorsque mon père s'adresse à la meute d'une voix imposant l'obéissance :
- Nous avons l'un des vôtres. Si vous vous rendez de suite, personne ne vous fera de mal.
- Qu'avons nous fait, chasseur ? Demanda Frédéric de sa voix bourrue. Nous connaissons les lois et n'avons rien enfreint.
- Vous avez transformé une personne contre son gré. Ma fille qui plus est.
- C'est faux ! Hurla Tom, tentant de se libérer. C'est lui le coupable, c'est le loup !
- As-tu des preuves de ce que tu avances ?
- Il la contrôle et vous le savez autant que moi. Il se sert du lien sacré des âmes sœurs pour couvrir toute sa manipulation.
- Comment explique-tu que tu possèdes la même forme animal que ma fille, si ce n'est parce que tu l'a transformé en monstre.
Un grondement furieux se fit entendre. Les métamorphes manifestaient leur mécontentement, mais n'agissaient pas. On aurait dit qu'ils attendaient quelque chose. J'entends leurs piétinement furieux et sent leur rage emplir l'air. Qu'attendent-ils ?
- S'en est assez, déclara Jules. Je vais le tuer.
Non ! Mon cœur rata un battement et semblait se décrocher sous la douleur, comme compressé dans un étau. Sous la puissance des émotions que je ressentais, Myriam ne parvint pas à maintenir son sort et je m'écroulais au sol, l'autre conscience ne me maintenant plus sur mes jambes.
Je me relevais finalement, de nouveau maîtresse de moi même. Mon père ne tardait pas à remarquer mon retour à la normale, si bien que je n'eus pas le temps d'agir pour mettre fin à toute cette histoire. Alors que je m'apprêtais à l'assommer, il m'attrapa mes mains dans sa poigne de fer.
- J'ai une meilleur idée Jules. Fait-la tuer son créateur de son plein gré.
Aussitôt, il me força à plonger dans le regard de l'homme-loup et ce fut à se moment que je pus voir toute la folie de son regard. Rien en lui n'était sain, et il ne lui restait plus beaucoup de temps avant de se laisser dominer par sa nature. D'un voix forte il m'ordonna, alors que ses pupilles entraient dans une danse aux mouvements hypnotisants :
- Tue-le.
Je succombais à son désir. J'étais prête à tout pour lui. Même à ôter la vie de quelqu'un.
D'une démarche de prédateur, je m'approchais de ma proie qui se débattait vainement. Je m'approchais si prêt de son visage que je sentis son souffle erratique caresser ma peau. Prise par surprise, je ne le vis pas me donner un grand coup dans le crâne à l'aide du sien, je n'en ressentis que la douleur. Je revins un instant à moi, et orientait mon regard, tantôt vers celui de Tom, tantôt vers celui de Jules, incertaine de ce que je devais faire. Qui étais-je réellement ?
- Bats-toi Emilia, résiste ! Tu es plus forte que ce salaud !
Que devais-je faire ? De quel côté étais-je ?
- Tu ne vas pas le laisser te faire du mal plus longtemps non ?
Tom disais vrai. Je tentais de briser l'illusion dans laquelle on m'avait plongée. Mes véritables ressentis revinrent à la surface, brisant les fausses émotions dictées par Jules, et pour la deuxième fois de la soirée, je me libérais d'un sort, la panthère en moi sortant par la même occasion. Une fois sur mes pattes, je me tournais vers mon créateur et feulais en guise d'avertissement. On ne me tromperait plus désormais.
Une balle de plomb fut expulsée de l'arme de mon père, dans la direction de Tom.
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