Chapitre 33 (1/2)
- I R I S -
La mer ballote doucement le bateau tandis que nous quittons le port de plaisance de Marseille. Assise en face de ma mère, à coté de Noah, sur les matelas derrière le cockpit, je n'arrive pas à la quitter du regard, comme si à la moindre distraction, elle pourrait à nouveau disparaître. Ses cheveux blonds ont poussé et lui descendent maintenant jusqu'aux hanches tel un rideau soyeux. Ses yeux bleus identiques aux miens sont rivés sur moi et elle m'observe avec un sourire aux lèvres.
Voilà quelques heures que je l'ai retrouvé, quand je l'ai aperçue marchant tranquillement le long du parking mon cerveau n'a pas réfléchi. Je me suis mise à sa poursuite directement. Après tout ce que j'ai fait pour la retrouver, il n'était pas question qu'elle m'échappe.
Je peux tout de même m'avouer heureuse qu'elle ait été à cet endroit pile au moment où nous passions en voiture. J'avais beau rassurer Noah en lui disant qu'elle devrait être au port, je n'en étais en réalité pas sure du tout et je me serai sentie bien mal si elle n'avait pas été là.
- Je n'arrive toujours pas à le croire, murmure ma mère en clignant des yeux.
- Moi non plus, je souffle le cœur battant à tout rompre.
Elle se lève pour venir s'asseoir à coté de moi sur la banquette et elle me prend dans ses bras. Je respire son odeur et les larmes me montent immédiatement aux yeux. Aucune odeur ne m'a jamais manqué à ce point. Là dans ces bras, j'ai enfin l'impression d'être rentré à la maison.
Elle pose une main dans mon dos et la glisse doucement de bas en haut dans un geste de réconfort tandis que je la serre toujours plus fort contre moi. Du coin de l'œil je vois Noah se lever et rejoindre le cockpit, surement pour nous laisser un peu d'intimité. Encore une fois, je suis tellement reconnaissante de l'avoir.
- Comment m'as-tu retrouvé ? demande-t-elle en s'écartant un peu de moi pour m'observer encore plus attentivement avec un petit sourire aux lèvres. Tu as envoyé une lettre à la maison.
Ses yeux s'agrandissent et elle hoche la tête.
- Je ne savais pas si elle arriverait ou pas, je n'étais pas sure de l'adresse.
- Comment tu l'as trouvé ?
- Oh ça a été un casse-tête, rigole-t-elle, j'ai été sur internet et j'ai cherché dans toutes les agences d'architectes près de Louvain la neuve si il y'avait le nom de ton père. À partir de là quand je l'ai trouvé, j'ai appelé et je me suis fait passer pour une cliente avec qui il avait rendez-vous à son cabinet chez lui pour avoir l'adresse.
- Il n'a pas de cabinet à la maison pourtant.
Elle hausse les épaules.
- En tout cas ça a du fonctionner vu que tu as reçu la lettre !
- Pourquoi tu n'as tout simplement pas demandé à Sammy ? Elle connait notre adresse.
Elle se mord la lèvre et réfléchit quelques secondes avant de me répondre.
-Je n'osais pas, si je suis en bon terme avec elle, c'est parce que je m'abstiens de parler de vous. Elle est très en colère à cause de la façon ....de la façon dont je suis partie, avoue-t-elle peiné.
Mon cœur rate un battement et je fronce les sourcils. Il est temps que nous abordions les choses sérieuses. Je suis bien contente de l'avoir retrouvé mais cela ne pardonne en rien la façon dont elle nous a laissé. Surtout qu'elle a l'air de mener une vie plutôt agréable loin de nous ce qui me donne soudainement envie d'être piquante, de lui faire sentir que je ne suis plus sa gentille petite fille qui va tout lui pardonner.
- Justement maman, pourquoi nous avoir laissé de la sorte ? Pourquoi être partie du jour au lendemain ? je lui demande en me reculant un peu sur la banquette, de sorte à mettre de la distance entre nous.
Elle joint ses mains et se met à les triturer, l'air tout à coups assez nerveuse. Elle n'a cependant pas le temps de répondre car Nolan, le « marin » avec qui on l'a retrouvée, vient vers nous, accompagné de Noah.
- Les filles, nous allons arriver près des calanques. Ça vous dit un petit saut dans l'eau ?
Il est assez gentil et je suis sure que ça venait d'une bonne attention mais là il vient de lui donner une porte de sortie et elle fonce dessus à mon grand regret.
- Oh oui allez vient Iris, je suis sure que ça te fera du bien !
Ma peau se couvre de cher de poule. Malgré la température agréable de l'air et le soleil qui nous illumine de ses doux rayons, je ne suis pas sure que la température de l'eau soit vraiment propice à aller faire trempette.
- Il fait un peu froid pour y aller non ?
- J'ai des combinaisons de plongée, avec ça, ça ira tout seul, s'exclame le skyper content.
Ma mère se lève en sautillant et attrape mon bras pour que je la suive, ce que je fais malgré moi. Tout en m'emmenant vers l'intérieur, je frôle Noah qui m'offre un petit sourire timide.
Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler depuis que nous avons trouvé ma mère. Je sais pourtant qu'un tas de questions le taraude. Parmi celle-ci, celle qui m'a fait revenir à la réalité assez durement quand il me l'a posée dans la voiture. Que va-t-on faire maintenant que nous avons retrouvé ma mère ? C'est une très bonne question qui m'angoisse. Je n'y avais pas pensé, j'étais déjà tellement anxieuse à l'idée de ne pas la retrouver que je ne me suis absolument pas penché dessus et maintenant je comprends mon erreur. Je suis à peu près sure que ma mère n'abandonnera pas sa vie aux coté d'un beau skyper pour rentrer dans un pays comme la Belgique. Or moi c'est bien ce que je devrais faire. Je ne vois aucune solution pour résoudre ce problème.
Ma mère m'emmène dans une cabine puis me tend une combinaison de plongée. À ce moment je suis un peu embêté de n'avoir pris que le strict nécessaire et pas de bikini mais bon, comment aurai je pu m'imaginer que je me retrouverai sur un beau voilier en pleine méditerranée à aller nager dans des eaux turquoise ?
Je reste donc en sous-vêtements puis enfile la combinaison et m'empresse d'aller rejoindre les autres déjà sur le pont, près à plonger dans l'eau. Nolan fait descendre l'encre et j'ai le loisir d'observer sa musculature impressionnante qui n'est pas encore recouverte par le haut de sa combinaison. Encore un charme qui je suis sure ne sera pas facile à faire oublier à ma mère lorsque nous aborderons notre retour en Belgique. Pourquoi n'a-t-elle pas pu trouver un vieux marin à la place de cet apollon tout droit sorti d'un magazine de sport ?
Je m'approche de Noah qui est déjà habillé et glisse ma main dans la sienne. Il croise directement ses doigts avec les miens et comme à chaque fois, je ne sais empêcher mon cœur de se mettre à battre plus vite. Il a relevé ses cheveux dans son habituel petit chignon ce qui lui donne un parfait petit air de skyper. Qu'est ce que j'aime ses cheveux ! En fait on pourrait plutôt demander ce que je n'aime pas chez lui et là, aucune réponse ne me viendrait à l'esprit.
- On se retrouve dans l'eau mon beau marin ? je lui demande avant de m'approcher du bord et de plonger.
Le choc avec l'eau froide est intense mais une fois ma tête dans l'eau, je suis directement submergé par un rire puissant. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas vu la mer, il n'y a pas à dire, j'ai appris à beaucoup apprécier la Belgique mais mon domaine de prédilection reste la côte ou un endroit proche de l'eau.
Noah plonge également et en ressortant la tête de la mer, il me sourit de toutes ses dents.
- Et elle est plutôt bonne ! s'écrie-t-il en pensant peut-être que je ne l'entends pas.
J'acquiesce vivement puis le rejoint à la brasse. Je passe mes bras autour de ses épaules et il vient directement poser une main sur l'une de mes hanches pour me ramener contre lui. Je me retrouve coincé contre son torse qui a pris un peu de muscle depuis qu'il s'est mis à courir tous les jours et je profite de cette sensation pour le moins agréable.
Les combinaisons nous aident à rester à la surface sans trop devoir nager et quand il vient poser ses lèvres salées sur les miennes je suis remplie de bonheur. Son baiser est léger et rapide car deux secondes plus tard, il prend ma tête et l'enfouit dans l'eau, manquant de peu de me faire boire la tasse.
Je ressors en le fusillant du regard.
- T'es malade, c'est comme ça que t'embrasses toi ?! je m'écrie hilare.
- Petite vengeance pour m'avoir laissé garer ta bagnole avec une file de Marseillais prêts à me trucider derrière moi, répond-il un grand sourire aux lèvres.
Je lui tire la langue puis me tourne en entendant un plongeon derrière moi. Ma mère ressort immédiatement suivi de Nolan. Celui-ci nous tend des masques et des tubas que Noah et moi nous empressons de mettre avant de remettre notre tête dans l'eau.
L'eau limpide sur un sol de sable et quelques gros rochers nous donnent l'occasion d'y voir des groupes de poissons et ça me met dans une joie folle. De temps en temps je jette des regards à Noah qui parait aussi absorbé que moi dans sa plongée et ça me réchauffe le cœur. J'en viens à espérer qu'il ne regrette pas trop de m'avoir accompagné.
Le soir après avoir dîner, nous nous retrouvons Noah et moi au bord de l'eau avec le bruit des vagues sur la coque et je ne peux empêcher mon sourire de quitter mes lèvres.
- Tu as l'air heureuse, murmure-t-il en me serrant contre lui.
Appuyé contre son torse, enroulé dans un grand plaid, nous observons le soleil terminer sa longue course pour venir s'immerger dans la mer.
- Comment ne pas l'être, j'ai tout ce que je souhaite. Un super copain, ma mère et en plus pour couronner le tout, je suis en méditerranée sur un magnifique bateau ! Avoue, tu aurais pu imaginer ça toi ?
Il pouffe et j'observe ses lèvres charnues s'entrouvrir avant qu'il ne me réponde.
- J'avoue que ça dépasse toutes mes espérances de l'année, mais avec toi je crois que je vais devoir m'habituer aux surprises n'est-ce pas ? rigole-t-il de sa voix grave.
Je lui souris et il répond à mon sourire en renforçant un peu son étreinte autour de moi.
- Tu as pu parler un peu à ta mère ? finit-il par demander.
- Pas énormément, elle évite certaines questions, je crois que quand on se posera dans le prochain port, je partirai faire les courses avec elle pour qu'elle n'ait pas un endroit où fuir. - --- -
- Bonne idée parce que bon, tout ça c'est vraiment cool mais on ne va pas pouvoir rester pour toujours.
- Je le sais Noah, je le sais que trop bien mais je ne sais pas comment faire pour qu'elle décide de quitter tout ça.
Il fait la moue et par-dessus le plaid je remarque qu'il se met à tourner l'anneau autour de son doigt, signe qu'il est nerveux.
- Je t'avoue que vu la façon dont tu me l'as décrite et le bonheur qu'elle a l'air de vivre ici, je ne sais pas trop ce qu'on va pouvoir faire pour ça. Mais bon iris c'est ta mère, elle ne pourra tout simplement pas te laisser partir comme ça, non ?
Je soupire et hausse les épaules.
- Je l'espère vraiment mais avec elle je suis prête à toute éventualité.
Noah s'allonge sur le lit double de la deuxième cabine pendant que j'ouvre mon sac pour chercher mes médicaments. J'ouvre toutes les pochettes et mon sang se glace quand je ne trouve rien. J'étais pourtant certaine de les avoir rangé dans la première poche pour être sur de les retrouver.
- Ça va tu les vois ? me demande-t-il en se mettant sur les coudes pour m'observer.
Il a l'air si détendu aujourd'hui, ça fait longtemps que je ne lui ai pas vu un air si serein et je ne veux pas tout gâcher maintenant. Nous nous sommes disputés tant de fois ces dernières semaines que cet instant de répit remplit de douceur est trop important.
- Oui oui, deux minutes, j'ai un peu trop de bordel, je rigole pour cacher mon anxiété.
J'ai déjà bien trop souvent oublié de prendre mes médocs avec toute l'agitation de la préparation de notre départ et mon médecin m'a bien dit que rater deux prises avait déjà un effet significatif sur le traitement.
Je crois me souvenir qu'hier soir quand nous étions sur l'aire de repos, j'ai pris mes cachets et les ai rangé dans la boite à gant pour être sure de ne rater aucune prise. Enfin je pense plutôt les avoir ranger mais je n'en suis pas sure à cent pour cent. J'étais tellement spider que tout me semble flou.
Je me retrouve en mer et je suis sure qu'on ne va pas passer tout de suite par Marseille. Pour le coup, j'ai vraiment bien foiré.
Je sens le regard de Noah sur moi alors je fais semblant d'apporter quelque chose à ma bouche et je bois ensuite une grande gorgée d'eau de ma bouteille. Je fais ensuite semblant de ranger la boite dans une pochette puis me tourne vers lui. Il parait encore plus détendu maintenant qu'il pense que j'ai pris mes médicaments et je m'en veux de lui mentir. Il s'allonge de tout son long en soupirant et ouvre les bras pour que je vienne le rejoindre.
Je crains vraiment comme petite copine mais je le connais, il s'inquiète tellement pour moi qu'il serait prêt à aller dans la cabine de Nolan et ma mère pour leur demander de faire demi-tour illico. Hors si je veux convaincre ma mère de rentrer avec nous, il me faut plus de temps.
Cela fait plusieurs jours que nous sommes en mer, Nolan apprend à Noah les bases de la navigation ce qui a l'air de le ravir. Les deux semblent bien s'entendre et ils papotent bien ce qui m'étonne. Noah est plutôt du genre timide et je ne sais pas comment Nolan a réussi à décoincer ce petit côté chez lui en si peu de temps. En tout cas, grâce à lui j'en ai appris davantage sur le nouveau compagnon de ma mère.
Apparemment ils se sont rencontré dans un bar près de la marina alors qu'il fêtait son retour d'une croisée qui a duré plus de deux mois. Je ne sais pas pourquoi mais ça ne m'étonne même pas que ma mère ait réussi à mettre le grappin sur un tel spécimen au vu du tempérament séducteur que peut nous donner notre problème de santé. Mais ça ne m'arrange pas vraiment. Apparemment ils sont déjà ensemble depuis plus de huit mois ce qui pour une femme anciennement mariée n'est pas grand-chose mais la connaissant elle et son coté d'éternelle insatisfaite c'est assez surprenant.
Le soir, Nolan ouvre une bonne bouteille de vin et nous dînons. Ma mère nous a préparé pour nous trois du poisson que Nolan péchait pendant que mon petit copain végétarien regardait d'une œil dubitatif. Celui-ci se retrouve donc à manger une omelette mais ça n'a pas l'air de le déranger.
- Alors qu'est-ce que tu fais dans la vie Noah ?
Il parait tout à coup un peu nerveux et il frotte ses mains contre son short.
- Je vais à l'école et je fais de la musique.
Le regard de ma mère se met à briller, les artistes elle aime ça, je le sais très bien, il vient de marquer un point. De plus comme il va à l'école, c'est qu'il est intelligent alors là c'est le combo gagnant.
- Tu joues de quel instrument ?
- Eh bien plusieurs, je fais de la guitare acoustique et électrique, de la basse et du piano.
- Sans compter le ukélélé, il m'a appris à en jouer d'ailleurs, je dis en lui souriant, ce qu'il me rend immédiatement grâce aux bons souvenirs que nous nous sommes donnés lors de mes séances d'apprentissage.
- C'est chouette ça ! Et toi Iris tu dessines encore ? Tu ne dois pas avoir beaucoup de temps à l'université non ?
Mon ventre se tord. L'université ? C'est vrai que normalement je devrai y être mais le truc c'est qu'elle n'a pas calculé le fait que son départ m'a fait vivre un enfer et que j'ai complètement foiré. Mais ça, je n'ai pas envie qu'elle le sache surtout que pour elle, les études ont toujours été très importantes. Si je lui disais que moi qui était une si bonne élève a passé mon temps à la chercher à la place d'aller en cours, elle serait surement fâchée.
- Hum c'est clair qu'avec l'unnif je suis bien occupé mais j'essaie tout de même de trouver le temps nécessaire. Je suis dans groupe d'art maintenant.
- L'unnif ? demande Noah surpris.
Je lui fais un regard implorant tandis qu'il fronce les sourcils, chose que ma mère n'a pas l'air de remarquer à mon grand soulagement.
- C'est bien, je suis fière de toi. Qu'est ce que tu fais comme études ?
- Je suis en romane, comme toi à l'époque, je mens en souriant.
Noah parait à deux doigts de la crise de nerfs mais il se retient et je note mentalement de le remercier plus tard. En réalité je ne sais pas vraiment ce que je cherche en mentant de la sorte. Je veux juste que ma mère soit fière de moi, qu'elle me regarde avec l'œil brillant comme avant quand je lui rapportais toutes mes bonnes notes. Quelle gamine.
- Si tu nous jouais un petit quelque chose, je crois que j'ai amené ma guitare, dit finalement Nolan en ayant surement capté l'attention de mon copain.
Celui-çi soupire puis hoche la tête. Il ne dirait jamais non si on lui met un instrument entre les mains mais je vois bien qu'il est toujours agacé par mon mensonge. Nolan s'en va dans la cabine et en ressort quelques secondes plus tard avec ladite guitare.
Noah se met à faire un petit air et à chantonner. Comme toujours je suis sous le charme même si je me rends bien compte qu'il n'y met pas tout cœur. Pendant qu'il chante, je le vois froncer les sourcils. Ma mère allume une cigarette ce qui a l'air de le mettre assez mal à l'aise. Quand elle me voit louché sur son paquet, elle lève un sourcil.
- Tu en veux une ? me demande-t-elle à ma grande stupeur et Noah arrête de jouer.
Je suis partagé entre ma grande envie de fumer qui m'a reprise il y a quelques jours et le fait de me faire bien voir mais la tentation est trop grande.
Je m'apprête à tendre le bras pour en attraper une quand Noah me stoppe en agrippant mon poignet de sa main forte.
- Iris tu as arrêté non ? Est ce vraiment une bonne idée ?
Je fronce les sourcils et hausse les épaules me retenant de rouler les yeux.
- Allez Noah c'est pas une clope qui va la tuer, rigole ma mère.
Il se tourne vers elle et secoue la tête.
- Vous êtes sérieuse ?! Vous incitez votre propre fille à fumer mais vous êtes pas bien ou quoi ?
Ma mère prend sa remarque à la rigolade ce qui parait encore exacerber la colère de mon copain.
- Ne te fâche pas Noah, j'en fumerai qu'une.
- Ouais c'est ça, vous êtes totalement inconsciente toutes les deux, s'énerve-t-il.
Ma mère n'a tout à coups plus l'air de trouver cela très marrant, elle a du capter qu'il est sérieux.
- Ecoute moi Noah, tu as l'air gentil mais ma fille est libre, elle ne se laissera dicter sa conduite par personne alors si ça ne te plait pas on peut toujours te ramener au port demain en faisant notre escale.
Je suis si surprise par la dureté de ses mots que je ne réagis pas. Noah lui par contre part au quart de tour. Comme quoi il commence à prendre confiance en lui.
- Très bien, alors ramenez-nous à Marseille Iris et moi ! De toute façon ce n'est pas comme si Iris allait vous suivre dans vos croisières insensées jusqu'à la fin de sa vie !
Ma mère se tait mais un petit sourire naît sur ses lèvres tandis qu'elle aspire une bouffée remplie de nicotine. Noah me jette un coup d'œil espérant surement que je me mette de son coté mais j'en suis totalement incapable. J'ai trop peur de la réaction que pourrait avoir ma mère si je venais à dire que je m'en allais. Me laisserait elle partir comme si de rien n'était ? Non, je ne pourrai pas laisser ça arriver. La perdre une fois a été tellement dur que je ne pense pas que j'y survivrai une seconde fois.
Voyant que je n'interviens pas, Noah secoue la tête, déçu et s'en va vers la cabine.
- Je suis désolé, je murmure au couple qui me regarde curieux.
Ma mère se lève et me prend dans ses bras.
- Il est un peu sur les nerfs ton Noah non ?
-Je ne sais pas pourquoi, je mens encore.
- En tout cas ne le laisse pas décider pour toi, nous ne sommes pas des femmes libres pour rien.
J'acquiesce légèrement déstabilisé.
- Allez va le rejoindre, il n'avait pas l'air de très bonne humeur ce soir, dit-elle avant de me relâcher pour que je le suive.
Elle a dit ça comme si il râlait souvent et qu'il décidait souvent pour moi et ça m'agace un peu. Elle ne le connait pas, Noah est le garçon le plus gentil que je connaisse. Il ne fait que vouloir mon bien et elle devrait s'en rendre compte. Surtout que Noah n'avait pas tort, quelle mère propose une clope à sa fille ?
Je retrouve Noah allongé sur notre lit, les bras croisés sous sa nuque.
- Alors tu es heureuse ? C'est de cette vie que tu rêves ?
- Ne réagis pas de cette manière Noah, elle ne voulait pas mal faire en m'offrant une cigarette, j'en suis sure, je murmure en me posant contre lui.
- Oh moi aussi je ne pense pas qu'elle voulait mal faire et c'est justement ce qui me fait le plus peur. Tu te rends compte que ça va bientôt faire cinq jours que nous naviguons et que tu n'as toujours pas trouvé le courage de lui parler sincèrement ?
- Je sais mais ce n'est pas facile. Elle est très douée pour être évasive.
- Un peu trop peut-être.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Je sais pas mais je ne la sens pas. Elle parait un peu trop gentille avec toi, c'est louche.
- C'est ma mère, comment voudrais tu qu'elle soit ?! je demande agacée en m'éloignant un peu pour voir son visage dans la pénombre.
Il parait bien trop sévère et ça m'angoisse, j'ai besoin de son soutient sinon je ne sais pas comment je ferai.
- Franchement j'en ai aucune idée mais ça fait un an qu'elle vous a abandonné et elle fait comme si de rien n'était.
- C'est peut être justement le but, vivre comme si nous avions toujours été ensemble ?
- Pourquoi es-tu si naïve Iris ? Elle vous a abandonné, de manière totalement égoïste alors tu crois vraiment que maintenant, d'un coup, elle va se soucier de toi et devenir une mère responsable ?
Je secoue la tête, en colère car je sais bien qu'il n'a pas tort mais je ne veux pas l'admettre.
- De toute façon tu ne la connais pas, je grogne comme une enfant.
Il m'observe attentivement puis se relève et prend mon visage entre ses deux mains.
- C'est vrai que je ne la connais pas mais toi je te connais et je sais que si elle t'abandonne encore, ça te brisera alors je t'en supplie, fais attention. Je ne veux pas que tu changes juste pour lui plaire car tu as peur qu'elle s'en aille.
Ne sachant quoi dire, je l'embrasse. Je suis persuadé qu'il sait que c'est une façon de ne pas avoir à lui répondre mais il ne m'en empêche pas et me retourne mon baiser avec plus de passion.
Le lendemain , nous accostons dans le père de la Ciotat pour que ma mère aille faire des courses et je mets mon plan à exécution. Je la suis et nous partons à pieds faire les magasins en laissant les deux hommes enrouler correctement les voiles.
- Alors ça fait combien de temps que tu es avec Noah ?
Je m'attendais un peu à ce qu'elle me pose cette question, je me demandais juste quand elle le ferait.
- Hum un mois, bientôt deux.
- C'est assez nouveau comme relation, murmure-t-elle en me souriant et je ne sais pas pourquoi mais je n'aime pas trop le ton avec lequel elle vient de le dire.
Bien que je ne sois pas une grande fan des débordements d'amour, je prends mon courage à deux mains pour lui faire comprendre que je tiens à lui.
- Je l'aime, il m'a beaucoup aidée cette année quand je n'allais pas bien.
- Pourquoi tu n'allais pas bien ?
Je me tourne vers elle en haussant un sourcil. À son avis ?
- Eh bien après ton départ, j'ai appris que j'avais le même problème que toi.
Elle parait surprise.
- Quel problème ?
- Eh bien je suis atteinte d'un trouble bipolaire comme toi.
Elle grimace et secoue la tête.
- Tu sais iris, ce n'est un problème que si tu décides que s'en est un.
- Pardon ?
Elle est sérieuse ? Ça ne lui fait rien de plus d'apprendre que je suis malade ? Elle m'a refilé son foutu problème qui me gâche la vie depuis maintenant plus d'un an et j' ai droit à une réponse aussi conne ? Je n'espérais pas qu'elle se mette à pleurer en me prenant dans ses bras mais un peu de réconfort ou de compréhension ne m'aurait pas dérangé.
- Eh bien moi je me suis rendue compte que vivre au grand air loin du stress de la vie quotidienne m'aidait à ne plus avoir de crises.
- Oui mais maman ce n'est pas possible de vivre comme ça pour toujours.
Elle hausse les épaules.
- Et pourquoi pas ? Nolan a beaucoup d'argent.
- Je croyais qu'on était des femmes libres ? Tu ne veux tout de même pas vivre pour toujours aux crochets de quelqu'un ?
- Pourquoi pas si ça m'évite d'être malade.
Je souffle, ça s'annonce plus compliqué que prévu. Je savais qu'elle était égoïste, comme l'a dit Noah, elle ne serait pas partie sinon, mais là, voir la réalité en face, ça fait mal.
- Donc c'est pour ça que tu nous as laissé papa et moi ?
Elle soupire.
- Voilà donc le moment où je dois te répondre. Je t'ai laissé du temps pour t'y préparer.
Elle hoche la tête et son regard se fait plus triste.
- Pour être honnête, j'ai agi sur un coup de tête. Je crois qu'à l'époque je devais être en épisode maniaque. Il a duré longtemps, plusieurs mois et après cela j'étais tellement en dessous de tout que je n'ai tout simplement pas osé revenir.
- Tout simplement ?
Elle fait la moue.
- Ce n'est peut-être pas le meilleur terme.
- Je ne pense pas.
- Enfin bon, je m'en suis énormément voulu et comme je l'ai écrit dans la lettre, vous me manquiez horriblement ton père et toi mais je ne savais pas comment arriver à nouveau à être la personne que vous attendiez que je sois.
- C'est-à-dire ?
- Une femme, une mère. Tout ça me semblait impossible à l'époque car je ne savais plus comment être moi.
Je secoue la tête, légèrement déçue de sa réponse. Mais d'un autre côté, qu'est-ce que j'attendais réellement. Qu'elle me dise qu'elle avait eu un accident et que c'était pour ça qu'elle avait été séparé de nous pendant près d'un an ? On n'est pas dans un film Iris, ce genre de chose n'arrive pas comme ça. Au moins, elle me dit la vérité et ça, la connaissant, c'est déjà bien.
- Mais j'ai changé maintenant Iris, je me sens beaucoup mieux. Je me sens d'être à nouveau ta maman.
Étrangement ces mots ne me font pas plaisir. J'ai souhaité les entendre si souvent qu'ils me paraissent maintenant bien normaux et sans aucun sens.
- Tu serais prête à rentrer avec Noah et moi en Belgique ?
Elle fait une drôle de tête et la secoue.
- Non, je veux que tu restes avec moi Iris. Que tu viennes vivre avec moi.
- Quoi ? je m'étrangle de surprise.
- Je compte partir et je ne veux plus le faire sans toi.
- Mais je ne peux pas, j'ai ma vie en Belgique, j'ai papa et Noah.
Un air peiné vient se dessiner sur son visage et elle soupire.
- Je n'espérais pas devoir dire ça mais regarde la réalité en face Iris. Tu dis toi-même qu'il t'a bien aidé cette année mais quelles ont été les conséquences pour lui ? Il est plus jeune que toi n'est-ce pas ?
- Oui il a dix-sept ans.
- Imagine un peu ce que ça doit être pour un jeune comme lui de gérer sa petite amie malade.
- Il se débrouille très bien, je marmonne tout en ne voyant pas où elle veut en venir.
- Pendant combien de temps encore ? Quand il se rendra compte en grandissant que le stress te fera retomber, tu crois qu'il sera aussi patient ? Il a l'air d'être un gentil garçon mais dieu seul sait les conneries que notre maladie peut nous donner envie de faire. Penses-tu sincèrement qu'il arrivera à rester intact à cause de votre relation ?
- Eh bien je l'y aiderai. Je me soigne justement pour que le pire n'arrive pas.
- Et tu vas me dire que ça n'arrive jamais de rater ton traitement ?
Je pince les lèvres en pensant justement à ma boite de cachets que je pense avoir oublié dans la voiture mais je ne le lui dis pas.
- Dans tous les cas, je suis sure qu'il arrivera à le supporter parce qu'on s'aime.
Un sourire triste apparaît sur ses lèvres.
- C'est bien beau et c'est également ce que je pensais de ton père mais regarde où ça nous a menés ?
- Ce n'est pas lui qui a fui maman.
- Non c'est vrai mais tu ne connais pas toute l'histoire. Les choses n'allaient plus bien entre nous depuis des mois quand je suis partie. Je voyais que trop bien à quel point ma maladie le détruisait. Tu ne te souviens pas qu'il passait sa vie à travailler, pourquoi à ton avis ? Parce qu'il me fuyait.
Je me souviens en effet que papa ne rentrait pas souvent à la maison avant son départ mais je n'ai jamais percuté que ça pouvait avoir un rapport avec elle. Mon père avait l'air de tellement l'aimer et au vu du mal qu'il a à retirer son alliance je sais que c'est toujours le cas.
- Tu sais Iris, parfois c'est justement parce que tu aimes quelqu'un qu'il faut le protéger de soi.
- Je ne pourrai tout simplement pas me séparer de lui.
- Mais lui finira peut être par le faire et à ce moment, tu te retrouveras seule. Tu nous aura perdus tous les deux.
- Pourquoi me demandes tu de choisir ?!
- Je fais ça car je sais très bien comment se terminent les histoires d'amour des malades comme nous. Elles finissent mal et si tu aimes vraiment ton petit copain, tu le protégeras de toutes les souffrances que tu pourrais lui causer.
Je me remémore la soirée d'halloween et la douleur que j'ai aperçue dans ses yeux quand je l'ai revu. Il avait l'air de tellement souffrir de la façon dont j'avais réagi, j'ai détesté son regard à ce moment là car à cause de lui je m'en voulais encore plus.
- Pense à lui Iris, pense à son avenir, ne sois pas égoïste comme je l'ai été avec ton père, murmure-t-elle ce qui vient déposer un souffle glacial dans mon cœur.
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