PDV d'Amber :

-Il est mort, répète Anna, il est mort.

Et sans même qu'on puisse lui en demander plus, elle s'effondre en pleurs. Nathan et moi la serrons contre nous tandis que ses sanglots continuent. Ses larmes semblent intarissables. Et durant ce laps de temps, l'angoisse me gagne : qui est mort ? Est-ce Noah ? Un étau de glace me compresse la poitrine à cette pensée. Non, Noah ne peut pas être mort, il ne peut pas mourir. Je rejette cette pensée aussi fortement que je le peux.

Il faut quelques minutes à Anna pour qu'elle reprenne contenance. Après cela, elle nous regarde un à un et prend une de nos mains.

-Aujourd'hui, Noah a été attaqué.

Je retiens mon souffle à cet instant.

-Je vous passe les détails, reprend-elle mais finalement, il a été défié par Merias. Un combat à mort. Noah a gagné le combat.

-Bien fait pour l'autre ! S'exclame Nathan.

-Mais alors qui est mort ?

Je demande à Anna, une grande appréhension dans la voix. Car il s'est bien passé quelque chose par la suite.

-Jordan. Elle étouffe un sanglot avant de poursuivre. Il a voulu tuer Noah. Mais John s'est interposé et...

Elle termine sa phrase ans un nouveau sanglot.

Ainsi John est mort.

Un sentiment d'horreur et de tristesse me balaie en même temps. D'horreur pour la mort atroce de ce jeune garçon que, bien que je ne lui aie pas beaucoup parlé cette année, je le connaissais à travers les souvenirs que Noah me partageait. Mais malgré moi, un certain soulagement accompagné de culpabilité m'envahit en sachant que Noah est vivant.

-Comment va Noah ? Je ne peux m'empêcher de demander.

-Il est stable. Il s'est évanoui juste après à cause de ses blessures et se fait soigner à l'instant même. Il ne se réveillera sûrement pas avant demain, voire plus.

Mon soulagement est alors de courte durée. Tout d'abord car je pense à Noah à son réveil qui, se rendra compte que son meilleur ami n'est plus. Celui qu'il considérait comme son frère. Je sais à quel point leur amitié était forte, et je la comprends d'autant mieux quand j'entends les histoires sur ses légendes. Aujourd'hui, parmi les trois, il n'en reste qu'un. Je sais d'avance que Noah, à son réveil, ne sera plus jamais le même. Cette perte l'anéantira, je le sens.

Quelques jours plus tard, Anna débarque et nous demande de la suivre. Nous empruntons le couloir qui mène à notre cellule. Nous dépassons plusieurs cellules sombres, dont une petite salle de bain avant d'arriver face à une énorme porte. Anna toque quatre fois avant qu'on ne lui ouvre. Celle-ci nous emmène dans un sas composé de trois portes blindées. Sur le côté, un homme immense au visage menaçant nous dévisage avant d'acquiescer. Une porte électrique semble lui répondre puisqu'un tintement sonore se fait alors entendre avant qu'une porte dissimulée sur la droite ne s'ouvre.

Nous empruntons alors cette porte, prenons les escaliers et arrivons face à une autre porte : deux gardes la tiennent cette fois-ci. Ils acquiescent en voyant Anna et l'un d'eux ouvre la porte. Nous débarquons ensuite dans un couloir éclairé. Je remarque alors que le deuxième garde nous suit. Nous remontons le couloir jusqu'à atteindre un salon. Bien que comportant peu de meubles, il est assez confortable avec des tons chauds évoquant une main féminine. Quiconque entrerait ici penserait qu'il s'agit d'une charmante maison de vacances. Si seulement...

Nous sortons de la maison, et la vue du soleil me brûle la rétine. Cela fait plusieurs jours, ou semaines, que je ne l'ai pas vu et ma peau se réchauffe à ce contact. Lorsque mes yeux s'habituent à cette luminosité, j'aperçois enfin notre prison. Il s'agit en réalité d'une grande cabane en bois qui semble être une sorte de maison de chasse, construit de rondins de bois. On n'imagine certainement pas les cellules qu'on y cache.

-Nous allons prendre la voiture pour aller au manoir, Ivan. Dan, peux-tu nous y conduire.

Un homme de taille moyenne et aux muscles saillants apparaît sur notre droite.

-Bien sûr Anna. Restez-ici je ramène la voiture.

Il contourne la cabane et reviens, moins d'une minute plus tard au volant d'un immense 4x4 noire. Les portes déverrouillées, Anna nous fait signe de monter à l'intérieur. Je jette un coup d'œil à Nathan qui tente un mouvement de recul mais le dénommé Ivan se rapproche de lui d'un air menaçant tandis que deux hommes sortent lentement des fourrées. Nathan secoue imperceptiblement de la tête et entre en premier dans le 4x4. Je le suis à l'arrière tandis qu'Anna prend place à l'avant et Ivan... à mes côtés.

La voiture démarre quelques instants plus tard et nous traversons des sentiers de terres à travers les arbres. Nous sommes dans une forêt ma parole. Et impossible de se repérer car tout se ressemble. Nous croisons plusieurs autres sentiers qui font penser que la cabane où nous étions détenus n'est certainement pas la seule que cette forêt abrite.

Au bout de dix minutes, nous arrivons sur un sentier principal menant tout droit au manoir. La vue m'en bouche un coin. Ce manoir est immense et prend même des allures de château. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi on appelle cela le manoir. Cette construction immense est entourée de dépendances rondes ressemblant à des tours. Celles-ci sont reliées au bâtiment principal par des passerelles vitrées. Les murs formés de je ne sais quel matériau sont noirs comme le charbon. Le tout donnant un aspect lugubre sous le soleil brillant dans le ciel. Seuls les contours des portes et des fenêtres sont blancs.

Dan se gare dans la cour devant le château-manoir. Plusieurs voitures sont garées dans cette cour qui doit aussi faire office de parking je présume. Plusieurs gardes surveillent la cour : lunettes de soleil, armes à la ceinture et visage sombre, la panoplie du parfait garde du corps. Anna sort de la voiture et nous ouvre la portière. Ivan sort le premier puis nous attend devant la portière. Nathan sort de l'autre côté de la voiture et Anna nous fais signe de la suivre.

Elle ne se dirige pas vers la porte immense en bois sculpté ébène, au contraire, elle se dirige vers la dépendance tour ouest. Elle nous fait entrer et nous emmène directement à l'étage. Cette tour que je pensais petite, s'avère en fait bien plus grande. A l'étage, un couloir vitré se dirige vers la passerelle vitrée menant au bâtiment principal. Cette passerelle mène directement à l'étage. Celui-ci surplombe le hall immense où se trouve la grande porte.

Emportée par Anna qui longe le palier, je n'ai pas le temps d'admirer le hall, seulement de noter quelques détails comme l'immensité de la taille de la pièce et du nombre conséquent de personnes dans le hall. Ils semblent tous très occupés.

-Ils préparent les hommages à John ainsi que tous les autres membres que nous avons perdus, dit Anna comme si elle avait lu dans mes pensées. Ces hommages auront lieu ce soir. Et demain aura lieu le couronnement de Noah.

-Quand le verrons-nous ?

-Vous le verrez ce soir, me répond Anna. Vous serez libérés demain matin. On vous déposera à LA.

-Et le procès ?

-Tu discuteras de cela avec Noah.

Elle n'en dit pas plus car nous arrivons dans les chambres qui nous ont été attribuées jusqu'à demain. La chambre de Nathan est juste face à la mienne. Anna nous explique que nous ne devons sortir de notre chambre sous aucun prétexte. Elle n'avait pas besoin de nous dire, les deux gorilles surveillant nos portes étant assez dissuasifs. Une salle de bain personnelle est à notre disposition dans chaque chambre ainsi que nos affaires, et une tenue pour l'hommage de ce soir.

Anna s'en va en nous disant que le repas arrivera dans une demi-heure et que nous pouvons prendre une bonne douche en attendant. Je n'hésite pas deux secondes quand la porte se ferme avant de sauter dans la douche. On ne refuse jamais une bonne douche chaude. Je profite de cette douche pour faire un point de la situation.

En effet, Anna nous a apprit que Noah s'était réveillée deux jours après le dernier combat et qu'il n'avait pas dit grand-chose. Il avait juste préparé les hommages, la cérémonie de l'héritage et ma libération. Je me souviendrai toujours du regard que m'a lancé Anna en me parlant de lui : Noah avait changé, totalement. Elle m'a prévenu, je ne retrouverai sûrement jamais le Noah que j'avais connu. Et cela me faisait peur.

Deux heures plus tard, quelqu'un toque à ma porte. En ouvrant, je découvre Nathan habillé d'un costume gris sur une chemise rayé blanche et noir.

-Waouh, je m'exclame, je t'ai rarement vu aussi habillé ! Mais ça te va bien.

-Toi aussi tu n'es pas mal, me dit-il en souriant.

On avait déposé sur mon lit, une jolie robe moulante grise toute simple m'arrivant aux cuisses. 

-Merci. Pourquoi du gris et pas du noir ?

-La coutume dit que tant que la mafia ne sera pas détruite, le noir ne convient pas, et comme le blanc est symbole de pureté, ils ont choisi un entre-deux.

-D'accord.

C'est là que je remarque une femme portant un tailleur gris qui nous attend.

-Si vous voulez bien me suivre.

Sa voix douce tranche avec son regard sombre. Elle nous tourne le dos et prend la direction du couloir par lequel nous étions venus tout à l'heure. Mais au lieu de tourner à droite vers le hall, elle prend la gauche. Nous descendons les escaliers et traversons plusieurs salles avant d'arriver dans une espèce d'amphithéâtre remplis d'hommes et de femmes.

Une petite estrade tapisse tout un mur sur lequel une photo de John et de six autres personnes sont affichées. Devant l'estrade, des lignées et des lignées de chaises sont installées, la majorité occupée. Il doit bien y avoir plus d'une centaine de chaises.

Anna nous rejoint et nous emmène vers les chaises du fond à droite. Je tente d'entrapercevoir Noah mais malgré tous les efforts que je déploie, je n'arrive pas à le voir. Anna me fait signe de m'assoir, tandis que Nathan salut quelques connaissances à lui. Au bout de quelques minutes, la salle est remplie et un homme monte sur l'estrade. La cinquantaine bien entamée, celui-ci est de taille moyenne, les cheveux poivre-sel accompagnés d'une petite barbe. Il porte un costume trois-pièces gris foncé presque noir, et son regard sombre scrute la salle.

A son arrivée, les bruits s'estompent jusqu'à entendre un silence de mort. Même les respirations semblent s'être coupées. Il se place au centre de l'estrade et sans micro, commence à parler.