Chapitre 3: Je veux jouer
Allyson
Comme quoi les mots n'étaient pas vraiment nécessaires pour communiquer. Meredith et moi nous connaissions depuis quoi ? Dix minutes si je comptais notre première rencontre devant le portail ? Dix minutes et je sentais déjà une sorte de connexion se créer entre nous. Je suis sûre qu'elle l'avait senti aussi.
« Je compte sur vous pour l'aider à s'intégrer, continua François, Prends place Meredith. »
À part la mienne, toutes les tables occupées avaient déjà des binômes. Ma vie entière est un putain de cliché ! Donc, puisque cela était tellement prévisible, elle s'avança vers moi d'un pas léger. Ses cheveux se balançaient, à chacun de ses pas, comme s'ils dansaient. Après avoir parcouru toute la salle jusqu'au fond, là où j'étais assise, elle posa ses deux mains sur ma table pour s'y appuyer, pencha légèrement la tête sur le côté et me demanda : « La place est prise ? » avec un sourire en coin charmeur et plein de malice qui fit accélérer mon cœur. Ce dernier n'était pas non plus épargné ni par sa voix de velours ni ses yeux. Je fis non de la tête et l'invitai à prendre un siège.
« Allyson, me présentai-je, Tout le monde m'appelle Ally.
Je lui tendis une main qu'elle serra, toujours avec ce même sourire... Sa main était tiède et douce, quoiqu'un peu sèche.
— Enchantée. »
Ça pour être enchantée, t'en as bien l'air... Maintenant que tout le monde était assis, François pût enfin commencer son cours. J'adorais vraiment la littérature, mais ce jour-là la distraction fut également de la partie, je m'étais surprise à souvent tourner la tête vers Meredith. Celle-ci semblait d'ailleurs un peu intriguée, pour ne pas dire intimidée par l'air morose et taciturne de François. Je vis là une occasion de lancer un sujet de conversation. Je me penchai légèrement vers son oreille et chuchotai :
« Ne te laisse pas avoir par son air sévère, c'est un des profs les plus cools de tout ce lycée. Par contre, il fera ce qu'il faut si tu le cherches.
— D'accord, je vois le genre, répondit-elle, je sais qu'on ne l'a que deux fois par semaine, mais il y a autre chose que je devrais savoir à son sujet ?
— Il n'est jamais à l'heure et a tendance à ne pas trop suivre le programme concernant les livres à lire, pour notre plus grand bonheur. Toutefois, on n'échappera pas à Madame Bovary cette année, malheureusement... chuchotai-je.
— Merde, lâcha-t-elle à voix basse, autre chose ?
— J'ai déjà fumé de l'herbe avec lui, mais ça, je te raconterai une autre fois. »
On commença à pouffer dans notre coin en négligeant un peu la discrétion. Évidemment, François nous entendit. Oups.
« Ally et Meredith, je suis ravi que vous vous entendiez, mais c'est devant que ça se passe. » nous réprimanda-t-il gentiment.
Finalement, nous commençâmes vraiment à écouter le cours, enfin, du moins Meredith le fît, en ce qui me concernait, je sentis que j'aurais du mal. Notre conversation n'avait rien à voir avec l'espèce de connexion qui s'était déjà créée entre nous, mais ce qui était sûr, c'est qu'elle ne pouvait pas nier qu'il y en avait une. Je l'avais compris depuis ce clin d'œil devant le portail. Je ne sais pas à quel jeu tu joues, mais tu as déjà lancé la partie, et ça tombe bien, je suis d'humeur joueuse. J'attends qu'on fixe les règles. Je n'aimais pas beaucoup les jeux dans les relations avec les autres, mais quand nous y jouions ensemble, et de la bonne façon, j'avoue que j'y prenais énormément de plaisir. Notre jeu, à Meredith et moi, avait commencé ce matin devant le portail de l'école, et j'entendais bien le faire durer. Et vu que c'est Meredith qui avait lancé la partie, je ne pense pas qu'elle dirait le contraire de son côté. Est-ce que ça sentait le plan cul ? A débattre.
J'étais tellement enfouie dans mes pensées que je ne m'étais même pas aperçue que nos mains se touchaient presque. Encore un centimètre sur la gauche et... Non, mauvaise idée, elle allait peut-être me croire bizarre... Je ramassai ma main dans ma poche et entrepris d'écrire au moins la date et la matière scolaire concernée sur ma feuille de cours. Histoire d'être un peu sérieuse, je pris quelques notes, mais ma concentration me jouait des tours... Comme par réflexe, je tournai la tête vers Meredith et vis qu'elle me regardait. Depuis combien de temps ? Aucune idée. Mais je ne trouvais pas cela bizarre, de toutes façons, je crois que j'aurais fait pareil pour elle, parce que bon dieu ce qu'elle était attirante. Nous étions à présent les yeux dans les yeux, aucune de nous ne détournait le regard. Elle parce que cela avait l'air de faire partie de son bon plaisir, cela faisait partie du mien aussi, mais pour moi, c'était surtout parce que son regard foudroyait le mien à chaque fois qu'il le croisait. Elle a les yeux revol... Concentre-toi. Je me sentis dans l'incapacité la plus totale de regarder autre part. Si cela faisait partie du jeu, je ne trouvais pas cela fair-play, car elle pouvait détourner les yeux quand bon lui semblait et pas moi. Mais bon, j'étais un peu masochiste aussi.
Le discours que François tenait en face de nous m'était presque inaudible, c'était comme s'il n'était même pas présent. J'aurais aimé que la cloche sonne, cela m'aurait donné une raison d'arrêter de regarder, avec un air hypnotisé, cette belle ensorceleuse. Je ne saurais décrire avec quelle force et à quelle vitesse mon cœur battait en ce moment. Ma respiration n'était pas aussi rapide et rythmée que ce petit garnement qui s'agitait dans ma poitrine, ce qui me donna l'air plus ou moins normale devant Meredith. Cette dernière cessa enfin cette douce torture par le regard. Elle déchira silencieusement un bout de papier et y griffonna ces mots à une vitesse grand V : « Retrouve-moi près du portail à la fin des cours. XOXO » J'aimais beaucoup ce petit « XOXO ». J'avais de plus en plus chaud, au point qu'à un moment, je fus obligée de faire signe à une camarade d'ouvrir les fenêtres. La camarade en question me regarda avec une tête très interrogative, car j'avais plus froid que chaud d'habitude. Je passai une main sur ma figure afin de vérifier si je transpirais. Mon visage était sec, mais je ne pouvais pas en dire autant de mes sous-vêtements... Le sang me monta aux joues, ce qui les fit virer du blanc-farine au rose-pivoine. Bien sûr, Meredith m'avait cramée, autrement cela aurait été beaucoup trop facile pour moi. D'ailleurs, quel était l'intérêt à ce cela soit facile ? Les challenges étaient justement ce qui mettait un peu de piment dans mon quotidien. La cloche qui annonçait la fin du cours me tira de ma rêverie avec une aisance digne de celle d'un professionnel. Meredith et moi nous levâmes en même temps. Après qu'elle eut rangé ses affaires dans son sac un peu défoncé, elle me demanda d'une voix timide :
« Dis, est-ce que ça te gêne que je fasse le chemin avec toi jusqu'aux autres salles ? C'est que je ne connais pas du tout l'endroit...
— Pas du tout, la rassurai-je, je pourrai même te faire visiter un peu. »
Elle me répondit par un sourire, le même sourire en coin charmeur qu'elle m'avait lancé plus tôt dans la salle de classe. Mes joues prirent quasi instantanément cette teinte écarlate que je redoutais. Meredith écarta une mèche rebelle qui s'était incrustée devant l'un de mes yeux. Le contact de ses doigts sur mon front me fît vibrer, un simple toucher de sa part eut le pouvoir de me faire décoller du sol. Elle passa ensuite sa main dans mes cheveux coupés à la garçonne, une fois, deux fois, histoire de les redresser un peu. Quand elle eut fini, elle admira son œuvre et hocha la tête en me lançant un regard qui disait : « C'est beaucoup mieux comme ça. » Nous sortîmes de la salle. Toutes les autres filles de la classe nous attendaient dans le couloir. C'est parti pour l'avalanche de questions.
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