Chapitre 56
Subjugué, j'admire les deux chanteurs qui se trémoussent sur l'estrade. Bon sang, ce duo est encore meilleur que celui de la vidéo ! Et pourtant, ils étaient sublimes dans la vidéo.
Sauf que, là, ils ne chantent que pour moi. Ne bougent que pour moi. Ne regardent que moi. Enfin, surtout Cléandre, parce que les regards de Servan sur mon amoureux ne m'échappent pas.
Et pourtant, je ne suis pas jaloux. Ces regards, je les connais, j'avais les mêmes en début d'année. Ce sont ceux d'un amoureux transi, mais éconduit.
Mon cœur se gonfle d'amour ; Cléandre m'a choisi, moi et ce n'était pas par défaut, mais parce qu'il me voulait.
Par pure mesquinerie autant que pour crâner un peu, je sors mon téléphone pour tourner une vidéo de quelques secondes que j'envoie à Jared.
<Alors ? Il m'aime pas, tu crois ? Concert privé avec le GRAND Servan pour notre rendez-vous, qui dit mieux ?>
La réponse ne tarde pas.
<Putain, t'es sérieux ? Alors c'est pour de vrai ? Le vrai de vrai ? C'était pas une blague ? La vache ! j'espère juste pour toi qu'il étale pas ses « connaissances » pour te leurrer !>
Je contiens un grognement réprobateur ; pourquoi ne peut-il pas juste se réjouir pour moi ? C'est mon meilleur ami, après tout.
Pendant quelques secondes, je suis tenté de lui envoyer une réponse bien piquante. Finalement, je décide de laisser ça au Nathéo de demain pour plutôt profiter de mon rencard.
Après quelques chansons, Cléandre m'invite à les rejoindre sur scène. Et j'ai l'immense plaisir de partager le micro avec Servan !!
J'ai l'impression d'être un gosse au pied du sapin de Noël. Mes yeux s'écarquillent de bonheur tandis qu'un sourire niais fleurit sur mes lèvres. Je me sens léger et excité à la fois. mes mains sont moites. Mon ventre contracté. J'ai envie de hurler ma joie, et en même temps, je n'arrive pas à décrocher un son.
Jamais dans mes rêves les plus fous je n'aurais espéré vivre ça !
Mes doigts tremblants se tendent vers le micro. Servan me laisse choisir la chanson avant d'entonner le premier couplet. Ma gorge se noue.
Je vais me ridiculiser. Je sais chanter, mais comparé à la voix sensuelle et parfaite de Servan...
Je l'aimais déjà à la télé. Encore plus en concert. Mon admiration a forci en le voyant si proche, ce soir, mais de me retrouver là, à côté de lui...
Je me rends compte à quel point il est la perfection incarnée pour un artiste !
Aucune hésitation. Une gestuelle fascinante. Un déhanché de folie. La voix claire. Aucune fausse note. Une capacité à aller dans les graves comme les aigus comme s'il soufflait dans un truc à bulles.
OK, c'est pas si facile de faire des bulles, Jared a jamais réussi.
Un coup de coude me ramène à l'instant présent, et je fonds face au sourire de mon idole. D'un coup de menton, il m'indique le micro.
C'est mon tour de chanter.
Angoisse totale.
Une angoisse qui fond lorsque Servan me lance un clin d'œil.
Je me déhanche sur un couplet. Puis sur un refrain chanté en chœur avec Servan ET Cléandre. Mon amoureux enchaîne sur une autre couplet avant de céder la place à son ami et de... descendre de la scène.
La brève inquiétude qui me serre le ventre se dissipe quand je croise son regard et son sourire éclatant.
Le bonheur irradie sur son visage et gonfle mon cœur de joie.
Il sort son téléphone de sa poche, le tend devant lui comme s'il nous mitraillait de photos ou nous filmait. Un peu des deux, j'espère !
Ce rencard, c'est le meilleur rencard de ma vie, alors si je peux en garder des souvenirs plus concrets que mes pensées, je ne vais pas cracher dessus !
Et cette soirée est la meilleure soirée de ma vie. Il faut que je réfléchisse à un moyen de terminer ce rendez-vous en apothéose ! Un truc exceptionnel qui montrera à Cléandre combien je l'aime, tout comme lui me prouve son amour ce soir.
Aucune idée brillante ne me traverse l'esprit.
Peu importe, j'ai le temps.
Les deux chansons que j'interprète ensuite me laissent essoufflé. Cléandre me récupère la respiration sifflante et le visage rouge. Il me fait asseoir, puis boire une limonade pendant que Servan entame une ballade. Les notes m'apaisent aussitôt.
Soudain, Cléandre se lève. M'invite à venir danser avec lui. Tout contre lui. Ses mains nouées autour de ma taille, son menton dans le creux de mon épaule. Je me colle à lui sans l'ombre d'une hésitation.
Je crois bien que nous n'avions jamais dansé ensemble encore...
Et avec son corps contre le mien, son souffle dans mon cou, sa chaleur... je découvre mon amant encore plus sensuel que lors de nos câlins intimes.
Bon sang ! J'ai envie de me liquéfier entre ses bras ! D'écouter les battements un peu rapides de son cœur pour l'éternité ! De respirer son parfum à jamais (j'ignore quelle fragrance il a choisie, mais elle me rend complètement fou.) !
— Cléandre ?
— Oui ?
— Je veux passer ma vie à tes côtés.
Les mots n'ont pas franchi mes lèvres que je les regrette déjà et me raidis dans l'attente de sa réaction. Va-t-il me sortir un de ses « je sais » dont il a le secret ? Juste hocher la tête ? Rire comme lorsqu'il le fait quand il est gêné ?
— Je sais, murmure-t-il en riant.
Un mix, donc...
— Je crois que moi aussi, ajoute-t-il d'un ton plus bas, coupant l'herbe sous le pied de la déception. J'y réfléchis énormément depuis que je t'ai proposé ce rendez-vous et... Je ne pensais pas avoir de nouveau envie de ça un jour. Mais toi, tu m'as donné cette envie.
J'en reste muet de stupéfaction.
— Tu n'es pas seulement amoureux de moi, n'est-ce pas ? Tu m'aimes.
C'est une affirmation bien plus qu'une question. Les joues de Cléandre se colorent de rose. Il s'humecte les lèvres.
— Peut-être bien, admet-il dans un souffle. Mais j'ai encore quelques trucs à régler avant ça.
— Des trucs ?
— Avec... Akane.
— Tu voudras que je vienne avec toi ?
— Non, je dois le faire seul. Pour avancer. Pour moi, mais aussi... pour toi. Pour nous.
— Si tu me dis des trucs aussi choux, je vais pas pouvoir me retenir, tu sais ?
Je picore sa joue de baisers.
— Je n'ai pas prévu de finir cette soirée chastement, s'esclaffe-t-il en pressant ses hanches contre moi.
Illumination.
— Est-ce qu'il y a un truc en particulier que tu voudrais faire ce soir ? Un cadeau de ma part pour ce merveilleux rencard !
— Comment ça ?
Il fronce les sourcils, je fais de même ; c'est rare que Cléandre ne lise pas en moi comme dans un livre ouvert.
— Je veux dire... l'autre fois, on a fait un truc particulier quand on s'est remis ensemble. Quand Clarenz regardait. Et c'était... vraiment chouette et...
Malgré moi, mon regard dévie sur Servan.
— N'y compte pas trop, s'amuse Cléandre. J'imagine bien l'état dans lequel te met l'idée de le faire devant ton idole, mais crois-moi, jamais Servan n'acceptera.
— Je ne... pourquoi pas, d'abord ?
— Il est plus du genre acteur que spectateur, si tu vois ce que je veux dire.
— Oh.
Je n'avais pas réellement pensé à ça, mais l'idée me paraît soudain plus que séduisante, et sous bien des aspects. Même si le fait que Servan soit à la fois mon rival et mon idole me perturbe au plus haut point. Sans compter que je ne vais pas demander à mon amoureux quelque chose qui le dérangerait.
Je lève le visage pour plonger dans le regard lavande de Cléandre. Il me semble tranquille. Apaisé. Un brin amusé et... peut-être un peu impatient. Excité ?
Après tout, Servan et lui ont couché ensemble plus d'une fois. C'est bien le problème. Ou bien est-ce le contraire ?
Et puis... en ai-je réellement envie ? Partager mon Cléandre ? Me partager, moi ?
— Je peux presque voir les engrenages de ton cerveau s'encastrer et se mettre à fumer, se moque gentiment mon amant avant de déposer un baiser bien trop bref sur mes lèvres.
— Toi, ça t'irait.
Un nouveau baiser, plus appuyé cette fois. Plus torride.
— Toi et lui ensemble, ça permet un tas de choses forts intéressantes. Et... sans mauvais jeu de mots, je suis toujours ouvert à ce genre de nouvelles expériences. Toi, en revanche, tu...
— Vous êtes vraiment en train de préparer un plan à trois avec moi, mais sans moi ? s'esclaffe soudain Servan en se laissant tomber sur un siège.
Je contiens un sursaut. le dévisage d'un air benêt.
— Tu... quand... tu chantais !
— Ça fait bien deux minutes que je ne chante plus. Vous avez une conversation passionnante et vraiment excitante.
— Tu... serais partant ? soufflé-je en m'éloignant un peu de Cléandre, sans toutefois me défaire de son étreinte.
— Oh, tu sais, moi, je suis toujours partant pour coucher avec Clé... seulement, est-ce que tu veux vraiment ça ? Tu es vraiment prêt à me voir le caresser ? L'embrasser ? Le pénétrer ?
Les yeux plissés à l'intention de mon idole, je m'empare du menton de Cléandre pour lui donner un baiser profond et passionné. Ma main libre caresse son torse, descend sur sa hanche, se loge sur sa fesse.
— Je te retourne la question ! ricané-je quand Cléandre recule d'un pas.
Le regard de Servan se trouble. Il déglutit. Jette un regard vers mon amoureux qui semble davantage amusé que contrarié par la situation.
— Bon, ben pendant que vous réglez ce menu détail et que vous faites monter la tension, je vais faire un petit tour dehors, moi aussi j'ai un truc sur le feu. Moins intéressant que le vôtre cela dit, s'amuse Cléandre en tirant son smartphone de sa poche.
— Tu nous trouves trop sexy ensemble, c'est ça ? le provoque Servan. Je suis sûr que tu t'enflammerais d'un coup si tu nous voyais nous embrasser !
— Indéniablement.
Mon cœur cogne dans ma poitrine lorsque l'évidence me frappe. Un plan à trois... embrasser Servan. Le caresser. Peut-être même...
Tous mes fantasmes d'ado à portée de main. Et ça avec l'approbation de l'homme de ma vie.
D'un coup de menton, celui-ci nous indique l'épais rideau qui peut être tiré pour isoler l'alcôve.
— Vous pouvez même commencer sans moi.
— Mais on a pas de préservatifs, protesté-je mollement alors que mes neurones s'emmêlent.
— T'en fais pas, Servan a toujours ce qu'il faut sur lui. Soyez sages en m'attendant ! Enfin, non, ne soyez pas sages.
Cléandre me lance un clin d'œil, forme un cœur avec ses doigts avant de s'éclipser. Et je me retrouve comme un idiot, échauffé face à Servan, mais sans savoir ce que j'ai envie de faire jusqu'à ce qu'il se lève et réduise la distance entre nous. Ses doigts glissent sur ma nuque. Je bafouille.
— Je ne veux pas tromper Clé. Et on est pas un couple libre.
La caresse descend le long de ma mâchoire. Je frissonne, de plus en plus tenté par les lèvres charnues qui s'offrent aux miennes.
Sauf que mes motivations sont malhonnêtes. Égoïstes. Je ne peux pas faire ça. Et puis... si jamais je me trompe... si jamais Cléandre...
— Je ferais la même chose à ta place, chuchote Servan.
— Pardon ?
— Un plan à trois avec mon rival pour flatter mon ego lorsque l'homme de mes pensées me choisira... ouais, je le ferai sans hésiter.
— Et tu n'aurais pas peur de ne pas être choisi ?
Voilà. Je mets le doigt... le mot sur ma dernière réticence. Parce que Servan a raison, au fond. J'ai autant envie de voir comment ça se passait entre eux, que de les goûter tous les deux, que d'être choisi à la fin.
— C'est donc ça qui te freine véritablement ? Rassure-toi. Cléandre te choisirait les yeux fermés. Il te choisirait même s'il devait condamner le reste du monde pour ça. Moi y compris et ça me fait mal de l'admettre, crois-moi !
— Je... merde. Je l'ai vu tout à l'heure en plus, mais j'ai totalement zappé. J'suis juste un abruti égoïste.
Son index dessine le contour de ma bouche. Puis il se penche et je réduis la distance entre nous pour l'embrasser. Brièvement. Avec urgence. Pour un baiser totalement différent. Il a un goût d'interdit. Un goût d'éphémère.
— Non, tu l'aimes autant que je l'aime, tout simplement. Ne t'en fais pas pour moi, je sais où est ma place. À ses côtés, mais pas avec lui. Je l'ai accepté depuis longtemps... pour autant, je ne me prive d'aucun moment à le savourer alors crois-moi, de nous trois, tu es bien le seul à hésiter encore.
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